Certains problèmes spécifiques de l'industrie minière tiennent au fait que les effluents recyclés ne doivent contenir aucune activité floculante résiduelle après traitement des rejets par décantation et floculation. En effet, cette activité résiduelle pourrait constituer une gêne très importante pour les procédés utilisés, voire même anéantir certains processus de flottation par exemple.
Une première solution consiste à neutraliser cette activité, sachant cependant que, avec le temps et dans certaines conditions de stockage des effluents, l’activité résiduelle s’affaiblit et disparaît. Mais ce n‘est pas toujours possible.
Une meilleure solution est obtenue en essayant de maîtriser l'utilisation du floculant. Lors d’une opération de floculation, dans le traitement d'une pulpe chargée en solides, on peut constater que les doses de floculant employées dépassent en général les besoins ; par contre, tout le floculant injecté est utilisé, ou reste en solution dans l’effluent.
[Photo : L'analyseur de Floculant Résiduel. Modèle de laboratoire (AFR 90).]
Beaucoup de techniques permettent le contrôle de la dose minimale de réactif à mettre en jeu pour obtenir le degré de floculation voulu (mesuré par la vitesse de décantation), mais pas la dose maximale, car il n’est pas rare de doser le floculant « par excès » : une partie du floculant est alors surconsommée par la floculation, l'autre n’est pas utilisée.
Il faut donc s‘attacher à mesurer la quantité de floculant non utilisée ; en fait c’est l’activité résiduelle qui est quantifiée, car le floculant (surtout dilué) perd rapidement de son efficacité initiale. Le tableau montre les « quantités de floculants » résiduels à la sortie des opérations de décantation-floculation des Mines de Potasse d’Alsace. Les quantités non utilisées y représentent respectivement pour la régénération de l’Eau Mère (EM Clariflux), plus de 4 %, et pour la saumure résiduelle de lavage des boues (SRLB), plus de 10 % du floculant consommé. Par contre, on peut constater qu'il y a très peu de floculant résiduel perdu dans les effluents du clarificateur.
En contrepartie de la gêne créée par la réinjection de cette activité floculante dans le process de flottation de la sylvinite (et que l’on peut donc contrôler maintenant), apparaît l’intérêt économique, qui résulte de la transformation de cette mesure en un élément de conduite et de contrôle de la consommation des réactifs.
Principe de la méthode de mesure
Une mesure directe (par voie chimique) étant tout à fait déraisonnable dans l’industrie minière, du fait de sa difficulté propre et de son utilisation dans un domaine d’application peu noble (un
effluent !), on a recherché une voie permettant une mise en œuvre simple et peu coûteuse de l’opération.
La mesure, telle qu’elle est pratiquée en définitive, est basée sur la vitesse de décantation d’une poudre minérale appropriée, en suspension dans le milieu étudié, vitesse qui est fonction de la quantité et de l’efficacité du floculant résiduel contenu dans l’effluent étudié, et qui par elle-même est sensible à de nombreux facteurs : présence d’ions, forme du récipient, température, pH, etc. Les paramètres à prendre en compte sont : la hauteur de la cuve de mesure, son diamètre et son volume, la nature de la poudre minérale et sa concentration, la nature et la quantité d’effluent, la hauteur de l’effluent dans la cuve et celle du détecteur.
L’opération consiste à ajouter un volume connu de la suspension de poudre minérale soigneusement dosée au préalable à un volume connu de l’effluent à contrôler, placé dans une cuve transparente, puis à agiter le tout, et à chronométrer le temps écoulé entre la fin de l’agitation et le passage du front de décantation devant le détecteur d’interface placé à une hauteur prédéterminée. On compare ensuite la valeur trouvée à celle obtenue au préalable par étalonnage (sensibilité supérieure à 0,025 mg/l)*.
On réalise la gamme-étalon préalable à partir de la solution contenant le floculant dilué dans l’effluent « neutralisé » à différents dosages (par exemple de 0,1 à 1 mg/l par paliers de 0,1 mg/l). L’effluent de dilution « neutralisé » est obtenu en brassant l’effluent brut avec la poudre minérale en excès pendant deux ou trois heures, puis en le filtrant soigneusement. On obtient un couple de données : quantité de floculant/temps de clarification, qui peut s’exprimer suivant une loi de régression donnant la concentration « Y » (en mg/l) de floculant en fonction du temps « t » (en secondes), selon une loi de la forme :
Y = a − b log t.
Une fois connu le temps mis par le front de décantation pour passer devant le détecteur, la valeur trouvée sera interpolée entre deux valeurs du tableau d’étalonnage ou calculée directement au moyen de la loi de régression logarithmique.
[Photo : Effluent urbain. Tracé des courbes d’étalonnage. 1 — floculant de type faiblement anionique, 2 — floculant de type cationique.]
Tableau 1
Usine de flottation MDPA – Amélie
Dosage du floculant résiduel contenu dans les effluents
Campagne de mesure d’août 1988
Floculant résiduel (en ppm)
0,3 | 0,5 | 0,7 | 0,4 | 24 | < 0,1 |
0,3 | 0,5 | 0,7 | 0,4 | 26 | < 0,1 |
0,4 | 0,5 | 0,8 | 0,5 | 33 | < 0,1 |
0,4 | 0,6 | 0,8 | 0,5 | 38 | < 0,1 |
0,5 | 0,7 | 0,9 | 0,5 | 42 | 0,2 |
0,5 | 0,7 | 1,0 | 0,6 | 46 | 0,2 |
0,6 | 0,8 | 1,1 | 0,6 | 50 | 0,2 |
0,6 | 0,8 | 1,2 | 0,7 | 54 | 0,2 |
0,7 | 0,9 | 1,3 | 0,7 | 58 | 0,3 |
0,7 | 1,0 | 1,4 | 0,7 | 62 | 0,3 |
0,8 | 1,0 | 1,5 | 0,8 | 66 | 0,3 |
0,8 | 1,1 | 1,6 | 0,8 | 70 | 0,3 |
0,9 | 1,2 | 1,7 | 0,8 | 74 | 0,4 |
0,9 | 1,2 | 1,8 | 0,9 | 78 | 0,4 |
1,0 | 1,3 | 1,9 | 0,9 | 82 | 0,4 |
Débit moyen de floculant utilisé : 13,25 kg/h
Floculant résiduel (moyenne) : 0,56 ppm
Débit moyen d’effluent : 95 m³/h
Floculant résiduel non utilisé : 0,59 kg/h
Débit moyen de floculant utilisé : 9,20 kg/h
Densité : 225 ppm
pH moyen : 4,15
Floculant résiduel non utilisé : non mesuré
* Pour des effluents ayant des charges en floculant résiduel supérieures à 1 mg/l, il est nécessaire de les diluer à l’aide de l’effluent « neutralisé ».
Description de l’Analyseur de Floculant Résiduel
Pour effectuer les mesures en cause, nous avons mis au point un « Analyseur de Floculant Résiduel » (AFR 90), appareil de fabrication robuste (figure 1). L’AFR 90 est transportable sur chantier grâce à sa batterie de 12 V et à son chargeur incorporés (avec autonomie d’une dizaine d’heures). Il fonctionne sous 220 V, 50/60 Hz. Un courant d’entretien est appliqué à la batterie lors de son utilisation sur secteur. En charge accélérée, la batterie est opérationnelle en trois heures.
L’AFR 90, semi-automatique, possède un détecteur permettant l’emploi d’une cellule cylindrique ; il est de plus insensible aux lumières extérieures et permet l’utilisation de solutions polluées ou colorées (en rouge par de la rouille, etc.). Monobloc, il est indéréglable par construction.
L’appareil démarre automatiquement après agitation, dès que l’on place la cellule de mesure dans une fenêtre circulaire aménagée dans le couvercle ; il s’arrête dès la fin de la mesure et affiche le résultat.
Les différents modules de l’appareil sont installés dans un coffret en PVC, sur la façade duquel sont disposés l’afficheur numérique à cristaux liquides, le sélecteur de fonction (Arrêt-Secteur-Batterie-Charge), le bouton de remise à zéro (RAZ) et les voyants de fonctionnement (Marche, Secteur, Mesure).
Il comporte à l’arrière un connecteur délivrant un signal qui permet, si on le désire, le pilotage d’un micro-ordinateur type IBM PC associé à une imprimante.
D’autres versions ont également été expérimentées, dont un modèle industriel comportant un automate programmable, un jeu de vannes automatiques et de pompes doseuses. Il délivre une mesure toutes les dix minutes environ, avec alarme éventuelle. Il assure le suivi des pertes de floculant en ligne et permet aussi sa distribution de façon optimale par régulation.
Cet appareil a été utilisé avec succès, soit dans des opérations ponctuelles de contrôle de floculation (où il a permis aux opérateurs de prendre conscience des économies appréciables pouvant être réalisées en floculation), soit dans des utilisations de contrôle en continu. Les exemples de la figure 2 concernant des eaux de réseau urbain en sont illustration.
Applications
La méthode et l’appareil ont été testés sur plusieurs sites.
Installations industrielles
L’appareil, utilisé en contrôle continu (soit au niveau du laboratoire, soit en ligne), permet de maîtriser à tout moment la présence ou non de floculant résiduel dans les effluents. C’est ce qui a été effectué dans nos propres installations et illustré par les résultats du tableau I. Cette installation de décantation de boues consomme 500 g de floculant par tonne de boues traitée, ce qui représente un coût d’exploitation non négligeable ; d’autre part, la présence de floculant résiduel dans les eaux mères recyclées perturbe considérablement le fonctionnement de l’usine d’enrichissement de sylvinite des MDPA.
Le dispositif mis en place a permis de mieux gérer ce secteur et d’éviter tout afflux de réactifs dans les autres domaines.
Eaux de réseau urbain
Ces exemples montrent une application-type demandée par une commune sur son réseau de traitement d’eau. Les courbes d’étalonnage ont été dressées (figure 2) et les effluents régulièrement contrôlés.
La première courbe d’étalonnage, obtenue avec un effluent traité avec un floculant faiblement anionique, est de la forme :
y = 1,1 – 0,4 log t.
La seconde, avec un floculant cationique est de la forme :
y = 1,32 – 0,45 log t.
Ces résultats montrent que l’Analyseur de Floculant Résiduel permet de résoudre de nombreux problèmes d’économie et de dosage de réactifs floculants et ce, pour un investissement très modique, dans un secteur où recherche et intérêt avaient toujours été très limités par les opérateurs.
[Publicité : COMPAGNIE DES EAUX DE PARIS]