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Le contrôle de la qualité de l'eau du Canal de Provence

23 decembre 1976 Paru dans le N°11 à la page 93 ( mots)
Rédigé par : Jean-pierre MORI et Jean PORTIER

L’aménagement mixte agro-industriel du Verdon est né de la conjonction de son potentiel énergétique, et de l’intérêt humain et agricole d’avoir une grande infrastructure provençale de transit et de distribution des eaux.

Jusqu’au barrage de Gréoux-Esparron, où se situe la prise d’eau, origine du transport des eaux à travers les ouvrages du Canal de Provence, le bassin versant du Verdon se caractérise par une population relativement clairsemée (moins de dix habitants au kilomètre carré) et des industries réduites. La qualité de l’eau du Verdon n’est donc actuellement influencée que par la géologie.

Les plans d’eau créés par l’aménagement mixte du Verdon (Castillon, Chaudanne, Ste-Croix, Quinson, Gréoux-Esparron) tendent à devenir le point de départ de l’expansion économique de cette région. Pour que leur aménagement soit compatible avec les nécessités de la protection de l’eau, un rapport du géologue officiel, après avoir été soumis aux Conseils départementaux d’Hygiène, a été présenté au Conseil d’Hygiène Publique de France. Tous les documents ont ensuite été soumis à enquête publique.

[Photo : Barrage de Chaudanne sur le Verdon (Alpes-de-Haute-Provence).]

Ainsi, l’eau du Verdon est soumise à un contrôle périodique et à une surveillance des sources éventuelles de pollution, par le Service Régional de l’Aménagement des Eaux et le Centre Technique du Génie Rural, des Eaux et des Forêts ; la qualité de l’eau des retenues est aussi régulièrement surveillée par des analyses bactériologiques et hydrobiologiques.

Dans le cadre de cette protection du Verdon, les communes sont ou seront dotées de stations d’épuration comprenant un traitement avancé, afin d’éliminer les apports de matières fertilisantes accélérant l’eutrophisation, traitement avancé consistant soit à se servir du sol comme filtre de vie, et des plantes comme exportateurs de matières fertilisantes, soit à provoquer une eutrophisation accélérée au sein d’une masse d’eau contrôlée (lagunes). De plus, ces collectivités sont ou seront munies de décharges d’ordures ménagères contrôlées.

L’ensemble des mesures prises permet donc de conserver à l’eau du Verdon son excellente qualité. Donc, l’origine du transport des eaux par le Canal de Provence, l’eau actuellement parfaite devrait continuer à garder sa qualité première.

L'utilisation des eaux du Verdon a donc donné lieu à un programme d'aménagement hydraulique et de mise en valeur axé sur le Canal de Provence, mis au point par la Direction Générale du Génie Rural et de l'Hydraulique Agricole, approuvé au titre du IIIe plan, et dont la réalisation a été confiée à la Société du Canal de Provence et d’Aménagement de la Région Provençale.

Le Canal de Provence dont les ouvrages pourront distribuer chaque année un volume de 700 millions de m³ d'eau permet et permettra :

  • — la desserte en eau d'irrigation de 60 000 ha
  • — la desserte des zones industrielles situées à l'intérieur du périmètre des ouvrages
  • — la livraison d'eau aux agglomérations d'Aix, Marseille, Toulon...
  • — le renforcement éventuel de l'alimentation en eau de plus de cent communes des Bouches-du-Rhône et du Var.

CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES EAUX

Les eaux du Verdon, donc les eaux du Canal de Provence, proviennent d'un bassin karstifié, calcaire donnant des eaux bicarbonatées calciques. Il faut noter simplement un élément particulier : les chlorures, qui apparaissent après le passage dans les zones triasiques de Castellane.

Les principales caractéristiques de l'eau du Canal de Provence sont les suivantes :

  • — pH 7,8 — 8
  • — Calcium 60 — 75 mg/l
  • — Magnésium 5 — 10 mg/l
  • — Sodium 20 — 25 mg/l
  • — Potassium 1 — 5 mg/l
  • — Bicarbonates 200 — 150 mg/l
  • — Chlorures 40 — 50 mg/l
  • — Sulfates 20 — 30 mg/l
  • — Matières en suspension < 5 mg/l

Ces teneurs sont des valeurs moyennes tirées des analyses effectuées par le laboratoire de la Société du Canal de Provence depuis 1968. Ces mêmes analyses mettent en évidence :

  • — l'absence de métaux toxiques et indésirables
  • — l'absence d'ammoniaque et de nitrites
  • — l'absence, le plus souvent, de nitrates
  • — des teneurs très faibles en orthophosphates (< 0,1 mg/l)
  • — une oxydabilité au permanganate généralement inférieure à 1 mg/l à l'origine du Canal.

En résumé on peut conclure que ces eaux possèdent de très bonnes qualités physico-chimiques, et se signalent par l'absence de paramètres en relation avec une quelconque pollution organique. Les analyses bactériologiques montrent que, assez souvent, l'eau est naturellement potable.

LE CONTRÔLE DE LA QUALITÉ DES EAUX

Innombrables sont les paramètres qui contribuent à caractériser la ou les qualités d'une eau ; ainsi le pêcheur à la ligne ne s'intéresse-t-il qu'à la température, à la proportion d'oxygène dissous et à tous les toxiques pouvant influer sur la vie des poissons ; l'observateur s'attache à la transparence et aux matières en suspension ; l'industriel ne s'intéresse qu'à la température dans le cas d'installations de refroidissement, ou bien recherche des paramètres précis pour des usages particuliers ; l'agriculteur, s'il est moins sensible, ne doit pas négliger par exemple les effets de la salinité des eaux sur les cultures ; enfin le traiteur d'eau recherche d'une façon optimale la meilleure qualité d'eau possible et cela se traduit par une multitude de paramètres, qu'il faut contrôler dans le temps.

La Société du Canal de Provence étant amenée à fournir de l'eau tant aux agriculteurs, qu’aux industriels, qu'aux collectivités, doit être à même de répondre à toute demande de renseignements sur la qualité de l'eau à un moment donné et à un endroit donné.

De plus elle doit, autant que faire se peut, se prémunir contre une pollution accidentelle ou criminelle, qui peut amener à rendre inutilisable, pour quelque usage que ce soit ou pour certains usages, un certain volume d'eau.

Pour répondre à ces deux types de problèmes, la Société du Canal de Provence a mis en place deux systèmes analytiques différents :

  • — un contrôle systématique important dans l'espace et léger dans le temps.

LE CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE

Le contrôle systématique est destiné :

  • — à suivre l'évolution de la qualité de l'eau au fil des ans,
  • — à suivre la variation au cours des saisons,
  • — à renseigner le « client » sur la qualité de l'eau délivrée, avec les valeurs moyennes et extrêmes.

Le trajet des eaux à l'air libre ou en galeries, la présence de cheminées d'équilibre, de réservoirs, de retenues, risque de faire varier certains paramètres analytiques. Aussi, pour pouvoir répondre avec plus d’exactitude à la demande, a-t-il paru préférable d'effectuer ces analyses en de nombreux points types du Canal de Provence.

C'est ainsi qu'une trentaine de points de prélèvement ont été définis en fonction de leur situation clé dans l'ensemble des ouvrages du Canal de Provence (entrée et sortie des retenues et des réservoirs, partiteurs, branches principales, entrée ou sortie des galeries).

Des analyses physico-chimiques et bactériologiques trimestrielles sont réalisées, elles comprennent :

  • — une balance anions-cations,
  • — un bilan azoté et phosphore,
  • — une bactériologie classique (Coliformes, Escherichia coli, Clostridium, Streptocoques fécaux).

Elles sont suffisantes pour déceler une tendance générale au cours des années, ou des saisons, pour répondre aux demandes classiques des utilisateurs, mais elles ne peuvent en aucun cas prévenir quelque pollution accidentelle que ce soit.

Cette fréquence d’analyses systématiques peut être considérée comme faible par certaines personnes. Mais il faut bien voir que depuis bientôt dix ans, il n'a été constaté aucune évolution rapide de la qualité de l'eau, aucune pollution chronique ; ces analyses sont donc une simple « assurance qualité ».

Des paramètres comme les chlorures, les sulfates, le calcium, le magnésium sont généralement stables autour d'une valeur moyenne et une mesure peu fréquente suffit à en apprécier l'évolution dans le temps. Par contre, il en est d'autres comme les paramètres de la chaîne de l'azote qui sont très instables autour d'une valeur moyenne et dont il est important de déceler une fréquence d'apparition, avec les seuils extrêmes. Aussi, dès qu'une analyse industrielle décèlera la présence de nitrites ou d'ammoniaque, le laboratoire sera amené à raccourcir les intervalles de temps entre deux analyses. De même, pour des paramètres comme les éléments toxiques ou indésirables (métaux lourds, composés cyanurés, fluorés...) dès qu'ils seront décelables, il sera nécessaire d’augmenter la fréquence des prélèvements.

LES CONTRÔLES AUTOMATIQUE ET BIOLOGIQUE

Deuxième moyen pour s'assurer de la bonne qualité des eaux délivrées tant aux usagers industriels, qu’agricoles, qu'aux collectivités locales : le contrôle automatique.

Il n'est pas destiné à tout analyser, partout, mais simplement à prévenir rapidement de la présence d'une pollution, ou à pouvoir donner les variations journalières de certains paramètres.

Ce type de contrôle actuellement en cours d'établissement est centré autour :

  • — de laboratoires automatiques au fil de l'eau,
  • — de contrôles biologiques.

LES LABORATOIRES AUTOMATIQUES

Au nombre de trois, ils sont placés aux endroits stratégiques du Canal de Provence, c'est-à-dire :

  • — au brise charge de Rians, partition des eaux du Canal Maître et donc à l'amont des distributions,
  • — à la réserve du Vallon Dol, qui fournit l'eau brute destinée à être traitée pour la desserte en eau potable de la ville de Marseille,
  • — à Hugueneuve, de façon à connaître à tout moment la qualité de l'eau traitée pour la desserte de la zone toulonnaise.

Les paramètres enregistrés sont les suivants : température, conductivité, pH, oxygène dissous et matières en suspension. Au Vallon Dol, le problème se compliquant par la notion de grande réserve d'eau, un système a été mis en place permettant d'analyser les matières en suspension à tout moment, à l'arrivée et aux différentes hauteurs de la tour de prise.

Les informations enregistrées sur place seront prochainement retransmises au centre de Tholonet. À ce centre de télécommande, toutes les informations techniques, toutes les données sur la marche du Canal sont transmises et centralisées.

Les données relatives à la qualité de l'eau et aux pollutions accidentelles seront donc intégrées dans ce système et toute variation importante, donc toute pollution déclenchera une alerte.

Cette alerte permettra en fonction des temps de parcours de l'eau dans les canaux (pour le laboratoire de Rians) de préciser analytiquement la nature de la pollution et de traiter l'eau ou la détourner de son but initial. Aux laboratoires automatiques du Vallon Dol et d'Hugueneuve, ces alertes permettront de réagir immédiatement sur le mode de traitement ou le détournement de celles-ci.

Dans la mesure où, dans l'avenir, le risque d'eutrophisation augmentera, des contrôles automatiques de la chaîne azotée et du phosphore seront mis en place de façon à pouvoir lutter efficacement contre la croissance d'algues dans les canaux, qui amènent des problèmes de curage, empêchant le bon fonctionnement des grilles, turbines et sprinklers d'irrigation, et diminuer le débit des canalisations en augmentant la rugosité.

LES CONTRÔLES BIOLOGIQUES

Ce deuxième stade de contrôle de la qualité de l'eau choisi par la Société du Canal de Provence est intéressant, car s'il est techniquement possible pour un analyste de déterminer la quantité d'un polluant quelconque dans une eau déterminée, il y a toujours un décalage entre l'échantillonnage et l'analyse et, de plus, la mesure de tous les polluants n'est pas économiquement faisable.

En outre, plusieurs produits peuvent interférer (phénomène de synergie ou d'antagonisme). La méthode biologique qui utilise des organismes vivants (les poissons par exemple) élimine ces limitations.

L'intérêt de ces méthodes est que l'animal réagit globalement à un ensemble de polluants mais il est clair que ces méthodes doivent obéir à certains critères :

  • — choix de l'animal sensible au plus grand nombre de substances toxiques,
  • — l'acclimatation, l'approvisionnement et la manipulation de l'animal ne doivent pas poser de problèmes dans le système de contrôle,
  • — le système de contrôle doit être simple à l'utilisation et ne doit pas faire appel à un personnel qualifié et mobilisé en permanence.

C'est ainsi que des unités de contrôles biologiques utilisant des poissons (des truites) seront associées aux laboratoires automatiques précédemment définis. Le signal déclenché par les poissons sera à la base d'une alerte et d'un échantillonnage automatique en vue d'analyse.

CONCLUSION

La Société du Canal de Provence a mis et met en place tout un système analytique de la qualité des eaux comprenant :

  • — l'analyse trimestrielle physico-chimique en une trentaine de points types des ouvrages du Canal de Provence,
  • — l'analyse automatique en continu aux trois points névralgiques, des principaux paramètres, qui sera couplée avec le contrôle biologique.

Cet ensemble permet de répondre à la demande, de surveiller l'évolution de la qualité de l'eau, et de réagir en cas de pollution accidentelle. Il n'est pas figé et l'évolution de la qualité ou des risques, peut amener dans le futur à augmenter la fréquence de certaines analyses, ou les paramètres mesurés dans les laboratoires automatiques.

J.-P. MORI et J. PORTIER

[Photo : Le barrage de Saint-Cassien (Var). (Photo Baranger (Paris).)]
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