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Le nez de l'homme : un outil essentiel dans la maitrise des nuisances olfactives

30 mai 2007 Paru dans le N°302 à la page 50 ( mots)
Rédigé par : P. DAUTHUILLE, E. SENANTE, V. GUIMET et 6 autres personnes

Une gestion efficace des nuisances olfactives s'appuie sur deux approches complémentaires et incontournables qui doivent être appliquées en parallèle : le savoir-faire technique et la relation avec les riverains. Suez Environnement a développé au sein de ses filiales (Lyonnaise des Eaux, SITA, Degrémont, Terralys) un ensemble d'outils et de savoir-faire pour appliquer cette stratégie globale aux des installations de collecte et de traitement des eaux résiduaires, de valorisation des boues et de gestion de déchets. Cette maîtrise des nuisances olfactives s'appuie sur un outil essentiel : le nez de l'homme.

Les nouveaux défis environnementaux de notre société entraînent la mise en place de traitements de plus en plus sophistiqués des rejets produits. Les installations nécessaires pour les traitements des eaux résiduaires et des déchets, souvent en plein air, peuvent entraîner des émissions d’odeurs qui, si elles ne sont pas maîtrisées, peuvent devenir des nuisances pour les populations riveraines.

Pour améliorer le confort et la satisfaction des riverains et des collectivités, les acteurs des métiers de l’environnement se doivent de maîtriser l’ensemble des risques associés à leurs installations et notamment les nuisances olfactives.

SUEZ Environnement est l’un des principaux leaders mondiaux dans les activités de traitement de l’eau et des déchets avec la

[Photo : Les sources multiples d’odeurs au sein des activités de SUEZ Environnement.]
[Encart : Une nuisance c’est quoi ? Le terme de nuisance désigne une dégradation de l'environnement (bruits, odeurs) ayant pour conséquence de provoquer une gêne et de nuire à la qualité de vie.]

Gestion de plus de 1 700 stations d’épuration des eaux résiduaires, plus de 100 000 km de réseau d’assainissement et 935 sites de traitement et d'exploitation des déchets, dont 170 centres d’enfouissement de déchets et 100 plates-formes de compostage (figure 1).

Pour SUEZ Environnement, la maîtrise des odeurs représente un enjeu majeur sur l'ensemble de ses activités de collecte et de traitement des eaux résiduaires, de valorisation des boues et de gestion des déchets.

Contexte réglementaire

L'environnement a pris une part essentielle dans notre quotidien et dans notre conscience collective se traduisant par une sensibilité croissante aux odeurs des riverains des installations de traitement concernées. Pour répondre à cette sensibilité, le contexte réglementaire dans lequel s'insèrent les problèmes d’odeurs a évolué considérablement ces dernières années pour caractériser et limiter l'empreinte olfactive de ces installations.

Depuis l’entrée en vigueur de la norme européenne CEN13725, la mesure de la concentration d’odeurs est normalisée ; cette concentration d’odeurs, exprimée en unités d'odeur européennes par mètre cube (UOe/m³), correspond à la dilution minimum à appliquer au mélange odorant pour être détecté par 50 % du jury lors de l'analyse olfactométrique (figure 2). La concentration d'odeurs mesurée est donc le paramètre de référence utilisé par les pays européens pour imposer des limites d'odeurs.

À l'heure actuelle, la tendance de la réglementation dans le domaine des odeurs est l'évaluation de l’impact d'un site par l'intermédiaire d'un modèle de dispersion atmosphérique. Les textes réglementaires qui commencent à apparaître au niveau international préconisent de contrôler, à l'aide d'une modélisation de la dispersion atmosphérique, le non-dépassement dans l'environnement de la valeur de concentration d'odeurs, généralement comprise entre 3 et 5 UOe/m³. Ces valeurs limites sont associées au percentile 98, ce qui veut dire qu’elles ne peuvent pas être dépassées dans l'environnement plus de 2 % du temps dans l'année. En France, cette manière de réguler les odeurs est aujourd'hui utilisée dans le cadre des principaux arrêtés ministériels et d'exploitation. La limite de 5 UOe/m³ dans l'environnement a été appliquée dans le cadre de l'arrêté « équarrissage » et sera prochainement appliquée pour les installations de compostage soumises à autorisation.

D’autre part, il n’y a pas, pour l'instant, de réglementation odeurs spécifique aux installations de traitement des eaux résiduaires.

[Encart : Qu’est-ce qu’une odeur ? Une odeur est une « émanation volatile, caractéristique de certaines substances, susceptible de provoquer chez l'homme ou l'animal des sensations dues à l'excitation d'organes spécialisés » (Le Petit Robert).]
[Photo : Figure 3 : Les approches incontournables dans la gestion des nuisances olfactives.]

Deux approches complémentaires et incontournables

Dans ce contexte de sensibilité croissante des riverains et d'une réglementation en pleine évolution, une gestion efficace des nuisances olfactives s’appuie sur deux approches complémentaires qui doivent être appliquées en parallèle : le savoir-faire technique et la relation avec les riverains (figure 3). L’approche technique a pour objectif de déterminer l'empreinte olfactive mesurée de l'installation.

Le flux d’odeurs émis est mesuré dans le cas d'une installation existante ou anticipé dans le cas d'une nouvelle installation. Le débit de ventilation, si nécessaire, est estimé en fonction des contraintes d'hygiène et de sécurité à respecter. Le flux d’odeurs émis au niveau de l'installation et le choix de la filière de traitement des odeurs sont alors définis.

[Photo : Figure 2 : Le laboratoire d’olfactométrie de SUEZ Environnement.]
[Photo : Le prélèvement sur le terrain, une étape essentielle dans la chaîne de mesure (Terralys).]

Enfin, le modèle de dispersion permet de calculer la dispersion des odeurs dans l’environnement, de l’installation jusqu’aux riverains.

La relation avec les riverains a pour objectif de déterminer l'empreinte olfactive réelle de l'installation (qu'il s’agisse d’un site existant ou en projet) à partir de la sensibilité des riverains et dans le cadre de la réglementation (locale, régionale ou nationale). Elle définit les actions à mettre en place pour garantir le confort des riverains et améliorer l'ancrage territorial.

SUEZ Environnement a développé au sein de ses filiales (Lyonnaise des Eaux, SITA, Degrémont, Terralys) un ensemble d'outils et de savoir-faire pour appliquer cette stratégie globale à l'ensemble des installations de collecte et de traitement des eaux résiduaires, de valorisation des boues et de gestion de déchets.

Le savoir-faire technique

Mesure et analyse : du prélèvement au résultat analytique

Problématique

Dans le cas d'un site existant en opération, les mesures de composés odorants ont pour objectifs de :

- vérifier la conformité d'une installation avec les exigences de rejets,

- diagnostiquer les sources odorantes,

- rechercher des solutions ou des optimisations de traitement,

- avoir des données pour réaliser des études d'impact par un modèle de dispersion.

[Photo : Le couplage des analyses chimiques et sensorielles.]

Descriptif

Pour réaliser ce diagnostic il est nécessaire de réaliser des mesures des composés odorants et des flux d’odeurs. Ces deux types d’analyses (analyses chimiques et analyses olfactométriques) sont complémentaires puisque l'une permet de connaître la composition du mélange étudié, en mg/m³ de chaque composé odorant, alors que l'autre permet de caractériser une émission d’odeur de manière globale et de l'exprimer en UO/m³.

Le prélèvement (figure 4) est une étape essentielle de la chaîne de mesure de l’odeur puisqu’il conditionne la qualité et la fiabilité du résultat de la mesure (pour les analyses chimiques mais aussi pour les mesures olfactométriques).

[Photo : Le potentiel de création d’odeurs : l’anticipation des flux d’odeurs.]

Tableau 1 : Méthodes de prélèvement et d’analyse des principaux composés odorants

Ammoniac – Amines Prélèvement : barbotage en solution d’acide Analyse : distillation + acidimétrie ; chromatographie en phase gazeuse à détection NPD
Composés soufrés Prélèvement : sac Tedlar Analyse : chromatographie en phase gazeuse à détection électrochimique
Aldéhydes et cétones Prélèvement : barbotage en solution DNPH Analyse : chromatographie en phase liquide haute performance
Acides gras volatils Prélèvement : adsorption sur charbon actif Analyse : chromatographie en phase gazeuse à détecteur par ionisation de flamme
Alcools Prélèvement : adsorption sur silice Analyse : désorption ; chromatographie en phase gazeuse ; spectrométrie de masse

Résultats

Le tableau 1 présente les méthodes de prélèvement et d’analyse des principaux composés odorants. Les méthodes de prélèvement sont utilisées sur nos installations et les méthodes analytiques ont été développées au sein de notre laboratoire d’analyse.

Potentiel de création d’odeurs

Problématique

Pour maîtriser les émissions d’odeurs tant en phase de conception que pendant l'exploitation d'un site, il est important de pouvoir anticiper les émissions d’odeurs poten-

[Encart : D'où viennent les odeurs ? Les odeurs peuvent être déjà présentes dans la matière à traiter (eaux usées, boues, déchets), mais elles peuvent également apparaître au cours des procédés de traitement. Dans ce cas, c'est la libération et la décomposition biologique des matières organiques (protéines, acides aminés) qui sont à l'origine des odeurs. Les odeurs identifiées se classent en cinq grandes familles : - les odeurs d'œuf pourri L'odeur d'œuf pourri est typique du sulfure d'hydrogène. Produit principalement en conditions anaérobies, il résulte en partie de la décomposition des protéines. - les odeurs de légumes fermentés et d'ail Les odeurs de chou en décomposition et d’ail sont respectivement liées au dégagement de composés soufrés, sulfures (diméthyldisulfure) et mercaptans (méthylmercaptan). Ils sont formés à partir d’acides aminés, tant en conditions anaérobies qu’aérobies. - les odeurs irritantes La sensation d'irritation (fraîche) des muqueuses est à corréler à la présence d’ammoniac. Contrairement aux soufrés, le seuil olfactif de l’ammoniac est élevé ; une fois libéré, il est rapidement dilué sous le seuil de détection. - les odeurs de poisson Les amines sont caractérisées par une odeur putride et de poisson en décomposition. Elles sont produites lors de la décomposition anaérobie des protéines et des acides aminés. - les odeurs de rance Les acides gras volatils, tels que l'acide butyrique ou valérique, sont associés aux odeurs de rance, lait caillé ou vinaigre. Ils sont produits lors de la décomposition de la matière organique et sont facilement biodégradables.]

Dans ce contexte, SUEZ Environnement a développé le Potentiel de Création d’Odeurs, un savoir-faire transversal à tous les métiers : compostage et séchage de boues, stations d’épuration, réseaux d’assainissement et décharges (figure 6).

Descriptif

L'étude s'est déclinée de manière similaire sur tous les métiers, poursuivant les mêmes objectifs : caractériser les sources d’odeurs principales et savoir les anticiper en qualifiant la matière première et le procédé mis en œuvre.

Dans le cas du compostage par exemple, le suivi exhaustif de 17 mélanges de fermentation différents durant toute la période de fermentation a permis de caractériser le potentiel de création d’odeurs de 11 gisements de boues différents (voir tableau 2).

Chaque cycle de compostage suivi, l'étude s'est articulée autour :

  • d’un suivi gazeux « intensif » consistant essentiellement en des prélèvements réguliers dans les gaz collectés des réacteurs de fermentation pour analyser six familles de composés odorants (ammoniac, amines, soufrés réduits, aldéhydes et cétones, acides gras volatils, COV totaux) et les odeurs (unités d'odeurs) ;
  • d'une caractérisation des boues, des mélanges de fermentation et des composts produits.

Résultats

La figure 7 montre l'importance relative de chacun des composés odorants recherchés autant dans l’air process que dans l’air convectif (proportion des flux massiques de chaque composé par rapport au flux total de composés odorants détectés) pour les boues étudiées sur le site S1 au cours des trois campagnes réalisées (une valeur moyenne est donnée pour chaque campagne).

Parmi les composés odorants détectés, l’ammoniac est le composé le plus émis quantitativement au cours de la fermentation (89 % du flux massique total de composés odorants détectés) et est émis principalement en début de phase de fermentation, comme le montre la figure 8.

Les autres émissions sont dues aux amines (principalement triméthylamine), aldéhydes et cétones et soufrés. Les émissions d’acides gras volatils et d’hydrogène sulfuré sont très faibles et représentent moins de 1 % du flux total des composés odorants.

[Photo : Figure 7 : Les contributions massiques relatives des composés odorants mises en évidence sur le site S1.]

Tableau 2 : Process de compostage et déchets étudiés

Sites Process de fermentation Types de déchets Nombre de cycles de compostage étudiés
S1 Casiers ventilés Boues de STEP urbaines 12
S2 Tunnels Boues de STEP urbaines 2
S3 Préfermentation* puis casiers ventilés avec retournement Boues de STEP urbaines et industrielles, matières stércoraires 4

*préfermentation effectuée en enceinte avec retournement tous les deux jours

[Encart : La ventilation des sites industriels Dépassant le cadre de la gestion des odeurs, la ventilation des locaux fermés est nécessaire afin de garantir de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité, et de maintenir les installations en bon état de fonctionnement. - bonnes conditions d’hygiène et de sécurité : une réglementation étoffée issue de plusieurs directives européennes limite les concentrations admissibles en de nombreux composés chimiques dans les locaux techniques, avec ou sans présence de travailleurs. Les risques de toxicité chimique ou biologique sont pris en compte, ainsi que les risques d'explosion et de feu. Les concentrations maximales admissibles de plusieurs centaines de composés chimiques ont été publiées dans plusieurs directives européennes. La législation française par l’arrêté du 30 juin 2004 modifié par l’arrêté du 9 février 2006 transpose la directive européenne 2000/39/CE. La dernière directive 2006/15/CE est en cours de transposition. Les listes publiées indiquent pour chaque composé : ~ une valeur limite d’exposition court terme (VLCT, ou VLE) : concentration maximale à ne pas dépasser dans l’air pendant une durée de 15 minutes ; - une valeur limite moyenne d’exposition (VME) : concentration maximale à ne pas dépasser dans l’air pendant une durée de 8 heures. La VME peut être dépassée sur une courte durée sous réserve de ne pas dépasser la VLCT ; - maintien des installations en bon état de fonctionnement : la ventilation a pour objectif de limiter la concentration de vapeur d’eau pour éviter la condensation sur les parois froides, et de réduire la concentration de composés chimiques corrosifs pouvant détériorer les matériaux (métaux, bétons). De plus, la ventilation assure l'évacuation de la chaleur dégagée par certains équipements ou procédés. La réglementation est beaucoup moins développée sur cette problématique. Face à ces enjeux majeurs, la ventilation représente un coût très significatif, d’autant plus élevé que l’air de ventilation subit des traitements d’épuration complexes, avant d’être rejeté à l'extérieur. D’autre part, les activités industrielles relativement récentes (séchage des boues, compostage des boues ou compostage d’autres déchets organiques) nécessitent une attention particulière, afin : - d'optimiser le captage à la source des principaux flux de pollution, pour éviter leur dissémination dans l’espace intérieur des locaux d'exploitation ; - d'améliorer la circulation de l'air dans les locaux, de façon à maximiser la qualité de l'air dans les zones à forte présence des travailleurs ; - d'optimiser les débits de ventilation à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs ; - d'optimiser les pratiques d'exploitation pour minimiser les disséminations. En complément d'une ventilation optimisée, il est nécessaire de définir les EPI (Équipements de Protection Individuelle) adaptés et leur procédure d'utilisation.]

Massique de composés odorants détectés.

Sur les sites S2 et S3 dont les process de fermentation sont différents, la répartition des contributions des composés au flux massique est similaire, l’ammoniac contribuant pour plus de 90 % du flux massique de composés odorants détectés.

Ce savoir-faire permet alors sur toutes les activités de SUEZ Environnement d’anticiper les émissions odorantes générées par un site existant ou en projet,

  • - d’étudier différentes stratégies pour apporter des corrections sur un site existant ou en aider à la conception d’un site en projet,
  • - de définir et caractériser les émissions odorantes les plus critiques en vue d’établir une stratégie de traitement,
  • - de définir et caractériser les sources d'odeurs en vue de la mise en œuvre d'un modèle de dispersion atmosphérique,
  • - de servir d’outil d’aide à l’exploitation en temps réel sur un site existant.
[Photo : Exemple de répartition des flux d’ammoniac pendant la fermentation en casiers.]
[Photo : Le “Potentiel de création d’odeurs” a été appliqué sur le site de compostage de Lur Bizia à Bardos (Lyonnaise des Eaux).]

Le traitement de l'air des sites industriels

Problématique

Les installations industrielles génèrent des flux d’air pollué et cet air doit être épuré avant rejet à l'extérieur.

[Photo : Station d’épuration de Concarneau (Degrémont).]
[Photo : Site de compostage de boues de Bourges (Lyonnaise des Eaux).]

proximité des riverains, et les contraintes environnementales plus générales imposées par la réglementation permettent de définir les objectifs à atteindre.

  • - Les débits d’air à traiter dépendent des caractéristiques des procédés de production exploités (produisant un flux “d’air process”), et du dimensionnement de la ventilation des locaux d’exploitation (produisant un ou plusieurs “airs de ventilation” plus ou moins concentrés en polluants).

Descriptif

Afin d’optimiser la gestion des rejets d’air de nos sites industriels dans l’environnement, SUEZ Environnement a développé une solide expertise des procédés de traitement d'air. Deux axes sont suivis :

  • - expertise des performances de procédés conventionnels, en s’appuyant sur l’amélioration des techniques analytiques permettant d’accéder plus facilement aux molécules clés responsables des odeurs, et en évaluant plus précisément l’intérêt de ces techniques vis-à-vis du traitement de l’air des activités industrielles relativement récentes (séchage des boues, compostage des boues ou compostage d’autres déchets organiques) ;
  • - développement et évaluation de nouveaux procédés de traitement d’air (performances, coûts, domaines d’application).

Résultats

Le tableau 3 indique les performances des procédés conventionnels de traitement d’air vis-à-vis des principaux composés odorants. Ces performances sont la synthèse des résultats obtenus sur 22 sites industriels. Les laveurs à garnissage présentent les meilleures performances techniques.

Un laveur acide suivi d’un laveur javel-soude constitue la filière de référence dans le traitement des odeurs, et permet d’éliminer plus de 95 % des odeurs issues de composés azotés et des composés soufrés réduits. En particulier, cette filière a démontré un bon niveau de performances dans le traitement d’air des sites de séchage de boues ou de compostage (figure 10).

Les filtres à charbon actif ont une bonne efficacité vis-à-vis de la plupart des composés olfactifs, en particulier des “autres composés” évalués globalement par la mesure des COV.

Du fait du coût élevé de renouvellement du charbon actif, le domaine d'application de ces filtres est réservé au traitement en direct de faibles débits d’air (typiquement inférieur à 5 000 m³/h), ou au traitement de finition après un premier traitement de débits d’air plus importants (jusqu’à 20 000 m³/h).

Les biofiltres sont globalement moins performants, mais ont l’avantage de ne pas consommer de réactifs (intérêt économique et écologique) (figure 11).

Modélisation de la dispersion des odeurs

Problématique

Comme discuté précédemment, la tendance actuelle de la réglementation est de limiter la concentration d’odeurs dans l’environnement à l’aide d’une modélisation atmosphérique.

Il est donc essentiel de connaître les modèles utilisés pour calculer cet impact, leur domaine d’application, leur sensibilité et surtout leurs limites d’application.

Les modèles numériques de dispersion d’odeurs peuvent être utilisés soit pour la prédiction de l’impact “odeurs” généré par des stations d’épuration et des centres de traitement des boues ou des déchets, soit comme outil de dimensionnement des systèmes de traitement d’odeurs en fonction des seuils de rejets imposés.

[Encart : Tableau 3 – Efficacité des procédés de traitement d’air vis-à-vis des principales odeurs Descripteurs – Composés azotés | Composés soufrés | Autres composés (COV*) Laveurs à garnissage acides/oxydants – Bonne (> 95 %) | Très bonne (> 95 %) | Moyenne (40 – 95 %) Biofiltres – Faible (10 – 40 %) | Faible (10 – 40 %) | Moyenne (40 – 95 %) Filtres à charbon actif – Moyenne (40 – 95 %) | Bonne (> 95 %) | Bonne (> 95 %) *COV : Composés Organiques Volatils]

Descriptif

Aujourd’hui, les modèles disponibles pour déterminer l’impact olfactif d’une installation sont :

  • • les modèles gaussiens
  • • les modèles lagrangiens
  • • les modèles eulériens.

Modèles gaussiens

Les modèles gaussiens consistent à résoudre l’équation de la diffusion (équation de conservation de la masse) dont des solutions analytiques, moyennant certaines hypothèses, se présentent sous une forme de courbe de Gauss. La mécanique des fluides intervient par le biais de modèles de turbulence qui peuvent être reliés de manière simplifiée aux configurations météorologiques. La rapidité du calcul permet de les effectuer dans toutes les situations météorologiques rencontrées sur un site et de présenter les résultats sous forme moyenne. Ces modèles sont les plus utilisés pour calculer l’impact olfactif d'une installation.

Modèles lagrangiens

Les modèles lagrangiens consistent à suivre la trajectoire d’une particule en fonction du temps (par opposition à l’eulérien où sont observées les particules passant à un point fixe). Du fait que ces trajectoires sont aléatoires à cause de la turbulence, il faut étudier les trajectoires d’un grand nombre de particules et moyenner. La turbulence doit donc être décrite de manière assez fine, ce qui se fait en donnant un caractère aléatoire à la composante fluctuante de la vitesse en chaque point de l’écoulement.

Modèles eulériens

Dans les modèles eulériens, cette équation est couplée avec les équations de la mécanique des fluides (Navier-Stokes) et les vitesses et concentrations sont calculées par des méthodes numériques en chaque point d’un maillage à trois dimensions (3D) qui couvre l’espace souhaité.

De ce fait, ils sont très longs et très coûteux en mémoire, et ils doivent être appliqués pour chaque condition initiale différente. Ils sont réservés donc aux champs proches de la source et le calcul n’est fait que dans les conditions météorologiques les plus défavorables.

rables à l'impact en un point donné.

Résultats

Le résultat d'une étude de modélisation de la dispersion des odeurs est la cartographie de l'empreinte olfactive mesurée, qui permet de faire le lien entre les odeurs émises par une installation et l’impact de ces odeurs dans l’environnement. Cet impact est lié aux sources d’émission mais aussi à la topographie et à la météorologie locales. La représentation la plus courante de cette empreinte olfactive est sous la forme des courbes d'isoconcentration d’odeurs.

[Photo : Courbes d'isoconcentration d'une installation industrielle (Source : NUMTECH).]

La relation avec les riverains

Une gestion efficace des nuisances olfactives nécessite l'implication des riverains et la prise en compte de leurs attentes. Aujourd’hui, il ne suffit pas d’être irréprochable techniquement ; l’acceptabilité des installations de traitement de l'eau et de gestion de déchets est liée aussi à la communication et à la transparence. SUEZ Environnement, conscient de l'importance de la sensibilité de ses sites de traitement, a placé le riverain au cœur de sa démarche de maîtrise de nuisances olfactives.

[Encart : Le point de vue de l’exploitant Quelles données sont nécessaires pour réaliser une étude de dispersion ?
[Photo : Résultats d'une étude de dispersion d'odeurs (SITA).] Quand un industriel réalise une étude de dispersion, les données à fournir sont les suivantes : • La définition de différents scénarios de sources d'odeurs : nombre de sources, type (canalisés ou surfaciques), localisation et flux d'émission. • Les données météorologiques : ces données doivent correspondre à un an minimum et doivent être représentatives de la météo locale de l'installation. • Données topographiques du site. En France, nous utilisons la carte IGN. ]

La Roue des Odeurs

Problématique

Pour établir le dialogue avec les riverains, les faire participer et pouvoir mettre en place des mesures correctives en fonction des odeurs perçues, il est nécessaire d’avoir un langage simple, commun et partagé par tous pour nommer les odeurs de nos installations.

Descriptif

Un nouvel outil, La Roue des Odeurs, a été développé en collaboration avec le Pr. Mel Suffet de l'Université Californienne UCLA (University of California, Los Angeles), pour caractériser les odeurs atmosphériques. Le principe de la roue consiste à associer une odeur reconnue au composé chimique en cause.

[Photo : Illustration de La Roue des Odeurs.]

La Roue des Odeurs® du métier compostage est présentée. Ainsi, exploitants et riverains disposent d'un langage commun de caractérisation des odeurs. Ce langage permet d’établir un dialogue constructif entre tous et d'intégrer les installations de traitement des eaux résiduaires, de valorisation des boues et de gestion des déchets dans leur contexte social.

* La Roue des Odeurs® est aujourd’hui une marque déposée en France.

[Photo : Formation à la Roue des Odeurs.]
[Photo : Jury de riverains de la station d’épuration de La Farfana (Chili).]

Résultats

Avec la Roue des Odeurs, SUEZ Environnement organise des séances de formation pour les exploitants et les riverains de ses installations ; à l'heure actuelle plus de 50 exploitants ont été formés à cette méthode. De plus, la Roue des Odeurs est également utilisée dans la mise en place des jurys de riverains qui l'appliquent quotidiennement pour caractériser les odeurs perçues.

Le Jury de Riverains

Problématique

La sensation d’une nuisance olfactive pour un habitant est la résultante :

  • des paramètres externes au sujet : émission d'un mélange plus ou moins complexe de molécules potentiellement odorantes par un ou plusieurs sites, la dispersion de ces molécules jusqu’au récepteur ;
  • des particularités propres au sujet : les réponses de ses capteurs, la manière dont il interprétera ces signaux, les associations psychologiques qu'il y attachera, le moment de la perception (pendant qu'il dort, qu’il mange).

La nuisance olfactive est le plus souvent entièrement subjective et ne peut, en conséquence, être évaluée que par l'intermédiaire des déclarations du sujet lui-même.

Descriptif

Dans cette perspective, la mise en place d'un jury de riverains (figure 17), formé préalablement à la Roue des Odeurs® est une démarche participative sur la base de volontariat dont l’objectif est de recueillir des informations sur la nuisance olfactive de la part des riverains des installations. Ces nez remplissent des fiches « odeurs » indiquant leur perception : type d’odeur, intensité, fréquence. Grâce à cette démarche, les riverains sont impliqués dans les solutions implémentées et le dialogue est favorisé par la prise en compte des attentes des acteurs locaux.

Résultats

Le résultat de ces jurys de nez est la cartographie de la nuisance olfactive autour de l’installation, l’empreinte olfactive réelle, qui permet d'optimiser le fonctionnement des installations pour garantir le confort des riverains.

Un cas pratique d’application de la démarche globale

L'usine de compostage Lur Bizia reçoit annuellement 15 000 t de boues en provenance des stations d’épuration du Pays Basque et du sud des Landes. Située à Bardos, dans une région vallonnée du Pays Basque, fortement agricole et à l'habitat diffus, son acceptabilité environnementale rendait nécessaire d’atteindre un niveau d’émission d’odeur parfaitement maîtrisé.

Tout d’abord, la prise en compte de la sensibilité des riverains a permis de définir l’empreinte olfactive cible de l’installation, 5 UO/m³ chez le riverain le plus proche. Ensuite, des actions techniques ont été effectuées pour atteindre ce niveau d’odeurs ; des campagnes de mesures et d'analyses ont été réalisées et un modèle de potentiel de création d’odeurs a été appliqué pour anticiper les flux odorants des différentes boues reçues sur le site. Ensuite, un double système de confinement a été conçu avec la couverture des réacteurs de compostage (air process et air convectif), et la ventilation a été dimensionnée pour respecter de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité dans le bâtiment (air ambiant de la zone de criblage et air ambiant de la zone de fermentation).

Connaissant qualitativement et quantitativement les composés odorants émis par l'usine de compostage, une installation de traitement des odeurs a été choisie et dimensionnée. Une étude de dispersion des odeurs a permis de valider la concentration maximale à la sortie de l'unité de traitement des odeurs pour respecter l’empreinte olfactive cible définie par la prise en compte de l'acceptabilité des riverains de l'installation, soit 800 UO/m³ (figure 18). Parallèlement, la méthode de la Roue des Odeurs a été appliquée pour évaluer qualitativement les odeurs à chaque étape de la désodorisation et dans l'environnement (figure 19). Enfin, un jury de riverains a permis de constater

[Photo : Exemple de critère de performance : la concentration d’odeurs.]

une réduction très importante des nuisances olfactives et la satisfaction de la population. Pour garantir le confort lors de l'exploitation du site et anticiper des éventuelles nuisances dues aux modifications du process, ce jury de riverains est toujours opérationnel.

Conclusion

Afin d’éviter toutes nuisances olfactives dans l'environnement et garantir le confort olfactif des riverains de nos installations, les émissions d'odeurs doivent être connues et caractérisées, contrôlées et traitées. Ainsi, les nuisances olfactives doivent être maîtrisées de la conception à l’exploitation des installations de collecte et de traitement des eaux résiduaires, de valorisation des boues et de gestion des déchets.

Pour cela, des outils et des savoir-faire sur la mesure des odeurs, l’anticipation des flux d'odeurs émis, la ventilation et le traitement des odeurs et la modélisation de la dispersion des odeurs ont été développés au sein de SUEZ Environnement.

Ce savoir-faire technique doit être accompagné d'une démarche transparente vis-à-vis des riverains. Communiquer, dialoguer et impliquer les riverains de nos installations est essentiel pour prendre en compte leurs attentes et pour la bonne intégration de nos installations.

Car en définitive, le nez de l'homme est le véritable arbitre.

[Photo : Figure 19 : Exemple d’application de la Roue des Odeurs pour évaluer l’efficacité de la désodorisation.]
[Publicité : DELAMET Environnement]
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