Your browser does not support JavaScript!

Le filtre anaérobie à flux ascendant : le procédé Anoxal

30 juillet 1985 Paru dans le N°93 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : Jean-marie CUTAYAR

Le recyclage de plus en plus important des eaux de fabrication engendre une augmentation des charges polluantes des rejets et des coûts d’exploitation supportés par les industriels pour protéger l’environnement.

La digestion anaérobie des eaux usées industrielles constitue aujourd’hui un moyen économique de traitement de ces effluents à fortes charges organiques. Elle accorde en effet de nombreux avantages par rapport aux procédés conventionnels : faible consommation d’énergie, peu de boues résiduaires et production de méthane. Cette technologie devra, toutefois, offrir aux industriels une grande souplesse d’utilisation et ne pas nécessiter de compétences nouvelles au sein des usines.

Le développement des procédés dits de première génération (réacteurs « contact » ou « infiniment mélangés ») ne permettant pas de maintenir une activité suffisante dans les digesteurs, de nouveaux procédés tendant à favoriser une meilleure rétention des micro-organismes ont vu le jour (U.A.S.B., réacteurs à cellules fixées).

Parmi les procédés de traitement des eaux que développe et commercialise l’Air Liquide, le filtre Anoxal s’applique à l’épuration des effluents industriels à fortes charges organiques. Les premières unités industrielles, mettant en œuvre les réacteurs à cellules fixées, capables de traiter plusieurs tonnes de DCO par jour, ont été conçues pour épurer les effluents de l’industrie agro-alimentaire particulièrement favorable à ce genre de traitement.

LE PROCÉDÉ ANOXAL :

Comme tout système biologique à croissance lente, le processus de méthanisation doit obligatoirement, pour accroître ses performances en continu, favoriser une rétention accrue de la biomasse au sein des réacteurs. Cette notion implique la conception de réacteurs tels que la biomasse anaérobie y soit « piégée » et s’y accumule.

Le procédé Anoxal (figure 1) consiste en un réacteur à cellules fixées où l’alimentation et la recirculation se font à flux ascendant. Un garnissage inerte favorise la rétention de la biomasse par fixation et par piégeage.

[Photo : Schéma de principe du procédé Anoxal]

Condition impérative au bon fonctionnement d’un digesteur, la rétention importante de la biomasse permet de développer au sein du fermenteur un potentiel épuratoire qui lui permet de supporter les variations de charges et de diminuer la teneur en matières en suspension de l’effluent après digestion.

De longues études effectuées sur pilotes de laboratoire et sur pilotes semi-industriels ont permis de définir les paramètres favorisant cette accumulation.

Sur nos premières réalisations, nous avons confirmé deux choix fondamentaux concernant le sens de circulation du fluide et la nature du garnissage.

L’alimentation et la recirculation se font à flux ascendant (up-flow). La décantation naturelle de la biomasse qui s’oppose au sens de circulation du fluide favorise sa rétention.

L’introduction d’un garnissage dans le réacteur permet la rétention de la biomasse par fixation et de limiter ainsi les problèmes de lavage des micro-organismes liés aux variations de charges hydrauliques. La présence d’un garnissage en vrac, alliée au sens de circulation du fluide (up-flow), accentue ce phénomène par un piégeage mécanique au sein du garnissage.

Le choix du support et de son arrangement en vrac permet en outre un dégazage efficace de la biomasse, ce qui facilite la décantation des micro-organismes.

Grâce à une rétention accrue des populations microbiennes, le procédé à flux ascendant permet ainsi de travailler avec des vitesses de passage du fluide importantes (supérieures à 1 m/h).

Ces vitesses créent un brassage efficace qui favorise le contact biomasse-substrat et élimine les risques d’apparition de zones mortes dans le digesteur. Ces « vitesses admissibles » permettent d’appliquer des taux de recirculation importants, nécessaires lors de la digestion d’effluents à fortes charges organiques, sans imposer des diamètres de réacteurs trop élevés qui augmenteraient le coût des installations.

Les risques de colmatage, encourus lors du traitement d’effluents fortement chargés en matières en suspension, sont diminués par la mise en place d’un système de distribution de fluide en fond de réacteur, ce qui crée une grande turbulence tout en assurant la parfaite répartition de l’effluent sur toute la surface du digesteur.

Enfin, deux avantages, liés au flux ascendant, facilitent l’exploitation de ces unités : d’une part la décantation naturelle de la biomasse favorise la création d’un lit de boues en fond de réacteur ; d’autre part, ce lit qui permet la rétention des matières en suspension contenues dans l’effluent, facilite également, par sa forte concentration, l’extraction des boues en excès présentes dans le réacteur en permettant, en outre, un démarrage et une montée en charge rapides de l’unité.

[Photo : L’installation réalisée à l’usine Flodor.]

UNE RÉALISATION INDUSTRIELLE : FLODOR

Située à Péronne, la société Flodor, leader français de l’industrie de transformation de la pomme de terre, a constaté, lors de la mise en place d’une nouvelle unité de production, une augmentation importante du volume des rejets de l’usine. Le réseau séparatif qui équipe l’usine permet de différencier les eaux de « blancheur » des pommes de terre (qui proviennent principalement des ateliers de fabrication des « flocons » et des chips) des eaux de lavage.

Afin de soulager la station « boues activées » existante, il a donc été envisagé de traiter les eaux de blancheur par un processus de digestion anaérobie. Leurs caractéristiques permettaient d’envisager un traitement par fermentation méthanique :

  • débit à traiter : 60 m³/h ;
  • DCO : de 5 à 12 g/l (valeur moyenne 8 g/l essentiellement constituée d’amidon éclaté) ;
  • MES : 2,5 g/l ;
  • température : 30 à 40 °C ;
  • pH : 6 ;

ce qui représente une pollution moyenne journalière de 11 000 kg de DCO pour 1 400 m³ d’effluents.

Après une étude de 12 mois sur pilote, qui a permis de définir les paramètres optimum de fonctionnement d’un digesteur et d’apprécier les performances envisageables sur une unité industrielle, Flodor prit la décision d’installer une unité de digestion anaérobie Anoxal pour traiter ces eaux.

Description de l’unité

Après réception dans un bac tampon de 40 m³, les effluents traversent un échangeur qui porte, si besoin est, leur température à 37 °C. Cet échangeur est alimenté en eau chaude par une chaudière fonctionnant au biogaz. Les effluents sont ensuite dispersés en fond de réacteur où ils sont mélangés avec l’effluent recirculé. Après passage au travers du garnissage, ils sont dirigés vers la station aérobie.

Le biogaz produit est évacué sous une pression de 25 mbars. Une unité de lavage à l’eau permet d’obtenir une décarbonatation et une désulfuration assez poussée du biogaz produit qui est ainsi stocké. Un système de compression permet de le délivrer à 300 mbars dans l’usine pour utilisation.

Caractéristiques techniques et performances :

  • Volume du digesteur : 1 750 m³.
  • Taux de charge appliqué : 8 kg DCO/m³ digesteur/jour.
  • Temps de rétention hydraulique : 26 heures.
  • Vitesse de passage : 1,5 m/h.
  • Élimination de la DCO : 90 %.
  • Composition du biogaz :
Avant épuration Après épuration
CH₄ 60 % 80 %
CO₂ 40 % 20 %
H₂S 2 000 ppm 50 ppm

Bilan prévisionnel (H.T.) en F 1983

Énergétique :

Electricité

  • Économisée par rapport à un traitement anaérobie : 5 244 000 kWh/an
  • Auto-consommée : – 244 000 kWh/an
  • Gain : 5 000 000 kWh/an

soit à 0,3 F/kWh : 1 500 000 F

Biogaz

  • Produit : 1 072 TEP/an
  • Auto-consommé : – 120 TEP/an
  • Gain : 952 TEP/an

soit à 1 700 F/TEP : 1 600 000 F

Financier

  • investissement total (matériel monté + Génie civil) : 6 900 000 F ;
  • temps de retour : 6 900 000 / (1 500 000 + 1 600 000) = 2,2 ans.

Conclusion

Les procédés de digestion anaérobie ont trouvé dans l’industrie agro-alimentaire un domaine de choix pour leur développement. Les nombreux avantages, liés à cette technique, mis en évidence sur les premières unités industrielles, permettent d’envisager leur application dans des industries très différentes de celles concernées jusqu’à présent. Toutefois, la complexité des effluents rencontrés dans des industries du type papeterie ou chimie imposera dans un très grand nombre de cas des études préalables.

L’épuration biologique par voie anaérobie, encore mal connue des industriels, passe d’abord par une meilleure information, reprenant notamment les très bons résultats enregistrés sur les premières réalisations industrielles.

La réduction de la pollution sera toujours l’objectif principal de ce type d’unité. Toutefois, des solutions simples permettant une valorisation facile du biogaz devront être recherchées.

Pour leur part, les constructeurs doivent consentir des efforts importants pour le développement de procédés nouveaux tendant à augmenter l’efficacité des unités d’épuration. Il semble toutefois que la technologie du filtre anaérobie, encore perfectible, représente aujourd’hui l’outil idéal pour répondre aux principaux soucis des industriels, qui sont, en matière de traitement des eaux, fiabilité et souplesse d’utilisation.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements