La protection de l’environnement
nécessite de supprimer les rejets
de toutes sortes susceptibles de
créer des pollutions. Parmi ces
rejets, il faut citer les boues, rési-
dus solides engendrés par les sta-
tions de production des eaux
potables, les stations de traite-
ment des eaux usées urbaines et
des eaux industrielles. Dans cet
article nous examinerons plus par-
ticulièrement l’utilisation des
boues dans le domaine agricole.
Ces produits, généralement excel-
lents, présentent un caractère
putrescible et une importante
teneur en eau, qu’il faudra éliminer
par un traitement à la chaux.
Les différents traitements des rejets
produisent annuellement en
France 3 millions de tonnes de
boues humides, ce qui correspond à
600 000 millions de tonnes de matière
sèche (MS), dont l’élimination pose de
nombreux problèmes. 40 à 50 % sont
mises en décharge (mais les sites se
raréfient), 40 à 50 % sont utilisées
comme engrais dans l’agriculture, soit
par épandage direct après mélange
avec de la chaux, soit sous forme de
compost (mélange de boues avec des
ordures ménagères broyées, ou avec
de la sciure de bois ou avec de la
paille) ; enfin 10 à 15 % sont incinérées.
La décharge ou l’épandage nécessitent
d’obtenir un produit de volume réduit,
facilement manipulable et transpor-
table, et qui, de plus, ne doit pas pol-
luer. Un traitement préalable doit lui
être appliqué, par adjonction de chaux
(vive ou éteinte). Le mélange boue-
chaux est réalisé en aval de la déshy-
dratation mécanique, qui fait appel à dif-
férentes techniques : filtre à bande sous
vide, filtre à bande presseuse, filtre-pres-
se, centrifugation.
* Pompes et Mélangeurs Michel Sarrazin.
Suivant le traitement mécanique
appliqué et l’agent de coagulation mis
en œuvre, les boues présentent un
aspect, une structure, une texture et
une teneur en MS différents, ce qui
modifie leur comportement rhéologique
(écoulement, compression, tension,
cisaillement, adhésivité...).
Lors de la conception du mélangeur, il
est nécessaire de prendre en considé-
ration les contraintes liées aux pro-
duits :
- * qualité de la boue,
- * coagulants et floculants utilisés,
- * qualité de la chaux (vive ou éteinte),
- * obligation de réaliser un mélange intime de la boue et de la chaux,
- * détermination du temps de mélange et de contact des produits,
ainsi que celles imposées par les condi-
tions d’exploitation :
- * conditions de remplissage et de vidange du mélangeur,
- * énergie mise en jeu,
- * encombrement du mélangeur,
- * facilité de mise en place de l’appareil, robustesse et facilité de maintenance,
- * facilité de nettoyage lors d’un arrêt,
- * règles de sécurité,
- * toxicité notamment lors du traitement à l’aide de chaux vive.
Les nombreux essais effectués ont per-
mis de solutionner les problèmes ren-
contrés et de réaliser un appareil
(figure 1) très adapté (MHPC), encore
perfectible afin de pouvoir l’adapter aux
nouvelles contraintes qui ne manque-
ront pas d’apparaître dans un proche
avenir : exigences technologiques ou
mise en place d’une nouvelle régle-
mentation. Cet appareil est également
utilisé avec succès dans les installations
de préparation de compost.
Le traitement
La chaux est un produit constitué prin-
cipalement d’oxyde ou d’hydroxyde de
calcium ; très avide d’eau, elle s’hydrate
avec un important dégagement de cha-
leur et une augmentation de son
volume.
Le mélangeur type MHPC (figure 2) doit
assurer un mélange très intime des par-
ticules de boues et de chaux, afin de
favoriser la réaction de déshydratation
de la boue. La boue, généralement très
cohésive, s’oppose à la fragmentation,
et le mélangeur doit permettre d’obtenir
un effet de cisaillement très important
pour séparer les boues en fines parti-
cules.
L’alimentation du mélangeur en boues
s’effectue en continu, avec générale-
ment un débit irrégulier. Le matériel de
mélange doit absorber ces « pointes »,
avec le souci d’obtenir en permanence
un produit de qualité constante, parfai-
tement homogène, tout en garantissant
un temps de séjour correct, déterminé
par le rapport : Volume de la cuve/Débit
total boue + chaux.
Compte tenu de la réactivité de la
chaux, il se produit une réaction exo-
thermique qui favorise la déshydrata-
tion de la boue par élimination d’une
partie de l’eau libre sous forme de
vapeur.
Lors de la rotation, les mobiles, du fait
de leur vitesse et de leur forme, pro-
jettent la boue dans la partie supérieure
de la cuve du mélangeur, tout en assu-
rant la séparation de ses particules, leur
mélange avec la chaux et le transfert du
mélange, de l’entrée vers la sortie : il
est indispensable que cette évacuation
s’effectue sans recompactage.
On peut observer que lorsque le taux
de chaux augmente, le produit devient
beaucoup plus friable, du fait de la
diminution des tensions superficielles
existant à la périphérie des particules
de boue et de l’augmentation de la
teneur en MS.
[Photo : Schéma de l'installation.]
[Photo : Anatomie du mélangeur.]
L'installation de Poitiers
La station de traitement des eaux urbaines de Poitiers, comme toutes les stations, produit des boues, ce qui pose le problème de leur évacuation ; dans le passé, une grande partie était envoyée en décharge, le reste épandu par un très petit nombre d’agriculteurs locaux. Cette boue dégageait de mauvaises odeurs, génératrices de nuisances pour les riverains.
Les autorités locales, très soucieuses de la protection de l'environnement, ont dans un premier temps analysé les sols de la région. Ces analyses réalisées sous l'autorité des services du Ministère de l'Agriculture ont permis de mettre en évidence le fait que les terrains présentaient un pH de 6 et que, de ce fait, un apport de chaux d’environ 2,2 tonnes par hectare s’avérait possible.
Dimensionnement de l'installation
La station Poitiers d'une capacité nominale de 140 000 Eqh produit 2 200 t/an de matières sèches (MS), soit environ 4 t/h de boues humides, d’une siccité de 25 à 27 % à la sortie de la centrifugeuse (ce qui correspond à 1 000 kg/h de MS), auxquelles sont ajoutés 200 kg/h de chaux vive, pour obtenir une siccité finale de 32 à 37 %.
Pour assurer une mise en œuvre aisée, il est nécessaire qu’à la sortie du mélangeur les boues traitées se présentent sous la forme de boulettes pouvant alimenter des épandeurs agricoles classiques. Le malaxeur comporte à cet effet une cuve cylindrique horizontale, dans laquelle tournent des mobiles à pales creuses répartis sur toute la longueur du mélangeur, et comportant un léger recouvrement, afin de limiter les espaces morts. Pour une efficacité maximum, le taux de remplissage de la cuve ne doit pas excéder 50 à 60 %.
Le groupe d’entraînement comporte un variateur à courroie trapézoïdale piloté manuellement. Un tachymètre à cadran permet de surveiller la vitesse de rotation du mélangeur.
La puissance du groupe d’entraînement est donnée par la formule P = k1.S × Vp × k2, dans laquelle :
- P : Puissance absorbée (en kW),
- k1 : Coefficient lié au profil des pales utilisées,
- Vp : Vitesse périphérique des mobiles (en m/s),
- k2 : Coefficient déterminé par la rhéologie du produit.
[Photo : Figure 3.]
À la sortie de la centrifugeuse, la boue est reprise par une bande transporteuse afin d'être introduite dans la partie supérieure du mélangeur. L’alimentation en chaux vive se fait par l'intermédiaire d’une vis et d'une vanne à manchon, laquelle assure l’étanchéité du circuit de la chaux lors de l’arrêt de l'installation.
Le mélange chaux-boue s’évacue latéralement, tombe sur une bande et se déverse dans des bennes qui seront ensuite transportées vers les terrains d’épandage. Les boulettes obtenues, d’un taux de siccité de 35 % environ, sont suffisamment friables pour être épandues sans difficulté par les agriculteurs (figure 4).
Nous avons vu qu’un hectare de sol demandait un apport de 2 200 kg de chaux, ce qui permet l’élimination de 30 t de boues humides et l’apport d’éléments nutritifs complémentaires : 100 unités d’azote et 90 unités d’acide phosphorique (unité = 1 kg à l’hectare).
Ce type d’amendement, très adapté dans la région pour le maïs et le ray grass, doit être pratiqué après étude préalable ; d’autre part, un contrôle permanent s’impose afin de vérifier l’évolution et les besoins des sols en éléments nutritifs.
[Photo : Figure 4.]
Conclusion
Compte tenu du fait qu’il sera de plus en plus difficile de trouver des sites de décharge, les techniques de valorisation agricoles vont se développer, consistant soit à traiter les boues à la chaux, soit à les composter après les avoir mélangées à d’autres matériaux (paille, sciure, ordures ménagères broyées...). Ces opérations doivent respecter des normes de qualité afin de ne pas occasionner un transfert de pollution dommageable pour les sols, les produits agricoles, la santé humaine et l'environnement.