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Le gammare des ruisseaux est l’Animal de l’année 2021

26 février 2021 Paru dans le N°439 à la page 101 ( mots)
Rédigé par : Nature PRO

Tout au long de l’année 2021, le gammare des ruisseaux (Gammarus fossarum) sera l’ambassadeur des cours d’eau propres et diversifiés. La présence de nombreux gammares révèle la bonne santé d’un cours d’eau. Le choix du gammare des ruisseaux est également un hommage à tous ces petits animaux discrets qui donnent vie à notre écosystème.

En latin, Gammarus fossarum signifie « crabe des fossés ». Gammarus fossarum est le gammare le plus commun et le plus répandu de Suisse. Il peuple presque toutes les régions du pays jusqu’à 1.300 mètres d’altitude. L’espèce n’est absente que du Tessin et de certaines vallées du sud du pays. Bien que peu connu du grand public, l’Animal de l’année 2021 est également facilement observable.
Les ruisseaux naturels en forêt, un paradis pour les gammares.

Les cours d’eau, petits et grands, sont les artères vitales de nos paysages. En termes de kilomètres, les petits et moyens cours d’eau représentent 75 % du réseau hydrographique suisse. Ils sont donc particulièrement importants pour la nature. D’innombrables espèces animales et végétales dépendent directement de cours d’eau propres et naturels.

C’est le cas du gammare des ruisseaux. Cette petite créature est sensible à la pollution des eaux. Si un petit cours d’eau n’abrite pas de gammares des ruisseaux, c’est généralement que la qualité de son eau laisse à désirer. Avec l’Animal de l’année 2021, Pro Natura attire l’attention sur la valeur des petits ruisseaux et en appelle à une meilleure protection de ces sources de vie.

Un petit crustacé en forme de croissant

Vous avez certainement déjà aperçu un gammare. Vous ne vous en souvenez pas ? Rendez-vous au bord d’un ruisseau propre en forêt et retournez délicatement une pierre ou une feuille tombée au fond de l’eau. Vous voyez les petits crustacés au corps recourbé qui rampent lentement sur le côté le long des pierres ? Ce sont des gammares et probablement de l’espèce Gammarus fossarum. Les spécimens adultes sont à peine plus gros qu’un ongle et leur corps est recouvert d’une carapace articulée. Cet exosquelette est composé de chitine et de calcium.

Une boîte loupe permet de découvrir toute la complexité de ce petit crustacé : sept paires de pattes au total, deux paires d’antennes, d’autres appendices plus petits et des soies partout. Le corps du gammare est arqué ventralement. Ses pattes, qui lui servent de nageoires, s’agitent sans arrêt pour amener de l’eau fraîche aux branchies situées sur la face ventrale du thorax. Selon la qualité de l’eau, la nourriture et l’âge, la couleur des gammares varie entre le brun, le gris et le vert.

Recherche : à la pêche aux gammares !

Depuis 2012, les chercheurs passionnés du projet Amphipod.CH en ont beaucoup appris sur les différentes espèces de gammares vivant en Suisse. Ils ont pataugé dans l’eau, se sont faufilés dans des grottes et ont exploré des captages de sources. Le fruit de ces expéditions a été identifié au microscope et fait l’objet d’études génétiques. De 20 espèces environ, les recherches ont fait passer le nombre d’espèces de gammares identifiées en Suisse à 40 ! Les gammares colonisent pratiquement tous les types d’eaux de surface et souterraines. Environ un tiers des espèces observées ne sont pas indigènes. En revanche, quatre espèces n’existent qu’en Suisse.
Les gammares des ruisseaux peuvent être très nombreux dans les eaux saines. Jusqu’à plusieurs milliers d’individus peuvent être observés dans un mètre carré.

L’équipe de recherche d’Amphipod.CH décrit elle-même ses découvertes comme un « instantané ». Le monde des gammares indigènes recèle encore de nombreux secrets. Gammarus fossarum, en particulier, s’est révélé une véritable curiosité naturelle. Des individus a priori parfaitement identiques peuvent appartenir à des espèces différentes sur le plan génétique. Les scientifiques appellent ce phénomène un « complexe d’espèces ».

Enlacés jusqu’à l’accouplement

La reproduction des gammares se fait de manière sexuée. Les mâles sont généralement plus grands que les femelles. Monsieur et Madame Gammare se reproduisent à un moment très précis. En effet, l’accouplement doit avoir lieu immédiatement après que la femelle a mué. C’est pourquoi il n’est pas rare que les mâles s’agrippent au dos des femelles quelques jours avant la mue. Ce stade est appelé « promenade nuptiale ».
Après la fécondation des œufs dans la cavité incubatrice (marsupium) de la face ventrale, les embryons s’y développent. Les œufs se trouvent donc en dehors du corps de la mère. Les petits gammares éclosent au bout de 3 à 4 semaines. Ils ont déjà toutes leurs extrémités et quittent la cavité incubatrice après un à deux jours. Les jeunes gammares sont sexuellement matures à 3-4 mois, après plusieurs mues. Un gammare vit quelques mois, tout au plus quelques années.
Un Gammarus fossarum mâle agrippé
à l’élue de son cœur pour une « promenade nuptiale ».

Mangé et être mangé

Gammarus fossarum se nourrit principalement de feuilles mortes. Il en mange souvent les parties molles et en dédaigne les parties les plus dures. Les microorganismes se chargent ensuite de terminer le recyclage des feuilles. Les gammares sont également une source importante de nourriture pour de nombreuses espèces animales vivant dans les cours d’eau et aux abords. Dans un cours d’eau en bonne santé, l’offre en gammares des ruisseaux est abondante.
Un cycle nutritif invisible relie alors la terre et l’eau : une feuille tombe et est emportée par le courant. Un gammare des ruisseaux la mange. Un cincle plongeur picore le gammare. Et il ne manquerait plus que le cincle vienne s’installer sur la branche d’où la feuille est tombée…
Les gammares des ruisseaux sont
une proie bienvenue pour l’élégant
cincle plongeur.

De mini-dispositifs d’alerte

Les gammares des ruisseaux sont très sensibles à la pollution de l’eau. Les pesticides et les eaux usées mal traitées ont des effets délétères sur ces petits crustacés, quand ils ne les tuent pas. C’est pourquoi les gammares des ruisseaux sont utilisés comme des indicateurs de la propreté des eaux. Avec les problèmes actuels de pollution par les pesticides et les engrais, la science porte une attention accrue à ces habitants des petits cours d’eau.
Les petits ruisseaux des zones agricoles sont particulièrement touchés par les apports de polluants. Les pesticides présents dans l’eau nuisent non seulement aux gammares mais indirectement aussi aux poissons et à d’autres espèces en raison notamment de la diminution de la nourriture disponible.
Il a gagné la Suisse depuis l’Amérique du nord : le gammare tigré n’a été retrouvé en Suisse qu’une seule fois à ce jour.

De la mer Noire au lac de Constance

Les gammares ont mis des millions d’années pour se développer. De nombreuses espèces de gammares se sont adaptées à « leur » ruisseau, rivière ou lac. Depuis 200 ans, l’homme intervient à grande échelle dans le réseau hydrographique. Des hydrosystèmes entiers ont été artificiellement reliés. Ce développement a des conséquences inattendues.
Par exemple, depuis l’ouverture du canal Rhin-Main-Danube en 1992, de nombreuses espèces aquatiques ont migré dans nos eaux via Bâle. Elles y parviennent par leurs propres moyens, ou avec l’aide des activités humaines, dans les eaux de ballast des navires par exemple. Diverses espèces de gammares ont réussi à s’installer chez nous et il se pourrait qu’elles viennent concurrencer la présence des espèces indigènes. Il est donc important de veiller à ne pas transporter de gammares d’un cours d’eau à l’autre par bateau ou au moyen d’engins de pêche.
Retrouver l’article sur https://www.pronatura.ch/fr/2021/le-gammare-des-ruisseaux-est-lanimal-de-lannee-2021 
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