Le présent article fait la synthèse de références relatives à la désinfection des eaux résiduaires par le dioxyde de chlore, illustrée par une étude en vraie grandeur sur le site de Deauville. Le dioxyde de chlore présente quatre avantages majeurs : son pouvoir désinfectant n'est pas affecté par le pH entre 5 et 9 ; l'azote ammoniacal et de Kjedahl (NTK) ne perturbent pas le pouvoir germicide. L'ion nitrite, s'il est présent, est oxydé en nitrate. L'ion bromure n'est pas oxydé significativement ; le dioxyde de chlore est un bon agent d'inactivation des virus. Il agit aussi sur les spores et les cystes de Clostridium Perfringens et de Crystosporidium Parvum. Son action virulicide augmente en milieu alcalin ; il ne conduit pas à la formation de trihalométhanes (THM). La formation de composés organo-hélogénés adsorbables (AOX) semble par ailleurs marginale. La demande en oxydant dépend de la qualité de l'eau à traiter. Elle est généralement comprise entre 2 et 5 mg/l. En régime turbulent, un temps de contact de 2 à 3 mn est suffisant mais on préconise généralement 10 à 15 mn . Pour le cas de Deauville, le dosage moyen était de 4,8 mg/l (1994) ; la concentration résiduelle au point de rejet était en moyenne de 0,2 mg/l. Le taux d'abattement a été compris entre 2,5 et 4 décades pour les enterobactéries et 1,5 à 2 Log pour les spores de Clostridium Perfringens. La désinfection est complémentaire aux précédentes étapes de traitement d'épuration (physico-chimique et biologique). Les comparaisons technico-économiques avec d'autres procédés de désinfection s'avèrent être très favorables au dioxyde de chlore.
La demande en oxydant dépend de la qualité de l’eau à traiter. Elle est généralement comprise entre 2 et 5 mg/l. En régime turbulent, un temps de contact de 2 à 3 min est suffisant mais on préconise généralement 10 à 15 min. Pour le cas de Deauville, le dosage moyen était de 4,8 mg/l (1994) ; la concentration résiduelle au point de rejet était en moyenne de 0,2 mg/l. Le taux d’abattement a été compris entre 2,5 et 4 décades pour les Entérobactéries et 1,5 à 2 Log pour les spores de Clostridium perfringens. La désinfection est complémentaire aux précédentes étapes de traitement d’épuration (physico-chimique et biologique). Les comparaisons technico-économiques avec d'autres procédés de désinfection s’avèrent être très favorables au dioxyde de chlore.
Disinfection (of secondary effluents) ; Chlorine dioxide ; Clostridium perfringens ; Viruses (removal) ; Cryptosporidium parvum.
Une épidémie de choléra s'est propagée à Naples (Italie) en 1973 et a paralysé l’activité économique de toute cette région (1). La pollution de plages souillées par des rejets d’effluents urbains était à l'origine de cette épidémie. On rapporte assez fréquemment des cas de désinfectants.
Tableau 1 : Risques infectieux en fonction des micro-organismes
Organismes |
---|
Vibrio cholerae |
Salmonella typhi |
Shigella |
Echovirus 12 |
Poliovirus 3 |
Rotavirus |
Giardia lamblia |
Entamoeba |
Clostridium perfringens |
Salmonellose dans les zones de baignades souvent reliées à des rejets d’eaux résiduaires.
La Directive Européenne du 8 décembre 1975 concernant les eaux de baignades a fixé les critères bactériologiques suivants :
Coliformes totaux niveau guide : moins de 500 pour 100 ml sur 80 % des cas ; limites : moins de 10 000 pour 100 ml dans 95 % des cas ;
Coliformes fécaux niveau guide : moins de 100 pour 100 ml dans 80 % des cas ; limites : moins de 2000 pour 100 ml dans 95 % des cas.
Streptocoques fécaux : niveau guide : au moins 90 % des échantillons inférieurs à 100 pour 100 ml.
Dans le cas de Deauville-Trouville, le critère local applicable pendant l’été (1er juin au 30 septembre) est de moins de 2000 Coliformes totaux pour 100 ml dans l’effluent rejeté dans la Touque. Cette rivière se jette directement dans la mer à 2 km du point de rejet.
Les risques infectieux relatifs à l’ingestion d’eau potable contaminée pour une consommation de 2 litres par jour sont évalués dans le tableau 1.
L’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) recommande une limite de 100 Coliformes totaux pour 100 ml pour l’eau réutilisée en irrigation. Cette valeur doit être respectée pour 80 % des échantillons prélevés à intervalles réguliers.
Certains pays, tels que l’État de Californie, autorisent un rejet d’eau résiduaire à moins de 1000 Coliformes pour 100 ml et 200 E. coli pour 100 ml (moyenne géométrique sur une période de 30 jours). Pour l’eau destinée à l’irrigation d’espaces publics ou de pâturages, la limite est de 23 Coliformes totaux par 100 ml et cette valeur est limitée à 2,2 pour l’eau destinée à la recharge de nappes phréatiques.
Les critères bactériologiques à atteindre pour l’eau résiduaire réutilisable en irrigation viennent d’être révisés en Israël (3). Sur la base de 80 % d’échantillons et pour 100 ml, les limites en Coliformes totaux sont - de 250 pour les légumes à cuire, les fruits, les terrains de jeux, les cours de golf, - de 12 pour l’irrigation de tous types de récoltes, - et de 3 (50 % des échantillons) pour les parcs publics et les allées.
Il est demandé une concentration résiduelle en chlore libre de 0,15 mg/l après un temps de contact de 1 heure.
La désinfection des eaux résiduaires a aussi été étudiée pour la réutilisation sous forme d’eau destinée à la consommation humaine (4).
La désinfection des eaux pluviales nécessite une attention particulière (5), surtout en cas de mise en dérivation de stations d’épuration. L’effluent est alors directement rejeté pendant les périodes de très fortes précipitations.
Pour conclure, la réutilisation directe ou indirecte des eaux résiduaires, prenant en compte des usages récréatifs, nécessite une étape de désinfection pour le respect de la santé publique.
Méthodes applicables
Les réactifs ou procédés de désinfection de l’eau potable appliqués pour le traitement des eaux résiduaires sont le chlore (ou l’hypochlorite) dosé partiellement ou au point de rupture (break point) avec ou sans déchloration finale, les chloramines, le dioxyde de chlore, l’ozone, les ultraviolets. Cette désinfection est en général réalisée sur l’effluent préalablement traité par décantation primaire et/ou épuration biologique.
Comparativement au chlore, le dioxyde de chlore présente quatre avantages précédemment présentés dans le résumé.
L’ozone, concurrent efficace dans ce domaine, est actuellement plus onéreux dans cette application particulière. Une part de ce réactif se décompose en formant des radicaux à caractère très oxydant qui réagissent très activement sur la matière organique. La demande en ozone est donc très sensible à la composition chimique de l’eau.
Les ultraviolets constituent une méthode alternative qu’il est nécessaire d’étudier au coup par coup.
Propriétés désinfectantes du dioxyde de chlore
Enterobactéries
Le dioxyde de chlore a démontré son pouvoir non seulement sur les germes de type Coliformes et Aeromonas, mais aussi sur les Enterobacter pathogènes telles que Salmonella, Shigella, Enterococcus, Klebsiella (6,7,8).
Son efficacité bactéricide est indépendante du pH entre 5 et 9 et augmente légèrement à pH élevé.
Évaluée dans des conditions contrôlées de laboratoire, et selon le concept du C.T. (loi de Chick-Watson), la dose létale à 90 % (ID90) est comprise entre 0,07 et 0,14 mg·min/l à 20 °C, c’est-à-dire un très faible résiduel.
Une étude réalisée sur des eaux résiduaires (ville d’Haïfa en Israël) montre qu’une dose de 2,7 mg/l réduit de 98,8 % la concentration en Coliformes totaux après 30 minutes. Une injection de 5 mg/l réduit d’un facteur 10^5 à 10^6 après 30 minutes de temps de contact la teneur en Coliformes totaux et fécaux.
Virus
De nombreuses investigations ont été réalisées sur la désactivation des virus dans l’eau par le dioxyde de chlore. Les conclusions font l’unanimité : le dioxyde de chlore est un puissant agent de désactivation pour une grande variété de virus.
La présence fréquente de virus de la polio-
[Figure 1 : Désinfection de l’effluent brut avec le dioxyde de chlore (ref. 23). CP : Clostridium perfringens ; PI : Polio virus 1 ; FS : Streptocoques fécaux ; FC : Coliformes fécaux]
[Figure 2 : Effet du dioxyde de chlore en désinfection sur le surnageant d’un effluent centrifugé (ref. 23). CP : Clostridium perfringens ; PI : Polio virus 1 ; FS : Streptocoques fécaux ; FC : Coliformes fécaux]
myélite dans des effluents secondaires (une unité pour 10 ml (10)), a été à l’origine d’importantes recherches (9, 10, 11). D’autres familles telles que Enterovirus (7-1) et plus spécifiquement Coxsackies et Echo virus (12) ont aussi été étudiées.
Les virus dans les eaux pluviales ont aussi fait l’objet de recherches particulières (5). Dans des effluents spécialement traités pour éliminer les composés consommant le dioxyde de chlore, l’application de la loi de Chick est particulièrement convaincante pour le Poliovirus 1 (ID₉ ≈ 0,6 mg·min/l). Dans des effluents réels, l’effet est souvent « biphasique » : on constate en effet une réaction rapide suivie d’une réaction lente. Ceci est interprété par une première réactivité sur les virus « libres » et une seconde réactivité plus lente sur les cellules associées. On estime à 75 % les virus associés et 25 % les virus libres sur un effluent réel.
Des essais sur des Rotavirus prélevés sur des humains et sur des souches cultivées en laboratoire montrent une inactivation de 10⁴ en moins de 30 secondes pour un dosage de 0,05 à 0,2 mg ClO₂/l dans l’eau pure (13, 14). Le tableau 2 indique les moyennes des temps de contact obtenus à 5 °C avec 0,5 mg ClO₂/l sur des virus libres ou associés.
Pour les Rotavirus, les Enterovirus, le chlore et le dioxyde de chlore sont très performants lorsque le pH est compris entre 6 et 7. À des pH plus élevés, le dioxyde de chlore est environ dix fois plus efficace, tout particulièrement sur les cellules associées.
Pour la désactivation du virus de l’hépatite A (HAV), le dioxyde de chlore est actif tant sur les souches de virus libres que sur les souches associées. Les valeurs de CT pour 99,9 % d’inactivation à pH 6 sont de 9,6-12,6 mg·min/l et de 0,11-0,13 mg·min/l à pH 9 lorsqu’il est dosé à 0,5 mg/l à 5 °C dans l’eau pure (15).
Les concentrations résiduelles après 60 minutes étaient respectivement de 0,185 et 0,04 mg/l pour les souches de virus libres ou associées.
Il est à noter que dans les mêmes conditions opératoires, les valeurs de CT pour l’inactivation par le chlore libre sont :
– pour les souches libres, 2 mg·min/l à pH 6-8 et 19 mg·min/l à pH 10 ; – pour les souches associées, 28 mg·min/l à pH 6-8 et 100 mg·min/l à pH 10.
Ces résultats confirment donc le meilleur pouvoir désinfectant du dioxyde de chlore à des pH supérieurs ou égaux à 8 et, quel que soit le pH, lorsque les cellules sont associées, ce qui est le plus fréquent pour les effluents domestiques.
Parasites et cystes
Des suspensions d’oocystes de Cryptosporidium ont été traitées à concentration constante en dioxyde de chlore (sa concentration était réajustée en permanence pour compenser son auto-décomposition et sa réaction dans le milieu (16)). On atteint 94 % d’inactivation des oocystes après 30 minutes d’exposition à une concentration constante de 0,43 mg ClO₂/l (20 °C, pH 7). Selon le concept du CT, ceci équivaut à une efficacité D₉₉ de 11 mg·min/l. La méthode de comptage des cystes viables était réalisée par infection de souris.
D’autres expérimentations (17, 18) ont été réalisées sans maîtrise de la concentration en dioxyde de chlore. Pour des injections de 1,3 et 0,6 mg ClO₂/l, on chute respectivement à 0,4 et 0,2 mg/l après 60 minutes. Par la méthode dite « d’excystation », on obtient 90 % et 40 % d’élimination des oocystes. Bien que les valeurs de D₉₉ apparent soient plus élevées dans ce cas, on obtient le même ordre de grandeur que l’étude précédente. Il est à noter que les méthodes de comptage par excystation et par observations microscopiques peuvent donner des valeurs par-
Tableau 2 : Temps de contact moyens (secondes) pour inactiver les cellules libres ou associées du Rotavirus par 0,5 mg/l de chlore ou de dioxyde de chlore
pH | % inactivation | Chlore (cellules libres) | Chlore (cellules associées) | Dioxyde de chlore (cellules libres) | Dioxyde de chlore (cellules associées) |
---|---|---|---|---|---|
6 | 99,99 | 15 | 105 | 18 | 170 |
10 | 99 | 84 | 210 | 15 | 24 |
rococcus). De même que pour les microorganismes à l'origine de la fièvre typhoïde, il a été reporté que les infections par Campylobacter sont plus fréquemment à l’origine de la « diarrhée du touriste ».
En excès, il est difficile de discerner les cystes morts ou viables.
Vis-à-vis de l'ozone ou du dioxyde de chlore, les cystes de Cryptosporidium sont respectivement 30 et 14 fois plus résistants que les cystes de Giardia (17).
Quant au chlore, il n’est pas efficace sur les cystes de Cryptosporidium dans l'eau. Les valeurs de CT D semblent se situer entre 75 et 120 mg·min/l ; d'autres expérimentations montrent qu’un dosage de 5 g/l n'est pas suffisant (18, 19).
Tels que le montrent ces résultats, l’ozone et le dioxyde de chlore sont par contre très efficaces.
Effet des matières en suspension
Le dioxyde de chlore est très actif sur les cellules associées du virus HAV, contrairement au chlore qui est le moins performant sur les cellules associées des Poliovirus (20).
Une étude détaillée décrit l’action du dioxyde de chlore sur les Poliovirus, les Coliformes fécaux, les Streptocoques fécaux et les spores de Clostridium perfringens sur un effluent brut (figure 1), ou sur les surnageants (figure 2) et décantats (figure 3) de ce même effluent préalablement centrifugé. On ne note pas de différence significative de comportement de ClO₂ sur ces trois types d’échantillons.
Sur ce même échantillon filtré à 25 µm, la différence était d’environ deux décades pour les Coliformes fécaux à un dosage moyen de 4 mg ClO₂/l.
Représentativité des tests de routine
Les Enterobacteries sont les plus fréquemment recherchés pour évaluer le pouvoir désinfectant (Enterogenic E. coli, Enterococcus) qu'une combinaison de Shigella et Salmonella (21).
La recherche d'une simple souche de bactériophage f2 représente l'activité des Enterovirus (22) ; un dosage environ 50 % plus faible est requis pour éliminer 99,9 % de Poliovirus par rapport à f2. Les analyses de routine de bactériophage f2 dans les eaux résiduaires sont cependant difficiles à réaliser sur site.
Les spores de Clostridium sont dans tous les cas plus résistants qu’Enterobacter et que les Enterovirus (23). Le comptage de spores de Clostridium constitue donc un bon indicateur pour appréhender la désinfection des eaux résiduaires.
Sous-produits
L’action du dioxyde de chlore sur les phénols peut conduire à une réaction secondaire de chloration (24). Une telle réaction ne peut intervenir qu’en position para par rapport au groupement hydroxyle (25) s'il n'est pas substitué. Ce n'est pas le cas de la plupart des phénols naturels tels que les acides humiques et fulviques.
Des mécanismes similaires sont décrits pour les styrènes substitués (26). La cinétique de pseudo-premier ordre montre que le temps de demi-vie se situe entre 1,3 et 5,2 heures pour différents styrènes substitués (pH 7 avec environ 50 % de ClO₂ en excès). Les réactions sont accélérées par des fonctions donneuses d’électrons.
Les aminoacides contenant des fonctions aromatiques réagissent avec ClO₂, particulièrement la tyrosine et le tryptophane (27). Selon le mode opératoire habituel, c’est-à-dire la réduction de l'oxydant résiduel et l'utilisation des techniques de concentration X-AD2 ou X-AD8 sur une eau aussi représentative que possible (6,5 < pH < 7,5), il a été prouvé que la mutagénicité de ClO₂ est négligeable (27).
Dans des conditions particulières (25 °C, pH 6, tampon phosphate, une mole de ClO₂ pour dix moles d’aminoacide, temps de réaction de 2 millisecondes, acidification à pH 2 avant concentration sur X-AD) un caractère faiblement mutagène peut être observé sur TA98 et TA200 avec le tryptophane et le N-méthyltryptophane. Il n'a pas été observé de pouvoir mutagène dans des conditions similaires avec l’acide 3-indolactic. Dans l'industrie agro-alimentaire, où l’on peut rencontrer ce type de réaction, les conclusions furent en faveur du ClO₂ par rapport au chlore, ce dernier étant connu pour faciliter la formation de produits mutagènes avec les aminoacides (29).
Les sous-produits de réaction de ClO₂ sont les ions chlorure et chlorite. L’ion chlorite se forme rapidement après réaction sur l’effluent dans un rapport de 30 à 50 % par rapport au dioxyde de chlore injecté.
L’ion chlorite réagit lui-même avec les sulfures ; il limite donc les risques d’odeurs des effluents (30) et se réduit progressivement en chlorures.
La formation de chlorates est marginale dans les conditions normales de fonctionnement du générateur (environ 10 % de la quantité initialement injectée en ClO₂). Cependant, les conditions de fonctionnement sont essentielles : la qualité du dioxyde de chlore peut s’altérer soit dans le réacteur pendant les périodes d’arrêt s'il n'y a pas de nettoyage approprié, soit jusqu'au point d’injection s'il n'y a pas de post-dilution (31).
En l'absence de lumière, l’ion bromure n'est pas oxydé par ClO₂ ; il ne conduit donc pas à la formation de bromates.
Le fer et le manganèse sont oxydés. Les hydroxydes obtenus forment des précipités qu'il est nécessaire d’éliminer en modifiant la filière de traitement d’eau.
Il est bien connu que les THM ne se forment pas significativement tels que l'ont démontrés les essais de Deauville.
Validité du concept du CT
Le facteur Concentration × Temps (CT) est souvent utilisé pour comparer l’efficacité de différents biocides sur différentes souches. Des commentaires sur le principe du CT ont
Ils ont été évoqués antérieurement pour l’ozone (32).
Dans le cas de traitement d’effluents secondaires comme à Deauville, l'ordre de grandeur de la concentration en bactéries se situe entre 10^6 et 10^7 par famille et pour 100 ml, soit un total d’environ 10^8 par litre. Si l'on considère qu'une bactérie, dont la matière sèche est essentiellement constituée de carbone, pèse 5 × 10^-14 g, la population de bactéries représente 0,5 mg/l de carbone. Cette valeur est donc négligeable par rapport à la teneur en carbone dans un effluent. Le dioxyde de chlore est donc consommé par les matières carbonées. La part dédiée à la désactivation des organismes vivants est donc très faible. Le concept du C.T est donc difficilement applicable.
D'intéressantes observations peuvent être illustrées à partir des travaux de Sansebastiano, Cesari et Bellilli (12). Les expériences furent réalisées à 15 °C dans de l'eau pure. Dans tous les cas, la cinétique de décroissance était de pseudo premier ordre et, pour Coxakie virus B3, le concept du C.T. n’est applicable qu’entre 2 et 4 Log d’abattement (Figure 4). Cependant, pour une concentration en dioxyde de chlore donnée, on observe une augmentation du C.T. en fonction du taux d’élimination des virus.
Pour Echo-7 virus, et des concentrations en dioxyde de chlore entre 0,2 et 0,35 mg/l, seul le temps d’exposition semble déterminer le taux de désactivation. À de plus fortes concentrations, le « C.T. apparent » est abaissé, ce qui est en contradiction avec le concept lui-même (Figure 5).
Pour le Poliovirus I, le C.T. apparent augmente avec la concentration en dioxyde de chlore jusqu’à 0,3 mg/l et diminue ensuite à des concentrations plus élevées. Le concept du C.T. ne peut donc pas s’appliquer strictement.
Génération du dioxyde de chlore
Il existe de nombreuses méthodes de génération du dioxyde de chlore sur site (28, 29). Le choix de la méthode dépend de la capacité de production demandée.
Les deux principaux procédés sont :
2 NaClO₂ + HOCl → 2 ClO₂ + NaCl + NaOH ou 2 NaClO₂ + Cl₂(g) → 2 ClO₂ + 2 NaCl + 2 H₂O
avec respectivement la réaction de chlore dissous dans l’eau avec une solution de chlorite ou la réaction directe de chlore gazeux dans une solution de chlorite. Une réaction alternative ne nécessitant pas de chlore est :
5 NaClO₂ + 4 HCl → 4 ClO₂ + 5 NaCl + 2 H₂O
Pour obtenir une solution de dioxyde de chlore avec un rendement supérieur à 95 % par rapport à la réaction théorique, les conditions ont été décrites (30,31,33).
Il est préférable d'injecter le produit concentré le plus rapidement possible ou de le diluer au préalable à moins de 1 g/l lorsqu'un stockage intermédiaire est nécessaire. À l'arrêt, les solutions concentrées peuvent évoluer et former des chlorates.
Pour de très petites quantités, les solutions de dioxyde de chlore peuvent être générées selon la réaction (30) :
2 NaClO₂ + Na₂S₂O₅ → 2 ClO₂ + 2 Na₂SO₄
Enfin, la réaction directe du chlore gazeux sur le chlorite de sodium solide (80 % en masse) conduit au stripage de ClO₂ dilué dans CO₂ saturé en eau pour des raisons de sécurité. Ce procédé a fait l’objet d’un dépôt de brevet (35).
Il est à noter que le point d’ébullition du dioxyde de chlore est de 11 °C et que les règles de sécurité indiquent que la concentration maximale admissible de ClO₂ en phase gaz doit être inférieure à 10 % en volume.
Estimation des coûts
Les informations ci-dessous sont données à titre indicatif et peuvent dépendre des conditions locales d’application tels que les coûts de l’énergie électrique, la main-d’œuvre et le transport.
Ne sont pas pris en compte les coûts relatifs à l’échantillonnage, aux analyses et à l'entretien des locaux. Seuls les coûts relatifs à la désinfection ont été pris en compte.
Hypothèses :
- Chlorite de sodium 25 % en masse : 4,6 F/kg (vrac)
- Chlore gazeux : 4 F/kg (tonne)
- Acide chlorhydrique : 2,26 F/kg
- Dioxyde de soufre (liquéfié) : 10,6 F/kg
Procédés de désinfection
Persulfate de sodium : 16 F/kg Énergie électrique : 0,4 F/kWh Amortissement : 10 %/an Main d’œuvre et service : 200 F/h
Estimation des dosages (pour une action virucide sur un effluent secondaire) :
Dioxyde de chlore : 3 à 5 mg/l ; soit 4 mg/l Chloration partielle : 10 à 15 mg/l ; soit 12,5 mg/l Ozonisation : 10 à 20 mg/l ; soit 15 mg/l Ultraviolets : 200 à 300 W(e) sur 10 s ; soit 250 W(e)
Le traitement au chlore ou à la javel est très économique. Il est cependant recommandé d’éliminer l’excès par réduction au dioxyde de soufre. Cette étape pénalise sensiblement ce procédé. Le dioxyde de chlore (voie chlore), dont la concentration est voisine de zéro après traitement, constitue alors le procédé le plus performant pour un optimum économique (figure 7).
Étude du cas de Deauville
Les objectifs de qualité applicables à la station de Deauville sont décrits précédemment. En période estivale de 1994, une étude fondamentale de désinfection a été réalisée pour optimiser le fonctionnement de l’installation réalisée en 1985. Le schéma du traitement des effluents est illustré par la figure 8.
Le débit nominal est de 2000 m³/h. Le débit réel peut varier entre 500 et 2000 m³/h. Le dioxyde de chlore est injecté dans une boucle de contact de 500 m³, ce qui permet d’obtenir un temps de réaction compris entre 15 minutes et une heure.
La composition de l’effluent au point d’injection était la suivante :
DCO : 10 à 50 mg O₂/l (maximum 35) MES : 6 à 30 mg/l (moyenne 20) DBO₅ : 2 à 9 mg O₂/l (moyenne 5) NH₄⁺ : 10 à 40 mg NH₃/l (moyenne 20) NKjeld : 9 à 25 mg NH₃/l (moyenne 19) pH : 7,4 – 7,8
La figure 9 représente le synoptique de fonctionnement du générateur de dioxyde de chlore. Basé sur le principe d’une boucle d’enrichissement en chlore avec le chlorite de sodium, le réacteur produit du ClO₂ à une concentration de 7-8 g/l. Cette solution est contrôlée par une mesure continue du pH de la solution et est directement injectée dans l’effluent à traiter. La dilution préliminaire de la solution concentrée est optionnelle et n’était pas en fonctionnement.
L’ensemble est automatisé en fonction de la demande à partir de quatre régimes de production de dioxyde de chlore. La capacité de production peut ainsi évoluer de 1,6 à 16 kg/h.
Pendant nos essais, le système a produit du dioxyde de chlore très pur dans des conditions opératoires bien maîtrisées. Le rendement était compris entre 93 et 95 %, pour un excès de chlore de 3 à 6 %. Il n’a pas été détecté de relargage significatif de chlorite. Après les périodes d’arrêt, on a cependant observé une augmentation de la teneur en chlorates dans la solution concentrée de ClO₂. Ceci confirme donc les recommandations de rincer ou d’appliquer des procédures spécifiques à l’arrêt et au démarrage du générateur (31).
L’injection de dioxyde de chlore est automatisée sur la base d’une mesure continue du débit et du résiduel en oxydant de l’effluent dans la boucle de désinfection (voir figure 8). Par ailleurs, le réglage du dosage en ClO₂ peut être ajusté manuellement pour chacun des paramètres décrits ci-dessus. Une modification importante a consisté à raccourcir le temps de transfert hydraulique du point d’échantillonnage. La cellule de l’analyseur (D) a été placée au point (C). Le temps de réponse entre la mesure des paramètres et l’action sur le débit du générateur était initialement supérieur à 15 minutes. Il se situe entre 45 et 180 secondes dans cette configuration modifiée (figure 8).
Résultats
Micro-organismes
L’abattement des dénombrements bactériens est résumé dans le tableau 3 (valeurs moyennes, dosage moyen en dioxyde de chlore de 4,8 g/m³, échantillonnage à la sortie de la boucle de réaction).
L’effluent brut contenait 3,6 × 10⁵ Clostridia perfringens par litre. Sur les indicateurs
Classiques, l’objectif sanitaire est atteint telle que l’illustre la figure 10.
Sous-produits minéraux
L’ion chlorite
Mis à part les chlorures (non analysés), l’ion chlorite est le sous-produit principal après réaction du dioxyde de chlore. La figure 11 montre qu’en moyenne, 0,4 mg de chlorite est formé à la sortie du chenal de désinfection par mg de dioxyde de chlore injecté.
D’importantes fluctuations sont possibles (facteur variant de 1 à 4) en fonction de la qualité de l’eau et des conditions générales du traitement. Lors d’interventions complémentaires (voir figure 12), il a été confirmé qu’un résiduel en chlorite pouvait interférer positivement avec la réponse en « chlore résiduel » basée sur la mesure à la DPD.
L’ion chlorate
Il est présent dans les solutions commerciales de chlorite de sodium à une concentration inférieure à 0,5 mg/l. Ceci conduit donc à une concentration de 2,5 mg de chlorate par g de ClO₂ si le stockage est limité. L’ion chlorate apparaît marginalement (figure 13). Il ne se forme que 0,13 mg de chlorate/l en moyenne lorsqu’on injecte 4,8 mg/l de ClO₂ dans l’eau à traiter.
Trihalométhanes
La concentration en THM n’augmente pas, telle que l’illustrent les concentrations en chloroforme (tableau 4).
Composés organo-halogénés totaux et adsorbables
En injectant 4,8 mg ClO₂/l, on observe la formation d’AOX avec une moyenne de 56 µg/l par mg ClO₂/l injecté. La formation dépend aussi du dosage. La nature des AOX n’a pas été identifiée, mais d’après les données de la littérature, il s’agit probablement de composés organiques polaires (27, 37).
Tableau 4 : Action du dioxyde de chlore sur la formation du chloroforme (µg/l)
Dates | Avant désinfection | Après désinfection |
---|---|---|
30 Juin | < 6 | < 6 |
9 Août | < 6 | < 6 |
24 Août | < 6 | < 6 |
6 Septembre | < 6 | < 6 |
22 Septembre | 41 | 37 |
27 Septembre | < 6 | < 6 |
Cette observation est en relation avec les travaux réalisés sur les acides humiques par ClO₂ dans des conditions de laboratoire (37).
La formation de « TOX polaires » a conduit au même ordre de grandeur. Le rapport ou la vitesse de formation est fortement dépendante du pH, avec un minimum entre 9 et 10. Lors d’essais réalisés sur la Meuse (38), les TOX (composés organo-halogénés non purgeables) restaient en dessous de 100 µg/l même à fort dosage.
Dans des conditions similaires, de telles valeurs correspondent à moins de 5 % de la quantité de TOX obtenue avec le chlore (39).
Conclusions
Pendant la période touristique correspondant à une forte surpopulation, l’objectif de la désinfection d’eau résiduaire après traitement est atteint avec le dioxyde de chlore sur le site de Deauville.
Avec 4,8 mg/l de dioxyde de chlore injecté et un temps de contact de 15 minutes, on atteint un abattement de 2,5-3,6 Log pour les Entérobacters et 1,8 Log pour Clostridium perfringens. Ces abattements s’ajoutent à l’élimination réalisée aux étapes classiques d’épuration.
Les principaux sous-produits sont les ions chlorite et chlorate à des concentrations tolérées par le milieu dans la zone de rejet.
Il n’apparaît pas d’augmentation de THM. La formation d’AOX reste en dessous de 60 µg/l. Des expériences similaires réalisées sur une eau de rivière montrent que ces valeurs correspondent à environ 5 % des valeurs obtenues par chloration.
Dans le cas de Deauville (et probablement pour l’ensemble de l’Europe de l’Ouest), les coûts de désinfection d’effluents après épuration permettent de comparer favorablement le dioxyde de chlore aux autres procédés.
Remerciements
Nous adressons nos sincères remerciements à la SETDN qui nous a permis d’avoir accès à l’installation en vraie grandeur de la station d’épuration de Deauville-Trouville, à Messieurs Mainguy, Kernoa et Moal (40) de la Compagnie Internationale de Service et Environnement qui ont participé activement à la définition et à la réalisation de cette étude et à l’équipe de Monsieur le Pr Perrine de la faculté de pharmacie à l’Université de Caen qui a déterminé les teneurs en Clostridium perfringens.
Références Bibliographiques
(1) A. Parella, Ig. Mod. 69, (1) 19 (1976).
(2) W. J. Masschelein, Chap. IV in Ozon Hanbuch by E. Beck & R. Viebahn-Hänsler; Ed. ECOMED-86899 Lansberg (1995).
(3) N. Narkis, R. Offer, E. Linderberg & N. Betzer, Chap. 73 in Water chlorination Vol. 6, by R. J. Jolley; Ed. Lewis Publishers (1987).
(4) S. E. Rogers & W. C. Lauer, J. WPCF, 58, 193 (1986).
(5) J. E. Smith & J. L. McVey, Presentation at the Division of Environmental Chemistry of the Am. Soc., 13, 477 (1973).
(6) C. H. Rupp, Gesund. Ing., 104, 278 (1983).
(7) R. C. Rice, Proceedings EPA Workshop, March 1988.
(8) S. Cornier, P. V. Scarpino & M. L. Zinc, Chap. 54 in Water chlorination, edited by R. J. Jolley; Lewis Publishers (1987).
(9) G. R. Taylor & M. Butler, J. Hyg. Camb., 89, 321 (1982).
(10) R. Wariner, K. D. Kostenbader, D. O. Cliver & Wen-chi Ku, Water Res., 19, 1515 (1985).
(11) M. E. Alvarez & R. T. O’Brien, Appl. & Env. Microbiol., 44, 1064 (1982).
(12) G. Sansebastiano, C. Cesari & E. Beli, Ig. Mod., 85, 358 (1986).
(13) Yu-Shiaw Chen & J. Vaughn, Appl. & Env. Microbiol., 56, 1363 (1984).
(14) D. Berman & J. C. Hoff, Appl. & Env. Microbiol., 48, 317 (1984).
(15) M. D. Sobsey, T. Fuji, D. Battigell & R. M. Hall, Nuovi Ann. Ig. Microbiol., 39, 215 (1989).
(16) J. E. Peeters, E. Ares Mazas, W. J. Masschelein, Villacorta Martinez de Matgurana & E. Debacker, Appl. & Env. Microbiol., 55, 1519 (1994).
(17) D. J. Korich, J. R. Mead, M. S. Madore, N. A. Sinclair & C. R. Sterling, Appl. & Env. Microbiol., 55, 1519 (1991).
(18) C. M. Quin & W. B. Betts, Biomedical Letters, 48, 315 (1993).
(19) M. E. Ransome, T. N. Whitmore & E. G. Carrington, Water Supply, 14, 103 (1993).
(20) J. C. Hoff & E. E. Geldrich, Jom. AWWA, 73, 40 (1984).
(21) K. Pederson & N. Jahromi, VATTEN, 49, 264 (1993).
(22) M. Harakeh & M. Butler, Viruses Wastewater Treat., Proc. Int. Symp., 165-169, Ed. by M. E. Goddard & M. Butler; Pergamon Press, Oxford (1981).
(23) R. S. Fujioka, M. A. Dow & B. S. Yoneyama, Wat. Sci. Techn., 18, 125 (1986).
(24) J. E. Wajon, D. H. Rosenblatt & E. P. Burrows, Env. Sci. & Tech., 16, 396 (1982).
(25) W. J. Masschelein, J. M. Desmons, R. Goossens, G. Minon & R. V. Van Paemel, T.S.M.-eau, 86, 231 (1991).
(26) Ch. Rav-Acha, E. Choshen, R. Blits & O. Grafstein, Chap. 65 in J. Jolley, Water chlorination, Vol. 6; Ed. Lewis Publ. (1986).
(27) A. C. Sen, J. Owumu-Yaw, W. B. Wheeler & C. I. Wei, Journal of Food Science, 54, 1057 (1989).
(28) K. S. Petterson, L. L. Garner, R. Miller & B. Lykins, Proceedings of 24th Annual Scientific Meeting EPA, Norfolk, Virginia (1993).
(29) H. Horth, M. Fielding, H. A. James, M. J. Thomas, T. Gibson & P. Wilcox, Chap. 9 in Water chlorination, Ed. by J. Jolley; Lewis Publishers, Vol. 6 (1987).
(30) W. J. Masschelein, Chlorine Dioxide, Ed. Ann Arbor Sci. (1979).
(31) W. J. Masschelein, Chap. 2 in Unit Processes in Drinking Water Treatment, Ed. Marcel Dekker, NY (1992).
(32) W. J. Masschelein, p. 453, Vol. 1, Proceedings of the 12th World Congress of the International Ozone Association (1995) : available at IOA-Secretariate, 83 av. Foch, F-75116 Paris.
(33) W. J. Masschelein, Jom. AWWA, 76, 70 (1984).
(34) W. J. Masschelein, presentation at 1st Conference ICOA, Nashville (1990); Ed. Tecnomic, Lancaster, Pennsylvania.
(35) US Patent 5 110 580 (1992) by Aaron Rosenblatt; CDG, 535 Fifth Ave., Suite 809, New York 10047.
(36) W. J. Masschelein, Communication at the International Ozone Association Regional Conference, Sydney, Australia (1996).
(37) H. J. Brauch, Vom Wasser, 56, 25 (1981).
(38) R. Savoir, L. Romnée & W. J. Masschelein, Aqua, 2, 114 (1987).
(39) R. Savoir, L. Romnée & W. J. Masschelein, Trib. Cebedeau, 39, (509), 3 (1986).
(40) W. Masschelein, J. M. Mainguy, T. Kernoa, M. Moal, M. Dermat & M. Pouillot, Sixth Intern. Symp. on Chemical Oxidation, Nashville (1996).