La recherche des procédés épuratoires adaptés à l’assainissement des petites collectivités a fait l'objet de plusieurs ouvrages, dont l’excellente étude inter-agences : « Lagunage naturel et lagunage aéré, procédés d’épuration des petites collectivités ». Nous en rappellerons les principales conclusions d'où il apparaît que les procédés traditionnels, utilisés par les communes urbaines, s’adaptent mal aux besoins de l’épuration des effluents des communes rurales et des bourgs.
En effet, en zone rurale, il est fréquent de rencontrer :
— une sous-charge organique par rapport aux valeurs prises en compte pour le dimensionnement des installations ;
— une dilution importante due aux intrusions d’eaux parasites d’origines diverses (25 % des stations reçoivent des effluents dont la concentration en DBO₅ est inférieure à 100 mg/l) ;
— des variations brutales de charge et de débit, entraînées par des déversements dont l’importance est faible en valeur absolue, mais importante en valeur relative (restaurants, charcuteries, résidences secondaires...) ;
— des effluents septiques issus de dispositifs d’assainissement individuel qui auraient dû être abandonnés lors du raccordement à l’égout.
Ces contraintes mettent en évidence les limites des procédés traditionnels autres que les procédés d’épuration physique (qui ne permettent qu’une épuration partielle) ou physico-chimique (réservés aux collectivités à fortes variations de population).
Par ailleurs, les procédés biologiques habituels présentent des inconvénients divers que nous résumerons ci-après.
Les procédés d’épuration biologique par cultures fixées sont adaptés aux petites collectivités par leurs avantages certains de fiabilité et de facilité d’exploitation, en raison de l’auto-régulation de la flore bactérienne épuratrice ; par ailleurs, ils consomment peu d’énergie. Cependant, ils présentent deux inconvénients majeurs :
— un coût d’investissement assez élevé,
— une intégration au site médiocre en raison des superstructures peu esthétiques des ouvrages (lits bactériens notamment...).
Les procédés d’épuration biologique de type intensif à cultures libres utilisent la technique des boues activées. Les rendements épuratoires généralement sont élevés.
Il faut noter leur sensibilité aux surcharges hydrauliques qui se traduisent par des rejets de la culture biologique avec l’effluent traité. D’autre part, les régulations du taux des boues, les réglages relatifs à la fourniture d’oxygène impliquent des interventions fréquentes de techniciens qualifiés ; les consommations en énergie sont généralement élevées, surtout pendant les périodes de sous-utilisation.
Les procédés d’épuration biologique de type extensif utilisent des techniques de lagunages. Les rendements épuratoires sont généralement inférieurs à ceux des procédés par cultures fixées ou libres de type intensif ; de plus, ils occupent une surface importante. Ce constat a naturellement dirigé nos recherches vers la conception d’un procédé de traitement spécifique prenant en compte ces contraintes.
Dans notre étude d’un procédé plus adéquat, nous avons recherché :
— la réduction des risques d’interventions lourdes, dues au remplacement d'un équipement coûteux ;
— la suppression des réglages nécessitant l’intervention d’un technicien très qualifié ;
— une bonne tolérance à des variations qualitatives et quantitatives des effluents ;
— la robustesse et la rusticité des équipements rendant compatible une bonne fiabilité avec une exploitation facile ;
— une intégration harmonieuse au site naturel ;
— un coût d’investissement et d’exploitation raisonnable.
Dans ce procédé (primé dans le cadre du Concours national des modèles des stations d’épuration), les effluents préalablement décantés subissent un traitement biologique réalisé par des micro-organismes fixés sur des disques dont le mouvement rotatif permet le
Contact alternatif de la culture bactérienne avec l'effluent à épurer et avec l'atmosphère.
Nettement moins encombrante que la lagune simple, la lagune activée par biodisques dont nous exposons le principe est une installation complète de traitement des eaux usées qui comprend trois parties fondamentales (figure 1) : une lagune primaire, des biodisques et une lagune secondaire.
LA LAGUNE PRIMAIRE
Outre les prétraitements, l'installation comprend une lagune primaire (figure 2) qui permet d’assurer le traitement des boues primaires et secondaires, le stockage des boues digérées et la régularisation du débit (l'alimentation des biodisques s'effectuant à débit constant).
Traitement des boues
Les boues primaires (B1) sont constituées par les matières en suspension.
Les boues secondaires (B2) sont constituées par le gazon biologique détaché des biodisques.
On considère que l’ensemble des boues primaires et secondaires, à la concentration C, seront digérées au bout de trois mois et atteindront la concentration Cd, à raison de C/90 par jour.
Le volume réservé à la digestion sera :
\[ V_1 = \frac{B_1}{C} + \frac{B_1}{C} + \frac{B_2}{C} + \frac{B_1 + B_2}{90\,C} \]
Si l'on prend \( C = 40 \, \text{g/l} \) et \( Cd = 80 \, \text{g/l} \), on obtient \( V_1 = 1{,}58\, (B_1 + B_2) \).
Stockage des boues digérées
La production des boues annuelles \( V_2 \) est la somme des matières minérales et des matières organiques encore présentes après digestion, soit :
\[ V_2 = f_{m1} \times B_1 + f_{m2} \times B_2 + f_o\,(f_{o1}B_1 + f_{o2}B_2) \times \frac{Cd}{9 \times 12 \times 365} \]
où :
\( f_{m1} \) (fraction minérale de \( B_1 \)) = 0,30 |
\( f_{m2} \) (fraction minérale de \( B_2 \)) = 0,30 |
\( f_o \) (fraction organique) = 0,50 |
\( f_{o1} \) (fraction organique de \( B_1 \)) = 0,70 |
\( f_{o2} \) (fraction organique de \( B_2 \)) = 0,70 |
Régulation du débit
Pour permettre de laminer les pointes de débit et de charge, un volume tampon \( V_3 \) est réservé, égal au débit journalier.
Le volume \( V \) de la lagune primaire = \( V_1 + V_2 + V_3 \), soit environ : 600 l/EH.
L'évacuation des boues de la lagune primaire se fait annuellement lorsque la lagune est en pleine charge.
Surface de la lagune : 0,4 m² par usager.
LE BIODISQUE
Principe
Le procédé d’épuration par biodisques consiste à créer sur la surface d'un disque élémentaire une couche de micro-organismes capable d’assimiler la pollution organique dissoute. Cette couche est créée grâce à leur rotation lente ; elle se trouve tantôt en immersion, tantôt en émersion, ce qui favorise le développement des bactéries aérobies utilisées dans ce processus.
Après passage dans la lagune primaire, l’effluent brut a subi plusieurs transformations affectant : — les débits, par laminage, — les charges polluantes ; la plupart des MES ayant décanté, la DBO a diminué.
Pour ces raisons, la surface des disques est calculée en prenant en compte : — la DBO à l'entrée du système (essentiellement une DBO dissoute), — les débits moyens calculés sur 24 heures, — des charges spécifiques faibles ; suivant les modèles, la charge spécifique est comprise entre 8 et 14 g de DBO₅ par mètre carré et par jour.
Description
Le nouveau biodisque est constitué par des plaques ondulées en polyester armé, matériau particulièrement apte à fixer la culture biologique, ainsi que l’ont montré l'expérience et l’étude du C.E.R.E.D.E. ; leur longueur d’onde est de 76 mm et leur amplitude de 18 mm.
Chacun des disques est composé de huit secteurs triangulaires, leur donnant une forme non pas rigoureusement circulaire mais octogonale. Ces huit secteurs ne sont pas directement solidaires entre eux, mais simplement juxtaposés et maintenus en position par une ossature métallique. Par contre, chacun des secteurs est directement solidaire des secteurs des disques voisins, leur ensemble constituant ainsi un bloc prismatique compact. Chacun des huit prismes est inclus dans une cage en charpente métallique, fixée sur l’arbre moteur. Cet arbre, largement calculé, est formé de tubes du type « pétrole » étirés, sans soudure. Chaque extrémité intérieure est tournée pour recevoir les bouts d’arbres supportant l’ensemble de l’équipement posé sur deux paliers. Les tiges de scellement de ces paliers sont soudées à l’armature du Génie civil pour éviter tout soulèvement.
Chaque prisme triangulaire, résultant de l’empilage des secteurs triangulaires, est constitué par l’assemblage rigide de plaques ondulées, disposées de
façon à ce qu’une plaque à ondulations radiales alterne avec une plaque à ondulations tangentielles. Cette disposition présente deux avantages :
- — maintien d’un écartement rigoureusement constant,
- — étalement de la circulation de l’eau et des boues sur l’ensemble de la surface intéressée.
La surface de contact sur les deux faces, pour un diamètre de 3 m, est d’environ 14 m².
Ces conceptions présentent, par rapport aux biodisques existant précédemment sur le marché, les avantages complémentaires suivants :
- — rigidité de l’ensemble et fiabilité,
- — surface plus importante offerte pour une longueur d’arbre déterminée,
- — facilité d’un démontage éventuel,
- — solidité du support,
- — suppression du balourd qui demandait des réglages fréquents et laborieux et conduisait à une usure prématurée du mécanisme d’entraînement et de rotation.
De plus, les nouveaux matériaux utilisés diminuent considérablement la poussée d’Archimède, ce qui réduit les efforts transmis aux paliers de rotation qui reposent eux-mêmes sur un bac en béton préfabriqué.
LA LAGUNE SECONDAIRE
La lagune secondaire (figure 3) placée à l’aval des biodisques, reçoit un effluent traité biologiquement et contenant le gazon biologique détaché des disques. Elle remplit un double rôle :
- — séparation du gazon biologique de l’effluent traité, par décantation dans un piège à boues,
- — affinage du traitement par épuration naturelle, dans un bassin de faible profondeur destiné à parfaire l’épuration des effluents.
Séparation du gazon biologique
La décrocharge des boues formées sur le biodisque se produit spontanément lorsqu’elles atteignent une épaisseur de 5 mm environ ; elles sont alors dirigées vers le « piège à boues » où elles se déposent. Compte tenu de la régularité des débits admis, le volume du « piège à boues » est calculé sur le débit moyen de vingt-quatre heures ; il joue le rôle du décanteur secondaire dans une station classique. Son volume correspond à deux heures du débit moyen minimum, soit :
V₄ = 2 × Q̄j / 24 = Q̄j / 12
Affinage du traitement
Le volume V₄ de la lagune secondaire destinée à l’affinage du traitement sera fonction de la valeur de la DBO admise au rejet. Pour un niveau d’épuration E, le volume pris en compte est celui du débit journalier, soit :
V̄s = Q̄j
L’expérience montre que ce volume est largement suffisant pour obtenir le niveau recherché.
Nous obtenons ainsi une lagune secondaire dont le volume (V = V₄ + V̄s) est légèrement supérieur au volume journalier.
La recirculation des boues du piège est assurée par une pompe qui renvoie les boues secondaires vers la lagune primaire.
Surface de la lagune : elle est calculée sur la base de 0,15 à 0,2 m² par usager.
LA STATION DE SAINT-BÉRAIN-SOUS-SANVIGNES (71)
LA STATION DE SAINT-BÉRAIN-SOUS-SANVIGNES (71) est un exemple de réalisation de lagunage activé par biodisques mise en service au début de l’année 1983. La maîtrise d’œuvre a été assurée par la Direction départementale de l’équipement.
D’une capacité de 400 EH, elle traite les eaux usées de la commune de Saint-Bérain-sous-Sanvignes (71), soit 60 m³/j et 20 kg de DBO₅/j. Cette installation comporte :
- — un dégrilleur automatique équipé d’un racleur rotatif,
- — une lagune primaire avec dégraisseur,
- — un biodisque,
- — une lagune secondaire
L’alimentation du biodisque s’effectue à débit constant par une roue à godet.
Les eaux dégrillées sont admises dans une lagune primaire, équipée de cloisons superficielles assurant le dégraissage. L’étanchéité de la lagune est assurée par feuilles de Butyl. Elles sont ensuite dirigées vers une batterie de 100 disques, représentant 1 400 m² de surface de contact. La décantation secondaire est réalisée par la partie amont de la lagune secondaire, la partie aval servant de lagune de finition.
C’est une installation simple, rustique, économe en énergie, qui nécessite une surface réduite ; elle possède un pouvoir tampon qui évite les inconvénients dus aux eaux parasites.
Les résultats d’analyse confirment la très bonne qualité de l’eau de rejet à la sortie de la lagune secondaire.
CONCLUSION
De faible encombrement, résistant, facile à mettre en œuvre, fiable et économe en énergie, le procédé de la lagune activée par ces biodisques est une des meilleures réponses aux problèmes d’assainissement qui se posent aux petites et moyennes collectivités.