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Le peroxyde d'hydrogène, champion de la destruction des polluants organiques

30 mai 1995 Paru dans le N°182 à la page 50 ( mots)
Rédigé par : Nicolas-de ROFFIGNAC, Lysette PLANT et Martin JEFF

Depuis quelques années, les industriels ont sans cesse cherché de nouvelles technologies de traitement des eaux usées afin de satisfaire aux contraintes de plus en plus strictes qui pèsent sur les rejets. Pour ce qui concerne les substances organiques, la réglementation impose le développement de nouvelles techniques de dépollution des effluents, et parfois remet en cause certains traitements chimiques existants. Pendant des années, les ingénieurs se sont reposés sur quelques procédés bien connus pour traiter les effluents. Quelques uns de ces procédés sont décrits ci-dessous. Mais récemment, le peroxyde d'hydrogène est apparu comme une alternative réaliste et permettant de réduire les défauts et imperfections des méthodes traditionnelles.

Les procédés classiques

Le transfert de phase consiste à séparer physiquement les polluants de l’effluent liquide, principalement par l’absorption à l’air ou à la vapeur, ou par des charbons actifs. Cette méthode permet bien de séparer les polluants de l’effluent liquide, mais ne les élimine pas pour autant. Le problème s’est donc reporté sur un autre support où la pollution est plus concentrée, et qui doit donc être traitée dans un second temps.

Pour ce qui concerne l’absorption par les charbons actifs, les substances organiques sont transférées depuis la phase liquide vers un solide potentiellement dangereux, ou se retrouvent en phase gazeuse après la régénération des charbons. Dans les deux cas, cet effluent secondaire demande un traitement approprié, souvent par oxydation thermique ou catalytique. De la même manière, les absorptions à l’air ou à la vapeur engendrent un effluent où la pollution organique est davantage concentrée, et qui doit être traité.

Le traitement biologique permet de résoudre efficacement un grand nombre de problèmes de pollution, spécialement lorsque les volumes sont importants et la pollution légère. Ce type de traitement se heurte également à des limitations. Dans certaines industries par exemple, les polluants organiques sont toxiques pour les micro-organismes censés les détruire ; même en choisissant les bactéries, l’efficacité du traitement peut varier dans de larges proportions, surtout si la composition de l’effluent est elle-même sujette à des variations dans le temps. Dans ces situations, il n’est pas rare que des polluants passent tels quels à travers le système. Un second traitement est alors nécessaire pour ramener l’effluent dans les limites tolérées avant son rejet ; le coût total en est naturellement affecté. Les sols contaminés, les lagunes, ou même les réservoirs de taille importante sont parfois si grands que l’oxygène ne peut pas atteindre le système en assez grande concentration pour permettre le traitement biologique aérobie.

L’oxydation thermique ou catalytique, l’incinération, est souvent la meilleure méthode pour éliminer les petits volumes d’effluents très pollués. Cependant, ces installations sont d’un coût élevé tant en investissements qu’en exploitation, en raison de la consommation d’énergie nécessaire à une marche plus ou moins continue.

L’oxydation chimique est utilisée lorsque le traitement biologique se révèle inefficace. Les réactifs mis en œuvre pour oxyder les effluents chargés de polluants organiques sont généralement le chlore, l’ozone, le permanganate de potassium ou le peroxyde d’hydrogène. Cette oxydation chimique permet parfois de préparer un effluent avant son traitement biologique. Chacun de ces produits chimiques présente ses forces et ses faiblesses (tableau I) :

  • – Le chlore est un oxydant puissant et bon marché ; cependant, le traitement au chlore n’est pas sélectif et demande souvent des doses importantes. Le chlore peut réagir avec certaines espèces présentes pour former des substances organochlorées indésirables.
  • – Le permanganate de potassium, oxy-
H2O2  
+ Fe2+  + UV  + 2 O3  
OH + OH + Fe3+  2 OH + 3 O2  

Réaction de Fenton  Couplage peroxyde/UV  Couplage peroxyde/ozone

Procédés d’oxydation avancés (AOP)

[Photo : L’utilisation des procédés d’oxydation avancés permet de produire des radicaux hydroxyles susceptibles d’attaquer des substances polluantes réfractaires à d’autres types de traitements.]

dant puissant et cher, est efficace dans une large fourchette de pH. Cependant, cette poudre est difficile à manipuler et ajoute du manganèse dans le système, qui se retrouve ultérieurement sous forme de dioxyde de manganèse.

• L’ozone, autre oxydant puissant, est un gaz difficile à manipuler, toxique et instable, se transformant rapidement en oxygène. Il doit donc être produit sur site, ce qui impose des installations très consommatrices d’énergie.

• L’oxygène est un oxydant assez faible demandant des investissements importants ; dans certains cas, il peut néanmoins se révéler économique à l’usage.

• Le peroxyde d’hydrogène est considéré comme un oxydant polyvalent, adapté à de nombreuses situations, qui peut être appliqué soit directement soit avec un catalyseur. Sans catalyseur, il est parfois inefficace ; lorsque le catalyseur est le fer, il produit alors des boues supplémentaires qu’il faut éliminer.

Injection directe de peroxyde d’hydrogène

Le peroxyde d’hydrogène est utilisé directement et sans catalyseur dans un grand nombre de cas, comme par exemple dans l’oxydation des composés soufrés, des cyanures et des dérivés chlorés. Dans le cas de certaines substances organiques, telles que les aldéhydes ou des composés organiques nitrés ou soufrés, un traitement direct par le peroxyde d’hydrogène donne de bons résultats.

Les produits organiques nitrés sont oxydés rapidement par le peroxyde d’hydrogène en milieu alcalin et à température élevée. De même, les organiques soufrés comme les mercaptans, les disulfures, les sulfures organiques, etc. sont également oxydés, dans des conditions variables de température, de pH et de dosages respectifs.

L’oxydation des aldéhydes synthétise les acides correspondants ; par exemple, le formaldéhyde est détruit en acide formique par le peroxyde d’hydrogène. Ce type de réaction est rapide en milieu alcalin, mais est trop lent en milieu neutre ou acide pour être mis en œuvre pratiquement.

Les procédés d’oxydation avancés (AOP)

À chaque fois qu’elle est possible, l’utilisation directe du peroxyde d’hydrogène est facile, économique et ne demande que peu d’investissements. Dans les autres cas cependant, l’efficacité du peroxyde d’hydrogène impose l’usage d’un activateur comme le fer (réactif de Fenton), les rayons ultraviolets ou l’ozone. L’objectif de ces procédés est de dépasser les simples réactions d’oxydoréduction pour profiter de l’activité spectaculaire des radicaux hydroxyles (OH), l’une des espèces chimiques les plus réactives.

La réaction de Fenton

Alors que les amines et les aldéhydes sont bien oxydées directement par le peroxyde d’hydrogène, le traitement de la plupart des polluants organiques nécessite de disposer d’un pouvoir oxydant du niveau de celui des radicaux hydroxyles. Le moyen le plus simple de créer ces radicaux est de catalyser la décomposition du peroxyde d’hydrogène par le fer ferreux : le peroxyde se décompose en un ion hydroxyde et un radical hydroxyle, et le fer passe de l’état ferreux à l’état ferrique.

Le radical hydroxyle OH constitue une espèce transitoire, active contre un grand nombre de polluants organiques comme le phénol, le crésol, les chloro-, dichloro- et trichlorophénols, le benzène et l’aniline, présents à des concentrations allant de la ppb à quelques %. Le phénol, par exemple, est progressivement décomposé en plusieurs étapes jusqu’au dioxyde de carbone grâce à la réaction de Fenton. Les principaux paramètres déterminant cette réaction sont bien connus : pH, temps de contact, température, concentration du peroxyde d’hydrogène et concentration en fer. Le pH optimum se situe entre 3 et 4, et le pH final s’élève jusqu’à 5. Cependant, l’opération engendrant des substances acides, le pH diminue au fur et à mesure que la réaction progresse. Si le pH initial est supérieur à 5, on court le risque de voir précipiter une partie du fer ajouté sous forme d’hydroxyde ferrique ; le fer consommé sous cette forme ferait perdre son efficacité au système.

En pratique, la réaction de Fenton est réalisée en batch, bien qu’un traitement en continu soit possible. Dans tous les cas, une bonne agitation est indispensable. La réaction a lieu en 30 à 60 minutes, et une fois qu’elle est terminée, le pH est augmenté par ajout de soude caustique afin de précipiter l’hydroxyde ferrique. Ce précipité peut alors être séparé par centrifugation ou…

Tableau I – Potentiel redox de différents oxydants

Espèces Potentiel (volt)
Fluor 3,0
Radical hydroxyle 2,8
Ozone 2,1
Peroxyde d’hydrogène 1,8
Permanganate de potassium 1,7
Acide hypochloreux 1,5
Dioxyde de chlore 1,5
Chlore 1,4
Oxygène 1,2

Certains systèmes de traitement des effluents par le peroxyde d’hydrogène sont basés sur la production de radicaux hydroxyles. Ceux-ci figurent parmi les oxydants les plus puissants, et leur potentiel est plus élevé que la plupart des réactifs chimiques utilisés dans le traitement de l’eau.

filtration, puis recyclé en l’acidifiant de nouveau. Une installation complète comporte donc des stockages et des pompes doseuses pour le peroxyde d’hydrogène, du sulfate ferreux, de l'acide (acide sulfurique, par exemple) et de la soude caustique.

Le peroxyde d’hydrogène utilisé dans la réaction de Fenton est une source économique de radicaux hydroxyles, mettant en œuvre des réactifs faciles à manipuler. Cette méthode détruit un grand nombre de substances organiques sans former de sous-produits toxiques ; elle est efficace avec des concentrations très variables, et les investissements limités qu’elle réclame la rendent applicable à des opérations ponctuelles de dépollution.

La combinaison peroxyde d’hydrogène/UV

Les procédés combinant peroxyde et ultraviolets permettent la destruction de la plupart des polluants organiques difficiles, comme les dérivés phénolés, les solvants chlorés ou le benzène. Les équipements commercialisés traitent des volumes parfois très importants, et conviennent bien aux effluents industriels soumis à des contraintes de rejets très strictes.

À des longueurs d’ondes inférieures à 400 nm, les UV réagissent avec le peroxyde d’hydrogène pour former des radicaux hydroxyles, qui attaquent les substances organiques en les transformant en dioxyde de carbone et en eau. En outre, les UV activent certaines molécules organiques et les rendent plus sensibles à l’attaque des radicaux hydroxyles.

Les installations comprennent une chambre d’oxydation, où sont disposées des lampes UV. L’effluent est mélangé au peroxyde d’hydrogène, puis pompé dans la chambre d’oxydation. Il en ressort purifié.

Le couplage peroxyde / UV peut être utilisé comme prétraitement ou post-traitement, en conjonction avec d’autres technologies de dépollution.

Le couplage peroxyde / ozone

Comparable au système peroxyde / UV, le couplage peroxyde / ozone produit des radicaux hydroxyles. Ces systèmes sont parfois appelés “perozone” ou “peroxone”. La molécule d’ozone participe directement aux différentes réactions, et l’on obtient finalement deux radicaux hydroxyles pour une molécule de peroxyde et deux d’ozone.

Contrairement aux systèmes peroxyde / UV qui réclament une bonne transmission des rayons, le couplage peroxyde / ozone n’active pas les molécules avant de les attaquer. Lorsque la turbidité de l’eau change, le couplage peroxyde / ozone permet donc d’obtenir des résultats que l’on ne pourrait pas espérer autrement.

Les réacteurs comprennent normalement une colonne en acier inoxydable, contenant un mécanisme permettant de mélanger l’eau et l’ozone tout en maintenant un flux turbulent. Le peroxyde d’hydrogène est injecté avant l’entrée dans la colonne ; l’ozone est injecté en bas de la colonne. Le flux du liquide peut être à cocourant ou à contrecourant par rapport au gaz. Des lampes UV peuvent parfois être ajoutées dans la colonne pour parfaire la destruction des polluants organiques.

À l'opposé de la réaction de Fenton, le couplage peroxyde / UV produit deux radicaux hydroxyles pour chaque molécule de peroxyde d’hydrogène. Le rendement de la réaction est donc meilleur et, selon les cas, plus économique. Comparé au couplage peroxyde / ozone un système peroxyde / UV forme une source plus sûre et plus économique de radicaux hydroxyles, supprimant en outre tous les risques inhérents à la manipulation des gaz toxiques.

Ces procédés d’oxydation avancée peuvent être utilisés seuls, ou avant ou après d’autres systèmes de traitement selon la complexité des effluents à traiter. Utilisé parallèlement à d’autres techniques, le peroxyde d’hydrogène améliore le rendement global et permet de réduire le coût des traitements.

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