Le problème de la ressource en eau industrielle à l’usine FOGAUTOLUBE de MYENNES (Nièvre) et sa solution...
par
Edmond CHAUSSEBOURG
Directeur à la Société GEOSERVICES-HYDROLOGIE
et
Bernard ANGELI
Docteur en Hydrogéologie appliquée, Ingénieur à la Société GEOSERVICES-HYDROLOGIE
Nul n’ignore que l’eau est un élément indispensable au fonctionnement de tout établissement industriel de quelque importance. Ce que beaucoup savent moins, c’est la place que peut prendre le problème de l’eau dans une usine. Les industriels eux-mêmes n’étaient pas, jusqu’à ces dernières années, particulièrement sensibilisés à l’aspect technique de ce problème et encore moins à ses conséquences économiques.
Et pourtant, si certaines industries de transformation ne consomment que l’eau nécessaire aux besoins sanitaires de leur personnel, pour beaucoup d’autres l’eau est un fluide fondamental, rigoureusement indispensable à l’activité de l’établissement. À défaut de ce fluide il n’y a même plus, pour certains, de fabrications possibles.
Ceci est le cas de l’usine FOGAUTOLUBE dans la Nièvre, pour laquelle le problème de l’eau a été très près de conduire à l’arrêt complet de son activité, avec toutes les conséquences techniques, financières, sociales et commerciales que cela peut comporter.
Implantée en bordure de Loire, sur la rive droite, au nord de l’agglomération de MYENNES, c’est-à-dire à quelques kilomètres en aval de COSNE-SUR-LOIRE, dans la Nièvre, l’usine de la Société FOGAUTOLUBE est la plus importante usine entre NEVERS et MONTARGIS.
Elle emploie environ 750 personnes et sa vocation est de fabriquer des accessoires d’équipement pour l’industrie automobile, plus particulièrement pour les garages et les stations-services. Son activité est donc principalement orientée vers la mécanique générale et la transformation des métaux, traitement de surfaces y compris.
Du fait même de sa construction en bordure de la Loire, on serait tenté de penser que l’approvisionnement en eau de cette usine ne posait pas de problème, étant donné la proximité d’une ressource aussi abondante. Mais ce serait bien mal connaître notre « Fleuve Royal » que de porter un tel jugement.
Tous les riverains, villes et industriels connaissent bien les difficultés qu’il y a à trouver dans les ressources de ce fleuve un gisement aquifère fiable, quantitativement et qualitativement. Satisfaire à l’un des aspects du problème n’est pas forcément résoudre le second. Or, contrairement à une idée répandue, l’industrie ne s’accommode pas de n’importe quelle qualité d’eau, même pour des refroidissements.
GENESE DU PROBLÈME
À sa création en 1945, l’usine FOGAUTOLUBE était alimentée par deux puits dont le débit s’est révélé rapidement insuffisant. Pour assurer sa production, l’entreprise s’est alors dotée d’un pompage dans un étang situé entre l’usine et la Loire, étang qui n’était en fait qu’une excavation dans les alluvions, et dont l’alimentation était à l’évidence en prise directe avec le fleuve. L’eau prélevée y était d’ailleurs chargée de matières en suspension et turbide. En été, ces phénomènes s’accentuaient considérablement du fait de développement d’algues. Cette ressource présentait de graves inconvénients.
Utilisée sans filtration, l’eau provoquait des arrêts fréquents et inadmissibles des soudeuses à haute fréquence refroidies à l’eau, situation qui nécessitait 2 à 3 heures par jour de nettoyages et de débouchages. La même eau passée sur filtres provoquait des colmatages rapides et incontrôlés tout à fait incompatibles avec une fourniture d’eau en continu, sauf à disposer d’importantes quantités de stockage. Certes les besoins n’étaient pas très importants : 300 à 400 m³/jour, à l’époque, soit 30 à 40 m³/heure. Encore fallait-il en disposer.
Pour remédier à cette situation, FOGAUTOLUBE chercha à s’orienter vers une ressource qualitativement plus intéressante et quantitativement plus fiable. L’étang subissait en effet des fluctuations de niveau qui rendaient sa production aléatoire en période d’étiage. Or la présence de la Loire permettait de penser que sur l’importante superficie de l’usine il devrait être possible d’établir un captage suffisamment performant pour résoudre tous les problèmes à la fois.
En septembre 1974 un ancien puits domestique qui existait sur le site était surcreusé. Profond à l’origine de 4 mètres, il était approfondi jusqu’à 10 mètres et équipé sur 3 mètres d’une colonne de captage de 400 mm dans la partie de sables et graviers la plus intéressante. Un essai de débit de 48 h montrait une production potentielle de 20 m³/h, largement inférieure aux besoins. Un second ouvrage était alors créé à 50 mètres de la Loire jusqu’à 15 mètres de profondeur et équipé lui aussi en 400 mm. Son débit atteignait cette fois aux essais 110 m³/h, ce qui satisfaisait amplement aux besoins.
Mis en service aussitôt, les deux ouvrages devaient malheureusement se révéler rapidement inexploitables. On observait en effet sur l’eau exhaurée des troubles importants qui rendaient très vite cette eau difficile à utiliser aux débits nécessaires (forte coloration jaune et précipités importants dans les conduites de distribution).
Géologie du site
- Alluvions récentes
- Alluvions anciennes
- Crail
- Sables de la Puisaye
- Argiles de …
- Grès ferrugineux
- Calcaires à spatangues
- Portlandien calcaire
- Kimméridgien calcaires marneux
Analysées, ces eaux révélaient des teneurs en fer et en manganèse relativement élevées, entre 0,6 et 0,8 mg/l de Mn et 2,2 à 2,8 mg/l de Fe. Seuls des pompages à débits réduits montraient une atténuation des valeurs de ces deux éléments indésirables et permettaient d’utiliser tant bien que mal un peu de cette ressource indispensable.
L’installation fonctionna à ce rythme réduit jusqu’à l’été 1975, époque à laquelle les niveaux commencèrent à donner des signes précurseurs inquiétants pour la pérennité de la productivité des ouvrages. Il convenait alors, par précaution, d’envisager la création d’un troisième point d’eau avant que les deux premiers ne soient complètement défaillants. C’est là qu’apparaît le problème : où trouver le point d’eau qui répondrait au triple souhait de quantité, de qualité et de pérennité ?
À LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION
Les précédentes implantations d’ouvrages avaient été effectuées à partir de considérations pratiques — n’ayant rien à voir avec l’hydrogéologie, ce qui est très souvent le cas lors d’une recherche d’eau par les industriels eux-mêmes. Dans le cas présent les succès tout relatifs de ces tentatives de recherche n’incitaient guère la Direction de l’usine à renouveler l’expérience une troisième fois.
Parmi trois solutions possibles : réseau public, eau de surface et eau souterraine, seule cette dernière était envisageable.
Le réseau public n’était pas raccordé à l'usine, et de toute façon incapable d’assurer le débit demandé. Quant aux eaux de surface, en l’occurrence la Loire, le traitement à mettre en place et à gérer était bien trop onéreux si l’on tient compte de la potabilité assurée à partir de cette eau. Donc seule une ressource basée sur les nappes souterraines était en mesure de résoudre le problème.
Il restait bien entendu à trouver le point de captage adéquat. Forer au hasard était à l'évidence se lancer dans des investissements non contrôlables et indéterminés. Faire une étude hydrogéologique préalable paraissait alors la solution la plus logique, mais le résultat n’était en rien assuré et les aléas n’étaient pas de toute façon couverts.
C'est alors que FOGAUTOLUBE décida de consulter des spécialistes de la recherche et de la production d’eau souterraine en leur demandant une intervention avec garantie de résultat. Après étude du problème et, tout de même, de sérieuses hésitations en raison de difficultés prévisibles, GEOSERVICES-HYDROLOGIE donna son accord pour prendre en charge les risques d'une recherche d'eau et garantir l'obtention d'un débit minimum de 60 m³/h, et ceci pour un prix forfaitaire déterminé, donc connu de FOGAUTOLUBE avant les travaux.
CADRE GÉOLOGIQUE
La région dans laquelle se situe l'usine FOGAUTOLUBE appartient à l'auréole sédimentaire du Bassin Parisien constituée par la limite Crétacé-Jurassique.
Deux failles de direction approximative nord-sud et parallèles à la vallée de la Loire enserrent cette dernière et créent un compartiment effondré entre elles. Si, à l'extérieur de ces failles, le Jurassique supérieur (Portlandien et Kimméridgien) affleure, au centre les formations du Crétacé inférieur, prisonnières dans leur compartiment abaissé, sont observables en dehors des zones de recouvrement par les alluvions du fleuve. Directement sous l'usine, comme sous les lits mineurs et majeurs de la Loire, ces formations alluviales affleurent. C’est donc tout naturellement celles-ci qui avaient été sollicitées par FOGAUTOLUBE à l’origine du problème.
La carte géologique de Clamecy au 1/80 000, qui demeure le document de synthèse le plus précis dans ce secteur, indique que les « argiles de Myennes » forment le substratum de la zone étudiée. Ce sont des argiles plastiques qui ont été utilisées pour la fabrication de poteries et de tuiles. Sous ces argiles albiennes apparaissent des horizons sablo-argileux du Crétacé inférieur, d’épaisseur très variable et généralement faible, puis les calcaires du Portlandien dont l'épaisseur reconnue par forage est d’environ 45 mètres.
DONNÉES HYDROGÉOLOGIQUES
Les données hydrogéologiques connues avant le début des travaux étaient plus nombreuses que les renseignements géologiques, et leur analyse laissait tout de même quelques chances d’espérer atteindre le but recherché.
En effet, que ce soit dans le Crétacé (forage de Myennes) ou dans les alluvions (captage de l'usine), il apparaissait que des productions intéressantes pouvaient être mises en évidence pour peu que les ouvrages soient techniquement bien conçus et équipés.
Par contre, les calcaires du Jurassique supérieur (Portlandien), d'une cinquantaine de mètres d’épaisseur, étaient connus dans cette région par les échecs exploratoires qu’ils avaient occasionnés.
En fait, le problème dominant était bien la qualité. L'eau de la Loire elle-même n'échappait pas à ce problème puisque, outre la turbidité extrêmement variable, le fer n'est pas absent. En juin 1976, par exemple, il a été mesuré dans l'eau de la Loire 0,63 mg/l de fer à Digoin, 0,52 mg/l à Fourchambault et 0,44 mg/l à Nevers.
On connaissait également la qualité de l'eau pompée dans la nappe des alluvions puisque le captage de l'usine avait montré une présence constante de fer et de manganèse. Quant aux eaux en provenance du Crétacé, il fallait s’attendre à des qualités inégales dues aux variations de faciès des terrains aquifères composant cet étage. La présence d’hydroxyde ferrique abondant au griffon des sources sortant de cet étage n’augurait en tout cas rien de bon.
MÉTHODOLOGIE DE L’INTERVENTION
Le choix d'un objectif partait en définitive de deux constatations :
- — l'eau pompée dans l'aquifère alluvionnaire avait une charge en fer et en manganèse dont l’origine n’avait pas été définie avec précision ;
- — l'eau du réservoir Crétacé se présentait, à l'observation, plus que douteuse quant à ses qualités.
Donc la solution qualitative passait par un aquifère capable de fournir une eau exempte de fer, en l’occurrence le Portlandien. Restait à sortir de cette formation, dont on sait qu’elle n'a pas une porosité de matrice mais une porosité de fissures, le débit nécessaire. Pour cela, une exploration devait être engagée et plusieurs forages productifs envisagés pour résoudre l’alimentation en eau de l’usine à partir des ressources souterraines.
Un premier forage M1 fut donc réalisé en vue de capter les ressources éventuelles du Portlandien, ce qui a nécessité d’aveugler d'une manière étanche toute la partie alluviale et le Crétacé. L'ouvrage a été implanté à une soixantaine de mètres de la Loire et à environ 65 m au nord du puits B de l'usine.
Par construction, il comportait un tube plein de 319/325 mm jusqu'à la cote –25 par rapport au sol, la cimentation étanche ayant été réalisée également depuis la surface jusqu’à cette cote et aveuglant 13 m d’alluvions sableuses et une dizaine de mètres de Cénomanien sablo-argileux à gréseux. Le forage fut ensuite poursuivi sur 33 mètres dans les calcaires du Portlandien, mais se révéla un échec. Malgré une acidification énergique, le débit obtenu ne put en effet excéder 7 m³/h aux essais.
Dans les calcaires, un échec n’est jamais complètement négatif ; c'est pourquoi un second forage identique au premier fut décidé sans hésitation et dans des conditions analogues. Toutefois, compte tenu de la continuité hydrogéologique existant entre les formations du Crétacé et du Portlandien et de l'isolation de ces aquifères par rapport aux alluvions grâce à la présence d’argile, il fut décidé de tenter un captage simultané des deux formations.
En fonction de ce schéma, le tube plein et la cimentation de ce second ouvrage furent arrêtés à 12,5 m de profondeur. Malgré cette tentative, le résultat fut plus décevant qu’au premier forage puisque le débit obtenu fut de l’ordre de quelques m³/h seulement.
La poursuite des travaux dans ces conditions nécessitait à l'évidence une réflexion, car rappelons-le, l'intervention était réalisée à forfait, et tous les échecs
étaient supportés par l'entreprise de recherche et non par FOGAUTOLUBE.
Or dans les deux premiers forages, nous avions observé la constance de l’aquifère alluvial dans ce secteur, dont l’épaisseur pouvait maintenant se vérifier en cinq points (les deux forages et les trois anciens puits). Cette constatation nous conduisit à envisager un troisième forage aux calcaires du Portlandien, mais en captant toute la série, c'est-à-dire alluvions-Crétacé-Portlandien. On pouvait espérer en effet que l’eau des alluvions ne soit pas ferrugineuse partout, et que si le forage était implanté un peu plus à l’écart des autres on obtiendrait des résultats nouveaux.
Le troisième forage fut donc réalisé dans l'angle Sud-Ouest de l’usine. On observa tout d’abord une variation latérale de faciès très sensible des formations du Crétacé, puisque neuf mètres d’argiles séparent sur ce forage les alluvions des calcaires du Portlandien, ce qui nous amena à constituer la colonne de captage d'une partie pleine sur toute la hauteur de ces argiles.
Au cours du forage, effectué au rotary et à la boue, des indices d'eau d'un débit estimé à 10 m³/h environ furent observés, et l'ouvrage se poursuivit dans le Portlandien.
Lors des essais, le débit obtenu sur ce 3ᵉ forage se révéla très satisfaisant puisque des tests de débit de courtes durées montraient une possibilité de pompage de plus de 60 m³/h. Malheureusement, aux essais de longue durée ce débit ne fut pas confirmé, car en régime continu l'ouvrage révélait une production d'eau émulsionnée d’air, indice d’un phénomène de vortex dû à un rabattement important et à une alimentation du forage par la partie supérieure.
Le débit dut être réduit à 17 m³/h pour présenter un niveau dynamique acceptable en exploitation continue. Dans ces conditions, et après les nombreuses vérifications techniques effectuées sur place par l'ingénieur de forage, il apparaissait qu'une fois de plus le Portlandien n’était pas producteur, et que l’alimentation normale de cet ouvrage se faisait par la partie supérieure, au niveau des alluvions. D’ailleurs l'eau captée révélait à l’analyse une teneur en fer de 0,13 mg/l et en manganèse de 0,15 mg/l.
De cette série de forages et d’essais, on pouvait faire deux constatations très utiles :
a) en s’éloignant du secteur précédemment exploré, la qualité de l'eau des alluvions semblait s’améliorer ;
b) les alluvions n’étaient pas homogènes, mais présentaient certains niveaux ayant des faciès rubéfiés colorés de rouille, et ce particulièrement dans les niveaux inférieurs.
Les travaux furent donc interrompus le temps d’exploiter les données techniques recueillies et de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre et aux méthodes à retenir pour continuer l’opération.
LA SOLUTION ENFIN TROUVÉE...
Cette réflexion conduisit également à deux conclusions :
a) après trois échecs successifs dans les calcaires du Portlandien il convenait de ne pas persévérer dans cette voie, car aucune solution logique ne pouvait être envisagée dans cet aquifère dont le champ d’exploration était au demeurant très réduit, puisque limité à la superficie de l'usine ;
b) si la géométrie et la pétrographie des alluvions de la Loire pouvaient être déterminées avec précision dans le secteur de recherche, il paraissait possible de solutionner le problème en concevant un ouvrage spécialement adapté, éliminant les niveaux indésirables et ne retenant que les horizons aquifères intéressants sur le plan qualitatif.
Pour répondre à ce dernier objectif d'exploration des alluvions il fallait choisir une méthode de reconnaissance simple et rapide, adaptée aux alluvions de la Loire dans cette partie de son cours, et surtout permettant l'observation des niveaux stratigraphiques rencontrés.
Il fut donc décidé de choisir une méthode de reconnaissance au battage en petit diamètre permettant d’enfoncer des tiges creuses. Le critère d'avancement permet en effet de reconstituer l’épaisseur de bancs dont la pétrographie se retrouve sous forme de carottes de terrain comprimé à l'intérieur des tubes battus lorsqu'ils sont retirés.
du sol. D’autre part le diamètre de travail permet de descendre éventuellement une colonne crépinée et de procéder ainsi à des tests de pompage.
À l'aide de cette méthode, il fut réalisé 9 sondages, suivant deux coupes transversales à la vallée.
En amont des captages de l'usine, un surcreusement d’environ 1 mètre fut observé dans l'un des sondages de reconnaissance. Si les sables et graviers contenus dans cette coupe étaient de bonne qualité pour constituer un réservoir aquifère convenable, un niveau limonitique apparaissait à la base des alluvions perméables entre les cotes — 6,9 et — 7,1 m par rapport au sol. Le niveau peu épais (20 cm), d'une couleur ocre rouge, était constitué de graviers et sables plus ou moins agglomérés par un ciment naturel rouge ferrugineux.
Au cours du pompage d’essai qui suivit la pose d'une colonne crépinée, l'eau pompée fut analysée sur le terrain afin de disposer de résultats rapides, ce qui permit de constater une teneur en fer de 1 mg/l au départ, se réduisant progressivement à 0,5 mg/l malgré le débit réduit du pompage.
L’épaisseur des formations aquifères noyées était de 5 mètres à cet endroit. Connaissant leur granulométrie et les coupes des ouvrages voisins il apparaissait que le débit recherché pouvait être obtenu sans résoudre pour autant le problème de qualité. C’est pourquoi la réalisation d’un forage d’exploitation implanté à cet endroit devait nécessairement tenir compte du niveau ferrugineux découvert à la base. Aucun débit ne devait transiter par cette formation qu'il convenait de ne pas solliciter sous peine d'avoir des concentrations indésirables de fer dans l'eau pompée.
La réalisation technique du forage M4 a donc été programmée comme suit :
Un tube de diamètre 630/640 mm est posé entre 0 et 3 mètres de profondeur. Après forage au battage et à la soupape dans un diamètre de 850 mm, le tube est cimenté.
Le forage est poursuivi, toujours avec la même méthode en diamètre 600 mm entre — 3 m et — 10 m. La base du forage est donc située à 3,5 mètres en dessous des formations à capter les plus profondes, de manière à descendre une pompe immergée dans le volume ainsi créé.
Une colonne captante de diamètre 300/320 mm est posée. Elle est constituée :
— entre 0 et 3,20 mètres, puis entre 6,20 m et 10 m d’éléments pleins ;— entre 3,20 et 6,20 mètres, de 3 mètres de crépines JOHNSON en acier inoxydable, à ouverture 10/10 de mm.
Dans l'annulaire existant entre les tubages de 300/320 et la paroi, un filtre a été constitué par la mise en place d'un massif de graviers entre 0 et 6,40 m (graviers de Loire roulés de diamètre 3 à 5 mm) puis d'argile entre 6,40 et 7,50 m, et à nouveau de graviers.
De l'argile a donc été posée en face et légèrement en dessous du niveau ferrugineux afin de colmater les arrivées d'eau de cette couche.
Cet ouvrage d'exploitation a été exécuté dans la semaine du 5 au 9 avril 1976. Les essais de débit n'ont été entrepris que le 22, après la période de Pâques.
Commencé à 7 h 45 le 22 avril, le pompage d’essai s’est poursuivi sans interruption jusqu’au 23 à 10 h 15, au débit de 65 m³/h, soit un pompage continu de 26 h 30.
Pendant cet essai des mesures de niveaux ont été prises toutes les heures, de jour comme de nuit afin de suivre l’évolution du niveau dynamique du captage. Par ailleurs les nombreux sondages effectués dans le secteur ont été utilisés comme piézomètres pour vérifier l’influence du pompage sur la nappe. D’un niveau statique mesuré à 3,20 m par rapport au sol, le niveau dynamique en fin de pompage s'est pratiquement stabilisé à 4,37 m, soit un rabattement de 1,17 m.
Sur le plan qualitatif, l'eau s'est révélée ne contenir que 0,05 mg/l de fer, ce qui a confirmé la justesse de la conception du captage et sa bonne exécution.
Intervenant au début de la période de sécheresse exceptionnelle de 1976, ce résultat était d'une importance considérable pour FOGAUTOLUBE, car déjà le manque d’eau commençait à se faire sentir sur l'usine et un chômage technique avait dû être appliqué pendant quelques jours.
Mis en exploitation aussitôt, l'ouvrage devrait permettre à l’usine de passer sans difficulté le cap de cette année de sécheresse si mémorable de 1976. Son utilisation depuis cette date n’a posé aucun problème et l’objectif fixé a été atteint...
CONCLUSION
Nous avons essayé dans cette relation de ne pas trop noyer le lecteur sous des chiffres, des courbes et autres paramètres de calcul en usage dans la profession. Ce qui est important c'est de comprendre que seule la méthodologie employée a permis de conduire l’opération au succès technique.
En effet dans cette forme d’approche globale du problème, chaque échec a apporté sa somme d’informations, permettant à chaque fois d'acquérir une connaissance suffisante du milieu pour progresser jusqu’au résultat. Pris ponctuellement, le problème était insoluble, aussi notre première conclusion sera de dire que la recherche d’eau est avant tout une affaire de spécialistes, même et peut-être surtout quand la solution paraît simple à trouver.
Notre seconde conclusion sera de souligner l'originalité de la méthode utilisée pour résoudre ce problème difficile. Il ne faut pas oublier en effet que l'opération a été réalisée sous garantie, c’est-à-dire qu’à partir du moment où FOGAUTOLUBE a accepté le prix forfaitaire et définitif convenu avant les travaux, ceux-ci se sont déroulés entièrement à notre initiative, sans que l'industriel ait à subir les aléas
et imprévus de la recherche. Seule cette formule d’intervention avec garantie de résultat pouvait permettre :
- — à FOGAUTOLUBE de ne pas prendre de risques dans une affaire technique pour laquelle elle n’avait pas vocation,
- — à notre Société de conduire les travaux à sa guise et selon ses conceptions.
L’expérience a montré que les risques étaient en fait très importants, même pour des spécialistes. Il faut ajouter que, non seulement le débit recherché était contractuellement garanti, mais que cette garantie de débit a été maintenue pendant un an après la mise à disposition du captage.
Le sérieux de ce type d’intervention a permis et doit permettre encore à de nombreux industriels de ne pas se lancer eux-mêmes inconsidérément dans des opérations risquées de recherche d’eau, et de remettre à des spécialistes qui prennent leurs responsabilités le soin de s’engager chaque fois que cela est possible...
E. CHAUSSEBOURG - B. ANGELI