Les principaux écueils rencontrés dans les circuits d'eau de refroidissement sont la corrosion, l'entartrage et l'encrassement bactérien, trois problèmes qui sont liés, et qu'il faut donc résoudre simultanément.
Traiter l'eau uniquement pour combattre le développement bactérien serait un effort inefficace, car les bactéries peuvent se fixer sur un dépôt (tartre ou corrosion), et lorsque le dépôt bactérien est formé, il est très difficile à éliminer. Par contre, si l'on engage en même temps la lutte sur les deux fronts de l’entartrage et la corrosion, les dépôts bactériens se forment beaucoup plus difficilement, et il ne reste plus alors qu'à éliminer les bactéries, ce qui est plus aisé.
Le traitement doit donc être complet ; toutefois le choix d'un programme ne suffit pas, sa mise en œuvre correcte est aussi importante : injection des produits de traitement aux emplacements voulus suivant les quantités et les fréquences définies afin que les résultats obtenus correspondent aux objectifs. Un suivi complet et régulier des opérations est donc indispensable.
Outre ces phénomènes d’entartrage et de corrosion liés aux problèmes bactériens, un autre paramètre est à prendre en compte : c’est la qualité de l'eau. À cet effet, il est nécessaire de passer en revue les éléments pouvant influencer la croissance bactérienne (pH, température, matière organique, matière azotée, minéraux, etc.), et en particulier déterminer si ces conditions sont plus ou moins favorables au développement des Legionella Pneumophila dont la présence dans les circuits, décelée récemment, est à la source de nombreux mécomptes (1). On a ainsi pu constater que la présence de matières en suspension permet aux bactéries de se fixer, de bloquer les canalisations, d’entraîner une prolifération importante qui ensemence tous les circuits.
Nous examinerons ci-après les méthodes qui peuvent être utilisées pour lutter contre le développement de ces hôtes indésirables.
L'élimination complète des Legionella Pneumophila dans les circuits contaminés est une opération difficile, en particulier dans ceux qui sont très encrassés (sauf si l’on peut les isoler et procéder à leur nettoyage complet).
Les cas que nous avons recensés correspondaient à des concentrations supérieures à 1 000 germes par litre, niveau au-dessous duquel il n'y a pas lieu d'intervenir. Ces cas font l'objet des diagnostics figurant sur le tableau 1, dans lesquels le niveau bactérien ne doit pas être seul pris en compte ; il faut aussi considérer son évolution au cours du temps, suivant qu'il est compris dans une évolution croissante ou décroissante : c’est ainsi que dans le cas d'un comptage de 10³ germes par litre, si la valeur précédente était de 10², le résultat devra être considéré comme médiocre et il faudra augmenter le traitement ; par contre, si la valeur précédente était 10⁴ on pourra diminuer le traitement…
D’autre part, il semble plus prudent, dans un premier temps, de considérer les Legionella dans leur ensemble (2), car étant donné que la détermination passe obligatoirement par une première étape quantitative, cela permet d’obtenir un premier résultat plus rapidement, et…
(1) Ces bactéries provoquent la « maladie du légionnaire » néfaste pour les humains, qui peuvent également être contaminés par les aérosols formés soit dans les tours de refroidissement, soit à proximité des lieux d’agitation des eaux.
(2) Actuellement on connaît 26 espèces de Legionella et il n’y a que la Legionella Pneumophila qui constitue une espèce pathogène.
d’adapter le traitement en conséquence, l’identification qui s’en suit confirmant, ou non, l’éventuelle gravité de la situation.
BIOCIDES ACTIFS
La Legionella est moins touchée par l’action des biocides que l’E. Coli qui, dans le traitement des eaux, était jusqu’alors considérée comme la bactérie la plus résistante. Toutefois, la plupart des biocides sont efficaces mais le point d’injection, les doses et les fréquences sont au moins aussi importants que le choix du produit lui-même.
Nos études en laboratoire nous ont permis de sélectionner une série de bactéricides actifs : il s’agit de certains produits oxydants, de l’acide péracétique et de diverses compositions de synthèse qui peuvent tous être employés dans les circuits de refroidissement industriels.
Leur liste se limite à ceux qui ont été testés ; elle n’est donc pas exhaustive, et d’autres produits non testés pourraient la compléter.
En tout état de cause, le choix du bactéricide est conditionné par la qualité de l’eau d’appoint, les autres traitements sélectionnés (anticorrosion, antitartre), le problème microbiologique mis en évidence, ainsi que la taille et le type des installations.
Un suivi régulier, complet et fréquent des opérations est indispensable. En effet, une application régulière des traitements est vitale pour conserver une efficacité optimum ; c’est pourquoi il est préférable d’avoir recours à des systèmes d’injection automatiques (pompe et horloge). De plus, cela évite tous les problèmes liés à la manipulation des biocides. Les doses et les fréquences sont déterminées par la qualité de l’eau d’appoint, les caractéristiques du circuit et la rapidité d’action du produit.
Les traitements biocides
Nous évoquerons les traitements oxydants au chlore et au brome actuellement pratiqués dans l’industrie et ceux qui peuvent avantageusement leur être substitués.
Le chlore et ses dérivés
Les bactéricides chlorés les plus connus sont le dioxyde de chlore, le chlore gazeux et l’eau de Javel.
En solution dans l’eau, le chlore peut se trouver sous différentes formes : Cl₂ (chlore élémentaire), HClO (acide hypochloreux), ClO⁻ (hypochlorite), la proportion entre ces trois formes étant fonction du pH (figure 1).
C’est sous les formes HClO et Cl₂ que le chlore est le plus efficace ; toutefois, en présence de matière azotée, on obtient des chloramines, dont l’efficacité est 25 à 100 fois moins grande et qui dégagent des odeurs gênantes. En présence de phénols, on obtient des chlorophénols, qui sont toxiques ; les cations (Ca²⁺, Mg²⁺, Mn²⁺, Fe²⁺) interfèrent sur l’action du chlore.
Pour obtenir une bonne efficacité avec le chlore, il faut dépasser le break-point, qui représente la concentration en chlore à partir de laquelle les quantités dosées et ajoutées augmentent parallèlement (figure 2). Le chlore se combine avec d’autres composés en solution, comme nous l’avons vu ci-dessus, et donc, lorsqu’on ajoute des quantités croissantes de chlore, on constate qu’il n’y a pas concordance entre les quantités ajoutées et celles dosées. Généralement, on injecte le produit de façon à réserver 0,2 ppm d’oxydant libre.
Le dosage du chlore s’effectue suivant divers procédés, mais la méthode colorimétrique, réalisée avec un comparateur et des pilules au DPD (N,N-diéthyl-p-phénylènediamine), simple et fiable, paraît la meilleure. Elle permet en effet de déterminer aisément les quantités de chlore libre actif, chlore combiné (monochloraminé) et chlore total (libre et combiné).
Il faut savoir qu’outre la production de chloramines et de chlorophénols citées plus haut, la chloration présente des inconvénients :
- le fait de devoir atteindre le break-point correspond à une perte de produit ;
- au niveau des tours aéroréfrigérantes, on constate de plus une perte par strippage et, dans les tours en bois, une teneur en chlore libre élevée dans l’eau peut entraîner une délignification du bois ;
- à haut dosage, la chloration peut interférer sur les autres traitements et (ou) causer de la corrosion ;
- en cas d’utilisation d’eau de Javel, le stockage est rendu difficile par l’instabilité du produit, ce qui se traduit par une perte d’efficacité ;
Tableau 1
Dénombrement des bactéries dans un circuit.
Nombre de germes par litre | Qualité de l’eau | Conséquences |
---|---|---|
Inférieur à 1 | excellente | ne pas modifier le traitement |
1 à 10 | très bonne | ne pas modifier mais rester vigilant |
10 à 100 | bonne | surdosage : adapter le traitement à la nouvelle situation |
100 à 1 000 | moyenne | surdosage : adapter le traitement à la nouvelle situation |
1 000 à 10 000 | mauvaise | noter le circuit et reconsidérer le traitement |
Supérieur à 10 000 | très mauvaise | noter le circuit et reconsidérer le traitement |
Si le pH est supérieur ou égal à 7,5, on a une perte minimum de 50 % du chlore ajouté (voir figure 1).
Le brome et ses dérivés
Le brome est plus pratique d'emploi que le chlore, car à la pression atmosphérique et à température ambiante si le chlore est gazeux, le brome est liquide… Comme il est très toxique sous cette forme (Br₂), il a fallu mettre au point d'autres formes de bactéricides bromés.
Comme le chlore, le brome est un oxydant puissant qui, lorsqu’il se trouve en solution dans l'eau, peut se présenter sous différentes formes dont la proportion est fonction du pH, en particulier : HOBr, BrO⁻ et Br₂ (figure 3).
Sous la forme d’acide hypobromeux, et au même titre que le chlore, le brome peut se combiner avec des composés azotés.
Mais si ces oxydants, à concentrations molaires identiques, présentent à peu près la même efficacité, après réaction avec la matière azotée, le composé bromé obtenu conserve un effet comparable à celui de HOBr. On peut donc en conclure qu’en passant sous la forme de bromamines, le brome ne perd pas son effet bactéricide puissant et qu'il n'est plus nécessaire de dépasser le break point. Nous en déduisons que le brome possède un spectre d'action plus grand que celui du chlore.
Les alternatives au chlore et au brome
Elles sont de trois sortes, comme on le voit ci-après.
L’acti-plus
C’est un biocide oxydant dont la grande stabilité se manifeste tant au stockage qu'à l'utilisation et qui libère lentement des molécules d’HOCl dans le système, pendant une longue période. Il reste efficace six fois plus longtemps, dans un circuit d'eau industriel typique, que les autres produits classiques.
Ses avantages sont appréciables :
* faible consommation de produit (pas de perte dans les tours, ni réactions parasites) ; * aucun risque de corrosion ; * taux résiduel, se conservant plus longtemps, ce qui permet un meilleur contrôle des microorganismes ; * il empêche la dégradation des inhibiteurs de tartre et de corrosion organiques, de sorte que le programme de traitement d’eau ne soit pas menacé par leur sous-dosage ; * conçu pour réduire la délignification potentielle du bois des tours de réfrigération, il augmente de ce fait leur longévité ; * forme liquide facile d’emploi ; * produit peu odorant, utilisable en atmosphère confinée, climatisation, etc. ; * grande stabilité, donc absence de perte pendant son temps de stockage normal, et efficacité plus longue pendant son utilisation, comparativement aux autres produits chlorés classiques.
L’actibrom
Cet oxydant qui est formé par association d’acide hypobromeux, HOBr, et d'acide hypochloreux, HOCl, bénéficie d'une synergie entraînée par l’action simultanée de ces deux corps : ainsi, avec la même efficacité, on utilise moins de produit, ce qui est appréciable tant sur le plan de la défense contre la corrosion, de la potabilité, de l’interaction avec les autres traitements, que de l’oxydation des polluants.
L’acide hypobromeux qui se dégage est moins sensible au pH que l’acide hypochloreux et le spectre d’action de l’oxydant est plus large. En outre, comme nous l'avons vu, il ne perd pas son efficacité en présence de matières azotées.
Biocides non oxydants
Il existe des cas où l'emploi des biocides oxydants n’est pas possible, par exemple, lorsqu’on emploie des nitrites comme inhibiteurs de corrosion ; il est alors nécessaire de recourir à des biocides non oxydants. Généralement, ceux-ci n’interfèrent pas avec les autres traitements, et ils sont moins sensibles aux variations du pH. Ils possèdent souvent un pouvoir dispersant, ce qui évite l’utilisation d’un second produit ; ils sont persistants, et simples d’emploi (une pompe doseuse suffit pour les mettre en œuvre).
Certains ne sont pas de qualité alimentaire et présentent donc une toxicité en cas d’ingestion.
L’utilisation de ce type de traitement en dose massive permet d’obtenir un effet instantané. La déconcentration du produit permet alors de maintenir le niveau bactérien au plus bas.
Pour utiliser judicieusement ces traitements, il est indispensable de prendre en considération le temps d’action du produit et le temps de déconcentration du circuit.
Conclusion
À ce jour, il existe donc des solutions préventives contre la prolifération des Legionella dans les circuits de refroidissement. À chaque cas correspond une solution précise, qui, pour être définie, nécessite impérativement une étude poussée et une connaissance parfaite des circuits. D’autre part, l’efficacité d’un programme de traitement repose aussi sur un suivi parfaitement défini, régulier et le plus fréquent possible.