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Le choix entre capteurs ampérométriques ouverts et fermés dans la chloration automatique

30 mai 1989 Paru dans le N°128 à la page 51 ( mots)
Rédigé par : F. CHARRIER

La recherche permanente de la qualité des eaux en termes de produits de consommation (eaux potables, produits agro-alimentaires), de production d'eaux industrielles (eaux osmosées, eaux de refroidissement), de qualité de l'environnement (rejets des eaux en littoral), de loisirs (eaux de piscines), est souvent tributaire d'une désinfection efficace.

L'emploi d’un large éventail de désinfectants chlorés (hypochlorite de sodium ou de calcium, chlore gazeux, bioxyde de chlore, acides trichloro-isocyanuriques, dichloro-isocyanurates de sodium, brome, ozone) nécessite de préciser les avantages et limites qui existent dans le procédé de chloration automatique entre une cellule ampérométrique dite ouverte et une cellule ampérométrique dite fermée.

C’est l'objet du présent article dans lequel nous passerons en revue les réactions d’hydrolyse de ces divers désinfectants chlorés, la terminologie en vigueur (chlore libre, chlore combiné...) et l'évolution des formes chlorées dissoutes (chloramines...) lors de la désinfection d'une eau contenant des composés ammoniacaux réducteurs d'origine minérale (ammoniaque...) et d'origine organique (amines, acides aminés, protéines...).

Réactions des produits chlorés

Les divers produits chlorés s’hydrolysent en donnant naissance à de l'acide hypochloreux suivant les réactions chimiques suivantes :

[Photo : Courbe de dissociation de l’acide hypochloreux en fonction du pH.]
— eau de javel ou hypochlorite de sodium :  
NaClO + H₂O ⇌ HClO + NaOH

— hypochlorite de calcium :  
Ca(ClO)₂ + 2 H₂O ⇌ 2 HClO + Ca(OH)₂

— chlore gazeux :  
Cl₂ + H₂O ⇌ HClO + HCl

— acide trichloro-isocyanurique :  
C₃N₃O₃Cl₃ + H₂O ⇌ HClO + C₃N₃O₂Cl₂

— dichloro-isocyanurate de sodium :  
C₃N₃O₃Cl₂Na + H₂O ⇌ HClO + C₃N₃O₃ClNa

Cet acide hypochloreux est un acide faible dont la dissociation HClO/ClO⁻ est présentée sur la figure 1 à partir de la réaction suivante :

HClO + H₂O ⇌ ClO⁻ + H₃O⁺

Terminologie

Avant d’aller plus avant, nous donnerons quelques précisions concernant les termes employés en matière de chloration.

Le chlore actif représente la forme « active », efficace vis-à-vis des bactéries, virus et algues. Il est composé des formes HClO (acide hypochloreux) et Cl₂ (chlore moléculaire dissous), cette dernière étant quantitativement négligeable pour des pH supérieurs à 3.

Le chlore potentiel désigne les dérivés chlorés susceptibles de « redevenir actifs » en libérant du chlore actif (acide hypochloreux) par dissociation (figure 1). Les ions hypochlorites et les dichloro-isocyanurates appartiennent à cette famille.

Le chlore libre est constitué par la somme chlore actif + chlore potentiel. Sa détermination in situ est réalisée par la méthode colorimétrique au DPD n° 1 (Diéthylparaphénylène diamine). La connaissance du pH permet de déterminer la teneur en chlore actif à partir de la courbe de dissociation de l'acide hypochloreux en fonction du pH (figure 1). En présence de chloro-isocyanurates,

ceux-ci sont pris en compte dans la valeur du chlore libre et, dans ce cas, la détermination du chlore actif n’est pas possible. Il faut noter qu'un excès d’acide cyanurique (> 1 mg/l) fausse la valeur obtenue par la méthode colorimé­ trique DPD n° 1 et donne une teneur en chlore libre par défaut.

Le chlore combiné représente essen­ tiellement les chloramines (NH₂Cl, NHCl₂, NCl₃), mais également des orga­ nochlorés. Il est déterminé par la diffé­ rence entre la teneur en chlore total (méthode colorimétrique DPD n° 1 + DPD n° 3) et celle en chlore libre (méthode colorimétrique DPD n° 1).

Le chlore total est formé par la somme : chlore libre + chlore combiné. Sa détermination s’effectue avec la méthode colorimétrique DPD n° 1 et DPD n° 3.

Désinfection d'une eau contenant des composés réducteurs ammoniacaux d'origine organique et minérale

En présence d'ammoniaque, le chlore réagit pour donner des chloramines et, au contact de certains composés orga­ niques (acides aminés, amines, protéi­ nes), des chloramines organiques. Ces chloramines possèdent un pouvoir bac­ téricide mais celui-ci est amoindri par rapport à celui du chlore (on admet que le chlore est de 20 à 30 fois plus actif que les chloramines). La formation de ces produits conduit à la notion de « point de rupture » (ou « break point »).

Si on ajoute des doses croissantes de chlore à une eau contenant des matières organiques et de l'ammoniaque et que l'on contrôle le chlore total résiduel, on obtient la courbe portée sur la figure 2, qui appelle les commentaires suivants :

Zone a : l’apport initial de chlore est con­ sommé par des composés réducteurs lors d'une réaction d'oxydo-réduction ; l'acide hypochloreux est réduit sous forme de chlorure.

Zone b : il y a formation de composés organiques chlorés et de chloramines :

Tableau : Fonctionnement comparé des deux cellules. Influence de certains paramètres sur la mesure

Cellule ouverte Cellule fermée

L'eau analysée circule entre les électrodes, constituant l’électrolyte dont la composition peut changer.

Conséquences — Le plateau intensité-potentiel (intensité-concentration) peut être légèrement modifié par :   • une variation importante de la conductivité supérieure à 1300 µS/cm,   • une variation du pH (hors chimie du chlore),   • une variation de la température. — Un courant résiduel non négligeable (nécessite une correction du zéro par passage de la solution à analyser dans un filtre à charbon actif).

Influence du débit : Plus le débit d'eau circulant entre les électrodes est important et plus le courant de dépolarisation sera élevé. Un tube déverseur maintient une colonne de charge hydraulique constante dans la chambre de mesure (pression atmosphérique).

Temps de polarisation : Prévoir 24 heures de polarisation (mise sous tension et circulation d'eau chlorée) avant de procéder aux étalonnages.

Temps de réponse : Rapide : 10 secondes à la montée (90 % de la réponse) 10 secondes à la descente (90 % de la réponse).

Courants mis en jeu Env. 10 µA/mg Cl₂/l

Les électrodes cathode-anode ne sont pas en contact direct avec la solution à analyser, séparées par une membrane en PTFE renforcée mécaniquement, plongeant dans un électrolyte de composition stable (évolution très lente entre 6 à 12 mois KCl-KOH).

Conséquences Le plateau intensité-potentiel est très stable. — Pas de perturbation avec les variations de conductivité, de pH (hors chimie du chlore), — pas de courant résiduel (quelques picoampères) donc pas de filtre à charbon actif.

Nécessite une vitesse minimale (0,15 m/s) soit 30 l/h dans chambre de passage DFC. Dépendance négligeable entre 30 et 120 l/h (DFC).

Rapide (1 heure pour la première mise en service, 30 mn pour les suivantes).

< 2 mn à la montée (90 % de la réponse) < 30 s à la descente (90 % de la réponse)

Env. 25 nA/mg Cl₂/l

NH₃ + H₂O ⇌ NH₄⁺ + OH⁻

NH₄OH + HClO → NH₂Cl + 2 H₂O
Monochloramine

NH₂Cl + HClO → NHCl₂ + H₂O
Dichloramine

NHCl₂ + HClO → NCl₃ + H₂O
Trichloramine
(peu stable)

R-NH₂ + HClO → RNHCl + H₂O

R-NHCl + HClO → R-NCl₂ + H₂O

Zone c : la teneur en chlore total passe par un maximum et l’ajout de chlore pro­ voque sa diminution ; il y a destruction des chloramines et de certains compo­ sés organochlorés qui sont responsa­ bles de certains goûts et odeurs désa­ gréables donnés à l'eau :

2 NH₂Cl + HClO → N₂ + 3 HCl + H₂O
(Monochloramines)

NH₂Cl + NHCl₂ → N₂ + 3 HCl
(Dichloramines)

La chloration au point de rupture assure la diminution des goûts et des odeurs du fait d’un excès d'acide hypochloreux et d’une baisse de la teneur en chlore combiné. Ce point de rupture quantifie la teneur minimale nécessaire à l’oxydation des composés ammoniacaux réducteurs d’origine organique et minérale.

Zone d : au-delà de ce point de rupture, le chlore ajouté réagit comme s'il se trouvait dans une eau pure ; le chlore en excès constitue un réservoir d’oxydant : l'eau est non seulement désinfectée mais « désinfectante ».

En pratique, il s'agira d’atteindre lors de la désinfection d'une eau de consom­ mation ou de piscine la zone d afin d'as­ surer une certaine rémanence de l’acide hypochloreux. Il est à noter que le pro­ cessus de formation et de destruction des chloramines n’est pas instantané et

Chlore ajouté

[Photo : Figure 2.]

qu'il est recommandé d'utiliser des temps de contacts élevés (30 min à une heure).

Comparaison entre les deux types de cellules ampérométriques

Cet exposé comparatif de deux types de cellules ampérométriques est le résultat d’essais qui ont été effectués avec, d'une part, une cellule ouverte du type 963 (figure 3) reliée à un appareil de mesure du type CZW (figure 4) avec une électronique simple et un affichage analogique, et, d’autre part, une cellule fermée du type 971 (figure 5) reliée à un appareil de mesure à microprocesseur du modèle Poolpac (figure 6).

[Photo : Figure 3 : Chambre de passage avec cellule type 963.]
[Photo : Figure 4 : Appareil de mesure du type CZW.]
[Photo : Figure 5 : Cellule type 971.]
[Photo : Figure 6 : Appareil à microprocesseur type Poolpac.]

Principe de la mesure

La mesure en continu du chlore est réalisée par une cellule fonctionnant d’après le principe ampérométrique qui consiste à établir entre deux électrodes une tension proche de –100 mV correspondant à une partie stable de la courbe intensité–potentiel et qui se situe dans la zone de potentiel où l’on obtient une réduction de l’acide hypochloreux. On mesure le courant de dépolarisation des électrodes, lequel est proportionnel à la teneur en oxydant.

Description des cellules et réactions mises en jeu

La cellule ampérométrique ouverte (figure 3) est constituée par un système de deux électrodes Cu/Pt en contact avec l'eau à analyser. La polarisation du système place le cuivre à l'anode et le platine à la cathode.

La cellule ampérométrique fermée (figure 8) est constituée par un système de deux électrodes Ag/AgCl/Au isolé de l'eau à analyser par une membrane en PTFE sélective à l’acide hypochloreux.

L'électrolyte qui permet le transport du courant entre les deux électrodes est une solution de KCl.

La polarisation du système place Ag/AgCl à l’anode et l’or à la cathode.

Les interférents ou autres réactifs chimiques

En présence d'acide hypochloreux, les deux cellules débitent un courant de dépolarisation proportionnel à la concentration ; cependant, en présence d'interférents ou autres réactifs chimiques leur réaction est différente (de par leur conception). Le tableau II donne un aperçu du comportement de ces cellules vis-à-vis de ces produits.

[Photo : Figure 7 : Schéma d’une cellule type 963 ouverte.]
[Photo : Figure 8 : Cellule type 971 fermée.]

Conclusion

Lors d'une opération de chloration, il est très important de déterminer si l'on doit mesurer une teneur en chlore résiduel exprimée en chlore actif ou en chlore libre. En effet, les ensembles électroniques (analogiques ou à micro-processeur) raccordés à ces cellules peuvent afficher du chlore libre si le pH reste constant (figure 1). Il est donc nécessaire de choisir le type de cellule ampérométrique qui sera mis en œuvre.

La cellule ampérométrique fermée du type 971, très aisée à mettre en œuvre et peu onéreuse, d'une grande spécificité au chlore actif, est particulièrement bien adaptée aux produits chlorés (Cl₂, NaClO, Ca(ClO)₂, bientôt au ClO₂).

La cellule ampérométrique ouverte du type 963, qui nécessite l'emploi d’un filtre à charbon actif pour le réglage du zéro, présente un temps de réponse très rapide ; elle est particulièrement bien adaptée aux chlorations des eaux de piscines (avec les composés chloro-organiques, brome, …).

Ces capteurs peuvent être raccordés à des ensembles électroniques compacts à micro-processeur assurant jusqu’à quatre mesures simultanées (pH, Redox, chlore actif ou libre — si pH constant — et température) avec des régulateurs incorporés dans des conditions très économiques.

Ces ensembles, grâce à des contrôles très stricts, assurent avec une grande fiabilité, une réduction des coûts de maintenance et d’exploitation et une grande sécurité d'emploi.

Nota : L'auteur remercie le Laboratoire central de la Lyonnaise des Eaux (Le Pecq, France) pour les réalisations des tests d’évaluation de l'analyseur chloromatic TZW doté d'une cellule ouverte 963, dont une partie des résultats est mentionnée dans l'article qui précède.

Tableau II

Produits Cellule ouverte Cellule fermée
Chlore actif HClO Courant proportionnel à la teneur en HClO env. 10 µA/mgCl₂/l Très grande spécificité au chlore actif : courant proportionnel à la teneur en HClO env. 25 nA/mgCl₂/l
Chlore potentiel ClO⁻ (seul) Interférent positif faible env. +0,10 mgCl₂/mg de ClO exprimé en Cl₂ Non interférent
Chlore combiné NH₂Cl, NHCl₂ Interférent positif élevé env. +1,2 mgCl₂/mg de chloramine exprimé en Cl₂ Interférent positif faible env. +0,1 mgCl₂/mg de chloramine exprimé en Cl₂
Chlore combiné NCl₃ (trichloramines) Instable Instable
Brome actif HBrO Courant proportionnel à la teneur en HBrO (mesurable) Interférence faible — grosse molécule peu perméable
H₂O₂ Interférent positif Interférent positif
Dichloro-iso-cyanurate de sodium ou acide trichloro-isocyanurique Interférent positif modéré : intérêt important en piscines pour juger quantitativement les variations de teneur en chlore disponible (dont actif en faible proportion) Non interférent (le capteur n'est sensible qu’à la forme active HClO)
Bioxyde de chlore ClO₂ Interférent positif modéré env. +0,46 mgCl₂/mgClO₂ exprimé en Cl₂ Bonne sensibilité avec exécution spéciale de la cathode
Ozone O₃ Interférent positif élevé env. +1,3 mgCl₂/mg d’ozone — attention aux variations de pH et de conductivité Grande sensibilité : des essais quantitatifs sont en cours
[Photo : Chambre de passage DFC avec cellule type 971]
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