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Le lagunage aéré : un compromis technico-économique intéressant

31 janvier 2005 Paru dans le N°278 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : Vincent JOHANET

En milieu rural, le traitement des effluents urbains par boues activées en faible charge représente la grande majorité du parc des stations françaises. Mais cette filière n?est pas toujours la plus adaptée, notamment pour les petites capacités, en raison des contraintes d'exploitation et des coûts de fonctionnement. Le lagunage aéré peut alors constituer une alternative intéressante, pour peu qu'il soit correctement mis en ?uvre. Exemple de réalisation à Loupershouse, en Moselle.

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Pour assurer le traitement des eaux résiduaires urbaines, de nombreux procédés existent qui assurent tous un niveau de traitement satisfaisant, dès lors qu'ils sont adaptés à un contexte préalablement bien étudié. Le choix de l'un ou l'autre de ces procédés doit prendre en compte de nombreux critères parmi lesquels la population, le débit, la charge organique, le montant des investissements à réaliser, le coût de l’exploitation, etc. Les procédés dits intensifs (boues activées, lits bactériens) sont souvent considérés comme coûteux, mais ils ne requièrent pas une surface importante. Les procédés extensifs (lagunage naturel, lagunage aéré) nécessitent de grandes surfaces mais ont l'avantage d'exiger moins d'investissement.

Le lagunage naturel consiste à traiter les effluents dans des lagunes en aérobiose par action du soleil et du vent. Le process repose le plus souvent sur trois bassins dans lesquels vont se dérouler un mécanisme de photosynthèse qui assurera le traitement des effluents. Les épaisseurs d’eau ne dépassant pas 1,50 mètre sont exposées au soleil ce qui

[Photo : À l'entrée de la station, les effluents bruts sont dégrillés et passent dans un canal Venturi à section exponentielle équipé d'un capteur ultrasons fourni par ISMA.]

Permet le développement de micro-algues qui oxygènent alors le milieu. Le développement bactérien créé se nourrit alors de la biomasse et engage ainsi le processus de dépollution. Ce procédé, qui ne fonctionne correctement que sur des faibles profondeurs, exige donc des surfaces importantes, de l'ordre d’un hectare pour mille habitants. Le lagunage aéré se distingue du lagunage naturel en ce que l'aération se fait artificiellement, soit en surface par des aérateurs ou des turbines flottantes, soit en immersion par insufflation d’air ; il nécessite des surfaces dix fois moindres que le lagunage naturel, de l'ordre d'un hectare pour dix mille habitants. Il se compose généralement de deux lagunes d’aération de 2,5 à 3 mètres de profondeur où les effluents séjournent environ 15 jours par temps sec et une lagune de finition d’une hauteur de 1 mètre, avec un temps de séjour de 1 à 2 jours. Les avantages du lagunage aéré sont nombreux : investissement modéré pour peu que l'on dispose de surfaces adaptées, bonnes performances épuratoires, exploitation simplifiée et moins coûteuse. C’est ce type de procédé qui a été mis en œuvre avec succès par la société ISMA à Loupershouse (57).

La station de Loupershouse

La station de Loupershouse, d'une capacité de 2 500 équivalents-habitants, traite les eaux usées de trois communes : Loupershouse, Farschviller et Ellviller.

Pourquoi le choix du lagunage aéré ?

« Nos clients, explique Jean-Paul Forét, directeur d’ISMA, recherchaient un process efficace, économique, simple à exploiter. Ils étaient de plus confrontés à un réseau d’assainissement de mauvaise qualité, générant un volume d’eaux parasites très important. Dans ce contexte, un traitement par boues activées à faible charge n’aurait pas fonctionné correctement, faute d’une charge organique suffisante ». La Communauté de communes disposant de surcroît de surfaces de terrains importantes et adaptées, c’est la filière du lagunage aéré qui l’emporte lors de l’appel d’offres lancé en 1999. Construite en 2000, la station entre en service en 2001.

Elle se compose de trois lagunes aérées et deux de finition : « La deuxième lagune de finition, souhaitée par la DDE, a été réalisée pour répondre aux besoins liés au temps de séjour lors de très gros débits » précise Jean-Paul Forét.

À l’entrée de la station, les effluents bruts sont dégrillés et passent dans un canal Venturi à section exponentielle équipé d’un capteur ultrasons. « La mesure de débit en entrée est très importante pour assurer une bonne gestion de la station d'épuration » souligne Jean-Paul Forét. Un préleveur d'échantillons multi-flacons réfrigéré et asservi au débit d'entrée complète l'autosurveillance.

Les effluents sont ensuite dirigés dans la première lagune aérée, aménagée à son entrée d'une paroi siphoïde pour piéger les flottants ultimes et les graisses. À l’entrée de cette première lagune, une surprofondeur facilite le curage des matières décantées à cet endroit. Son volume est de 4 500 m³, sa profondeur de 3 mètres, le niveau d'eau étant de 2,50 mètres.

L'aération et le brassage sont assurés par deux aérateurs à vis hélicoïdale FUCHS, d’une puissance unitaire de 4 kW auxquels

[Encart : Le lagunage aéré : une filière tolérante Le lagunage aéré présente l'avantage d’être tolérant vis-à-vis de nombreux facteurs qui pourraient engendrer des dysfonctionnements dans les procédés d'épuration classiques. Parmi ceux-ci, citons : - Les variations de charges hydrauliques et/ou organiques importantes ; - Les effluents très concentrés ; - Les effluents déséquilibrés en nutriments, cause de foisonnement filamenteux ; - Les traitements simultanés d'effluents domestiques et industriels biodégradables ; - Une bonne intégration paysagère ; - Des boues stabilisées. Les inconvénients potentiels de la filière sont pour l'essentiel liés à la présence de matériels électromécaniques d'aération. D'où l’importance de les choisir avec soin pour minimiser l’entretien, la consommation énergétique et éliminer d’éventuelles nuisances sonores.]
[Photo : En plus d'une aération, l’aérateur à vis hélicoïdale FUCHS réalise un brassage et une homogénéisation des eaux résiduaires et génère de façon efficace une circulation dirigée dans la lagune (déplacement horizontal de l'eau).]
[Encart : L’intégration paysagère : un atout supplémentaire Souvent construites en zone périurbaine, les stations d'épuration font parfois l'objet de vives critiques, liées en général à leur aspect jugé trop bétonné. Le fait d'opter pour une filière extensive exempte de nuisances sonores et présentant des qualités paysagères évidentes pourra être perçu d'une manière plus positive que celui d'une station compacte classique, parfois vécu comme une gêne supplémentaire.]

Vient s'ajouter un aérateur Centrox FUCHS, qui vient en complément d'aération au centre de la lagune pour éviter toute formation de monticule de boue. L'aération et le brassage sont gérés par une horloge et un oxymètre à seuils, capables de donner si nécessaire le signal d'une augmentation du temps d'aération.

Les deuxième et troisième lagunes, de mêmes dimensions que la première, accueillent également deux aérateurs à vis hélicoïdale FUCHS asservis à une horloge et à un oxymètre à seuils. Les eaux traitées sortant de la troisième lagune sont dirigées dans un réacteur de type lit bactérien immergé, aéré par des surpresseurs. Le dimensionnement de ce réacteur fait appel à deux ou trois cascades, en fonction de la charge à traiter. Les effluents nitrifiés sont ensuite recirculés en fonction de la charge hydraulique entrante afin de procéder à la phase de dénitrification.

La déphosphatation classique se compose d'une injection de chlorure ferrique dans un regard où un agitateur à rotation rapide, de type FUCHS TurboStar, assure le mélange. La phase de floculation se déroule dans un second bassin équipé d'un agitateur à rotation lente, de type FUCHS FlowStar. Les boues produites par le précipité sont ensuite décantées en tête de première lagune de finition.

Parfaitement intégrée aux paysages environnants, la station fonctionne sans générer de bruit, d’odeurs ou aucune autre nuisance. Et son rendement est satisfaisant : « Nous sommes autour de 97 % de rendement en DBO₅, 90 à 95 % en DCO, 97 % en MES, jusqu’à 99 % en NK et enfin jusqu’à 95 % en Pt », assure Jean-Paul Forêt.

Côté exploitation, la présence de l'agent sur la station se limite à 2 heures tous les 5 jours. L'ensemble des valeurs – les débits d’entrée et de sortie, les cumuls, le temps de fonctionnement des aérateurs et des autres appareils – sont télétransmises chez l’exploitant. Le système est complété par un onduleur et un dispositif de téléalarme capable d’envoyer un SMS en cas d'absence d’acquittement de reçu des données. Cet appareil a aussi été développé par ISMA.

Au total, la station de Loupershouse constitue donc un compromis technico-économique intéressant qui illustre bien les avantages du lagunage aéré. Mais pour tirer pleinement parti de ce procédé, il faut prêter une attention particulière au dispositif d’aération, véritable clé de voûte du process, qui conditionne l'équilibre biologique dans le bassin.

[Photo : Vue de l’aérateur Centrox d’une puissance de 5,5 kW qui vient, sur la première lagune, en complément des deux aérateurs à vis hélicoïdale de 4 kW.]
[Photo : Les eaux traitées sortant de la 3ᵉ lagune sont dirigées dans un réacteur de type lit bactérien immergé, aéré par des surpresseurs. Le dimensionnement de ce réacteur fait appel à deux ou trois cascades, en fonction de la charge à traiter.]

Le dispositif d’aération : la clé de voûte du process

L'efficacité du dispositif d’aération mis en œuvre dans le cas du lagunage aéré conditionne à la fois les rendements épuratoires mais aussi le bilan énergétique de la station. Car à la différence du lagunage naturel, le lagunage aéré implique des coûts énergétiques qui peuvent, si les dispositifs sont mal dimensionnés ou trop gourmands en énergie, être importants. À noter cependant que la consommation en énergie est, à capacité équivalente, comparable à celle de la filière boues activées.

La station de Loupershouse présente cette particularité d’avoir été conçue sur la base de dimensionnements pratiqués en Allemagne. « En France, explique Leonhard Fuchs, Président Directeur Général de FUCHS, une entreprise allemande représentée en France par ISMA, l’usage est de travailler avec des puissances plus importantes en mettant en suspension les »

[Photo : Agitateur de surface TurboStar FUCHS dans la phase d'injection de chlorure ferrique (traitement du phosphore).]

matières en suspension dans la première lagune. À la station de Loupershouse, dimensionnée pour 5 000 EH en pointe, au contraire, nous ne mettons pas en suspension mais nous laissons décanter. Résultat, nous obtenons des rendements exceptionnels pour un coût énergétique faible, de l'ordre de 1,8 à 2 kW/kg DBO éliminée pour toute la station d'épuration, y compris nitrification, pompage et recirculation, ce qui est très intéressant. L'aération au sein des lagunes est assurée par des aérateurs à vis hélicoïdale FUCHS, qui s'est créée une solide réputation sur ce marché. En France, ISMA est fréquemment sollicitée pour installer ces aérateurs en remplacement ou en complément d’appareils existants qui ne délivrent pas tout à fait les rendements attendus.

Également pour remplacer d’anciens ponts-brosses par un aérateur à vis hélicoïdale : moins onéreux, le dispositif proposé est tout aussi efficace et supprime toute nuisance sonore et olfactive. Dans ce cas, l’appareil est monté sur un cadre et non sur une structure flottante. Car en lagunes, l’aérateur repose sur un châssis flottant insubmersible, le plus souvent ancré par un bras métallique. L’aérateur, fixé de biais sur le châssis, assure une fonction d’aération en même temps qu’un brassage et un déplacement horizontal de l'eau. L’aspiration de l’air se fait par l’intermédiaire d’un arbre creux et circule en oblique jusqu’à l’hélice hélicoïdale immergée, assurant ainsi une répartition homogène de l’oxygène dans l’effluent.

Les avantages de ce type d’aérateur sont nombreux. Ils sont simples et rapides à monter, ne nécessitent pas de génie civil, ne requièrent pas d’entretien particulier et assurent un apport d’oxygène effectif en profondeur sans créer de perturbations notables en surface et sans dégrader les rives des lagunes. Ils sont aussi robustes : plusieurs de ces appareils fonctionnent depuis près de 20 ans sans avoir subi la moindre intervention. Ils sont enfin silencieux et surtout, économes en énergie. À Loupershouse, six aérateurs à vis hélicoïdale d’une puissance de 4 kW chacun, à raison de deux aérateurs par lagune, assurent l’oxygénation et le brassage de chacune des trois lagunes de 4 500 m². « Au total, une puissance spécifique de 2 W/m² est suffisante pour assurer le brassage et l'oxygénation, souligne Jean-Paul Forét. Un résultat qui est le fruit de plusieurs années d’expérience en matière de conceptions et de dimensionnements et qui a permis au tandem FUCHS-ISMA d’accumuler une expertise reconnue en matière d’aération. Mais attention, tempère Jean-Paul Forét, chaque problème est spécifique, même s’il ressemble, en apparence, à d’autres cas de figures. »

En dehors du coût de la consommation énergétique, il faut également souligner que l'exploitation des différentes filières extensives en général et du lagunage aéré en particulier est plus simple et donc moins coûteuse que celle des techniques intensives, notamment grâce au très faible coût engendré par la gestion des boues.

« Globalement, estime Jean-Paul Forét, le lagunage aéré permet, à capacité égale, de réaliser une économie de 20 à 30 % sur les coûts d'investissement et de 30 à 40 % sur les frais de fonctionnement, par rapport aux systèmes d'épuration intensifs. »

[Encart : Le lagunage aéré : une solution adaptée aux effluents agroalimentaires Le lagunage est largement répandu en France. On estime qu'il représente environ 20 % de l'effectif des stations en fonctionnement. Fréquemment mis en œuvre en milieu rural, il est également utilisé pour certaines applications en milieu industriel, notamment dans les industries agroalimentaires et plus particulièrement les industries sucrières ou les effluents vinicoles. Des effluents qui présentent des caractéristiques particulières : DCO élevée, débits importants et rejets sur une campagne de quelques mois.]
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