Pour maîtriser les enjeux liés au contrôle des géosynthétiques, les donneurs d'ordre doivent bien définir les risques et le cahier des charges en matière de contrôle pour réduire ces risques sans oublier que les non conformités d'un dispositif d'étanchéité par géomembrane ont souvent des conséquences sur le support et génèrent des travaux de reprises qui vont bien au-delà de la seule réparation des soudures. Entreprise par le Comité Français des Géosynthétiques (CFG) et l'ASQUAL, la démarche de certification des contrôleurs doit contribuer à clarifier les missions et les compétences demandées aux contrôleurs extérieurs.
Dans un contexte économique difficile, les maîtres d’ouvrage (MO) voient leur budget réduit pour la construction d’ouvrages qu'il convient cependant de réaliser avec une vision sur le long terme.
La mission du contrôleur extérieur dans le domaine des géosynthétiques ne revêtant pas toujours un caractère obligatoire, celui-ci est souvent le premier visé par les coupes budgétaires.
Or, il est clair que les dysfonctionnements et les sinistres résultent principalement de choix techniques et de mises en œuvre inadaptés, qui ne peuvent être mis à la connaissance du maître d’ouvrage que par un tiers expert, indépendant et compétent, aux différents stades d’avancement des travaux et avant leur démarrage. C’est tout l’enjeu de la mission du contrôle extérieur que nous développons dans cet article.
Les enjeux sont liés au contenu de la mission de contrôle
Cette mission de contrôle ne peut être réalisée sans l'intervention du contrôleur à différentes étapes de la construction.
Par exemple, la vérification du support de pose des géosynthétiques exige un avis technique avant le démarrage des travaux d’étanchéité. Autre exemple, la vérification de la qualification et/ou de la compétence du personnel exécutant les assemblages nécessite d'intervenir pendant la réalisation des soudures et non après. Il semble donc illusoire de prétendre réaliser
ser une mission de contrôle par une visite en fin de chantier qui se limite en général à constater qu'il y a bien un dispositif d'étanchéité par géomembrane (DEG - cf. norme NF P84-500).
Pour éviter l’inadéquation entre le risque présenté par l’ouvrage et son exploitation et la mission de contrôle, il est essentiel que le contrôleur puisse, en collaboration avec le maître d’œuvre (MOE) et le maître d’ouvrage, en définir le contenu.
En l’absence de référentiel, la situation actuelle amène trop souvent les donneurs d’ordre à demander une mission de contrôle sans avoir établi de cahier des charges ce qui conduit à des offres techniques et financières très variables qui vont de la simple visite en fin de travaux à la mission complète intégrant les différentes étapes de la construction. Il va sans dire que l’enjeu est fondamental et parfois mal apprécié par les maîtres d’ouvrage qui auront tendance à considérer que la responsabilité est prise par le contrôleur et opteront pour les missions a minima. Ces missions tronquées ne permettent pas de contrôler la qualité de la réalisation des travaux et n’aident pas à la recherche des causes d’un dysfonctionnement par manque d'informations. En effet, les rapports du contrôleur extérieur peuvent s’avérer essentiels pour déterminer l’origine de désordres apparaissant ultérieurement. Ces rapports doivent donc être détaillés.
Indépendance et expérience du contrôleur sont impératives
Le contrôleur doit avoir la capacité de rester indépendant de tous les acteurs du chantier et également de son donneur d’ordre.
Exemple : un maître d’ouvrage souhaite démarrer un chantier très tard en saison, en novembre. Il s’agit d’une réserve d’eau d’irrigation de grande capacité (300 000 m³) qui doit être réalisée avec un matériau d'étanchéité exigeant un support sain, avec une portance suffisante pour pouvoir exercer une pression de marouflage lors de la réalisation des joints. La période de démarrage est défavorable au respect de ces exigences techniques.
Les enjeux financiers immédiats (perte de subventions pour raison administrative) prennent rapidement plus d’importance que les impératifs techniques et climatiques aux yeux du maître d’ouvrage. Sans une connaissance approfondie des matériaux, des techniques d’assemblages, des recommandations de la profession, et des risques, il est difficile pour le contrôleur d’argumenter face à la pression exercée par le MO. L’expérience et l'indépendance du bureau de contrôle sont, dans un cas comme celui-ci, indispensables.
Céder, c’est exposer l'ensemble des acteurs à un sinistre qui peut rapidement générer des coûts bien supérieurs aux montants des subventions et des travaux.
Le contrôle, lorsqu’il n’est pas à la hauteur, peut également mettre en difficulté l’entreprise d’étanchéité par la validation de tra-
vaux ou de conditions de travail qui ne respectent pas les spécifications (conditions météorologiques, support, ...) obligeant ainsi celle-ci, sous la pression des délais et des impératifs financiers, à poursuivre malgré tout les opérations de pose et d'assemblages des géosynthétiques.
Il n'est pas rare de voir des entreprises d'étanchéité, qui sont souvent sous-traitantes ou membre d’un groupement, être « soulagées » lorsque le contrôleur extérieur émet un avis négatif à la levée d’un point d’arrêt. L'indépendance du contrôleur extérieur lui permet de s'affranchir des aspects financiers, bien qu'il en soit, évidemment, conscient.
Domaines industriels, ouvrages souterrains, installations de stockage de déchets (ISD) : à chaque domaine ses enjeux spécifiques
Dans le domaine industriel, les pertes d'exploitation liées à un dysfonctionnement d'un ouvrage, pire, à un sinistre, s'avèrent bien plus élevées que le coût initial de mise en place du DEG. Lors de la définition de la mission de contrôle et du choix de l'intervenant, ces risques doivent être connus et pris en compte. Citons l'exemple d'un bassin du secteur agro-alimentaire étanché par une géomembrane.
L’entreprise retenue pour les travaux ne dispose pas de compétences validées par la certification ASQUAL. La proximité géographique et le montant de l’offre ont constitué le motif de sélection de l’entreprise. Celle-ci réalise les travaux dans des conditions météorologiques difficiles, sans appui technique extérieur et fait valider sa réalisation en fin de travaux par un bureau de contrôle à sa charge. Ce dernier passera quelques heures sur site (pour une surface de 20 000 m² environ avec des talus très raides), ne procédera à aucun prélèvement de soudure pour des essais mécaniques en laboratoire et conclura que la réalisation n'appelle pas de commentaire particulier. Cet ouvrage ne sera jamais mis en service en raison de fuites récurrentes malgré de nombreuses interventions ultérieures pour réparer les fuites. Après trois années d’expertises et de mise à l'écart de l'ouvrage dans la chaîne de production de l’industriel, il sera décidé de refaire en totalité le dispositif d'étanchéité.
Cet exemple illustre bien l’enjeu mal apprécié du contrôle par le donneur d’ordre qui aurait dû mandater un bureau extérieur et non se limiter à un contrôle externe. Une mission complète avec avis sur les moyens et les compétences de l'entreprise, sur le support, sur les opérations de soudage en cours, sur la résistance mécanique des soudures en cours de travaux aurait certes coûté quelques milliers d’euros supplémentaires mais aurait permis rapidement d'alerter le maître d’ouvrage sur les écarts constatés avec le cahier des charges et les risques en résultant.
Dans le domaine des ouvrages souterrains, les enjeux sont liés à la sécurité des usagers et à la protection des équipements des ouvrages, qu'il s'agisse de locaux techniques de gestion automatisée des dispositifs de sécurité d’un tunnel ou d'une sous-station de transport en commun qui abrite un dispositif de gestion du trafic, sans parler des stalactites voire des colonnes de glace qui peuvent se former en hiver dans les tunnels non étanchés.
Ici, comme dans le domaine des ISD, l’importance de la bonne réalisation du contrôle est renforcée par le fait qu’il sera très difficile et coûteux d’intervenir sur l'ouvrage fini pour réparer des défauts. Il faudra alors trouver des solutions palliatives qui sont souvent chères car toujours singulières.
Les défauts constatés sur les ouvrages souterrains sont dans un premier temps dus à un manque de contrôle, en particulier
parce que certaines zones demandent des moyens d’accès peu disponibles.
En effet, il est rare que le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre disposent de leurs propres moyens d’accès. Ils sont tributaires d'un groupement qui doit pouvoir leur mettre à disposition ces accès, sauf quand ils sont nécessaires dans une autre phase du chantier.
Dans un deuxième temps, les défauts peuvent être engendrés par la co-activité et la mise en œuvre des couches de protection (revêtement d’un tunnel, couche drainante d’une ISD, etc.).
Il faut dans ce cas que les intervenants, autres que l’étancheur, soient informés de la fragilité du DEG et que les consignes soient passées afin que les intervenants ne craignent pas d'informer l’étancheur de dégâts qui auraient pu être causés lors d'une phase particulière du chantier. Ceci est indispensable afin que des réparations puissent être effectuées à temps même si parfois les conditions d’accès sont difficiles (dans un coffrage d’anneau de revêtement de 40 à 70 cm de large par exemple).
Que doit comprendre une mission de contrôleur extérieur, à minima ?
La mission type d’un contrôleur extérieur doit comprendre, à minima, les éléments suivants :
- • Avis sur le plan d’assurance de la qualité (PAQ) de l'entreprise de pose de l’étanchéité,
- • Avis sur les produits géosynthétiques proposés par l’entreprise de pose de l’étanchéité au regard du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du maître d’œuvre,
- • Avis sur les supports de pose avec visite,
- • Visites inopinées du chantier avec contrôle :
- ✓ du stockage des produits,
- ✓ de leur manutention,
- ✓ de leur mise en œuvre,
- ✓ des capacités et des certifications du personnel de pose,
- ✓ des assemblages soudés, avec prélèvement pour essais mécaniques en laboratoire.
- • Visite de réception de l’étanchéité de l’ouvrage,
- • Avis sur le dossier des ouvrages exécutés (DOE).
Conclusion
On le voit, au travers de missions qui représentent quelques pourcents du montant total des travaux, les enjeux du contrôle des géosynthétiques sont importants et il appartient aux donneurs d’ordre de bien définir les risques et le cahier des charges en matière de contrôle pour réduire ces risques sans oublier que les non-conformités d’un DEG ont souvent des conséquences sur le support et génèrent des travaux de reprises qui vont bien au-delà de la seule réparation des soudures.
La démarche de certification des contrôleurs, entreprise par le Comité Français des Géosynthétiques (CFG) et l’ASQUAL, contribuera à clarifier les missions et les compétences demandées aux contrôleurs extérieurs.
Pour tout complément d’information concernant les détections de fuite, nous invitons à consulter la publication du Comité Français des Géosynthétiques sur les techniques de contrôle d’étanchéité.
Références bibliographiques
Groupe de travail du Comité Français des Géosynthétiques (juin 2003), Détection de fuites dans les dispositifs d’étanchéité par géosynthétiques, version 6. Document téléchargeable sur le site internet www.cfg.asso.fr
AFNOR (avril 2013) : Norme NF P84-500. Géomembranes – Dictionnaire des termes relatifs aux géomembranes.