Your browser does not support JavaScript!

Le contrôle chimique de l'eau par détection rapide de l'ammonium et des nitrites

30 novembre 1988 Paru dans le N°123 à la page 64 ( mots)
Rédigé par : P. LABORY

Une partie considérable de toutes les analyses de l’eau se concentre sur un problème, celui de la potabilité. Pour le résoudre, il est nécessaire d’analyser une grande quantité de paramètres chimiques et bactériologiques.

Les méthodes colorimétriques

Afin de déterminer quelles sont les impuretés de l’eau qui sont provoquées par les matières fécales et autres produits de putréfaction, on utilise traditionnellement comme méthode indicatrice (c’est même en cas de besoin le seul critère retenu) la teneur en ammonium ; par ailleurs la teneur en nitrites constitue également un indicateur important de pollution. Nous examinerons ci-après les méthodes colorimétriques de contrôle chimique utilisées pour détecter ces deux facteurs dans les échantillons d’eaux, au moyen de séries de tests prêts à l’emploi.

Il faut préciser que les méthodes colorimétriques visuelles rapides se distinguent par leur manipulation simple et leur coût avantageux, tout en offrant une sensibilité de détection souvent suffisante ; ce faisant, certains désavantages ne peuvent être négligés : ils résident principalement dans le manque d’objectivité dû à des rapports de luminosité variables et à des défauts de vision, ainsi que dans la limitation imposée par les nuances de couleurs, qui ne permettent qu’une approximation des concentrations respectives. C’est pourquoi la pratique photométrique, exercée depuis déjà un certain temps au laboratoire, a été simplifiée pour pouvoir être employée également dans des analyses rapides utilisées en combinaison avec des séries de réactifs optimisés dans ce but, selon une méthode définie ; de telles séries de tests comportent tous les réactifs nécessaires sous la forme prête à l’emploi pour chaque paramètre des analyses photométriques.

La grande stabilité de ces réactifs, concentrés liquides ou en poudre, réduit au minimum le temps nécessaire aux analyses traditionnelles. Les déterminations photométriques peuvent aussi être réalisées à l’aide des photomètres appropriés, sur le site même de prélèvement, indépendamment d’un laboratoire équipé, et sans connaissances particulières. Pour les paramètres importants, on utilise des fiches techniques spécifiques.

L’ammonium

Bien qu’en elle-même, elle n’ait pas de signification toxicologique, une faible teneur en ammonium dans l’eau peut révéler des états douteux se manifestant par des teneurs élevées en bactéries fécales, en germes pathogènes, etc. Ce corps, qui est provoqué par la décomposition bactérienne de l’urée et des protéines, constitue ici la première étape inorganique et de ce fait, il est décelable facilement du point de vue chimique.

Dans les eaux acides et neutres, l’ammonium existe exclusivement sous la forme de sels, sous forme de NH₄⁺. À partir de pH 8, la proportion en ammoniaque libre augmente rapidement, selon le diagramme porté sur la figure 1.

[Photo : fig. 1]

Chaque habitant élimine quotidiennement environ 30 grammes d’urée sous forme d’urine, des quantités plus petites de créatinine, d’acide urique et hippurique, ainsi que 0,7 gramme d’ammonium ionogène, qui se retrouvent dans les effluents urbains. Outre les eaux résiduaires communales, les eaux-vannes de l’agriculture, les eaux de percolation des dépôts d’ordures, ou des foyers de putréfaction locale de protéines dans le sol, peuvent provoquer des pollutions de l’eau qui sont révélées par des teneurs anormales en ammonium.

La possibilité de la qualification de l’eau par la teneur en ammonium est toutefois rendue plus difficile par le fait que l’ammonium peut polluer l’eau par d’autres voies. Les sols peuvent en effet contenir jusqu’à 100 ppm de NH₄⁺ même si les accumulations dues à une nitrification progressive sont rares. Ces accumulations sont provoquées par la décomposition de plantes, dont la masse sèche comporte en moyenne 3 % d’azote. Alors que dans les sols acides, l’ammonium peut être fixé sous forme de sel, il existe dans les sols alcalins des possibilités de formation d’ammoniaque gazeux, ce qui peut être dû aux apports d’ammonium fournis par la pluie. Dans la stratosphère, à des hauteurs situées entre 15 et 25 kilomètres, il existe de faibles quantités de sulfate d’ammonium et de péroxyde-sulfate d’ammonium sous la forme d’aérosols, qui peuvent arriver dans l’atmosphère et se mélanger à la pluie ou à la neige. Les quantités d’ammonium contenues dans ces précipitations se trouvent principalement…

ment dans les régions à sol alcalin, c’est-à-dire dans les sols à partir desquels l’ammonium peut s’éliminer le plus facilement et retourner dans l’atmosphère. Par contre, l’influence des orages, de la densité industrielle ou agricole ou de la densité de la population paraît être insignifiante sur la teneur en ammonium des précipités, contrairement aux idées reçues jusqu’à maintenant.

Comme l’oxydation bactérienne de l’ammonium en nitrites, puis en nitrates, s’effectue relativement vite dans les eaux de surface et que les eaux résiduaires traitées et introduites ne doivent contenir de l’azote que sous la forme nitrate, des teneurs en ammonium dans les eaux de surface indiquent la présence immédiate d’eaux résiduaires brutes.

Dans les eaux de nappe, on ne peut pas exclure la possibilité que l’ammonium existe de façon soit juvénile (c’est-à-dire par les caractéristiques des roches, par le volcanisme, etc.) soit par réduction des nitrates. Il n’est alors possible de faire une différence que dans le cadre d’une analyse plus complète des paramètres typiques d’impureté comme les nitrates, les nitrites, les phosphates, les sulfates, les chlorures et les Eschérichia coli. Une exigence classique pour les eaux potables constitue en la «non-présence» d’ammonium. Dans les normes européennes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1971, concernant les eaux potables, on admet 0,05 ppm de NH₄⁺ ; pour les eaux superficielles, on indique des valeurs limites de 0,5 ppm NH₄⁺ (US, Surface water criteria, 1968, paragraphe 26a «Wasserhaushaltsgesetz der BRD 1973». Loi allemande sur le régime des eaux).

En Europe, les teneurs en nitrites concernent habituellement la forme d’anion NO₂⁻ (poids moléculaire 46,0), tandis qu’aux USA on s’intéresse souvent à l’azote nitrite, c’est-à-dire NO₂-N (poids moléculaire 14,0). Dans certaines branches, on note les teneurs en ppm sous forme de sels (par exemple en NaNO₂).

Réaction colorée

Dans le cadre de la méthode colorimétrique, cette réaction est obtenue en utilisant un coffret de réactifs prêts à l’emploi suivant le processus porté sur la figure 2.

[Photo : Fig. 2]

Le développement dans le temps des couleurs (figure 3) atteint déjà 98 % de l’extinction finale après trois minutes et il se stabilise à 100 % entre cinq et cinquante minutes.

[Photo : Fig. 3]

Les mesures photométriques doivent avoir lieu pendant ce laps de temps.

Mesure photométrique

La courbe d’extinction (figure 4) présente un maximum prononcé à 690 nm.

[Photo : Fig. 4]

Influence de la température

Comme cela est visible sur la figure 5, la réaction n’est pratiquement pas influencée par la variation des températures de la solution analysée entre 20 et 35 °C. Toutefois, des températures inférieures à 20 °C doivent de toute façon être évitées.

[Photo : Fig. 5]

Sélectivité

Lorsque certains ions étrangers se trouvent en grande quantité dans la solution d’essai analysée, ils peuvent empêcher la réaction de l’ammonium ou provoquer des interférences par des troubles ou des couleurs inattendues. La sélectivité de la méthode permet d’éliminer ces inconvénients.

Méthodes opératoires

Après addition de cinq gouttes d’une solution de nitrate de mercure (II) à 0,2 % préparée à partir de Hg (NO₃)₂, les échantillons peuvent se conserver plusieurs mois dans des flacons de verre foncé remplis sans laisser de vide.

La préparation des solutions étalons s’effectue comme suit :

  • ● solution à 100 ppm : dissoudre 0,297 gramme de chlorure d’ammonium dans un litre d’eau distillée ; le cas échéant, stabiliser comme indiqué ci-dessus ;
  • ● solution étalon à 1 mmp : diluer 10 ml de NH₄⁺ à 100 ppm à un litre d’eau distillée ; le cas échéant, stabiliser.

Les nitrites

Parmi les combinaisons azotées qui sont concernées dans les eaux par la dégradation de la matière vivante, les nitrites constituent une étape intermédiaire métastable et comparablement toxique dans l’oxydation bactérienne des protéines : ammonium – nitrites – nitrates. Ils signalent une nitrification non encore terminée. Dans le déroulement normal de la nitrification, le temps de séjour court de l’azote conduit aux nitrites à faibles concentrations que l’on peut toutefois particulièrement bien reconnaître par la sensibilité élevée de la réaction de Griess.

L’oxydation bactérienne suppose le déploiement de deux couches de bactéries :

* NH₄⁺ + 3/2 O₂ — (Nitrosomonas) — NO₂⁻ + 2 H⁺ + H₂O  
* NO₂⁻ + 1/2 O₂ — (Nitrobacter) → NO₃⁻

Normalement, après un certain temps, le développement des bactéries permet

d’assurer une nitrification continue par oxydation rapide de l’ammonium et des nitrites. Par suite du temps assez lent du dédoublement des bactéries (13-17 heures) et, au cours d'une arrivée rapide et élevée de produits de métabolisme, il peut toutefois se former des situations de bouchon ayant pour conséquence une teneur élevée en nitrites. Un exemple typique est constitué par les aquariums nouvellement installés dans lesquels, en raison de la présence des excréments des poissons et des parties de plantes mortes, il se forme tout d'abord un tampon d’ammonium, lequel se transforme ensuite en un tampon de nitrites pouvant être dégradé, après un certain temps, en nitrates non dangereux.

[Photo : Fig. 6]

La présence de nitrites dans les eaux souterraines est due à des foyers de décomposition ou de putréfaction dans les sols (dépôts d’ordures, puits d'infiltration, etc.). De leur côté, les fleuves pollués par les eaux résiduelles industrielles et communales contiennent souvent entre 0,5 et 1 ppm de NO₂ ; les lacs au bord desquels les arrivées de produits sont facilement localisables en contiennent nettement moins. Généralement, les eaux résiduaires polluées en contiennent 0,1-2 ppm, le plus souvent 0,1-0,5 ppm.

Dans des cas particuliers, les eaux résiduaires non polluées peuvent présenter des teneurs relativement élevées en nitrites : les eaux de marais en contiennent souvent 0,1-1 ppm, les eaux provenant d'orages jusqu’à 0,3 ppm. Une réduction ultérieure des nitrates dans les sols se produit parfois, favorisée par un effet bactérien.

Comme les nitrites sont oxydés au cours du traitement des eaux, les eaux potables n’en contiennent généralement pas. En Allemagne fédérale, quelques États ou provinces admettent toutefois des teneurs comprises entre 0,005 et 0,1 ppm.

Toxicité des nitrites

Un des problèmes causés par la présence de nitrites dans les eaux potables et les aliments est constitué par leur toxicité.

Les nitrites provoquent en effet la méthémoglobinémie, entraînée par la transformation de l'hémoglobine du sang en méthémoglobine, qui précipite ici comme support d’oxygène. Dans ce contexte, les empoisonnements avec les nitrites et les cyanures sont comparables à une « asphyxie interne ». La source la plus fréquente d’absorption par l'homme est due à la salaison des produits carnés, un procédé avec lequel environ 90 % de tous les produits à base de viande sont traités en Europe. De même, des concentrations élevées en nitrates dans l'eau peuvent être un danger pour les nourrissons car cette eau peut être facilement réduite par le pH acide de l'estomac. La vitamine C, qui contrecarre l’action de la méthémoglobinémie, a été introduite dans les produits de charcuterie.

On s'est récemment posé la question du danger de production de nitrosamines cancérogènes à partir des nitrites et des amines contenus dans l'eau. À la limite inférieure de détection de 0,0005 ppm, cette hypothèse n'a pu être confirmée, pas plus que leur possibilité de formation. Cette dernière reposait sur le pH trop alcalin des eaux normales, la concentration faible des produits en présence, la sensibilité à la lumière des nitrosamines, ainsi que sur leur dégradation par les plantes et les micro-organismes.

Réaction colorée

Elle est obtenue dans les mêmes conditions que pour l’ammonium, à l'aide de coffrets de réactifs prêts à l'emploi (figure 6). L'extinction finale est obtenue après le temps d’attente prescrit de 10 minutes, et reste constante au moins pendant seize heures (figure 7). Les mesures optiques peuvent toutefois être effectuées après trois minutes (réaction à 96 %).

[Photo : Fig. 7]

Influence de la température

Comme cela est visible sur la figure 8 et à des températures supérieures à 25 °C, on observe des déviations légèrement positives ; en dessous, il faut s’attendre à des déviations négatives.

[Photo : Fig. 8]

Sélectivité

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus en ce qui concerne l'ammonium, certains ions étrangers se trouvant en grande quantité dans la solution d’essai à analyser pourraient empêcher la réaction des nitrites ou provoquer des interférences par des couleurs ou des troubles inattendus.

La sélectivité de la méthode permet également d’éliminer ces inconvénients.

Méthodes opératoires

Les épreuves doivent être effectuées aussitôt après le prélèvement des échantillons. Leur stabilisation est toutefois possible jusqu’à trois jours, si l'on ajoute, par litre, cinq gouttes d’une solution à 2 % de chlorure de mercure (II) (préparée à partir de HgCl₂ pour analyses) dans un flacon en verre brun, rempli sans laisser de vide.

La préparation des solutions étalons s’effectue comme suit :

  • • solution étalon à 100 ppm : dissoudre 0,185 g de nitrite de potassium pour analyses dans un litre d'eau distillée ;
  • • solution étalon à 1,0 ppm : diluer 10 ml de NO₂ à 100 ppm dans un litre d'eau distillée.

La stabilité des deux échantillons est limitée à un jour. Pour une conservation plus longue on utilise le procédé cité plus haut.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements