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Le conditionnement des eaux de chaudières

30 octobre 1984 Paru dans le N°86 à la page 28 ( mots)
Rédigé par : Gérard REBOULET

Le principe d'une chaudière est d'une simplicité apparente : de l'eau y entre et en sort, de la vapeur est fournie ; mais ceci ne se fait pas toujours dans les meilleures conditions.

On peut être surpris par la multiplicité des produits et des techniques de conditionnement. On peut aussi se demander pourquoi des sociétés consacrent une partie importante de leur budget à la recherche de nouvelles formulations. Le lecteur constatera dans cet exposé que nous ne sommes pas seulement motivés par de simples considérations commerciales ou par le désir de nous démarquer de la concurrence (ce qui de toute façon est un facteur de progrès) mais par le souci d’apporter une réelle évolution dans ce domaine.

Certes, des améliorations notables ont été réalisées, si l'on se reporte quelques décennies en arrière, tant au niveau des traitements externes qu’internes. Mais il faut parallèlement noter que les chaudières modernes sont plus exigeantes, que l'intérêt des exploitants se porte non seulement sur la fiabilité, mais surtout, celle-ci étant généralement acquise, sur la rentabilité et l’optimisation de leur unité de production de vapeur.

Ces points justifient pleinement les efforts de recherche de sociétés spécialisées afin d’offrir non pas le « produit » le plus sophistiqué mais celui le plus efficace pour résoudre les problèmes qui subsistent toujours dans le contexte actuel.

En définitive, il n’existe pas de conditionnement universel, mais au contraire un ensemble de solutions à sélectionner et à adapter à chaque type d’installation. Il n’y a pas de produits « miracles », tout au plus des produits remèdes, et la véritable démarche consiste à étudier minutieusement chaque cas pour définir l’approche la plus rationnelle. Enfin, il convient de s’entendre sur la signification du terme « problème ». Pris au sens large, ceci comprend aussi bien les difficultés réelles de fonctionnement que la recherche des possibilités d’amélioration (qui résultent souvent d'une résolution incomplète des premières).

Plutôt que de distinguer les différents types d’installations, nous aborderons le sujet sous l’angle des problèmes les plus fréquemment rencontrés, tels que la corrosion, l’encrassement en chaudière et la protection du circuit vapeur-condensats.

La corrosion

a) Celle due à l’oxygène est bien maîtrisée à basse et moyenne pression par les réducteurs à base de sulfites, catalysés ou non suivant les températures d’alimentation, et qui sont très faciles à contrôler en chaudière.

[Photo : 1. Corrosion par l’oxygène.]

Lorsqu’on ne peut les utiliser (pression, salinité), il est aujourd'hui possible d’avoir recours à d'autres réducteurs d’oxygène volatils que l’hydrazine. Ceux-ci peuvent différer par leur réactivité (à froid notamment), leur capacité d’épuisement en oxygène (résiduel), et leurs toxicités respectives.

Le dosage nécessaire est alors déterminé en mesurant le résiduel d’oxygène dissous en continu (analyseur d’oxygène) ou ponctuellement (kit colorimétrique).

b) La corrosion caustique (ou plus généralement la corrosion sous dépôts).

[Photo : 2. Corrosion caustique.]

Elle apparaît plutôt et presque paradoxalement dans les eaux déminéralisées, où la soude libre peut devenir l’un des constituants majeurs du milieu. Cette soude concentrée sous un dépôt (jusqu'à 1 %) provoque alors la dissolution de la magnétite protectrice.

Par un contrôle strict de l’alcalinité (lié au choix des phosphates) et par la prévention efficace des dépôts (chapitre suivant), les solutions performantes sont aujourd’hui couramment mises en œuvre.

Bien entendu d’autres types de corrosion peuvent être rencontrés (ex. : la corrosion acide généralement bien maîtrisée, sauf en cas de fuite de procédé), mais beaucoup plus rarement.

[Photo : Éclatement du tube par surchauffe.]

La prévention des dépôts

Négligée, elle peut avoir des conséquences désastreuses, allant de la perte de rendement (économiseurs, zone de convection) à l’éclatement de tubes (zone de radiation), par surchauffe ou corrosion sous dépôt.

Que peut décider l’exploitant face à la multiplicité des produits qui lui sont proposés, tous plus performants les uns que les autres ? Il est souhaitable qu’il se rapproche du fournisseur qui, s’il dispose des moyens d’investigation suffisants, pourra :

  • procéder à une étude technique et analytique détaillée de l’installation afin de déterminer la nature et la source de pollutions ;
  • établir un plan d’actions (modifications ou optimisation du matériel, des réglages, des suivis, etc.) ;
  • le cas échéant, prévoir la mise en place d’un programme de conditionnement préventif et/ou curatif, dont l’efficacité et la rentabilité devront être contrôlées et chiffrées.

Considérant le calcium, l’utilisation de phosphates a permis de transformer un dépôt incrustant en un dépôt mou, mais qui reste toujours un dépôt. Le fer est toujours le polluant majeur des chaudières modernes à haut flux, alimentées en eau déminéralisée.

Pour prévenir ces encrassements, des solutions éprouvées existent : ce sont tout d’abord les chélatants (associés ou non aux phosphates), qui agissent par solubilisation de la dureté et de certaines formes de fer, et qui se sont avérés statistiquement plus sécurisants que les phosphates (tableau 1). On ne peut que leur reprocher d’avoir été souvent mal mis en œuvre. Des critères précis existent pourtant, quant à leur dosage, leur mode d’injection et leur suivi. Le graphique comparatif joint résume les bénéfices que l’on peut attendre de leur utilisation.

Ce sont ensuite les dispersants, lesquels, contrairement aux chélatants, sont peut-être desservis pour avoir été utilisés sans discernement. Ils constituent néanmoins un élément essentiel du conditionnement interne.

Sous ce vocable, on rencontre plusieurs générations de molécules, depuis les dispersants naturels jusqu’aux dispersants synthétiques mis au point en laboratoire. Là encore la recherche et l’expérience ont permis une meilleure utilisation des polymères en fonction de leur spécificité ; d’autre part, en chaudière, les principes actifs doivent obéir à des ratios bien définis pour être efficaces, tout en restant économiquement exploitables.

Ainsi, grâce à ces différentes approches ou à leur combinaison judicieuse, la prévention effective des dépôts est aujourd’hui une réalité probante (graphique).

[Photo : Comparaison des transferts de fer en chaudière en fonction de l'emploi de divers agents de conditionnement.]

Tableau 1COMPARAISON PHOSPHATE/CHÉLATANT (Taux de corrosion exprimés en microns/an)

Traitement phosphate

Jours Nombre d’unités Ballon inférieur Ballon supérieur (sous niveau d’eau)
453 2 12
263 1 25 25
203 3 50
340 7 12 7
399 2 1 1

Traitement chélatant

Jours Nombre d’unités Ballon inférieur Ballon supérieur (sous niveau d’eau)
184 7 5
274 3 18 12
254 5 3 20
526 1 27
500 7 < 1 3

Tableau 2

ÉlémentsAmine neutralisante (pH 8-9)Amine neutralisante associée à un réducteur volatil d’oxygène
Oxygène (ppb)30050
Fer (ppb) (dans les condensats)300-60025-50
Corrosion200 µ/an25 µ/an

Tableau 3

ÉlémentsSans réducteur volatil d’oxygèneAvec réducteur volatil d’oxygène
Fer dans les condensats de machine à papier200 ppb50 ppb
Fer après filtre magnétique100 ppb5 ppb
% eff. du filtre50 %90 %

L'encrassement et la corrosion des réseaux vapeur-condensats

L'encrassement est la conséquence d’entraînements dans la vapeur. Après qu'une analyse des dépôts a permis de vérifier qu'il ne s'agit pas de silice (phénomène de vaporisation), mais bien d'eau de chaudière, la mesure en continu de la teneur en sodium (traceur) de la vapeur, à l'aide d’un détecteur portable, permet d’identifier avec précision l'origine des problèmes, à savoir :

- chimique : il s'agit alors d’un phénomène de moussage lié à la qualité de l'eau de chaudière (titres, alcalinité, matières en suspension). Il faudra alors définir des paramètres de fonctionnement corrects, ce qui peut conduire à justifier économiquement un agent antimousse (importance d’un taux de purge réduit) ;

- mécanique : liée à la conception et à la marche de l'installation, un traitement chimique sera alors sans effet (sauf s’il s’agit d'une combinaison des deux origines).

La corrosion du réseau de condensats reste la source essentielle de la contamination de la chaudière par le fer ou le cuivre ; on peut raisonner en durée de vie, donc en vitesse de corrosion (mesurée sur plaquettes ou sondes de corrosion). C’est le domaine d'utilisation des agents neutralisants ou filmants qui seront choisis en fonction des pressions, de la géométrie du réseau, des entrées parasites d’oxygène, etc.

Les incidents rencontrés sur certaines installations prouvent que parfois cette approche ne suffit pas. Il convient alors de raisonner en termes de concentrations en éléments polluants (fer, cuivre) afin de satisfaire aux normes requises pour l'eau alimentaire. Les tableaux 2 et 3 montrent les résultats obtenus en associant aux traitements conventionnels un réducteur d’oxygène volatil de grande réactivité qui, en outre, possède la propriété de passiver les métaux.

En conclusion, nous n’entrerons pas dans la polémique des bons ou mauvais produits. Il y a plutôt des techniques bien ou mal adaptées aux cas à traiter. Il existe des traitements simples, sans bonne ou mauvaise surprise. Des formulations plus performantes existent, qui peuvent apporter la solution à un problème sévère, ou conforter indiscutablement la fiabilité d’une installation. C’est tout le travail du fournisseur que de mettre à la disposition de l’exploitant ses connaissances ainsi que les moyens techniques et humains nécessaires pour lui permettre d’atteindre ces objectifs.

[Publicité : Pierre Johanet & Fils Éditeurs S.A.]
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