Le lit bactérien est réputé sensible à la température extérieure et aux pointes de débit. On peut observer le phénomène. Pourtant des variations même importantes de ces paramètres, ne mettent jamais en cause le bon fonctionnement d'un lit bactérien bien calculé et bien exploité.
En Suède, les contrôles stricts des rejets obligent les responsables de stations même modestes, à s'équiper d'un laboratoire qui suit et consigne au jour le jour les effets des traitements des eaux résiduaires. C’est en puisant dans ces véritables « journaux de bord » que nous pouvons présenter les résultats obtenus sur lit bactérien à garnissage plastique, dans les stations de Falkenberg et d'Eslov.
LA STATION D'ÉPURATION DE FALKENBERG
Le chaînage de la station est présenté figure 1. Sa mise en service a eu lieu en 1978. Elle est prévue pour traiter, en 1990, les rejets correspondants à 160 000 éq.-habitants.
Elle a traité, en 1979, 21 tonnes de DBO₅ par jour pour un volume quotidien de rejets de 15 000 m³ avec des pointes pouvant atteindre par fortes pluies 1 700 m³/h. Environ un tiers de la DBO₅ à traiter est d'origine urbaine, les deux autres tiers provenant de la zone industrielle, qui comprend surtout une brasserie et une laiterie.
Si, en cours de semaine, les effluents sont mélangés, il n'en n'est pas de même pendant les fins de semaine, ni surtout pendant la période de fermeture annuelle des deux plus importantes usines. L'effet de ces fermetures est atténué par un accroissement estival de la population, Falkenberg étant un lieu de vacances apprécié des Suédois. Mais, il faut noter que si la quantité de DBO₅ à traiter reste assez constante, la dilution change considérablement.
La brasserie est supposée prétraiter son effluent par aération dans un bassin tampon : à cet effet, le bassin est équipé d'une rampe d'injection d’air. Mais, par suite de la détérioration, chaque hiver par la glace, de ce système, et compte tenu du temps de remise en état, ce prétraitement fonctionne au mieux deux mois par an. Ceci permet tout au plus d’éviter en été, et même parfois assez mal, des nuisances olfactives, la brasserie étant pratiquement en pleine ville.
Le lit bactérien proprement dit est disposé en deux tours de 16,7 m de diamètre, pour 6 m de hauteur de garnissage plastique. Le volume de « PLASdek » dans les deux tours atteint 2 640 m³.
En fonctionnement normal, 30 % des boues rejetées par le lit bactérien sont recyclées en amont de celui-ci, dans le bassin tampon. On peut, au besoin, recycler 100 % des boues dans le bassin de présédimentation.
Les valeurs de pollution sont, selon la norme suédoise, exprimées en DBO5. On a relevé après chaque étage de traitement les valeurs moyennes suivantes pour l'année 1979 :
— entrée ........................ 400 à 450 mg/l — après présédimentation ....... 273 mg/l — après lit bactérien ............ 155 mg/l — après boues activées .......... 17 mg/l — après sédimentation finale ..... 6 mg/l
Les mesures sont faites à partir d'échantillons recueillis sans précautions particulières. En 1980, des dispositions ont été prises pour éviter toute évolution de l’échantillon après prélèvement.
La mesure de la DBO est faite sur tout l’échantillon recueilli. On mesure donc aussi bien la DBO dissoute que celle apportée par les matières en suspension. La différence n'est pas négligeable comme le montrent les mesures faites sur un échantillon prélevé après le lit bactérien.
DBO5 mesurée avant filtration ...... 130 mg/l DBO5 mesurée après filtration ....... 18 mg/l
Cette différence importante met en évidence l’efficacité du PLASdek vis-à-vis de la DBO dissoute.
Un autre phénomène s'observe sur les échantillons prélevés : l'odeur très prononcée de l’eau prélevée avant le lit bactérien disparaît presque totalement de l’échantillon prélevé après le lit.
La quantité de sulfate d'alumine ajoutée pour le conditionnement des boues est liée à la teneur en phosphate. Le laboratoire de la station mesure donc cette teneur. Cette méthode n’est pas sans inconvénients. Une partie du sulfate injecté sert à éliminer l'alcalinité de l’eau qui varie de façon importante, selon la plus ou moins grande quantité de gaz carbonique absorbé, et selon la plus ou moins grande quantité de chaux ajoutée pour le conditionnement des boues avant passage en filtre-presse ; or, les eaux sorties du filtre-presse sont recyclées après la pré-sédimentation. L'injection du sulfate d’alumine se faisant avec un certain décalage, on observe un accroissement de la teneur en P des rejets lorsque l'alcalinité croît.
En 1979, on a relevé les rejets suivants :
— entrée .......................... 9,00 mg/l — après pré-sédimentation .......... 6,20 mg/l — après lit bactérien ............... 6,40 mg/l — après boues activées ............ 2,40 mg/l — après sédimentation finale ....... 0,35 mg/l — rendement total .................. 96 %
On constate également que P est présent sous forme solide, et bien moins en solution. Des mesures ont été faites au hasard, de façon non systématique, mais elles se recoupent même si elles ne peuvent être présentées comme des valeurs moyennes sur l'année :
— teneur en P avant filtration ...... 8,80 mg/l — teneur en P après filtration ....... 0,95 mg/l
Le laboratoire procède aussi à la mesure de la DCO après chaque étage de traitement ; on a relevé, en 1979, les valeurs moyennes suivantes :
— entrée .......................... 1 564,00 mg/l — après pré-sédimentation .......... 782,00 mg/l — après lit bactérien .............. 566,00 mg/l — après boues activées ............. 162,00 mg/l — après sédimentation finale ........ 86,00 mg/l — rendement total ................... 94,5 %
Les boues sont ensuite éliminées par flottation puis concentrées sur un filtre-presse. La production journalière est de 11,5 tonnes ainsi réparties :
— pré-sédimentation ................. 30 % — boues biologiques ................. 50 % — boues de flottation ............... 20 %
Les boues biologiques et de flottation sont mélangées avant d’être floculées en même temps. Cette technique a permis d’accroître l'indice de Mohlmann de 150 à 180, et de réduire de 30 à 40 % le volume de boues produit.
Il n'y a ni traitement ni extraction pendant les fins de semaine. La production journalière du lundi au vendredi est de 150 m³. La concentration par les moyens physico-chimiques permet d'obtenir une boue à 5 ou 6 % de matière sèche. Le traitement sur filtre-presse accroît la concentration à 30 % de matière sèche, dont 20 à 25 % constitués de chaux ajoutée avant la filtration.
La consommation de chlorure ferrique en solution du commerce est de 3 à 4 litres par m³ de boues. La consommation de sulfate d'alumine prévue était de 200 g/m³ de boues ; le suivi du laboratoire a permis de la réduire à 80 g/m³ en 1979.
Pour les amateurs de chiffres, la station emploie pour le contrôle et l’entretien de l’ensemble des installations, y compris le réseau et les stations de relevage, 10 personnes. La consommation journalière de courant, dans laquelle entre le chauffage des locaux de la flottation, du conditionnement et de la filtration des boues, ainsi que du laboratoire, est de 10 000 kWh. Ces dépenses de chauffage sont importantes dans un pays où l'hiver est fort long.
En 1978, le coût de construction, bâtiments compris, a été de 32 000 000 de couronnes suédoises, soit en première approximation un montant équivalent de francs français.
Nous avons réuni dans un tableau récapitulatif les données techniques concernant cette installation. Elles donnent une idée du dimensionnement qu'il faut prévoir dans un pays froid ; elles montrent aussi qu'un processus d’épuration biologique est parfaitement applicable si des précautions simples sont prises pour le faire fonctionner.
TABLEAU DES DONNÉES TECHNIQUES
DE LA STATION DE FALKENBERG
Généralités et traitements mécaniques. | |
---|---|
Population prévue en 1990 ............ | 40 000 |
Débit moyen prévu en 1990 en m³/jour . | 1 700 |
Pollution totale actuelle en tonne de DBO₅/jour ....................... | 13 |
Dont pollution industrielle .......... | 9 |
Équivalents-habitant en 1990 ......... | 160 000 |
Traitements mécaniques : | |
2 dégrilleurs de capacité unitaire en m³/heure .......................... | 1 700 |
2 étages de dessablage de volume unitaire en m³ ............................ | 180 |
temps de rétention en minutes ....... | 12 |
3 unités de pré-sédimentation | |
surface unitaire en m² .............. | 630 |
volume unitaire en m³ ............... | 310 |
vitesse en m/heure .................. | 2,7 |
Traitement biologique. | |
4 stations de pompage sur le lit | |
capacité unitaire m³/heure .......... | 600 |
2 étages de PLASdek | |
surface unitaire en m² .............. | 310 |
volume total en m³ .................. | 2 600 |
charge hydraulique en m/heure ....... | 2 |
charge spécifique en kg DBO/m²/jour . | 26 |
4 étages d'aération | |
surface totale en m² ................ | 1 020 |
volume total en m³ .................. | 3 970 |
temps de rétention en heures ........ | 2,3 |
5 bassins de sédimentation | |
surface totale en m² ................ | 1 400 |
volume total en m³ .................. | 4 510 |
vitesse en m/heure .................. | 1,2 |
Traitement chimique.
2 silos de réactifs volume unitaire en m³ .............. 80 4 bassins de floculation volume total en m³ ............... 850 temps de rétention en minutes ...... 30 4 bassins de flottation surface totale en m² ............... 480 vitesse en m/heure ................. 3,5 1 silo de stockage d'hypochlorite volume en m³ ....................... 15
Traitement et manipulation des boues.
Production
tonnes de solides par jour
boues brutes ....................... 2,5 boues extérieures et municipales ... 0,5 boues biologiques .................. 7 boues chimiques .................... 1,5 total .............................. 11,5
Traitement
2 étages de flottation des boues biologiques vitesse en m/heure ................. 0,5 charge en kg/m²/heure .............. 4,9
Stockage des boues biologiques
volume en m³ ....................... 500
Stockage des boues chimiques
volume en m³ ....................... 120
Bac de mélange - volume en m³ ....... 80
Stockage des boues avant filtration en tonnes de solides/jour ............ 80
2 filtres-presses
volume unitaire des chambres en m³ .. 3,3
Concentration de la boue après filtration
en % de solides .................... 40 volume approximatif en m³/jour .... 250
Consommation de chaux à 260 kg/tonne de solides en tonnes/jour .......... 20
LA STATION D'ÉPURATION D'ESLÖV
La station d'Eslöv, petite ville située à 60 km environ au nord-est de Malmö, est conçue pour traiter un effluent mixte, d'une part urbain, de l'autre en provenance d'une usine de conserverie alimentaire, la société FELIX A.B.
Les productions journalières moyennes de chacune de ces deux sources sont les suivantes :
Débit DBO₇ M.E.S. |
---|
en m³/j en mg/l en mg/l |
Ville .......... 8 000 2 300 200 |
FELIX A.B. ..... 4 500 3 500 2 000 |
Les rejets sont prétraités séparément. La décantation primaire a lieu dans un double décanteur circulaire pour le rejet industriel, tandis que l'effluent urbain est dégrillé, dessablé, puis décanté dans un décanteur rectangulaire.
Le chaînage commun est ensuite le suivant :
- — lit bactérien,
- — décanteur,
- — pompage,
- — boues activées (injection d'air),
- — floculation-décantation,
- — épaississeur par centrifugation.
Le volume total de garnissage PLASdek est de 2 700 m³ répartis en deux tours identiques. La hauteur de garnissage est ici de 3 m, le diamètre de chaque tour étant de 24 m. La charge polluante totale est de 10 à 15 tonnes par jour, soit une charge spécifique de 3,7 à 5,5 kg de DBO₇/m³/jour. La température de l'eau varie entre 12 et 15 °C en été, et entre 8 et 10 °C en hiver.
On a pu tracer une courbe montrant que la quantité de DBO éliminée varie linéairement avec la quantité de DBO entrante.
Nous avons résumé les résultats de l'année 1979 sous forme de tableau pour l'ensemble de l'installation. Nous avons, d'autre part, établi un tableau qui montre le fonctionnement du lit bactérien, et les variations possibles du rendement d'épuration en fonction de divers incidents ou de modification de la nature de l'effluent à traiter.
POLLUTION | DBO5 kg | DBO5 mg/l | DCO kg | DCO mg/l | P kg | P mg/l |
---|---|---|---|---|---|---|
Ville..................... | 607 400 | 215 | 2 022 786 | 716 | 22 601 | 8,5 |
A.B. FELIX.............. | 2 132 257 | 2 205 | 3 226 846 | 4 336 | 16 735 | 16,5 |
TOTAL.................... | 2 739 657 | 2 722 | 5 345 432 | 4 109 | 39 336 | 10,4 |
REJETS................... | 45 505 | 12 | 318 540 | 84 | 4 588 | 21 |
% élimin................. | 98,3 | 94 | 88,33 |
DATE | DBO5 kg/j | DBO5 mg/l | DBO5 rejetés | Réduction % | Remarques |
---|---|---|---|---|---|
09-01-79.... | 9 648 | 3,55 | 4 422 | 54,2 | marche normale |
23-01-79.... | 9 860 | 3,57 | 4 150 | 57,9 | |
06-02-79.... | 8 973 | 3,32 | 4 817 | 46,8 | un sprinkler endommagé |
20-02-79.... | 8 110 | 3,00 | 3 365 | 46,2 | par le gel : un seul él. |
28-02-79.... | 8 065 | 2,99 | 3 782 | 53,1 | ge du lit est |
20-03-79.... | 8 211 | 3,04 | 4 817 | 41,3 | en marche |
04-04-79.... | 9 314 | 3,45 | 5 991 | 35,7 | |
17-04-79.... | 9 943 | 3,68 | 3 511 | 64,7 | marche normale |
05-05-79.... | 8 936 | 3,31 | 3 302 | 63,0 | |
06-06-79.... | 3 958 | 1,47 | 414 | 89,5 | arrêt des rejets de |
14-08-79.... | 3 689 | 1,37 | 531 | 85,6 | A.B. FELIX |
28-08-79.... | 2 990 | 1,07 | 536 | 81,5 | |
18-09-79.... | 8 784 | 3,25 | 2 755 | 68,6 | marche normale |
EN GUISE DE CONCLUSION
Notre but se limite à l'information aussi nous ne conclurons pas à la nécessité absolue du lit bactérien.
Mais, chaque fois que la pollution est importante, ce procédé ne doit pas être écarté sans analyse.
Un lit bien conçu et bien exploité fonctionne sans problème ; nous dirons même, quel que soit le matériau de garnissage choisi. Mais il faut que le fabricant du garnissage considéré s'engage sur les dimensions à respecter et sur les conditions d'exploitation. Au besoin, pour un effluent peu connu, il importe de mettre en place un pilote. Ce pilote devra fonctionner dans des conditions aussi voisines que possible des conditions réelles. Il peut être intéressant théoriquement, de pousser certains paramètres, par exemple la charge hydraulique, jusqu'à des valeurs extrêmes. Encore faut-il ne pas perdre de vue la réalité des conditions de fonctionnement industrielles. Au-delà, il s'agit d'études qui intéressent plus le praticien de l'eau que l'exploitant d'une station, dont le but est d'épurer ; et de le faire au mieux, et sans ennui, c'est-à-dire sans risques ni coûts excessifs.
Nous avons, en exergue, cité Lao-tseu ; c'est qu'il nous semble que, dans le cas du lit bactérien, la « forme » du vide n'est pas neutre. Il existe des maisons « commodes », d'autres moins. La structure du PLASdek, qui, à la différence de la plupart des autres matériaux ordonnés n'est pas « tubulaire », permet à la fois une très bonne répartition, et évite tout risque de colmatage. Plus de soixante-quinze installations, de la Finlande à Manille, en témoignent : en plus de huit ans d'expérience, jamais nous n'avons eu à résoudre un problème de colmatage. Nous avons par contre appris à mieux maîtriser les volumes de matériau à mettre en œuvre, et les dimensions à donner aux installations. Et ceci pour le plus grand profit de ceux qui choisissent le procédé du lit bactérien.