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Le conditionnement d'un circuit de refroidissement de centrale thermique

30 mars 1981 Paru dans le N°53 à la page 95 ( mots)
Rédigé par : J. FOYEN

Les besoins en eau de refroidissement dépendent de la taille et de la puissance de la centrale.

Si une unité thermique de 125 MW réchauffe 14 000 m³/h de 9 °C, pour une unité de 300 MW l’échauffement est de 10 °C, pour un débit de 30 000 m³/h. Pour les centrales nucléaires, ces besoins sont encore augmentés ; une tranche de 900 MW réchauffe 120 000 m³/h de 12 °C environ.

L’augmentation des puissances installées, la localisation des sites le long des principaux cours d’eau, accroissent l’incidence des déversements d’eaux chaudes dans les rivières, et certains n’hésitent pas à parler des risques de « pollution » thermique.

Les effets du réchauffement des eaux sur la vie aquatique sont nombreux et complexes, en raison de l’interdépendance des organismes vivants constituant les différents maillons de la chaîne biologique. En plus des effets directs, l’élévation de température affecte la teneur en oxygène dissous, élément nécessaire en particulier à l’épuration naturelle des rivières par les bactéries et à la vie des poissons. Dès que le déficit en oxygène devient trop important, le taux de mortalité des poissons augmente rapidement.

En fait, lorsque l’on parle de déversement d’eau chaude, différents paramètres doivent être pris en compte : la température du rejet, le débit d’eau chaude déversée, l’élévation de température du cours d’eau.

LES CIRCUITS DE REFROIDISSEMENT SEMI-FERMES

Si le refroidissement des centrales s’est effectué à l’origine au fil de l’eau, depuis de nombreuses années, des spécialistes étudient et mettent en place des techniques permettant de limiter la température et/ou le débit des eaux chaudes rejetées. Parmi ces techniques, la plus utilisée actuellement est l’incorporation dans le circuit de refroidissement de réfrigérants atmosphériques, dans lesquels l’eau finement dispersée est mise en contact avec un courant d’air ascendant, auquel elle cède une partie de ses calories. Les calories ainsi évacuées réchauffent l’air, mais surtout vaporisent une fraction du débit d’eau. L’eau ainsi refroidie peut être :

  • soit rejetée à la rivière : il s’agit d’un circuit ouvert ;
  • soit recyclée dans le circuit de refroidissement du condenseur : le circuit est alors dit semi-fermé (figure 1).

Les principales grandeurs qui caractérisent ce type de circuit sont :

A Appoint m³/h
C Rapport de concentration
Q Débit recyclé m³/h
E Évaporation m³/h
Eᵥ Entraînement vésiculaire m³/h
[Photo : Figure 1.]
pPurge de déconcentrationm³/h
t₁Température de l'eau à la sortie du réfrigérant°C
t₂Température de l'eau à l'entrée du réfrigérant°C
Δtt₂ — t₁
PPurges totalesm³/h

Ces différentes grandeurs sont liées entre elles par les relations suivantes :

P = p + Eᵥ
A = E + p + Eᵥ = E + P
C = A / P = E / (Cₗ − 1)

L’évaporation peut être estimée par la formule approchée :

E = (Q Δt) / 600

qui tient compte, en plus de la chaleur latente de vaporisation de l'eau, du réchauffement de l'air passant dans la tour.

Les pertes par entraînement vésiculaire peuvent être négligées, les réfrigérants atmosphériques disposant généralement d’excellents séparateurs de gouttelettes, qui permettent d’atteindre des valeurs inférieures à 0,02 % du débit recyclé.

[Photo : Figure 2.]

L'exemple traité figure 2 illustre l’intérêt d'un fonctionnement à rapport de concentration élevé pour limiter le débit total des purges, et donc réduire l'incidence de la décharge thermique dans le cours d’eau qui reçoit le rejet.

Cependant, l'élévation du rapport de concentration d'un circuit augmente les risques d’incidents dus à l’entartrage, aux corrosions, au salissement d'origine minérale ou biologique.

PHÉNOMÈNES PHYSICO-CHIMIQUES DANS LES CIRCUITS – MOYENS DE LUTTE ET DE PRÉVENTION

1. — L’entartrage

C’est le phénomène qui est le plus fréquent, notamment la précipitation du carbonate de calcium par déplacement de l'équilibre :

Ca²⁺ + 2 HCO₃⁻ ⇌ CaCO₃ + CO₂ + H₂O

Trois facteurs interviennent dans le sens du déplacement de l'équilibre vers la formation de carbonate de calcium :

  • — abaissement de la teneur en CO₂ équilibrant, au niveau du réfrigérant atmosphérique, dû à la faible pression partielle du CO₂ dans l'air ;
  • — augmentation de la teneur en sels dissous ;
  • — élévation de la température, qui provoque un abaissement de la solubilité du CO₂ et des principaux sels dissous.

La précipitation se produit sur le garnissage du réfrigérant et dans le condenseur.

Si, pour des eaux peu minéralisées, ce phénomène d’entartrage est minime pour de faibles rapports de concentration (de l’ordre de 1,05 – 1,1), dès que l'on cherche à réduire les débits des purges, il faut prévoir de décarbonater l'eau d’appoint et/ou d’additionner des inhibiteurs d’entartrage.

2. — Les corrosions

Elles peuvent être d’origines très diverses :

  • — électrochimique :
  •   augmentation de la salinité du milieu par le rapport de concentration,
  •   contact de métaux de nature différente,
  •   aération différentielle (les zones situées sous les dépôts, tartre ou salissement minéral ou biologique, moins aérées, sont attaquées selon l'effet Evans) ;
  • — biochimique :
  •   les bactéries accélérant un processus déjà établi ou créant un terrain favorable à son établissement.

Pour limiter ces risques de corrosion, dès la conception, pour le refroidissement des centrales électriques, on s’oriente vers des matériaux nobles : cupro-nickel, laiton amirauté, et l'on parle même de titane pour le condenseur, tuyauteries en béton pour les liaisons ; d'une façon générale, on limite l'emploi de l'acier non revêtu.

3. — Le salissement

Il peut provenir :

  • — de la qualité de l’eau d'appoint :
  •   Matières en suspension, matières colloïdales, qui

évolueront dans le circuit sous l'effet de la température ;

— du milieu environnant :

Le réfrigérant atmosphérique utilisant près de 1 000 volumes d’air pour refroidir 1 volume d’eau se comporte en véritable laveur d’air.

Les circuits de refroidissement constituent un milieu favorable aux développements biologiques, puisqu’on y trouve à la fois lumière solaire, aération, température et minéralisation.

Les remèdes les plus utilisés sont :

  • — le nettoyage en continu des tubes du condenseur,
  • — l'emploi de réactifs dispersants,
  • — l'utilisation d’agents biocides (chlore ou autres bactéricides),
  • — la filtration dérivée d'une fraction du débit.

EXEMPLE D'APPLICATION : LA CENTRALE EMILE HUCHET

La CENTRALE EMILE HUCHET, des HOUILLÈRES DU BASSIN DE LORRAINE, possède une puissance installée de 824 MW, répartie en 5 groupes.

Le groupe, objet de notre étude, a été mis en service en 1958.

Le combustible utilisé par le générateur est du charbon cendreux.

Le condenseur, à simple parcours, comprend près de 10 000 tubes en laiton, de section intérieure 20 mm, représentant une surface de 6 300 m² environ. La vitesse de passage de l'eau dans les tubes est de l'ordre de 1,8 m/s.

Pour une charge de 125 MW, les principales caractéristiques de fonctionnement sont les suivantes :

  • — Débit de vapeur à condenser : 257 t/h
  • — Volume en eau : 5 000 m³
  • — Débit d'eau en circulation : 21 000 m³/h
  • — Δt : 8 °C
  • — Évaporation : 280 m³/h
[Photo : Centrale électrique Emile HUCHET à Carling.]

Le condenseur est équipé d’un dispositif de nettoyage en service, par passage de boules de mousse.

L’eau de refroidissement du condenseur cède ses calories à l’air lors de son passage dans un réfrigérant atmosphérique à tirage naturel, de forme hyperbolique, présentant une hauteur totale de 82 m pour un diamètre à la base de 64 m.

Les liaisons entre le condenseur et le réfrigérant sont constituées de tuyaux BONNA de 2 m de diamètre.

Le circuit ne dispose pas de filtration en dérivation.

1. — Conditions d’exploitation

L’appoint est constitué d’un mélange d’eaux de forage et d’exhaure, dont l’analyse moyenne est la suivante :

  • — TH : 21 °F
  • — TH Ca : 14 °F
  • — TAC : 11 °F
  • — Chlorures : 100 ± 25 mg/l
  • — Sulfates : 60 mg/l

Le rapport de concentration adopté est de 5, ce qui correspond à une purge de 70 m³/h, pour un appoint de 350 m³/h.

L'appoint est partiellement décarbonaté par injection d’acide sulfurique, de manière à maintenir, en sortie condenseur, un indice de RYZNAR (1) supérieur ou égal à 4,2 (il s’agit là de conditions fortement entartrantes).

Le conditionnement de l'eau d’appoint est réalisé, sur la base de 3 cm³ par m³, à l'aide du SOLERPON CAT, réactif antitartre et dispersant, résultant de l'association de différents polymères de type polycarboxylique à des inhibiteurs de corrosion des métaux cuivreux ; ce réactif, d’une grande stabilité thermique, n’apporte aucun effet nutriment pour les micro-organismes, et n'est pas toxique pour le milieu environnant : selon la norme NFT 90-301, sa CI 50 24 h est de 0,0058. Utilisé à des dosages trois fois supérieurs à la valeur recommandée, le rejet présente toujours une équitox nulle.

La lutte contre les proliférations organiques est assurée par chloration-choc.

L’eau en circulation présente les titres moyens suivants :

  • — pH : voisin de 8,5
  • — TA : < 2 °F

(1) À partir du pH de saturation ou d’équilibre (pHs), RYZNAR a introduit la notion d'indice de stabilité (IR), qui se calcule très simplement : IR = 2 pHs − pH.

L’interprétation de cet indice empirique permet de prévoir la tendance de l’eau d’un circuit à l’entartrage ou à la corrosion,

  • IR < 6 : caractère d’autant plus entartrant que la valeur est basse.
  • IR > 6,5 : caractère d’autant plus corrosif que la valeur est élevée.

— TAC : 20 à 25 °f

— TH Ca : 70 °f environ

— Chlorures : 500 à 600 mg/l

— Sulfates : 400 mg/l

2. — Suivi de l’efficacité du traitement

En dehors du suivi de l’évolution des principaux titres de l’eau en circulation, l’efficacité du traitement comprend le contrôle de :

— la perte de charge dans le condenseur : Tous les paramètres restant constants, toute augmentation de la perte de charge traduit un encrassement du condenseur ;

— l’écart entre la température de l’eau condensée et la température de l'eau de refroidissement sortie condenseur : Plus cet écart est faible, meilleur est le rendement du condenseur. Toute augmentation, les autres facteurs étant constants, en particulier charge, vide au condenseur, température extérieure..., traduit une baisse de rendement du condenseur ;

— la vitesse de corrosion par pesée de plaquettes-témoins en acier et en laiton placées en points chauds et en points froids du circuit.

Des visites périodiques du condenseur sont également effectuées.

3. — Bilan d’exploitation

Le traitement décrit ci-dessus est appliqué depuis août 1979.

Les consignes d’exploitation prescrites ont été respectées, souvent à leur limite supérieure ; le rapport de concentration a été maintenu en fonction des critères de l’eau d’appoint, permettant ainsi parfois d’atteindre une concentration voisine de 6.

La teneur en matières en suspension dans le circuit a oscillé autour de 15 ± 5 mg/l, les surdosages momentanés de SOLERPON CAT ainsi que les chlorations favorisant les montées.

La teneur en matières organiques, exprimées en mg/l de KMnO₄ en milieu acide à chaud, s’est souvent révélée supérieure à 10 mg/l.

Ces titres élevés en MES et MO s’expliquent par l’environnement et l’absence de filtration dérivée.

La comparaison des rapports de concentration de la dureté totale et des chlorures n’a pas permis de tirer de conclusion quant à l’entartrage, en raison de variations importantes de la teneur en chlorures de l'eau d’appoint.

3.1. Perte de charge au condenseur

Les variations enregistrées se sont produites parallèlement, soit à un vide imparfait sur le condenseur, soit à une augmentation de la teneur en matières en suspension sur le circuit.

[Photo : Figure 3.]

3.2. Δt condenseur

Excepté les périodes critiques causées par un vide anormal sur le condenseur, les résultats obtenus se sont révélés satisfaisants.

Au regard des conditions d’exploitation, nous avons pu noter une influence particulière de la température extérieure sur les résultats obtenus.

La courbe 3 reprend l’évolution du Δt condenseur en fonction de la température de l'eau de refroidissement entrée condenseur ; elle résulte de la moyenne des mesures effectuées à charge constante sur un an.

Toutes les visites internes du condenseur ont permis de vérifier qu’aucun entartrage notoire ne pouvait être décelé.

3.3. Vitesses de corrosion

— Laiton : Les vitesses obtenues après 4 mois d’immersion sont, selon la température de l'eau, inférieures à 3,7 ou 2,2 microns/an.

— Acier : Dans les mêmes conditions, la vitesse observée est de l'ordre de 80 microns/an (1).

CONCLUSION

L'exemple de la CENTRALE ÉMILE HUCHET illustre l’aide que peuvent apporter les produits de conditionnement d'eau dans la recherche d’un rapport de concentration élevé, afin de limiter les déversements d’eau chaude, tout en minimisant les quantités de produits chimiques rejetés.

(1) Le SOLERPON CAT n’a pas été conçu comme inhibiteur de corrosion des métaux ferreux ; d’autres formulations ont été élaborées dans ce but.

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