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Le coût de l'épuration dans l'industrie laitière de l'est de la France

28 decembre 1983 Paru dans le N°79 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Paul ROUSTANG et Dominique GROS

Depuis 1976, l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse a mis en place un service d’assistance technique aux ouvrages d’épuration industriels, qui lui permet d’avoir une bonne connaissance de l’efficacité réelle des stations qu’elle a contribué à mettre en place. Ce service a été complété en 1979 par la création d'une aide financière au bon fonctionnement des ouvrages d’épuration, destinée à réduire la pénalité que subissent les industriels qui épurent leurs effluents par rapport à ceux qui ne le font pas encore et qui paient simplement des redevances. En effet, les redevances de l’Agence de l’Eau n'ont pas des taux qui les rendent « incitatives », c’est-à-dire qui incitent les industriels à épurer pour faire des économies, le coût de l’épuration étant en général plus élevé que celui des redevances correspondant à la même pollution.

Chaque année, les industriels, propriétaires de stations d’épuration, sont invités à fournir à l'Agence, à titre indicatif, des éléments d'information relatifs aux frais de fonctionnement de leurs ouvrages. Ce sont ces éléments, complétés par des informations recueillies directement, qui ont permis de dresser le constat qui suit.

LES INDUSTRIES LAITIÈRES CONCERNÉES PAR L’ENQUÊTE ET LEURS STATIONS

L'industrie laitière de l'Est de la France a déjà accompli un effort important de lutte contre la pollution, la grande majorité des usines importantes étant équipées de stations d’épuration.

Sur 22 usines que nous avons contactées, 15 ont fourni des éléments exploitables. Cet échantillon de 15 stations peut paraître faible, mais il est rare de trouver une branche professionnelle dont les rejets sont sensiblement de la même nature et qui possède autant d’ouvrages d'épuration comparables entre eux.

À l'exception de deux lits bactériens utilisés en prétraitement, toutes les stations de l’enquête fonctionnent selon le principe des boues activées à faible charge. Certaines ont la particularité d’avoir été conçues pour utiliser le principe du contact-stabilisation, mais généralement ce principe a été abandonné ou modifié pour faire jouer aux ouvrages le rôle de bassin d’aération classique.

C'est essentiellement pour le traitement et la destination finale des boues que les stations diffèrent le plus les unes des autres. Dans certaines d’entre elles, on procède à un traitement mécanique des boues afin de les déshydrater, ce qui est coûteux en produits chimiques, en énergie et en personnel. D'autres se contentent d’une simple concentration dans un épaississeur stockeur. Dans tous les cas, les boues sont épandues, mais selon les situations cet épandage est réalisé par la laiterie ou par des agriculteurs, les rapports financiers entre les deux partenaires étant très variables d’un endroit à l'autre.

Nous avons résumé dans le tableau 1 ces diverses situations.

Tableau 1

DESCRIPTIF SOMMAIRE DES OUVRAGES

Année de mise en service Capacité (m³/j) Procédé utilisé
1971 2 200 Contact stabilisation, finition par flottation
1977 470 Aération prolongée
1971 197 310 Contact stabilisation, épaississement des boues par flottation
1979 1 330 Aération prolongée
1975 600 Aération prolongée
1968 620 Aération prolongée
1977 2 180 Aération prolongée
1972 4 500 Lit bactérien, suivi d’un contact stabilisation
1980 1 000 Lit bactérien avant rejet à l’égout municipal
1968 2 770 Aération prolongée
1972 2 000 Aération prolongée à 2 étages et épaississement des boues par centrifugeuses
1980 4 000 Lagunage, suivi d’un contact stabilisation, épaississement des boues par filtre à bandes
1980 1 000 Aération prolongée
1980 750 Aération prolongée

LES FRAIS DE FONCTIONNEMENT DES STATIONS

Le tableau 2 donne les frais de fonctionnement d’une entreprise à l’autre. Pour pouvoir être comparés,

Les chiffres retenus ont été allégés des frais généraux imputés à la station, de l'amortissement du matériel et des impôts locaux. Ces éléments sont en effet trop variables pour les deux premiers, selon la politique comptable de l’entreprise et pour le troisième, selon les communes d’implantation. Ceci ne veut pas dire qu’il ne soit pas légitime de comptabiliser ces éléments dans le coût réel de l’épuration. Par ailleurs, il n’a pas été jugé intéressant de rapporter le coût de l’épuration à une unité de production ou de matière première traitée, car les situations sont trop variables dans la profession. On a donc rapporté la dépense au kilo de DCO éliminée, ce facteur analytique de pollution étant généralement mesuré dans les entreprises laitières, parce que le plus simple à mettre en œuvre.

On constate des valeurs s’étalant entre 29 et 58 centimes par kg de DCO éliminée, avec trois valeurs anormalement élevées à 89, 110 et 121 centimes. La moyenne s’établit à 55 centimes par kg de DCO éliminée.

Pour une industrie dont la concentration des effluents bruts varie de 1 000 à 3 000 mg/l de DCO, cela donne une dépense d’environ 27 centimes par m³ traité. Un tel coût est relativement peu élevé si on le compare à ceux que l'on rencontre dans les autres branches industrielles. On peut même affirmer à l’examen que l'industrie laitière est la branche professionnelle industrielle polluante dont le coût de l’épuration est le moins élevé et ceci pour les raisons suivantes :

  • — absence à peu près totale de MES dans l’effluent brut,
  • — effluent très biodégradable,
  • — effluent bien équilibré (azote, phosphore) rendant inutile l'usage de nutriments,
  • — possibilité de faire des stations rustiques dans un environnement rural,
  • — possibilité fréquente d’épandage agricole des boues.

Le coût réel de l'épuration doit être globalement apprécié en faisant entrer en ligne de compte la prime pour épuration, ou économie de redevance de pollution, et l'aide au bon fonctionnement dont l’entreprise laitière bénéficie de l’Agence de l’Eau du fait de sa station d'épuration. Ces éléments varient en fonction du taux des redevances et de la politique de l’Agence en matière d’aide au bon fonctionnement.

La consommation électrique

Trois stations dépensent de l'ordre de 60 centimes de courant électrique par kg de DCO éliminée. Ces dépenses anormales s’expliquent au cas par cas. La première parce qu’elle traite la totalité de son débit, après décantation, sur un flottateur pour éliminer les boues entraînées à la surverse d'un décanteur sous-dimensionné ; la seconde, du fait de l’absence totale de régulation sur la station en contact-stabilisation et sans doute également à cause des dépenses électriques induites par le flottateur destiné à épaissir les boues ; la troisième enfin, du fait d’une très importante sous-charge : chargé ou non, le bassin doit être agité. Mis à part ces trois cas, la consommation se situe entre 0,58 et 1,34 kWh par kg de DCO éliminée, la dépense électrique variant de 0,15 à 0,32 F/kg de DCO éliminée (tableau 3).

[Tableau 3 : Consommation électrique – données chiffrées]

Les consommations très basses relevées correspondent à des stations qui fonctionnent à une concentration en oxygène voisine de zéro avec des zones du bas-

sin d’aération en anoxie. Cette technique n’a pas le seul mérite d’être économe en énergie : elle permet également une certaine dénitrification de l’effluent, les bactéries consommant alors l’oxygène des nitrates.

Sans qu’il soit possible de tirer des règles générales absolues, on constate les coûts unitaires les plus faibles dans les stations chargées à leur charge nominale et disposant d’une régulation de l’aération (permettant par exemple de limiter la consommation pendant les heures de pointe). Les deux stations à lit bactérien présentent de bons résultats, mais qui ne sont pas sensiblement inférieurs à ceux des stations à faible charge du fait d’un recyclage très important de l’effluent sur le lit bactérien.

La présence de matériel d’épaississement des boues constitue évidemment une dépense supplémentaire de courant électrique par rapport aux stations munies d’épaississeurs statiques, ou qui épandent leurs boues liquides. Au total, les frais d’électricité représentent en moyenne légèrement plus de la moitié (54 %) des frais techniques (hors frais généraux, amortissements et impôts locaux).

  • — Moyenne de la dépense électrique sans les valeurs anormales : 22,1 centimes par kg de DCO éliminée, soit 0,85 kWh par kg de DCO éliminée.
  • — Moyenne de la dépense électrique pour les 15 stations : 29,5 centimes par kg de DCO éliminée, soit 1,11 kWh par kg de DCO éliminée.

Entretien et main-d’œuvre

Il est assez difficile de séparer les frais de surveillance et les frais d’entretien ; en effet, certains industriels ne les distinguent pas et d’autres considèrent que le personnel de la station fait partie de l’entretien au sens large du terme. Le tableau 4 a donc été établi en globalisant tous les frais de main-d’œuvre.

Tableau 4

ENTRETIEN ET MAIN-D’ŒUVRE

Pollution éliminée en DCO/an Frais de personnel Entretien autre matériel Entretien électrique Main-d’œuvre Total frais d’entretien et de main-d’œuvre (centimes/kg de pollution éliminée)
1 : 12 200 55 000 000 1 400 2 2 9
2 : 348 500 120 600 49 900 23 300 3
3 : 600 000 6 000 50 000 49 200 1 5
4 : 383 200 22 000 10 000 27 000 4
5 : 176 000 1 200 40 500 6
6 : 175 500 107 300 1 800 4
7 : 198 000 72 25 800 20 400 8
8 : 180 000 40 200 7 000 5 300 2 5
9 : 378 000 22 400 18 600 30 200 4
10 : 1 208 000 6 900 18 800 85 300 12
11 : 687 000 1 800 5 000 9 500 10 3
12 : 495 000 77 600 4 300 15

D’une station à l’autre, on constate des différences importantes, les frais de main-d’œuvre variant de 7 à 47 centimes par kg de DCO éliminée. Les explications de ces différences sont multiples :

  • — l’âge de certaines stations impose un entretien particulier ;
  • — la nature et la quantité des analyses varient beaucoup d’une station à l’autre ;
  • — l’épandage des boues est parfois réalisé gratuitement par des agriculteurs, alors qu’ailleurs, il est à la charge de l’usine ;
  • — les qualifications des personnels qui travaillent sur les stations sont très diverses. Certaines entreprises comptabilisent pour la station des heures d’ingénieur ou de technicien supérieur ; dans la plupart des cas, ce sont des ouvriers professionnels (électromécaniciens) qui sont responsables des stations ;
  • — le traitement des boues impose, dans certains cas, une surveillance du matériel de déshydratation ;
  • — quelques entreprises n’ont pas encore optimisé la surveillance ou imputent à la station du personnel polyvalent ;
  • — d’autres stations, à l’inverse, ne sont pratiquement pas surveillées au point que cela a des répercussions fâcheuses sur les résultats de l’épuration.

En moyenne, les frais de main-d’œuvre dans les stations étudiées représentent 17,3 centimes par kg de DCO éliminée, soit environ 31 % du coût total de l’épuration.

ECONOMIES DE REDEVANCES ET AIDES AU BON FONCTIONNEMENT

Dans le barème d’estimation forfaitaire des redevances, à la ligne « fabrication de fromages de type pâtes molles » on trouve les coefficients de pollution suivants pour un m³ de lait mis en œuvre :

  • MEST = 1,4 kg/j
  • MOX = 6,7 kg/j
  • Azote = 0,3 kg/j

les MOX étant calculées selon la formule :

MOX = DCO + 2 DBO5

Quand une usine laitière élimine dans sa station 1 kg de DCO, elle élimine en même temps environ 1,33 kg de MOX, 0,06 kg d’azote et 0,27 kg de MEST. En supposant sa pollution moyenne journalière égale à la 1/300ᵉ partie de sa pollution totale annuelle et en connaissant les prix annuels de référence des paramètres de la redevance (MOX = 107 F/kg/j, N = 53,50 F/kg/j, MEST = 53,50 F/kg/j) on établit que chaque kilo de DCO éliminée par la station économise environ 0,53 F de redevances.

L’impact de l’aide au bon fonctionnement est plus délicat à établir, car cette aide est variable selon la taille des stations. En examinant le cas d’une station de

taille moyenne traitant 1 000 kg de MOX par jour, l'aide s'établit à 175 F/an par kg de MOX/j éliminés, soit 232 F par an par kg de DCO/j éliminée. Ce chiffre doit être divisé par deux pour tenir compte des règles appliquées en 1982 par l'Agence, afin de limiter le montant total de l'aide au bon fonctionnement. En considérant à nouveau que la pollution moyenne journalière est la 300e partie de la pollution totale annuelle, on obtient une aide au bon fonctionnement réelle de 0,38 F/kg de DCO éliminée.

Au total, entre l'économie de redevances et l'aide au bon fonctionnement, la station d'épuration est à l'origine d'un gain de 0,91 F par kg de DCO éliminée.

CONCLUSION

Les industries laitières de l'Est de la France sont généralement équipées de stations d’épuration utilisant des procédés à faible charge. Pour un échantillon de 15 stations ayant répondu à notre enquête sur le coût de l’épuration, on constate un prix moyen de 55 centimes par kg de DCO éliminée, soit environ 27 centimes par m³ traité (ces prix sont donnés hors amortissements, frais généraux et impôts locaux). Compte tenu de la rusticité des stations de l'industrie laitière et du mode de fonctionnement fréquent en aération prolongée, le courant électrique représente plus de la moitié du coût du fonctionnement, contre 31 % pour la main-d’œuvre (surveillance et entretien), le reste se répartissant entre les produits chimiques, les frais d’épandages, les achats de pièces détachées, etc.

Par ailleurs, l'économie de redevance consécutive au fonctionnement de la station est d’environ 53 centimes par kg de DCO éliminée et l'aide au bon fonctionnement de 38 centimes par kg de DCO éliminée.

Ces 91 centimes de gain compensent les 55 centimes de dépense ; même si on avait pu leur ajouter les amortissements, les frais généraux et les impôts locaux, ce qui n'a pas été possible, compte tenu des situations très diverses d'une station à l'autre, et des habitudes comptables variables observées dans les entreprises.

On peut regretter que la politique de réduction de la redevance pratiquée en 1982 et 1983 (et donc d'aide réduite au bon fonctionnement) vienne augmenter les charges des entreprises qui épurent correctement.

L'industrie laitière est certainement la branche industrielle dans laquelle, à pollution égale, la lutte contre la pollution est la moins coûteuse, mais les unités laitières non équipées de station d’épuration restent encore, malgré les aides à l’investissement et au bon fonctionnement, gagnantes par rapport à celles qui épurent.

Le seront-elles encore longtemps ?

L’épandage des boues de décarbonatation sur un terrain en cours de reboisement

D. LE NELChambre départementale d’Agriculture de Seine-Maritime

M. MINEAUO.N.F. – Direction régionale de Normandie – Centre de Rouen

Avec un triple objectif d’efficacité, de présence sur le terrain et d'obtention de résultats concrets, l'ANRED (Agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets) a choisi de promouvoir et de soutenir la mise en place de missions de valorisation agricole des déchets, au sein de structures départementales socioprofessionnelles, Chambres d’Agriculture principalement.

À côté de travaux fondamentaux comme la réalisation d'un inventaire des déchets valorisables en agriculture, les chargés de mission interviennent pour installer et suivre des actions précises, à valeur exemplaire dans un premier temps.

L'exposé ci-après, présenté sous forme de fiche, en est une excellente illustration ; il se rapporte à une des premières actions réalisées, la persistance de ces essais autorisant la diffusion des résultats obtenus.

ÉTABLISSEMENT INTÉRESSÉ : Usine d’Oissel (Seine-Maritime) de la société Azolac

Activité à l’origine de la production des boues :

La présence de calcaire dissous dans l’eau peut être gênante pour l'industrie en provoquant des entartrements de conduites ou des défauts de fabrication.

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