Your browser does not support JavaScript!

Le pompage économique de gros débits à faible hauteur par pompes-hélices

29 mai 1987 Paru dans le N°110 à la page 53 ( mots)
Rédigé par : A. TERRIER

Pompes centrifuge ou pompes-hélice ?

Le domaine d'utilisation des pompes centrifuges est presque universel, qu’il s’agisse de pompes normalisées ou de grosses pompes spéciales (ou encore hélicocentrifuges), imbattables dès que l'on dépasse une hauteur de refoulement de 10 à 12 m ; la figure 1 représente schématiquement le domaine habituellement réservé à ces divers types de pompes. La question se pose lorsque l’on se trouve en dessous de cette limite et que l’on a affaire à des débits s’étageant de 300 à 10 000 m³/h.

Le présent article a pour objet d’examiner ce problème en fonction de ses diverses conditions d’application et d’essayer de le résoudre dans une approche économique prenant en compte divers éléments des coûts d’exploitation.

[Photo : Fig. 1 — Domaines d'utilisation des divers types de pompes.]
[Photo : Fig. 2 — Schéma des deux types de pompes.]

Deux conceptions de pompes

Rappelons tout d’abord sommairement le principe des deux systèmes (figure 2) :

— dans la pompe centrifuge, l'impulseur radial imprime au liquide une vitesse tangentielle constante, laquelle, dans le « colimaçon » se transforme en pression presque indépendante du débit. Une hauteur de refoulement très faible conduit ainsi à un excès de débit, de fortes pertes de charge réduisant la pression initiale ;

— dans la pompe-hélice, les pales de l’impulseur axial agissent en ailes d’avion : la différence entre débit réel et débit engendré se traduit par un angle d’incidence auquel la « portance » de la pale, c’est-à-dire la pression fournie par l’impulseur, est proportionnelle.

La variation de l’angle d’incidence des pales réagit très fortement sur la hauteur de refoulement sans entraîner de grosses variations du débit. La marche sous faible hauteur, et donc à faible incidence, est la raison d’être des pompes-hélices.

UN PEU DE TECHNIQUE...

Le pompage classique et ses variantes

Prenons (figure 3) un pompage classique dans le cas le plus fréquent, consistant à relever un débit donné Q d’un bassin ou canal inférieur vers un bassin ou canal supérieur (chacun avec ses variations de niveau Δ Ha et Δ Hr) par une tuyauterie de longueur L.

Les croquis A, B et B’ (figure 3 bis) concernent les variantes applicables au tracé de la tuyauterie, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients ; les divers types et formes de pompes sont situés en 1, 2 et 3 en fonction de leurs exigences particulières.

[Photo : Figures 3 et 3 bis.]

Tracé de la tuyauterie (figures 3 et 3 bis)

La hauteur utile d’élévation, Hu, est celle qui sépare, à un instant donné, le niveau inférieur du niveau supérieur ; on a ainsi : Hu maximum = niveau supérieur maximum — niveau inférieur minimum.

Hu minimum = niveau supérieur minimum — niveau inférieur maximum.

C’est cette hauteur Hu qui justifie le minimum de consommation d’énergie à condition, bien entendu, qu’elle soit elle-même choisie au plus juste ; la hauteur que devra atteindre la pompe, conduisant à la consommation réelle, est plus élevée, selon les choix du tracé et du diamètre de la tuyauterie.

Le tracé A est le plus simple et le plus fréquemment utilisé. Avant toute autre considération, on remarque immédiatement que la pompe doit fournir une hauteur géométrique Hg très nettement supérieure à la hauteur utile Hu, du fait de la situation de la tuyauterie au-dessus du niveau maximum de refoulement et de l’impossibilité de bénéficier de la baisse de ce niveau. La différence Hg — Hu révèle un premier gaspillage d’énergie.

Le tracé B peut être a priori considéré comme une amélioration du précédent : refoulant en dessous du niveau minimum, on bénéficie de l’égalité Hg = Hu, mais il faut prévoir un clapet de non-retour placé, suivant le type de pompe, soit au pied (CP) soit en « nez » (CN) et dont la perte de charge contrarie l’économie envisagée. Cette solution sera choisie lorsque la variation de niveau ∆ Hr sera supérieure à la perte de charge du clapet.

Le tracé B’ constitue une solution intermédiaire, intéressante pour les pompes à turbine noyée (donc sans clapet) permettant, par siphon amorcé, de bénéficier des avantages de la solution B (Hg = Hu), sans perte de charge de clapet, à condition de prévoir les accessoires nécessaires au désamorçage du siphon à l’arrêt, et dans le cas de la pompe-hélice, de dimensionner le moteur pour fonctionner temporairement à la hauteur géométrique de la solution A pendant l’amorçage.

Formes et dispositions des pompes

La solution 1 représente une pompe située hors de l’eau, aspirant dans le bassin inférieur et nécessitant pour l’amorçage préalable et le non-retour, un clapet de pied bien étanche ; une telle pompe sera du type centrifuge en raison de l’inaptitude des pompes-hélices à l’aspiration en dépression.

Les solutions 2 et 3 représentent des pompes à turbine noyée dans le bassin inférieur ; elles ne nécessitent pas de clapet de pied, le clapet de nez éventuel ne dépendant que du tracé de la tuyauterie. Il peut s’agir comme nous le verrons plus loin, soit d’une pompe centrifuge, soit d’une pompe-hélice ou axiale. Les variantes 2 et 3 diffèrent par l’entraînement de la turbine noyée :

— solution 2 = moteur hors de l’eau, avec deux possibilités :

© ligne d’arbre et paliers dans le liquide, pour toute valeur de ∆ Ha ;

© formule compacte : turbine sur arbre prolongé du moteur sans palier dans le liquide, limitée aux valeurs de ∆ Ha relativement faibles ;

— solution 3, à moteur immergé, formule compacte avec turbine, soit du type centrifuge, soit du type hélice.

Le dimensionnement de la pompe

Outre son débit, la pompe est définie par sa hauteur manométrique totale H (en mètres) qui correspond à la somme des facteurs suivants :

— la hauteur géométrique Hg (Hg > Hu selon le cas), — la perte de charge Zt de la tuyauterie, — la perte de charge Zr dans les accessoires (clapets et vannes éventuels, cônes de raccordement), — la dynamique de sortie : Hs = Vs²/2g.

On a donc : H = Hg + Zt + Zr + Vs²/2g.

La valeur de Hg a été commentée ci-dessus.

La valeur de Zt, pour un débit donné, est considérablement influencée par le diamètre de la tuyauterie (D) :

Zt = k Vt² L/D où Vt = vitesse dans la tuyauterie = K₁Q/D²

soit Zt = k₁k₂ Q² L/D⁵

Pour un débit, une nature et une longueur de tuyauterie donnés, la perte de charge, constituant un second gaspillage d’énergie, est donc inversement proportionnelle à la cinquième puissance du diamètre de la tuyauterie, avec les conséquences suivantes :

— majorer de 20 % le diamètre divise la perte de charge par 2,5 ; — doubler le diamètre divise la perte de charge par 32.

La valeur de Zr est liée à celle de Zt et peut être ramenée à une équivalence de longueur s’ajoutant à L ; elle est nulle toutes les fois que l’on peut éviter la présence d’un clapet (variantes 2 ou 3 et B ou B’) et celle d’une vanne (exclue pour les pompes-hélices).

La valeur de la dynamique de sortie est liée, dans le même sens, au choix du diamètre D. Elle est en outre fortement réduite, dans la solution B’, par un divergent de récupération avec vitesse de sortie V's < Vs.

Rendement intrinsèque de l’installation

La puissance fournie par la pompe : Pp = Q.H/367 kW, est à comparer à la puissance utile : Pu = Q.Hu/367 kW. Le rendement intrinsèque de l’installation est alors :

ηᵢ = Pu/Pp = Hu/H = Hu/(Hg + Zt + Zr + V²/2g)

Dans une installation de pompage à basse hauteur, considérée comme à peu près bien dimensionnée, on peut avoir par exemple :

Hu = 1,50 m
Zt + Zr = 1,50 m
Hg = 2,50 m
Vs²/2g = 0,50 m
soit ηᵢ = 1,5/(2,5 + 1,5 + 0,5) = 0,33

Il est généralement aisé de ramener ces chiffres à :

Hg = Hu = 1,50 m,
Zt + Zr = 0,50 m,
V²/2g = 0,20 m
soit ηᵢ = 1,5/(1,5 + 0,5 + 0,2) = 0,68

d’où l’importance primordiale de concevoir l’installation avant de s’intéresser au rendement des machines, lequel est généralement satisfaisant, à savoir :

— 0,75 à 0,85 pour les pompes centrifuges à leur optimum, mais seulement 0,65 à 0,75 en marche réelle sur faible hauteur (on le voit plus loin) ;

— 0,60 à 0,75 pour les pompes-hélices, aisément utilisées à leur optimum dans le cas qui nous intéresse ;

— 0,85 à 0,95 pour les moteurs, selon leur puissance.

Graphiques de fonctionnement

Du fait des variations de niveau, les conditions de marche de la pompe varient ; on les obtient par la méthode graphique (figure 4) par les intersections :

— de la caractéristique (a) de la pompe : hauteur fournie en fonction du débit ;

[Photo : Fig. 4 — Graphiques de fonctionnement des pompes centrifuges et à hélice, — avec les courbes caractéristiques (b) de l'installation : hauteur nécessaire en fonction du débit, parabole représentant la fonction : H nécessaire = Hg + KQ² pour les différentes valeurs de Hg. Ces graphiques sont complétés par les courbes de puissance absorbée (C). Les allures de toutes ces courbes diffèrent suivant le type de pompe en entraînant des réactions très différentes aux variations des conditions d’exploitation (réactions étudiées et commentées plus loin). Pour faciliter les comparaisons, les graphiques de la pompe centrifuge et de la pompe-hélice sont tracés à la même échelle. De plus, elles correspondent aux exemples retenus pour la comparaison économique finale.]

COMPARAISON TECHNIQUE ENTRE POMPES CENTRIFUGES ET POMPES-HÉLICES

Nous effectuerons une comparaison entre les deux types de pompes à la lumière des graphiques de la figure 4.

Pompes centrifuges

Pour rester dans un dimensionnement raisonnable et pour des raisons commerciales évidentes (avec des vitesses de rotation de 1 450 et à la rigueur de 970 t/min) elles fournissent, pour les gros débits, des pressions fortement excédentaires par rapport au cas qui nous occupe. Même avec une tuyauterie à faible perte de charge, telle que celle qui sera retenue pour une pompe-hélice, on relève sur la courbe b₁ que le point de fonctionnement M₁ se situerait hors de la zone utile de la courbe a, entraînant cavitation et mauvais rendement, et P₁ sur la partie haute de la courbe de puissance (C) malgré la tentative de fonctionner à faible hauteur.

Il est alors possible et nécessaire d’adopter une tuyauterie de diamètre plus faible absorbant, par sa perte de charge (courbe b₂) l'excédent de pression fournie, transformé en gaspillage d’énergie (points M₂ et P₂). En cas d’augmentation de la hauteur géométrique Hg la courbe b₂ se déplace en b’₂ avec réduction du débit Q, augmentation de la hauteur H, sans réduction de la puissance absorbée (P’₂ ≠ P₂).

Il résulte en définitive de l'examen des courbes que dans une pompe centrifuge c’est le débit qui conditionne la puissance absorbée, d’où résulte la tendance habituelle de se limiter à un débit inférieur au débit souhaitable.

Pompes-hélices

Grâce à leur parfaite adaptation aux faibles hauteurs, il est possible et recommandé de rechercher l’économie d’énergie par la réduction des diverses composantes de la H.M.T., comme exposé ci-dessus, et en particulier de réduire la perte de charge de la tuyauterie par le choix d’un diamètre suffisant, d’où la courbe b₁ coupant la courbe a en M₁ avec rappel en P₁ sur la courbe de puissance C (valeur très inférieure aux puissances P₂ et P’₂ de la pompe centrifuge).

Les courbes a et c chutent rapidement en fonction du débit, dans leurs valeurs relatives :

— hauteur dans le rapport de 5 à 1 (zone utile de la courbe), contre celui de 15 à 8 pour la pompe centrifuge ;

— puissances dans le rapport de 12 à 5, contre une faible variation en sens inverse pour la pompe centrifuge.

En cas d’augmentation de la hauteur géométrique Hg, la courbe b₁ se déplace en b’₁ avec réduction du débit, avec forte augmentation relative de la H.M.T. en M’₁, et augmentation corrélative de la puissance en P’₁. Pour des raisons d’économie d’énergie et de prix, le moteur est dimensionné pour couvrir la partie utile de la courbe, avec une puissance nettement inférieure à la puissance absorbée pour les faibles débits ; il n’est donc pas possible de régler le débit d'une pompe-hélice par l'emploi d’une vanne d’étranglement : on procède le cas échéant en utilisant un by-pass ou mieux en réduisant la vitesse de rotation.

On peut donc conclure en observant que dans une pompe-hélice c’est surtout la hauteur qui conditionne la puissance absorbée : il est donc aisé d’obtenir le débit souhaité sans être pénalisé par la consommation d’énergie.

[Photo : Pompe-hélice compacte Stéfi à moteur hors de l'eau.]
[Photo : Pompe-hélice compacte Stéfi à moteur immergé.]

COMPARAISON ÉCONOMIQUE

Nous procéderons à une comparaison économique entre les deux types de pompes à partir de l’exemple ci-après :

  • débit à pomper : Q = 700 m³/h (valeur commune aux domaines des pompes centrifuges et des pompes-hélices) ;
  • hauteur utile : Hu = 1,20 m ;
  • tracé de tuyauterie : A (figure 1) ;
  • hauteur géométrique : Hg = 1,60 m ;
  • longueur de tuyauterie : 100 m avec 4 coudes.
CENTRIFUGE HÉLICE
Caractéristiques des pompes
diamètre de la tuyauterie (Dn) ............. 250 mm 350 mm
clapet de pied ............................. 1 mm néant
vanne de réglage ........................... 1 mm néant
hauteur géométrique ......................... 1,60 m 1,60 m
perte de charge et dynamique ............... 5,80 m 1,20 m
H.M.T. ..................................... 7,40 m 2,80 m
puissance absorbée sur arbre ............... 22 kW 8 kW
puissance du moteur ........................ 25 kW 11 kW
consommation par m³ pompé ................. 0,035 kWh/m³ 0,013 kWh/m³
Investissements
motopompe .................................. 40 000 F 45 000 F
robinetterie ............................... 8 000 F néant
tuyauterie acier – achat ................... 18 000 F 28 000 F
      pose .......... 17 000 F 20 000 F
Total ....................................... 83 000 F 93 000 F

Coûts annuels globaux

Ils sont déterminés selon les hypothèses suivantes :

  • amortissement de l'investissement en 4 ans — taux de crédit : 10 à 12 % ;
  • prix du kWh = (base du tarif vert industriel) :
    • heures de pointe ................. 1,50 F le kWh (4 h/jour sur 3 mois) ;
    • heures normales ................... 0,75 F (12 ou 16 h/j) ;
    • heures creuses .................... 0,35 F (8 h/j).

L'incidence des autres coûts accessoires mineurs, considérée comme identique pour les deux solutions, n’est pas prise en considération.

Les coûts annuels peuvent ainsi être évalués de la façon suivante, sur la base de trois hypothèses :

HYPOTHÈSES POMPE
CENTRIFUGE (en F) HÉLICE (en F)
Marche continue : 24 h par jour, 365 j/an
— amortissement et intérêts .............. 26 000 29 000
— consommation annuelle .................. 140 000 52 000
Total ...................................... 166 000 81 000
Marche 12 h par jour, en heures creuses et le solde en heures normales
— amortissement et intérêts .............. 26 000 29 000
— consommation annuelle .................. 52 000 19 500
Total ...................................... 78 000 48 500
Marche 8 h par jour, en heures creuses
— amortissement et intérêts .............. 26 000 29 000
— consommation annuelle .................. 24 700 9 200
Total ...................................... 50 700 38 200

(1) Tous les prix de cette étude sont donnés H.T.

L’analyse ci-dessus montre, dans le cas considéré, et selon des hypothèses valables dans la plupart des situations, l’incontestable avantage économique global de l’emploi de la pompe-hélice dans les pompages à faible hauteur. Cet avantage, écrasant dans le cas de marche continue (puisque la dépense annuelle est de moins de la moitié), reste encore très appréciable en cas de marche limitée aux heures creuses, tout au long de l’année. Seule une marche peu fréquente, voire occasionnelle, justifierait de se laisser tenter par le coût, légèrement plus faible à l’achat, de la pompe centrifuge et de sa tuyauterie.

Le cas faisant l'objet de cette analyse a été choisi au centre du domaine de débit commun aux deux types de pompes. Pour des débits plus importants, l'avantage de la pompe-hélice s’affirme encore plus jusqu'à conduire à l'élimination de la pompe centrifuge, du seul fait de son prix d’achat. Pour des débits plus faibles, la pompe-hélice reste intéressante dans le cas de hauteurs particulièrement faibles et de temps d’exploitation importants.

Enfin, du fait de la variété des problèmes et des situations, il est évident qu'une analyse comparative de ce genre sera utilement effectuée dans chaque cas particulier.

CONCLUSION

Le pompage des gros débits à faible hauteur est une spécialité très particulière qu'il convient de traiter par une approche adaptée, si l’on recherche, comme c’est indispensable, le moindre coût global des systèmes à utiliser.

Si la pompe centrifuge peut, sans trop de risques, être plus ou moins bien adaptée à l'ensemble, la pompe-hélice au contraire, qui permet de substantielles économies d’énergie, doit former avec l’installation un ensemble homogène étudié en collaboration par le constructeur et son partenaire, qu'il soit concepteur, installateur ou utilisateur.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements