En novembre et décembre 1995, trois associations professionnelles de géologues (UFG et FEG) et/ou de géophysiciens (AGAP) ont fêté respectivement leur trentième, quinzième et troisième anniversaire. Coïncidence ou renouveau de la profession ? Quelles liaisons existe-t-il entre ces associations ? La géologie, science de la terre, oui, mais le géologue existe-t-il en tant que tel ? Où le rencontre-t-on ? Est-il reconnu responsable de ses interventions ? Quel avenir a-t-il ? Ce sont les questions auxquelles l'auteur essaie de répondre.
Les structures de la géologie professionnelle
L’Union française des Géologues (UFG) vient de fêter le 1ᵉʳ décembre son trentième anniversaire, sans éclat, mais par une journée de réflexion autour de quatre tables rondes de haut niveau, ayant pour thème « Le géologue dans la société ». La Fédération Européenne des Géologues (FEG), le lendemain, à la Maison de la Géologie, lors de sa 29ᵉ réunion a soufflé ses 15 bougies. Et pour la première fois, les représentants des treize pays (1) membres de l’Union Européenne, auxquels s'étaient joints des observateurs bulgares, polonais, slovaques et suisses, ont décerné le diplôme de géologue européen aux seize premiers géologues français.
Enfin, l’Association pour la Qualité en Géophysique Appliquée (AGAP), plus jeune, donc plus pressée, s’était offert mi-novembre, pour ses trois ans, un colloque assorti d’une assemblée générale et d’une exposition technique (voir L'Eau, l'Industrie, les Nuisances n° 187, chapitre Les Echos).
Fêtes, réunions, colloques, exposition... Quelle mouche a donc piqué les géologues et géophysiciens français ? Quelle relation, quel lien existe-t-il entre les trois associations UFG, FEG, AGAP, en dehors du fait qu’elles ont le même siège social ? Que sont-elles ? Qui regroupent-elles ? Quels sont leurs objectifs ?
L’UFG
Commençons par la plus ancienne et la plus importante sur le plan national : l’UFG. Elle est née dans les années soixante d’un besoin : la dispersion des géologues français et d'un phénomène : la « montée en puissance » des géologues professionnels. Dispersés, les géologues l’étaient par la variété de leur formation : universitaire pour une part, venant des grandes écoles d’autre part : ENSG de Nancy, ENS Mines de Paris, Saint-Étienne et Nancy, Normale Sup, Pétrole et Moteur (IFP à Rueil). Les découvertes pétrolières au Sahara, une dizaine d’années auparavant, avaient créé un énorme besoin de géologues pétroliers, suscitant l’explosion de nouvelles branches connexes à la géologie, telles que la géophysique. L'objectif était donc – et est toujours – de rassembler la famille géologique, enseignants et professionnels, de représenter, de promouvoir et de défendre cette profession en plein essor et pourtant si mal connue.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Bien que touchée par les différentes crises pétrolières, par l’abandon progressif de la recherche minière (charbon, uranium, sulfures), la profession s’est développée puis stabilisée, occupant de nouveaux créneaux dans le génie civil et urbain, en hydrogéologie, puis dans l’environnement en général.
Bien que représentée par ses membres dans presque toutes les universités ou écoles importantes pour les géologues, le nombre d’enseignants qui ont rejoint l’UFG reste faible. Par contre, au moins la moitié des géologues professionnels fait partie de l'Union. Quelle association professionnelle, quel mouvement ou syndicat (en dehors des ordres, obligatoires), peut se targuer d’une telle proportion d’adhérents dans une profession donnée ? L'UFG est forte de plus de 1 200 membres sur environ 5 000 géologues (enseignants et étudiants post-maîtrise compris). L'Union est ainsi réellement représentative d’une profession jeune et dynamique, même si les pesanteurs administratives, les blocages gouvernementaux n'ont pas permis d’obtenir la protection (juridique) du titre de géologue. Cette reconnaissance existe pourtant de fait, puisque le 25ᵉ anniversaire de l’UFG était honoré de la présence d’un député européen et que de hauts fonctionnaires du Commissariat Général au Plan, de la Direction du Ministère de l’Équipement ainsi que des directeurs d’écoles et d’unités d’enseignement supérieur et de nombreux chefs d’entreprises, ont participé aux tables rondes du trentenaire.
La FEG
Vers la fin des années 1970, l’UFG lança l’idée d’un regroupement des géologues européens au sein d’une fédération des associations professionnelles de géologues nationales.
(*) Conseiller en Géophysique Appliquée ; Président d'honneur de l'UFG ; fondateur et Past President de la FEG ; fondateur de l'AGAP et membre du bureau.
(1) Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
sionnelles. Comme ces dernières étaient peu nombreuses (Espagne, Italie, Portugal), elle suscita ou favorisa la création d’associations nationales (Grande-Bretagne, Belgique, Luxembourg, puis Allemagne). Après deux ans de discussions et de tractations, la Fédération Européenne des Géologues fut officiellement créée au printemps 1980, lors de la tenue à Paris du 26e Congrès Géologique International, véritables olympiades de la géologie. Sur les treize pays membres officiels actuels, seuls sept à l’époque offraient les garanties de professionnalisme, de déontologie et donc de représentativité nécessaires. En quinze ans, six autres pays, tous membres de la CE, ont rejoint la FEG et huit autres ont le titre d’observateurs en attendant d’y être intégrés. Officiellement la FEG, reconnue à la fois par les autorités françaises (loi de 1901) et celles de Bruxelles, a son siège et son secrétariat permanent à Paris et a retenu trois langues pour ses échanges et actes : l’anglais, le français et l’espagnol. Elle a pour but de représenter la profession auprès de l’Union Européenne, de promouvoir la libre circulation des géologues en Europe, par mutuelle reconnaissance des qualifications et l’harmonisation de l’enseignement.
Elle tient aussi à susciter une politique commune de l’exploitation des ressources naturelles (énergie, minerais, eau) et la défense de l’environnement. L’action de l’UFG au sein de la FEG a été essentielle, avec l’élaboration d’un dossier évolutif sur l’énergie (1980, 1981, 1983), un autre sur l’emploi (1986-1988), la définition d’un code de déontologie, adopté par tous (1986) et celle d’un statut de Géologue Européen (1986-1989). Elle a aussi tenu le leadership durant la première décennie de la FEG, en donnant un secrétaire général de 1980 à 1983, un président de 1986 à 1990 et un secrétaire général adjoint de 1988 à 1990.
L’AGAP Qualité
À l’encontre de l’UFG et de la FEG, l’AGAP, la dernière née des trois associations, ne rassemble que des personnes morales : sociétés, bureaux d’études ou laboratoires. Chaque adhérent a pour profession de réaliser des études, ou de faire réaliser des travaux, ou encore d’effectuer des recherches fondamentales en géophysique appliquée non pétrolière, et d’employer ou de rassembler des géophysiciens. Ce qui est le cas de l’UFG (un des membres fondateurs), qui possède une section géophysique.
L’AGAP est née d’une idée chère à quelques-uns d’entre nous : régulariser, ou au moins harmoniser, si ce n’est réglementer, l’exercice de la profession à travers l’objectif Qualité, et ce avant l’ouverture des frontières à la libre circulation des géologues et géophysiciens de la Communauté Européenne. Le Ministère français de l’Industrie offrit dès 1988 cette possibilité aux quatre plus grands prestataires de géophysique, en leur commandant de se regrouper pour définir la Qualité en géophysique appliquée, en application de la norme ISO 9001 (EN 29001). Sans rentrer dans les détails, ce travail aboutit au bout de quatre ans à la réalisation d’un code de Bonne Pratique qui comporte trois chapitres principaux :
- Système Qualité,
- Guide d’adéquation,
- Recueil de fiches.
Les deux derniers chapitres établissent un minimum de standardisation des huit méthodes de base (2) en géophysique. Elles se divisent elles-mêmes en 74 techniques fichées qui autorisent 96 applications possibles, réparties dans cinq domaines (3). L’AGAP Qualité fut donc créée pour faire vivre et évoluer cet ouvrage et imposer son application tant sur le territoire national qu’en dehors de nos frontières. L’originalité de cette association est qu’elle rassemble autour de l’objectif Qualité fournisseurs (prestataires de services), clients (services publics ou privés, bureaux d’études, industriels, etc., grands donneurs d’ordres) et, dans une moindre mesure, chercheurs.
En imposant progressivement son objectif Qualité (qualité du personnel, qualité des mesures, qualité des rapports, qualité des appels d’offres), l’AGAP ne veut pas tenir le rôle de gendarme mais celui d’éducateur et de médiateur.
Le Géologue existe-t-il ?
Géologue et responsabilité
Le Géologue, ça n’existe pas… officiellement. Le titre n’est pas reconnu, malgré de nombreuses démarches auprès des gouvernements (Ministres de l’Industrie et, ou, de la Recherche) et des deux Assemblées qui se sont succédé depuis trente ans. Pourquoi ? Qui gêne-t-on ? Sont-ce les politiques ou certains corps constitués et de droit divin auxquels la profession a taillé des croupières depuis trente ans et qui campent sur leurs positions, attachés à leurs privilèges, prérogatives… ou signatures ? Avez-vous remarqué comme on donne la parole à la radio, à la télévision, ou la plume dans les journaux, aux radiesthésistes, aux sourciers quelquefois sans baguette (Radio Europe 1, 23 nov. 1995) ; aux « géobiologistes », qui eux n’ont même pas de baguette, mais un jargon pseudo-scientifique (« Notre Temps », janvier 1996), sur la géologie. Mais jamais ces médias ne donnent la parole aux géologues praticiens. Bizarre non ? Par contre, lorsqu’il y a problème, juridique ou non, effondrement ou glissement de terrain, fissuration d’ouvrages, sécheresse ou inondations, pénurie de matières premières, etc.… SOS (save our soul !) Géologues. Ainsi, au fil des années et des catastrophes, l’intervention du géologue est devenue nécessaire, si ce n’est obliga-
(2) Gravimétrie, sismique, radioactivité, électrique, électromagnétique, magnétique, thermique et diagraphie.
(3) Géologie, géothermie, eaux souterraines, mines et carrières, génie civil et environnement.
En application de la loi, dans au moins cinq cas :
— le Comité technique permanent des barrages,
— la loi « Spinetta » (responsabilité dans le domaine de la construction),
— le géologue agréé (pour la qualité sanitaire de l'eau),
— les appellations d’origine contrôlée (pour le vin),
— la formation universitaire.
La catastrophe de Malpasset (Fréjus, Var) en 1959 fit plus d'une centaine de morts. D’après les différents experts, ce barrage voûte qui explosa littéralement sous la poussée des eaux avait été géologiquement insuffisamment ou mal étudié, au niveau de la reconnaissance des fondations. Ces dernières avaient été mal ou non réalisées (ancrages); la qualité du matériau utilisé (béton cyclopéen) aurait laissé à désirer (?) Le genre même de l’ouvrage en voûte mince n’était pas adapté à un terrain de mauvaise tenue, etc. Devant tant d’« erreurs » probables ou de fautes commises et après des années d’expertises, les pouvoirs publics décidèrent de créer un Comité technique permanent des barrages (décret du 13 juin 1966). Ce comité a pour but de superviser dans tous les domaines et de donner, après dépouillement des études et dossiers réalisés, un avis et éventuellement son accord à la construction de tout ouvrage de retenue de plus de 20 m de hauteur de crête.
Ainsi, toute étude géologique préliminaire, suivie de reconnaissances géophysiques, puis de sondages, est un préalable à tout dépôt de dossier auprès de ce comité, qui a la possibilité d’obliger la réalisation d’études supplémentaires.
Qui siège, parmi d’autres, à ce comité, qui réalise, avec d’autres, les reconnaissances préliminaires puis supplémentaires ? Des géologues au sens large, avec chacun sa spécialité : géologue pour la cartographie et souvent comme représentant du maître d’ouvrage au niveau des études ; hydrogéologue pour le calcul de la pluviométrie du bassin versant et des débits tant liquides que solides ; géophysiciens et géotechniciens pour définir les épaisseurs, les profondeurs et les qualités des roches en place, en vue des fondations, appuis, zones d’emprunt...
Une autre conséquence de la catastrophe de Malpasset fut la « loi Spinetta ». Cette loi, du nom de son rapporteur, stipule que tout participant à toute construction est responsable de l'avis qu'il donne, de l’étude qu’il fait, du bâti qu’il monte, etc. Alors qu’avant seul l’architecte concepteur et superviseur des travaux était judiciairement responsable, depuis cette loi, tout corps de métier ayant participé de près ou de loin à la construction est responsable et, en cas de malfaçon, est amené à verser des indemnités qui ne sont pas obligatoirement fonction du montant de ses honoraires ou des travaux exécutés. Ainsi, toute construction nécessite au préalable un avis géologique signé, exprimant la possibilité ou non de construire et, si oui, indiquant les aménagements éventuellement nécessaires au niveau des fondations. Le géologue conseil, comme le géotechnicien qui calculera les fondations, est donc responsable et implicitement reconnu en tant que tel.
En fait, il existe bien un ministère qui reconnaît explicitement la profession : c’est celui de la Santé. Pour régler les problèmes d’hygiène publique, ce ministère a besoin d’experts, d’une part pour définir les périmètres de protection des captages d’eau et délimiter ou déterminer les emplacements d’anciens ou nouveaux cimetières, et d’autre part pour juger les dossiers concernant les projets de captages, de retenues d’eau à usage domestique et toutes pollutions possibles, donc nombre de problèmes d’ordre hydrogéologique liés à l’environnement et à l'eau de consommation. Suite à l’arrêté du ministère de la Santé du 31 août 1993, il ne peut être juge et partie, c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit de donner son avis sur des études auxquelles il aurait participé. Autrefois seulement Géologue agréé, aujourd’hui défini comme Hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique, ce professionnel a le département comme zone d'influence (au maximum cinq). Choisi sur dossier et inscrit sur une liste révisable, il intervient officiellement à la demande du préfet. Rappelons qu’en tant que membre du Conseil départemental d’hygiène, l’Hydrogéologue agréé donne son avis sur tous les dossiers de demande d’autorisation préfectorale des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Si le géologue, lorsqu’il est hydro-, est qualifié pour trouver ou donner des informations pour qualifier l’eau, il a aussi, sans paradoxe, son avis à donner pour le vin : il n’a certes pas qualité à tester le jus de la vigne, sauf s’il est aussi œnologue, mais à définir le territoire (géologique) de celle-ci. La vigne, d’origine asiatique, a été implantée en Provence et Languedoc par les Romains il y a vingt-cinq siècles. Elle a depuis migré sur une grande partie de l’hexagone. On la retrouve ainsi sur des formations géologiques (roche mère et sol éluvial) extrêmement variées, qui induisent des qualités de vin différentes au sein d’une même région vinicole. Ainsi, depuis un décret-loi de 1935, la délimitation des aires de production des vins à appellations d’origine et principalement des « grands vins » (VDQS et AOC) est sous la responsabilité de l’Institut national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie (INAO). Et qui siège, entre autres, à l’INAO ? Des géologues ! Qui définit la nature, la texture, la structure, la composition de la roche mère et du sol, ainsi que ses contours en surface ? Les géologues.
(4) VDQS = Vins délimités de qualité supérieure ; AOC = Vins d’appellation d’origine contrôlée.
Pourtant, ces « inconnus non reconnus », mais responsables comme constructeurs, buveurs d’eau ou œnophiles, ont aussi d’autres spécifications (pétroliers, miniers, environnementalistes, etc.) qu'il faut bien acquérir quelque part. Sans entrer dans le détail, la profession reconnaît comme géologue toute personne ayant fait et réussi au moins cinq ans d'études supérieures en université ou en grande école. La majeure partie, si ce n'est la totalité, de ces cinq années de formation s’inscrit dans un cursus de Sciences de la Terre, dont le professionnel doit également tirer l’essentiel de ses ressources. Par ailleurs, depuis plus de trente ans et principalement grâce, entre autres, à leur Union professionnelle (UFG), les géologues ont exercé une influence non négligeable sur le contenu, le fond et la forme des études dites géologiques, soit par des conseils évolutifs donnés aux enseignants (réunions, colloques), soit par des conférences ou des cours aux étudiants, en devenant temporairement eux-mêmes des enseignants.
Ainsi une MST (maîtrise de sciences et techniques) de Géosciences développée dans le Sud-Est dispense non seulement de la géologie au sens strict, mais aussi de l'informatique, des langues, du droit, de l’hydrogéologie, de la géophysique, de la géotechnique, etc., enseignés par des professeurs de métier et par une quarantaine de praticiens de tous horizons scientifiques et géographiques. Et pourtant, rappelez-vous que pour les politiques, le « géologue », ça n’existe pas !
Le géologue dans la société ou à quoi ça sert un géologue ?
Un premier aperçu du métier de géologue, à travers sa ou ses responsabilités codifiées ou dans l’Enseignement, vient d’être entrevu. Cette responsabilité et ses différentes interventions ne s’arrêtent point là. Deux manifestations récentes de l'UFG peuvent nous permettre de les évoquer. Ainsi, d’une part, le trentenaire de l’Union a été pour la profession l'occasion de faire le point sur la formation et le métier de géologue, sa place, son rôle et sa responsabilité dans la société d’aujourd’hui et l'avenir de ce métier à l’aube du XXIᵉ siècle.
Quatre thèmes furent exposés et débattus par une centaine de personnes (enseignants, praticiens et étudiants) ayant surmonté les difficultés de transports liées à la grande grève de décembre :
• Responsabilité du géologue dans la gestion des ressources naturelles.
• Place du géologue face aux risques naturels.
• La formation du géologue.
• L’avenir du métier de géologue.
D’autre part, un colloque co-organisé avec la Société Géologique de France (SGF) permit d’entrevoir les différentes « formes » de stockage des déchets en fonction de leur origine (radioactifs, industriels, urbains ou inertes). À travers ces deux journées d’études, on peut dégager les grands traits de la profession. Ainsi le géologue intervient :
• Lors de la prospection, l’exploitation et donc la gestion de l’eau, du pétrole, du charbon, du gaz, des minerais et des matériaux de carrières. Sa responsabilité est engagée depuis l’évaluation du gisement jusqu’à son abandon et la remise en état du site ou sa surveillance.
• Pour le choix et l'étude des tracés de grandes voies de communication (autoroutes, TGV) et de l’aménagement du territoire, dans le cadre duquel il participe aux études de fondation des constructions immobilières, industrielles et autres ouvrages d’art (ports, aéroports, ponts, tunnels, rives).
• Au niveau de l’environnement en général, que ce soit pour la prévention des risques naturels (glissements de terrains, inondations, séismes, volcanisme) ou, par la création de plans d’exposition aux risques (définition de zones dangereuses inconstructibles) ; que ce soit après l’accident, dans la gestion de la crise (par exemple, purge de terrains déstabilisés, participation aux constructions antisismiques, etc.) ; ou lors d'études d’impact, de pollution des eaux (prévention et traitement) ou de sauvegarde et de valorisation du patrimoine naturel. Dans ce dernier cadre peuvent s’inclure les études liées au stockage des déchets pour lesquels interviennent divers types de géologues : fondamentaux, cartographes, sédimentologistes, tectoniciens, géophysiciens, géochimistes, géotechniciens et hydrogéologues.
Trois sites font en France l’objet de reconnaissances approfondies pour l'enfouissement de déchets moyennement et fortement radioactifs à vie longue (égale ou supérieure à 300 ans). Ces « soldes » de manipulations médicales ou de résidus ultimes de centrales nucléaires doivent être entreposés à des profondeurs telles que la « protection subsiste pendant des temps géologiques » et dans des roches d'accueil (argile, sel, anhydrite ou granite) devant rester imperméables et secs.
Les déchets radioactifs à vie courte (inférieure ou égale à 30 ans) sont confinés en surface (à La Hague) ou à faible profondeur dans des argiles à l'abri de l'eau (pour éviter la lixiviation des déchets) disséminatrice des radioéléments comme d'autres polluants.
Au niveau des stockages souterrains dits industriels, il y a ceux qui constituent des réserves à hydrocarbures (pétrole, gaz, GPL) et ceux qui reçoivent les déchets toxiques. En dehors des aquifères, seuls susceptibles d’entreposer les premiers (principalement le gaz), les structures d'accueil utilisées sont toutes des cavités obtenues par excavation ou dissolution d’une formation salifère ou d’anciennes mines abandonnées. De même les anciennes carrières hors d’eau sont susceptibles de recevoir les déchets inertes non polluants tels que gravats, produits de terrassement, stériles miniers, pouvant être réutilisés comme remblais dans des projets d’urbanisme. Enfin, dans ce domaine, l’hydrogéologue intervient pour définir et surveiller les sites de décharges urbaines. En effet, la sécurité à long terme (pollution des eaux, création de poches de méthane explosives et/ou incendiaires) nécessite à la fois un environnement géologique étanche (5 m d’argiles imperméables) ou une couverture étanche (géomembrane) et des réseaux de drainage des lixiviats et de gaz.
Ce rapide tour d’horizon a permis, on l’espère, d’évaluer l’utilité actuelle du géologue par sa connaissance de la géologie et des sciences connexes (physique, chimie, mécanique des sols et des roches, informatique, etc.). Mais ce métier a-t-il un avenir ?
Il y a trente à quarante ans, en dehors de la nécessaire cartographie de base, le géologue praticien était surtout pétrolier, minier ou hydrogéologue. L’agrandissement des villes, la création des Villes Nouvelles, la nécessité de
Voies de communication rapides, donc l'aménagement ou le réaménagement du territoire, ont nécessité un nombre accru de spécialistes en génie civil et géotechnique. Ensuite, les stockages, la pollution, les atteintes à l'environnement en général, ont créé des besoins nouveaux nécessitant une nouvelle génération de géologues environnementalistes, à la fois généralistes de domaines étendus et spécialisés dans d'autres.
De plus, le développement des sciences (informatique, géophysique...) ou des techniques (forages, injections...) oblige constamment le géologue, si ce n'est à une remise en question, tout au moins à une adaptation permanente. Si pour Aragon « la femme est l'avenir de l'homme », le géologue (féminin ou masculin) peut être le protecteur et le pourvoyeur de l'homme du XXIᵉ siècle.
Moins « prospecteur de ressources » qu’actuellement, à cause du recyclage de nombre de matières de base et de l'évolution de l'énergie vers des sources moins polluantes (géothermie, solaire, électrochimique, pétrole vert...), le géologue du XXIᵉ siècle sera encore plus impliqué dans les aménagements du territoire et dans notre environnement quotidien et général.
En conclusion, les géologues au sens large, comme la Terre qu'ils étudient, évoluent à travers le temps et l'espace (le premier scientifique envoyé sur la Lune fut un géologue). Mais leur réactivité est plus proche de la seconde que des milliers d’années des temps géologiques. Si l'image du professeur cartographe et binoclard, avec sa boussole, sa loupe et son marteau fait parfois figure d’aimable dinosaure, le géologue d’aujourd’hui balade des outils informatisés sur le terrain et ses assistants sont des mathématiciens et des spécialistes de l'image numérique chevronnés. En fait, l’ancien et le nouveau géologue ne sont que les deux facettes complémentaires d’un métier de physicien et de naturaliste. Cette double appartenance permet au géologue de déceler ce que d'autres ne voient pas, de comprendre ce qui reste hermétique à des esprits réputés plus brillants et d’avoir une faculté d’adaptation que beaucoup lui envient.