L?avance technologique japonaise n?a pas été accompagnée par un réel souci de l'environnement. La prise de conscience est récente. Mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Les évolutions réglementaires et budgétaires autorisent des perspectives intéressantes, notamment sur le marché de l'assainissement.
Japan’s technological advances have not been matched by a real concern for environmental issues. Awareness has only come recently and has yet to produce concrete results. Regulatory and budgetary developments offer interesting prospects, especially for the sanitation market.
« L’eau reste un problème majeur au Japon. La deuxième puissance économique mondiale a fait des progrès sensibles en matière de gestion des ressources et d’aménagement du territoire, note Robert Farhi, attaché pour la science et la technologie à l’ambassade de France au Japon. Mais, sur de nombreux points, et notamment dans le domaine de la qualité des eaux, ces résultats ne sont pas à la hauteur de l’avance technologique prise par le Japon dans de nombreux autres domaines. La raison en est que le développement industriel très important qu’il a connu dans les années 50 n’a pas pris en compte immédiatement la dimension environnementale ».
Ce n'est que dans les années 70 que les premiers textes de loi ont été édictés, suite à diverses catastrophes écologiques. On se souvient de la pollution au mercure de Minamata en 1955 et des rivières Agano (mercure) et Jinzu (cadmium) dans les années 60. Depuis, il a fallu compter avec l'eutrophisation des réservoirs, lacs et baies fermées.
Malgré les textes législatifs, aucune amélioration de la qualité des eaux n’a été observée jusqu'à très récemment. Ce n’est qu’à partir des années 90 qu'un renversement de tendance a pu être enregistré. Mais les résultats sont encore médiocres. Si les concentrations en substances toxiques, comme le cadmium ou les composés cyanés, ont considérablement chuté récemment pour atteindre des niveaux satisfaisant aux normes, aucun résultat tangible n’a pu être obtenu en ce qui concerne les polluants organiques, la pollution des eaux littorales et lacs et celle des rivières en milieu urbain.
Approvisionnement irrégulier et sécheresses
Au Japon, les rivières constituent la source principale d’approvisionnement en eau : 80 milliards de m³ par an contre 15 milliards de m³ pour l’eau issue des nappes phréatiques. La grande variabilité des précipitations et l’importante déclivité des rivières ne facilitent pas l'exploitation des bassins, dont les capacités de stockage sont d’ailleurs insuffisantes. D'où un manque de fiabilité des approvisionnements et de nombreuses sécheresses.
L’aspect quantité de la gestion de l’eau est placé sous la responsabilité du ministère du Territoire, de l’Infrastructure et des Transports (MoLIT). L’aspect qualité est dévolu au ministère de l’Environnement et se base sur une loi de 1970 sur le contrôle de la pollution des eaux.
En 1993, la loi sur l'environnement a établi un ensemble de normes sur les eaux de consommation et les eaux de surface. Le ministère de l'Environnement et le MoLIT ont lancé depuis peu un programme d'installation de stations de contrôle automatique des eaux. En mars 2000, on en comptait environ 300.
Les effluents industriels rejetés dans le milieu sont soumis à des normes nationales. Mais, souvent, chaque gouvernement local impose des seuils plus stricts, en particulier dans les endroits confinés, comme les lacs, où la norme peut être fixée à 10 ppm pour la DCO.
Le gouvernement travaille en ce moment sur le projet d’imposer des contrôles pour 10 m³ d’effluents par jour (contre 50 actuellement). En 1999, 300 000 implantations industrielles étaient placées sous surveillance.
Les effluents domestiques ne sont collectés qu’à 58 % au Japon* (contre 97 % pour la Grande-Bretagne, 92 % pour l’Allemagne et 81 % pour la France). Aujourd’hui, 70 % de la population disposent de toilettes avec fosse septique. Le gouvernement investit constamment pour atteindre, en 2010, 70 % de la population couverte par le système d’égout et 98 % de la population bénéficiant de fosses septiques. Des programmes septennaux ont été mis en place pour améliorer les systèmes de collecte et de traitement des eaux usées. Le budget du 8ᵉ programme (1996-2002) s’élève à 24 000 milliards de yens.
« La taille du marché du traitement des eaux usées est aujourd’hui de 750 milliards de yens », indique Tsuguo Onishi, président de Pan Pacific Corporation, une entreprise qui informe les sociétés étrangères souhaitant accéder au marché japonais. « Il continuera à augmenter, atteignant plus de mille cent milliards de yens en 2010. »
Les eaux souterraines font aussi l'objet d'une surveillance. De fortes pénalités sont désormais envisagées (schéma directeur sur le contrôle des eaux souterraines de 1999) en cas de non-respect des dispositions réglementaires.
(Source : Ambassade de France au Japon)
* Chiffre de 1998. L’objectif est de 65 % pour 2008.
The Ministry of the Environment and the MoLIT recently launched a programme to establish water monitoring stations. By March 2000, there were around 300.
Industrial effluents discharged into the environment are subject to national standards. However, in many cases, each local government authority imposes its own, stricter limits. This is particularly the case in enclosed areas, such as lakes, where the limit may be set at 10 ppm for COD.
The government is currently working on a project to impose controls on 10 m³ of effluent per day (compared to 50 at present). In 1999, 300 000 industrial installations were monitored.
Only 58 % of household wastewater is collected in Japan* (compared to 97 % in Great Britain, 92 % in Germany and 81 % in France). Seventy percent of the population currently have toilets with a septic tank. The government is continually investing and, by 2010, 70 % of the population are due to be connected to the sewerage system, with 98 % of the population having septic tanks. Seven-year programmes have been established to improve wastewater collection and treatment systems. The budget for the 8th programme (1996-2002) totals 24 000 billion yen.
“The wastewater treatment market is currently worth 750 billion yen,” states Tsuguo Onishi, President of the Pan Pacific Corporation, a firm that informs foreign companies seeking access to the Japanese market.
1998 figure. This is set to reach 60 % by 2008.
Standards de qualité de l’eau de boisson
Composé – Seuil en mg/L |
---|
Cadmium 0,01 |
Plomb 0,01 |
Chrome 0,05 |
Arsenic 0,01 |
PCB 0,0005 |
Dichlorométhane 0,02 |
Trichloréthylène 0,03 |
Benzène 0,01 |
Nitrate 10 |
Fluorure 0,8 |
Bore 1 |
Standards on drinking water quality
Compound – Limit in mg/L |
---|
Cadmium 0.01 |
Lead 0.01 |
Chromium 0.05 |
Arsenic 0.01 |
PCB 0.0005 |
Dichloromethane 0.02 |
Trichloroethylene 0.03 |
Benzene 0.01 |
Nitrate 10 |
Fluoride 0.8 |
Boron 1 |
Eaux usées : une vraie politique de réutilisation
En raison d'une forte densité de population sur un territoire restreint, le Japon a recours depuis plusieurs années à la réutilisation des eaux usées. Plusieurs municipalités ont construit des systèmes de distribution double, eau potable et eaux à réutiliser, pour plus de 8 % du volume total des eaux réutilisées, soit plus de 8 millions de m³ par an. À Tokyo, de nombreux immeubles sont équipés d'un second réseau qui alimente essentiellement les chasses d'eau. Les effluents des stations, épurés et traités notamment par filtration sur sable et chloration, sont acheminés jusqu'au réservoir de chaque immeuble. Inconvénient majeur : le coût financier pour construire un second réseau domestique et pour mettre en place des sécurités suffisantes évitant toutes interconnexions.
Parallèlement, d'autres immeubles recyclent directement leurs eaux grises pour alimenter les chasses d'eau (20 à 30 % de l'eau utilisée dans un immeuble). Un tiers des foyers installés en zone urbaine au Japon ont recours à cette pratique. Ces dernières années, dans les villes de Tokyo, Chiba, Yokohama, Kawasaki, Osaka et Fukuoka, les nouveaux bâtiments sont obligés, par la loi, de s'équiper de systèmes de traitement des eaux de pluie et des eaux usées. À Tokyo, tout immeuble de plus de 20 000 m² de surface de plancher, ou susceptible de réutiliser plus de 100 m³ d'effluent traité, doit être équipé d'un double réseau de distribution. Cette tendance s'étend progressivement à tout le pays.
On prévoit un essor important du marché des équipements individuels pour le traitement des eaux de pluie : des groupes de construction travaillent actuellement avec le gouvernement pour mettre en place un système de subvention des propriétaires de maisons qui font installer des équipements d'utilisation de ces eaux. Autre exemple de réutilisation : l’alimentation de cours d'eau urbain asséché. À Tokyo, le Nobodome, détourné de sa source en 1976, s’était asséché, prenant toute l'apparence d'une décharge. Il fut restauré grâce au déversement de 15 000 m³ par jour d'effluents épurés et traités par ozonation.
Mais le symbole le plus médiatique de cette politique est certainement le tout nouveau stade international de Yokohama, qui vient d’accueillir la finale de la Coupe du monde de football le 30 juin 2002. Inauguré en 1998, cet équipement ultramoderne recycle l'eau de pluie récupérée sur son toit. Après épuration, il la recycle comme eau courante des douches et pour l’arrosage du gazon.
De prélèvements datant de 2000 a montré une importante pollution, en particulier en azote, fluor, plomb arsenic et organochlorés.
Les corporations publiques bientôt privatisées ?
« La taille du marché de l'équipement pour l'épuration des sites et eaux souterraines était estimée en 1999 à 4 milliards de yens, précise M. Onishi. On s’attend à ce qu'il développe rapidement, car le nombre de sites pollués s'élève à plusieurs centaines de milliers. Pour 2010, les pronostics du marché varient entre 19 milliards et 200 milliards de yens. Le deuxième chiffre me semble plus vraisemblable ».
Sur le plan institutionnel, la gestion des ressources en eau est encore dépendante des autorités gouvernementales et des collectivités locales. De nombreuses « corporations publiques » ont été mandatées par l'État et les préfectures pour assurer le contrôle de la qualité ou réaliser les travaux. Mais elles restent liées à l'État et subventionnées par lui.
En revanche, la distribution de l'eau est confiée, pour une grande
La distribution de l'eau est confiée, pour une grande part, à une multitude de petites et moyennes entreprises (11 000 actuellement), mandatées par les pouvoirs publics. En raison du contexte financier actuel, la voie devrait s’ouvrir à la participation de partenaires industriels plus solides dans la gestion et la distribution de l'eau.
En juin 2001, une révision substantielle de la loi sur la distribution de l’eau a été votée. Elle vise notamment un meilleur contrôle et une simplification du système de distribution par un renforcement de la régionalisation. Elle permet également une ouverture plus grande des entreprises privées, y compris étrangères. Deux entreprises françaises sont déjà sur place : Marubeni-Vivendi, créée en 1999, et Ondeo, qui a ouvert une filiale à Tokyo.
Parallèlement, le système des corporations publiques soutenues par l'État va évoluer, certainement vers leur suppression ou leur privatisation. Le Premier ministre veut réduire de 1 000 milliards de yens la somme totale des 5 300 milliards allouée à ces 157 instances.
Enfin, le Japon est le pays qui accueillera à Kyoto, du 16 au 23 mars 2003, le troisième forum mondial de l'eau. Le premier rendez-vous, qui eut lieu à Marrakech, avait réuni 500 personnes. Le second, en 2000 à La Haye, 4500. Preuve d’une prise de conscience croissante par la communauté internationale de la nécessité d'un effort d’harmonisation des politiques de l'eau.
Mahmoud Abu-Zeid, ministre égyptien des ressources hydriques et de l'irrigation et président du World Water Council, remarque que la communauté internationale, à ces occasions, est parvenue à élaborer une vision commune. Celle-ci pourrait s’exprimer en ces termes : « Business as usual » n’est pas une option viable ; il faut lui en substituer une autre : « L'eau pour tous, c’est l’affaire de tous ».