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Le concours national de modèles de stations d'épuration premier bilan

30 octobre 1979 Paru dans le N°38 à la page 93 ( mots)
Rédigé par : J.-m. TÉTART

En 1975, le CIANE (Comité Interministériel d’Action pour la Nature et l’Environnement) décidait le lancement d’un Concours National de Modèles de stations d’épuration et en confiait l’organisation et le suivi au Ministère de l’Environnement. À fin mars 1976, 35 constructeurs remettaient leurs offres. À la fin de l’année 1979, les premiers agréments pourront être attribués, la plupart des essais des 20 modèles étudiés étant alors achevés. Voilà en bref retracée l’histoire de ce Concours dont on peut commencer à faire le bilan et auquel on peut aussi envisager une suite.

UN PREMIER BILAN

Ce Concours réalisé en deux phases, l’une d’examen des offres sur dossier, suivie d’une autre de réalisation et d’essais de modèles en vraie grandeur, va permettre, d’une part, de sélectionner les modèles qui recevront un agrément mais aussi, d’autre part, de tirer des enseignements généraux ou particuliers très précieux sur la technologie, la conception et les conditions de fonctionnement des différents procédés d’épuration.

D’une manière générale, ce Concours va permettre d’indiquer aux Collectivités de 400 à 5000 éq./hab. un certain nombre de procédés susceptibles d’offrir toute garantie — pour un prix plafond donné. C’est en effet dans cette gamme de capacité que la variété des procédés est la plus grande, que le nombre de nouveautés sans lendemain est le plus important, que les essais de réception sont les plus sommaires... Il faut bien souligner que les modèles agréés ne sont pas imposés aux Collectivités concernées, mais que le recours à de tels modèles offre, outre leur qualité technique générale, d’autres avantages réels :

— gain de temps (passation d’un marché négocié),

— réception réduite à juste titre à la vérification de conformité et à la vérification hydraulique,

— besoin d’une meilleure définition de l’effluent à traiter.

Les essais qui ont précédé l’attribution des agréments présentent d’énormes avantages. Effectués sur des modèles en vraie grandeur sur une période prolongée (6 à 8 mois) à partir de la mise en régime de l’installation et dans des conditions de charge correspondant à la capacité nominale de l’installation, ils permettent à des conditions de charges limites d’étudier les performances réelles de l’installation en les reliant aux conditions de leur obtention (facilité d’exploitation, de réglage), à la tenue du matériel électromécanique, au coût de fonctionnement, toutes choses difficiles à apprécier sur dossier ou sur site réel lorsque les conditions de charge ne sont pas suffisantes.

En dehors d’une telle procédure ce n’est généralement que cinq, voire dix ans après l’apparition du procédé que l’on peut faire un tel bilan (lorsque les stations correspondantes ont atteint leurs conditions de charge nominale) alors que de nombreuses stations analogues ont été réalisées entre-temps. Il est d’ailleurs, dans la plupart des cas, impossible de réaliser des réceptions d’ouvrages qui aillent plus loin que la vérification de comportement hydraulique desdits ouvrages, ce qui est toutefois indispensable.

Au-delà de la sanction immédiate du Concours constituée par les agréments, l’essai de 20 modèles de techniques, tailles, matériaux de construction et équipements différents, a permis d’appréhender une multitude de données de tous ordres qui permettront d’améliorer les méthodes d’essais de matériel, la conception des stations et de leurs équipements.

Sur le plan technique le Concours de Modèles est donc une expérience unique, utile au progrès des techniques d’épuration et à l’amélioration du fonctionnement du parc de stations d’épuration. L’ensemble de ces données seront d’ailleurs exploitées à l’issue du présent Concours et portées à la connaissance de tous ceux qui sont concernés par cette activité.

RAPPEL SUR LE DÉROULEMENT DU CONCOURS

Un rappel de quelques données sur le déroulement du Concours National de Modèles permettra de mesurer l’ampleur de la tâche qui a été menée mais aussi expliquer un élément qui peut être mis au passif de l’opération : il s’agit du délai. Il aura fallu en effet près

TABLEAU n°1 : Les modèles sélectionnés

de 3 ans et demi depuis la remise des offres pour arriver à l’attribution des premiers agréments.

Pouvait-il en être autrement dans une opération aussi originale, où tout était à créer, au dernier montage technique et administratif, où le sérieux même et la base de l’opération reposaient sur la réalisation des installations construites en vraie grandeur, de leurs performances et de diverses caractéristiques ? Cette période d’étude qui a duré cinq mois a permis d’étudier toutes les offres sur les aspects suivants :

— conception technique et performances : pré-traitement, traitement biologique, traitement des boues,

— conditions d’exploitation en termes de facilité et de sécurité,

— qualité des équipements proposés,

— dispositions de Génie civil,

— coût d’investissement,

— coût d’exploitation.

À l’issue de cette première phase, le jury a sélectionné 18 séries ou sous-séries modulaires proposées par 11 constructeurs différents. Treize de ces séries sont relatives à un niveau de traitement IV, les cinq autres à un niveau de traitement V (voir tableau 1).

Les modèles d’une même série ou sous-série modulaire étant de conception quasi « isométrique », le jury a décidé de juger la série à partir des essais effectués sur un seul modèle de cette série. Cependant, pour la série CAEGR qui présente une discontinuité de conception du clarificateur à partir du modèle 8, deux modèles ont été réalisés pour le juger. Ce sont donc au total 19 modèles qui ont été construits en vue de la vérification de leurs performances.

La plupart de ces modèles ont été réalisés sur site des Collectivités sélectionnées après une vérification des caractéristiques de leurs effluents. En effet, le règlement exigeait que les effluents de ces Collectivités respectent les conditions suivantes :

— concentration suffisante : DBO₅ ≥ 180 mg/l,

— taux de charge lors de la mise en eau du modèle supérieur à 60 % de la capacité nominale, tant sur le plan organique que sur le plan hydraulique,

— absence d’industries importantes directement raccordées.

Beaucoup des dites Collectivités candidates n’ont pas été retenues. La plupart du temps la raison était un trop faible développement des réseaux (seulement la mise en route de la station d’épuration en même temps que le premier tronçon du réseau) et ne permettant pas d’étudier les modèles dans des conditions de charge significatives.

Quatorze des modèles ont pu être ainsi conservés sur site de Collectivités, les cinq autres étant réalisés sur le terrain d’essais de la Ville de Paris, à Colombes (92 – Hauts-de-Seine) ou sur le site de la station d’épuration de la Ville de Limoges (87 – Haute-Vienne).

La phase de réalisation des modèles a été d’une durée de l’ordre de quatorze mois, délai qui peut paraître long ; mais il s’explique par des retards importants dus aux intempéries et par les délais nécessaires à la mise en cohérence des installations. À l’issue de la mise en régime de l’installation, la durée n’a pas excédé deux

Une durée minimum de 5 mois ont, dans certains cas, été perturbés (apparition de foisonnement de boues...) et ont aussi conduit à certains retards.

Le protocole d'essais (voir annexe) a pu en général être exactement suivi. Toutefois, pour un certain nombre de modèles, des vérifications, essais ou études complémentaires ont dû être effectués sur un équipement, notamment des traitements particuliers. Il faut noter par ailleurs de nombreuses vérifications d'ordre hydraulique où de très nombreuses difficultés ont dû être surmontées pour obtenir dès les premiers essais des débits (pompes...) conformes aux valeurs annoncées.

Au total, il est exact que, dans sa forme actuelle, le Concours a conduit à des délais de réalisation un peu longs, ce qui peut être expliqué par le sérieux et l'ampleur de l'opération. Compte tenu de l'expérience acquise il serait sans doute possible de gagner quelques mois sur l'ensemble de la procédure, mais sans que cela soit vraiment significatif.

LE CONCOURS ET L'ÉVOLUTION DES TECHNIQUES

Alors, un tel délai est-il compatible avec l'évolution des techniques, le progrès ? Cette question a été souvent posée…

Une première réponse : dans la gamme de stations proposées et de techniques utilisées (aération prolongée, lit bactérien…) le progrès technique est-il si brutal ? Ne consiste-t-il pas plutôt en des ajustements, améliorations de tel dispositif ou de tel équipement, pouvant être pris en compte dans la mesure où ils sont mineurs avant le début de la phase d'essais ? C'est ce qui a pu être fait dans le cadre du présent Concours.

Le progrès technique serait-il si brutal (nouveaux procédés…) que la formule d'essais sur modèles en vraie grandeur serait susceptible de lui assurer un tremplin et d'un des défis plus avantageux que les concepteurs eux-mêmes puissent ajouter aux points de référence qui existent déjà, lesquels feraient alors de la technique des références qui sont susceptibles d'ouvrir la porte à des offres ultérieures ? Combien faut-il de mois encore pour construire ces « références » ?

Il n'en reste pas moins vrai que le Concours, qui intéresse des modèles de stations d'épuration dont le bilan est d'ores et déjà positif, ne doit pas devenir un événement ponctuel : il devrait être reconduit sous une forme plus souple, qui permette de meilleurs délais et la prise en compte rapide des évolutions technologiques.

PERSPECTIVES

L'agrément qui va être attribué à certains des modèles aura une validité de 3 ans. Pendant cette période il y a donc lieu de suivre l'utilisation des

modèles agréés. Ce suivi présente plusieurs aspects :

  • — application d'un prix plafond,
  • — coût de l'adaptation au site,
  • — modification de certains équipements électromécaniques pour suivre l’évolution des techniques ou prendre en compte la cessation de l'activité de fournisseurs,
  • — étude de litiges ou contentieux éventuels,
  • — conditions de réalisation, de fonctionnement...

Une Commission de Contrôle sera donc constituée.

Il est bien sûr évident qu'une large information sera dispensée auprès des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre pour que les modèles agréés soient largement adoptés par les Collectivités dans la mesure où, évidemment, ils répondent et s'adaptent à leurs besoins. Cependant le recours à des modèles agréés sera plus large si le Concours n'apparaît pas comme le résultat d'une initiative ponctuelle sans lendemain, mais au contraire comme le début d'une procédure continue d’agrément.

Une telle procédure est-elle souhaitable ? Il est certainement utile d'offrir aux Collectivités la possibilité de recourir dans des conditions favorables à des procédés qui ont fait l'objet de vérifications préalables complètes. Il ne s'agit pas là de consacrer le créneau technologique de l'épuration classique au détriment de techniques telles que le lagunage... mais d'améliorer le parc de stations des Collectivités dont une part est inévitablement du domaine de la station classique.

Cette procédure est actuellement en cours d'étude et pourrait être présentée en 1980. Elle serait accompagnée de la création d'une Commission Interministérielle permanente d'agrément.

ANNEXE : LE PROTOCOLE D’ESSAIS (résumé)

Le jugement du fonctionnement et des performances des différents modèles est conçu de la manière suivante : une équipe de suivi est affectée à chacun des modèles étudiés et est chargée de réaliser les essais et observations suivant un protocole accepté par le jury du Concours de Modèles.

Essais et vérification en eau propre.

Le processus est le suivant :

  • — vérification de l'étanchéité des ouvrages ;
  • — contrôle du fonctionnement des équipements mécaniques et électriques ;
  • — mesures des vitesses dans les chenaux (s'il y a lieu) ;
  • — mesure des puissances absorbées par les différents appareils ;
  • — vérification du calage de lames déversantes ;
  • — vérification du tarage du canal de mesure des débits ;
  • — mesure des performances des dispositifs d’oxygénation (s'il y a lieu).

Essais en fonctionnement normal après mise en régime de l’installation.

Ces essais se déroulent sur une période de six mois et comprennent trois campagnes de mesures approfondies dont deux de 48 h et une de 24 h, et des interventions ponctuelles régulières (tous les 15 jours).

Chacune des deux campagnes de mesures sur 48 h a lieu à l'occasion de deux semaines d’observation de la station, l'une située dans le premier mois de la période d’essais, l'autre durant le sixième mois.

Les deux premiers jours de chacune de ces semaines d'observation sont consacrés à des mesures sur les effluents bruts et épurés, mesures effectuées en perturbant le moins possible le fonctionnement de l'installation :

  • — enregistrement des débits en entrée et sortie ;
  • — prélèvement d'échantillons horaires en entrée (à l'aval immédiat du dégrillage) et en sortie ;
  • — mesure du pH et de la conductivité sur les échantillons horaires ;
  • — analyses sur les échantillons moyens journaliers (entrée et sortie) : pH, conductivité, DBO5, DCO, MES, Nkj, NO2-, NO3-, NH4+, détergents anioniques, orthophosphates ;
  • — si l'effluent brut présente des caractéristiques anormales, on effectue certaines analyses sur l'effluent décanté en deux heures : DBO5, DCO, Nkj, NO2- ;
  • — analyses sur certains échantillons bi-horaires correspondant aux périodes de charges maximales : DBO5, DCO, Nkj, NO3- ;
  • — prélèvements et analyses de boues : aspect microscopique, MES, MVS, indice de Mohlman, test de stabilisation, calcul des productions de boues.

Les trois jours suivants sont consacrés à l'observation du fonctionnement de la station et de ses conditions d’exploitation. Différentes mesures et essais peuvent en outre être réalisés à l'initiative de l'équipe de suivi.

Les visites régulières et ponctuelles de l'installation consistent en :

  • — un contrôle général du fonctionnement et un contrôle des équipements électromécaniques ;
  • — un contrôle de l'exploitation ;
  • — un prélèvement ponctuel en sortie (analyse : DBO5, MES, DCO, Nkj, NO3- et tests sur les boues).

À l'issue des essais un bilan total du coût de fonctionnement est en outre réalisé.

L’équipe de suivi étudie également le journal d'exploitation qui a été créé pour cette opération par le Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie.

J.-M. TETART.

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