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Le déshuilage des plans d'eau par tambour oléophile

30 juillet 1985 Paru dans le N°93 à la page 62 ( mots)

L’élimination des huiles ou des graisses qui surnagent à la surface de l’eau, problème couramment rencontré, se pose sous plusieurs formes : - on peut récupérer les hydrocarbures dans le but de faire du traitement d’eau ; les écrémeurs sont alors associés à des séparateurs eau/huile ; - les écrémeurs peuvent permettre de récupérer des produits nobles insolubles dans l’eau par exemple des solvants, des huiles légères, des graisses animales ; - dans certaines applications, c’est la phase aqueuse qui est recyclée après déshuilage par écrémeurs (huiles solubles, bains de lavage...) ; - enfin les écrémeurs permettent la récupération des huiles épandues accidentellement dans le milieu naturel (marées noires) et ils constituent alors des moyens de lutte contre la pollution.

L. DELONS

Ceca - Sapec

L’élimination des huiles ou des graisses qui surnagent à la surface de l’eau, problème couramment rencontré, se pose sous plusieurs formes :

- on peut récupérer les hydrocarbures dans le but de faire du traitement d’eau ; les écrémeurs sont alors associés à des séparateurs eau/huile ;

- les écrémeurs peuvent permettre de récupérer des produits nobles insolubles dans l’eau par exemple des solvants, des huiles légères, des graisses animales ;

- dans certaines applications, c’est la phase aqueuse qui est recyclée après déshuilage par écrémeurs (huiles solubles, bains de lavage...) ;

- enfin les écrémeurs permettent la récupération des huiles épandues accidentellement dans le milieu naturel (marées noires) et ils constituent alors des moyens de lutte contre la pollution.

Les huiles et les graisses étant en général plus légères que l’eau tendent à remonter à la surface ; le rôle d’un écrémeur n’est pas de « capter » les huiles en émulsion stable dans la phase aqueuse, mais de récupérer le plus sélectivement l’huile ayant déjà été décantée.

Les trois types d’écrémeurs

On distingue :

Les écrémeurs non sélectifs

Ce sont des appareils qui ramassent une lame de liquide ayant une épaisseur constante, le débit de liquide récupéré est donc indépendant de l’épaisseur de la couche d’huile. Ces écrémeurs, s’ils présentent des performances acceptables en présence de nappes épaisses d’hydrocarbures, donnent des rendements catastrophiques sur des films minces d’huile ou sur des irisations. D’autre part, la quantité de liquide — eau + huile — est importante, ce qui nécessite un stockage calculé en conséquence, ainsi qu’une nouvelle séparation si l’on souhaite récupérer une huile à peu près anhydre.

Les écrémeurs semi-sélectifs

Ce sont des équipements qui sélectionnent partiellement l’huile surnageante en utilisant soit un procédé mécanique (cyclone, vortex...) soit la propriété que possèdent certains matériaux d’être plus avides d’huile que d’eau (bande en inox, cordes, disques...). Ces écrémeurs ont donc l’avantage de récupérer les produits polluants, avec une quantité d’eau limitée, ce qui diminue la quantité de liquide à pomper et à stocker.

Les écrémeurs sélectifs

Ces écrémeurs savent faire la différence entre la phase eau et la phase huile ; le tambour oléophile présenté ci-dessous appartient à ce type.

Le tambour oléophile

Le tambour oléophile est composé d’un cylindre revêtu d’un matériau oléophile hydrophobe. Ce dispositif en rotation continue à la surface de l’eau accroche les hydrocarbures sans être mouillé par l’eau ; les hydrocarbures sont ensuite récupérés par un racleur fixe.

[Photo : Schéma de fonctionnement du tambour oléophile]

Ce tambour oléophile est issu de recherches menées par Elf-Aquitaine pour améliorer la récupération des hydrocarbures sur les bassins de décantation type API en raffinerie. Le revêtement oléophile-hydrophobe est un composé fluorocarboné qui est en fait un compromis entre la plupart des matériaux qui sont mouillés par l’eau et par l’huile (lorsqu’on trempe un morceau d’acier dans l’eau ou dans l’huile, le liquide « colle » sur le métal) et les matériaux dits anti-adhérents tels que ceux employés par exemple pour le matériel de cuisine.

Aujourd’hui, plusieurs récupérateurs utilisent ce procédé soit pour le traitement de l’eau, soit pour la récupération de produits nobles, soit pour la régénération de bains pollués par les hydrocarbures, soit enfin pour le déshuilage des plans d’eau après pollution accidentelle. C’est cette application que nous allons développer ci-dessous en décrivant le procédé Stopol.

Le procédé Stopol

On estime qu’environ trois à six millions de tonnes de pétrole sont déversées chaque année à la suite de fausses manœuvres ou d’accidents d’origines diverses. La pollution par hydrocarbures en mer évoque immédiatement les grandes catastrophes pétrolières du type Tanio ou Amoco Cadiz. Mais ces nuisances ne représentent en fait qu’une partie des pollutions marines, la majorité étant due aux petits incidents répétitifs ou aux déversements chroniques liés à l’exploitation industrielle du pétrole.

Dans ce contexte, la Compagnie Française du Pétrole, l’Institut Français du Pétrole et la Société Nationale Elf-Aquitaine (CFP ‑ IFP ‑ SNEAP, dits les « 3 ») ont mis au point conjointement le système Stopol actuellement opérationnel sur au moins trois continents.

La technique employée, d’une mise en œuvre simple et nécessitant un minimum d’appareillages spécialisés, permet des interventions rapides et efficaces.

Le dispositif se compose de quatre éléments principaux :

— une poutre métallique, de 12 m de long, fixée par une extrémité sur le flanc du navire et munie, à l’autre

[Photo : Schéma du tangon]
[Photo : Schéma du carol]
  • extrémité, d’un flotteur ; en cours d'opération, cet ensemble, appelé tangon, est maintenu perpendiculairement au flanc du navire ;
  • — en arrière du tangon, un catamaran, appelé carol, supporte deux tambours tournants oléophiles (procédé Elf-Anvar) de 1,20 m de long chacun, ainsi que les dispositifs d’extraction et de transfert des hydrocarbures recueillis ;
  • — ces deux ensembles sont réunis par deux barrages gonflables, Devipol, d'une longueur de 13 m, dont le rôle est de canaliser les hydrocarbures vers le catamaran ;
  • — enfin, la centrale hydraulique (d'une puissance de 80 cv) située sur le pont du bateau, assure l'alimentation en utilités du catamaran, le gonflage des barrages et le pompage du pétrole recueilli.

Ce même équipement peut être prévu de part et d’autre du bateau, doublant ainsi la surface traitée à chaque passage.

Les hydrocarbures récupérés peuvent être stockés ou dans les soutes ou dans des citernes embarquées, par exemple.

[Photo : Schéma du dispositif de récupération des hydrocarbures]

Principaux avantages du procédé

Le système Stopol a été conçu selon cinq axes de réflexion : travail avec un seul bateau, équipement mobile, sélectivité, performances sur produits visqueux, et cohérence du dimensionnement. On y ajoutera évidemment la simplicité de mise en œuvre.

Une réponse effective paraît avoir été apportée, puisque :

  • — les tangons permettent d'intercepter les nappes sans recourir à l'emploi de plusieurs bateaux ;
  • — l'équipement est parfaitement adaptable sur tout bateau manœuvrant à basse vitesse, le pré-équipement se limitant à quatre trous ;
  • — le tambour oléophile permet, en mer, une excellente sélectivité, y compris sur des couches de très faible épaisseur (0,1 mm). Des teneurs maximales de 25 % d'eau ont été obtenues lors d’essai à débit maximum, susceptibles d’être réduites en travaillant avec des vitesses de rotation des tambours plus faibles. La majeure partie de cette eau provient en fait des vagues qui balaient le dessus du récupérateur ;
  • — les performances sur produits visqueux s’avèrent excellentes ; en particulier, aucune perte d'adhérence n’a été constatée avec les mousses au chocolat ;
  • — les différents éléments ont été dimensionnés l'un en fonction de l’autre ;
  • — la mise en œuvre ne requiert pas d’intervention sur l'eau.

Performances

Étude d'un cas concret

La quantité d’hydrocarbures récupérée par Stopol dépend de la vitesse du bateau, de l'épaisseur de la couche d'huile et de la nature de l’huile.

Prenons l'exemple ci-après, avec les données de base suivantes :

  • — vitesse du bateau : 1,1 nœud ;
  • — épaisseur du film d'huile : 1 mm ;
  • — viscosité : 10 000 cp.

La quantité d’huile confinée par le barrage Devipol s’établira comme suit : Q (m³/h) = 15 (larg.) × 0,001 (épaisseur) × 2,038 (vitesse) = 30 m³/h.

Le système Stopol 120 récupérera ainsi 30 m³/h d'hydrocarbures (ou 60 m³/h si les deux côtés du bateau sont équipés).

La quantité maximum d'hydrocarbures récupérée par l'écrémeur Carol est donnée par les courbes de la figure 5.

Dans l'exemple précédent, les tambours devront tourner au moins à 28 t/mn.

Chaque récupérateur possède une plaque d’arrêt qui peut être baissée soit à l'arrière du récupérateur, soit entre les deux tambours. Dans cette seconde configuration, le second tambour joue un rôle différent du premier puisqu’il se trouve placé dans la zone de dépression créée par la plaque baissée. En mouvement un courant de retour lui permet de

[Photo : Courbes de rendement de l’écrémeur Carol]

Récupérer une partie des fuites (dont la présence est inévitable si la vitesse dépasse 0,8 nœud sous une plaque plane. Ce dispositif permet une meilleure qualité de récupération du 1er tambour). Au-delà, il vaut mieux placer la plaque à l'arrière, les deux tambours jouant alors le même rôle.

Les campagnes d’essais successives ont prouvé que Stopol est efficace dans la lutte contre la pollution par les hydrocarbures.

Outre les résultats obtenus en milieu marin, le catamaran, grâce à ses tambours oléophiles, trouve de nombreuses autres applications lors de la récupération des hydrocarbures dans les déshuileurs, les bacs, ou les lagunes de décantation.

Ce procédé constitue aujourd'hui une arme supplémentaire de choix dans la panoplie dont disposent les compagnies pétrolières et les organismes spécialisés pour lutter contre la pollution et protéger l'environnement.

[Photo : Illustration de diverses opérations de déshuilage de plans d'eau par tambour oléophile.]
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