PRÉ-TRAITEMENT DE L’EAU
Le pré-traitement de l'eau est un domaine souvent fort mal connu mais qui entre chaque jour davantage dans la pratique et dans les textes relatifs à l’environnement. Il regroupe les diverses techniques permettant de débarrasser le plus tôt possible (« à la source ») les eaux résiduaires d’une partie importante de la pollution la plus facile à retenir, celle qui en général cause les dommages les plus graves pour les installations situées en aval. Il a par conséquent pour but la protection des réseaux, des nappes quand les rejets s'effectuent directement dans la nature, et des stations d'épuration dont la charge est d’autant plus importante que le pré-traitement est inexistant ou inopérant. Il participe donc à l'assainissement dans son ensemble dont il assure une fonction essentielle tout particulièrement au niveau des complexes industriels, petits et moyens, qui « produisent » des eaux chargées mais n'ont pas dimension pour se doter de procédés d'épuration sophistiqués.
La technique du pré-traitement des eaux est basée sur le principe très simple de la différence de densité entre l'eau et les matières non miscibles que l'on cherche à retenir. Ces matières sont des boues (en provenance par exemple du lavage de véhicules de chantier), des hydrocarbures, des graisses d'origine végétale ou animale, des fécules, etc. Une installation classique de pré-traitement se compose d'un débourbeur qui retient les matières de densité supérieure à celle de l'eau, et d'un séparateur qui retient les matières de densité inférieure à celle de l'eau (traditionnellement les graisses et les hydrocarbures). Sur ce modèle classique, de nombreuses variations sont possibles pour tenir compte de la charge des effluents et de l'importance des débits. L'idée directrice du calcul de toute installation est d'aboutir à des appareils dans lesquels le temps de passage soit suffisamment long pour que les eaux résiduaires deviennent compatibles avec les normes de rejet à l'égout ou en milieu naturel. La maintenance est particulièrement réduite puisque les procédés de décantation et de séparation sont uniquement gravitaires.
F. LENNE
Directeur des Sciences techniques
SOCOFI de SAINT-DIZIER
PRÉ-TRAITEMENT DES EAUX CHARGÉES D'HYDROCARBURES
Normalisation :
La construction des séparateurs à hydrocarbures respecte en général les règles proposées par la norme allemande DIN 1999. Leur rendement minimum dans des conditions d'essai bien particulières doit être supérieur ou égal à 97 %. La référence à ces contraintes de conception et de résultat est obligatoire dans la mesure où aucune norme française ou européenne n'existe à ce jour et où les règlements d'assainissement produits par les services techniques des villes se réfèrent fréquemment aux normes DIN.
De l'application de ces normes résulte une imprécision évidente quant à la teneur réelle en hydrocarbures des effluents après qu’ils sont passés dans un séparateur. Les 3 % d'huiles résiduaires autorisés correspondent environ à 125 mg/l dans les conditions spécifiques d'essai prévues par la norme allemande, qui de ce point de vue comme beaucoup d'autres, est certainement contestable mais a le mérite d'exister et de fournir une référence. Autrement dit, la concentration résiduelle en hydrocarbures à la sortie d'un séparateur scrupuleusement normalisé est nettement supérieure au chiffre de 20 mg/l que l’on trouve habituellement dans les réglementations. Il apparaît en contrepartie que la concentration en utilisation courante à l'entrée d'un séparateur est inférieure à la concentration du mélange-test utilisé pour l'essai normalisé, et par conséquent, il est possible d’affirmer que d'une manière très générale les séparateurs à hydrocarbures, lorsqu’ils sont convenablement dimensionnés au regard du débit d'eau qui les sollicite, permettent dans leur conception actuelle, basée sur la seule norme existante, de respecter les limites réglementaires.
Néanmoins, ces considérations mettent en évidence les points faibles de la normalisation et de la législation françaises, eu égard au pré-traitement de l'eau qu'à ce jour elles ignorent ou méconnaissent. Ainsi le champ est laissé libre à toutes les interprétations, et les fabrications les plus diverses, voire
les plus hétéroclites, peuvent fleurir impunément au détriment des utilisateurs qui, s'ils n'y prennent garde, ne sont protégés par aucune garantie réelle d'efficacité et de fiabilité des systèmes qu'ils mettent en œuvre pour obtenir la conformité de leur rejet.
Dans une optique qui consisterait d'une part à prévenir efficacement des risques de pollution et d'autre part à imposer aux fabricants le respect d'un seuil minimum d'efficacité, il serait souhaitable que des normes soient adoptées, que les règlements s'y référant en prenant en considération des degrés de nuisance relatifs aux différents types d'établissements devant s'équiper de séparateurs à hydrocarbures, et que des laboratoires soient agréés pour donner un label français de conformité à celle-ci.
Performances du filtre coalesceur :
Dans le contexte actuel du pré-traitement de l'eau, ce nouveau filtre coalesceur a permis de supprimer une ambiguïté puisque sa mise en place en complément d'une installation traditionnelle assure dans les conditions de la norme non plus un pourcentage de séparation, mais un résultat tangible, ce qui donne une idée beaucoup plus juste des performances obtenues.
L'installation globale comprend trois éléments : un débourbeur, un séparateur à hydrocarbures répondant aux normes qui constitue la phase I de séparation, et un séparateur à hydrocarbures équipé du filtre coalesceur qui constitue la phase II de séparation. L'ensemble permet de garantir des rejets dont la teneur résiduelle en hydrocarbures est inférieure à 10 mg/l.
La décantation et les deux phases de séparation s'opèrent dans des volumes adaptés en fonction de la charge des eaux et du débit à traiter. Les cuves utilisées sont en béton armé centrifugé, protégées intérieurement et extérieurement par des revêtements à base d'époxy.
Les dimensions des cuves contenant le filtre, en fonction des débits traités, sont les suivantes :
Débit l/s | Cylindre d'axe vertical (Diamètre m / Hauteur m) | Cylindre d'axe horizontal (Diamètre m / Longueur m) |
---|---|---|
10 | 1,92 / 1,91 | |
15 | 2,23 / 1,85 | |
20 | 2,64 / 2,04 | |
30 | 3,00 / 2,02 | |
40 | 3,00 / 2,41 | |
50 | 2,38 / 5,56 | |
65 | 2,38 / 5,56 | |
80 | 2,38 / 5,56 |
On notera que lorsque les dimensions extérieures des modules sont identiques pour des débits différents, l'importance du tambour filtrant placé à l'intérieur est néanmoins différente et croît évidemment avec les débits.
Le filtre est constitué d'un très grand nombre de cylindres creux dont le matériau est à base de polyéthylène et dont le diamètre est d'environ 5 mm pour une longueur moyenne de 6 mm. L'enveloppe extérieure du cylindre n'est pas lisse, mais au contraire striée dans le sens de la longueur. Les cylindres sont contenus dans un tambour en acier galvanisé.
Schématiquement, la coalescence est le phénomène qui permet aux gouttelettes d'huile dont la force ascensionnelle a été insuffisante pour qu'elles soient retenues au cours de la phase I de séparation, de s'agglomérer pour former des gouttelettes de diamètre supérieur dont le pouvoir de séparation est plus grand. Une fois ces gouttelettes constituées ou reconstituées, elles sont piégées comme dans un séparateur traditionnel.
Le matériau filtrant utilisé ne nécessite pas de renouvellement périodique ; il doit uniquement être
nettoyé à l'eau propre, grâce à un ensemble de buses disséminées dans le tambour le contenant et raccordée par une tuyauterie accessible en surface. La fréquence des nettoyages est fonction du mode d'utilisation, mais n'excède en général pas deux fois par an. Le procédé global reste gravitaire et de maintenance aisée.
UTILISATION DE LA SÉPARATIONÀ DEUX PHASES
Les avantages du système de séparation à deux phases lui permettent de trouver pratiquement deux applications très intéressantes :
- — le traitement des eaux de ruissellement chargées en hydrocarbures, dans les zones où les surfaces étanches augmentent beaucoup par rapport à la capacité d'absorption des réseaux existants, permet d'envisager leur réinfiltration sans risquer de colmater les bassins servant à celle-ci ;
- — le traitement des eaux de lavage des véhicules permet de les réutiliser, donc de les recycler quasiment en permanence de façon à largement diminuer les dépenses (prix de l'eau, taxes d'assainissement) d'utilisateurs comme les sociétés de transport de voyageurs dont les flottes de cars consomment pour leur nettoyage des quantités très importantes d'eau.
La première installation d'un ensemble de séparation à deux phases a été réalisée à Toulouse en avril 1981 pour le compte d'une importante société de transports urbains, filiale de la G.T.I. Elle se compose d'un débourbeur de 2,5 m³, et des séparateurs phase I et II dimensionnés sur la base du débit de 15 l/s. À la suite de ces appareils, un dispositif de relevage permet de réutiliser les eaux au niveau d'un portique de lavage des autocars. L'économie d'eau en un an de fonctionnement a dépassé 80 %, ce qui devrait permettre d'amortir l'installation sur une très courte période (trois ou quatre ans).
D'autres équipements ont ensuite été réalisés, notamment pour le compte de la Marine Nationale à Brest où le dispositif comprend deux ensembles en parallèle dimensionnés chacun sur le débit de 20 l/s, et pour la Société PICOTY à La Souterraine où les eaux de lavage de véhicules de transport frigorifique sont traitées dans un ensemble phase I et II situé en aval d'un bac de décantation aérien. Cette dernière référence a vu le jour en partie grâce aux techniciens de la Fondation de l'Eau qui ont supervisé l'étude de dimensionnement des appareils.
Dans chacun des cas, le procédé utilisant le filtre coalesceur a été retenu pour ses avantages parmi lesquels :
[Schéma : 1. Circulation de l'effluent dans un séparateur phase II. V1 : capacité de rétention propre au séparateur. V1 + xV2 : capacité de rétention totale.]