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Le chlore, l'ozone et le dioxyde de chlore, dans la désinfection des eaux

30 octobre 1981 Paru dans le N°58 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : Pierre MUSQUERE

S.L.E.E. PARIS

I. — INTRODUCTION

Les micro-organismes pathogènes à transmission hydrique constituent toujours un risque potentiel important sur le plan de la Santé publique. La désinfection reste donc un maillon essentiel de la chaîne de traitement des eaux d'alimentation, maillon qu'il faut maîtriser parfaitement.

Les procédés de désinfection les plus employés dans la distribution d'eau sont les procédés chimiques, notamment le chlore, l'ozone ou le dioxyde de chlore. Il se trouve que ces désinfectants sont aussi des oxydants qui réagissent chacun d'une manière spécifique avec un certain nombre de polluants dissous dans l'eau.

Établir le bilan des avantages et des inconvénients de ces trois désinfectants consiste donc :

— à étudier leurs propriétés désinfectantes proprement dites, c'est-à-dire leur « agressivité » vis-à-vis des pathogènes ;

— à définir et analyser les réactions chimiques qui interfèrent intimement avec la désinfection, et peuvent avoir des effets bénéfiques ou nuisibles dans le traitement de l'eau.

II. — LES ORGANISMES PATHOGÈNES

Pour essayer de comprendre comment agissent les substances agressives à l'égard des micro-organismes, il est utile de rappeler rapidement comment ceux-ci sont constitués.

Les bactéries

Les bactéries (fig. 1 et 2) sont des êtres unicellulaires de petite dimension (0,1 à 20 µ), possédant un métabolisme propre qui leur permet de vivre et de se reproduire d'une manière autonome.

Les bactéries « pathogènes » vivent aux dépens des cellules vivantes où elles puisent des protéines et où elles rejettent des toxines, provoquant ainsi des maladies infectieuses.

Les bactéries sont relativement sensibles aux conditions physico-chimiques du milieu dans lequel elles se trouvent et à l'action des divers produits.

[Photo : Structure schématique de la bactérie]
[Photo : Fig. 2. — Quelques exemples de bactéries pathogènes.]

désinfectants susceptibles de bloquer leur métabolisme interne. Toutefois, certaines bactéries placées dans un milieu hostile peuvent éditer des « spores » qui résistent très bien aux agressions extérieures. Une spore replacée dans des conditions favorables redonne naissance à une colonie bactérienne.

Les virus

Il s'agit d’organismes extrêmement petits (0,1 μ), à la limite du monde minéral et du monde bactérien (fig. 3 et 4). Les virus sont des parasites intégraux qui se multiplient aux dépens d'une cellule hôte dont ils détournent le métabolisme à leur propre profit. Leur capside externe très épaisse et leur métabolisme très réduit font que les virus sont plus résistants aux agressions extérieures et à l'action des désinfectants que les bactéries. L’expérience montre que certains virus peuvent rester très longtemps — quelquefois plusieurs mois — dans un milieu inhospitalier ; ils ne se reproduisent pas mais ils ne meurent pas.

[Photo : Fig. 3. — Structure schématique d'un virus « bactériophage ».]
[Photo : Fig. 4. — Quelques exemples de maladies virales à transmission hydrique.]

Les pathogènes appartenant au règne animal : amibes, vers…

Ce sont des êtres plus évolués que les bactéries et les virus : ils peuvent être unicellulaires (amibes : taille 50 μ) ou pluricellulaires (vers, etc.). Ils ont un cycle de reproduction complexe et poursuivent généralement leur développement chez plusieurs hôtes successifs.

Ces organismes sont extrêmement résistants aux agressions extérieures, surtout lorsqu’ils sont sous forme de kystes. Par contre, leur développement nécessite, en général, des conditions de température assez élevées (t > 20 °C). Actuellement, ces parasites ne posent pas de problèmes cruciaux dans les pays à climat tempéré. Il n’en est malheureusement pas de même dans les pays à climat chaud.

III. — LES MÉCANISMES INTIMES DE LA DÉSINFECTION

Les mécanismes d'action du chlore à l’égard des bactéries sont les mieux connus.

Très schématiquement, on peut dire que le métabolisme bactérien consiste à synthétiser de la matière vivante à partir des composés organiques ou minéraux (C, O, H, N, etc.) dissous dans l'eau, grâce à l'apport énergétique de réactions chimiques exothermiques (oxydation du glucose, par exemple). Réactions de synthèse et réactions énergétiques sont catalysées par des substances chimiques émises par la bactérie — les enzymes — qui sont, en quelque sorte, les chevilles ouvrières du processus. Le chlore a la propriété de s'introduire à l'intérieur de la cellule bactérienne et d'y bloquer tout ou partie de l'activité enzymatique.

GREEN et STUMPH (1) travaillant sur une enzyme, la triosephosphaté-déshydrogénase, nécessaire à l'oxydation du glucose, ont mis en évidence, les premiers, ce mécanisme de blocage.

montré qu'il fallait un temps de latence pour le réaliser : après 30 secondes de temps de contact avec le chlore, le glucose n'est plus oxydé qu’à 5 % du taux d'origine, mais la suspension bactérienne reste viable. Au-delà de cinq minutes de contact, tout pouvoir d'oxydation a disparu et la suspension bactérienne est détruite. L'ordre de grandeur de ces « temps de contact » sera retrouvé ultérieurement lorsque nous examinerons les conditions et mise en œuvre des désinfectants.

Le dioxyde de chlore, qui a une efficacité bactéricide voisine de celle du chlore, agit probablement suivant un processus analogue (2).

Les mécanismes d'action de l’ozone sont certainement plus complexes. Divers travaux semblent montrer que les sites principaux d’attaque se situent au niveau de la membrane bactérienne, notamment par destruction par O₃ de la double liaison des lipides (3, 4). Ceci expliquerait la rapidité d'action de l’ozone, beaucoup plus grande pour certaines espèces bactériennes que celle du chlore.

D'autres auteurs, toutefois, n’excluent pas des sites d’attaques secondaires : système enzymatique ou acide nucléique (5, 6, 7).

En ce qui concerne les virus qui n'ont pas de système enzymatique propre, on pense généralement que les désinfectants agissent sur la capside et détériorent en particulier le système d’accrochage à la cellule hôte (8, 9). L'ozone est donc un désinfectant de choix pour l’élimination des virus.

Ces quelques considérations théoriques montrent bien que l'action des désinfectants chimiques relève de la biochimie intracellulaire et est extrêmement complexe. Elles permettent d'expliquer, en partie, les propriétés des désinfectants mais ne donnent malheureusement que peu de renseignements quantitatifs.

IV. — LES CONDITIONS PRATIQUES D'UNE BONNE DÉSINFECTION CHIMIQUE

4.1. - Approche expérimentale

Faute de connaissances fondamentales sur les mécanismes intimes de la désinfection, on en est donc réduit, pour définir les conditions pratiques d'une bonne désinfection, à constater expérimentalement l’effet obtenu. De nombreux chercheurs se sont intéressés au problème. Leurs travaux procèdent en général de la même démarche : on étudie la mortalité en fonction du temps t de micro-organismes judicieusement choisis et placés en suspension dans une eau contenant une concentration C de désinfectant. On en déduit les couples de valeurs (C, t) nécessaires à la destruction complète de la souche de micro-organismes (10, 11, 12).

Nt / N₀ = e^(-λCt)
N  : nombre de micro-organismes survivants
t  : temps de contact
C  : concentration de désinfectant
λ  : coefficient spécifique de létalité du désinfectant.

Cette formulation met bien en évidence le rôle fondamental du couple concentration × temps de contact.

Le tableau suivant donne à titre d’exemple quelques valeurs comparatives de λ, correspondant à 99 % d’inactivation des organismes en 10 minutes.

Agent désinfectant Bactéries entériques Kystes d’amibes Virus Spores bactériennes
O₃ 500 0,5 5 2
Cl₂ (HClO) 1 0,05 1 0,05
ClO₂ 0,2 0,0005 0,02 0,0005
NH₂Cl 0,1 0,02 0,005 0,001

Tableau 1 : Valeurs du coefficient spécifique de létalité à 5 °C (λ) en litre·mg⁻¹·mn⁻¹ (MORRIS, 1967) (13).

Ces approches expérimentales permettent de tirer diverses conclusions :

  • — l'ozone a une cinétique d’attaque sur les virus beaucoup plus grande que le chlore ou le dioxyde de chlore. C'est là son gros avantage.
  • — Les virus sont beaucoup plus résistants que les bactéries. Ceci pose un problème à certains hygiénistes qui pensent que les normes actuelles basées sur des dénombrements de bactéries-test sont peut-être insuffisantes et qu’elles devraient être complétées sur le plan viral.
  • — Le chlore libre mesuré en solution aqueuse est en fait dissocié en acide hypochloreux (HClO) et ions hypochlorites (ClO-). Or seule la forme acide hypochloreux est réellement désinfectante. Cette dissociation dépendant du pH, il s’ensuit que lorsque le pH augmente, l’efficacité de la chloration à dose égale diminue.

L'ozone et le dioxyde de chlore échappent à cet inconvénient.

  • — Le chlore se combine avec l’ammoniaque pour former des composés chloramines (NH₂Cl - Tab. 1) au faible pouvoir désinfectant. Ses réactions sont très gourmandes en chlore : environ 10 ppm de chlore pour 1 ppm d’ammoniaque.

Sur une eau contenant de l’ammoniaque, il faudra

donc traiter au-delà du Break-point si l’on veut avoir une concentration en chlore résiduel actif suffisante.

L'ozone et le dioxyde de chlore échappent à cet inconvénient.

— Les matières en suspension dans l'eau servent de sites de protection aux micro-organismes. En pratique, la désinfection devra être mise en œuvre sur une eau clarifiée de turbidité inférieure à 1 JTU.

Notons à ce propos, que les traitements de clarification participent grandement à l'élimination des micro-organismes : 95 à 99 % d’élimination pour une décantation à lit de boue suivie d'une filtration.

— Les variations de température, dans les limites généralement admises pour la distribution publique d'eau, ne paraissent avoir qu'une influence de 2ᵉ ordre sur les réactions de désinfection. La température n'intervient qu'indirectement :

• dans le cas du chlore, sur le pourcentage de dissociation (HOCl)/(ClO⁻), la proportion de HOCl étant plus grande à basse température,

• dans le cas de l'ozone, sur la dissolution dans l'eau qui est favorisée à basse température.

4.2 - Conditions pratiques d'une bonne désinfection

Ces quelques considérations théoriques étant faites, il ne faut pas se cacher que ces études sont en général réalisées « in vitro » avec des eaux ensemencées par des souches bactériennes jeunes donc dans des conditions assez éloignées de celles rencontrées « in situ ».

Leurs résultats seront considérés avec prudence par le distributeur d'eau qui aura intérêt à prendre de bonnes marges de sécurité, de préférence au niveau des temps de contact.

Dans la pratique, un certain consensus se fait autour des conditions suivantes :

Cl₂ ClO₂ O₃
---- ------ ----
0,1-0,2 g/m³ 0,1-0,2 g/m³ 0,1 à 0,2 g/m³
ACT. BACTÉRICIDE
10 à 15 mn 5 à 10 mn 1 à 2 mn
0,3 à 0,5 g/m³ 0,3 à 0,5 g/m³ 0,4 g/m³
ACT. VIRULICIDE
30 à 45 mn 30 mn 4 mn

— en concentration de désinfectant libre résiduel

— dans des conditions ambiantes normales (pH, t, …)

Tableau 2 Conditions pratiques d'une bonne désinfection.

Ces conditions sont valables dans les conditions normales d'ambiance (pH, température, turbidité, etc.) précédemment définies. Elles sont exprimées en concentration de désinfectant libre résiduel présent dans l'eau et non en dose injectée. Pour les respecter, il faut donc avoir satisfait au préalable à la demande en désinfectant de l'eau (fig. 5).

[Photo : fig. 5. — Exemple de courbe de demande en chlore.]

La « demande en désinfectant » est due aux réactions chimiques qui se développent avec les composés organiques ou minéraux contenus dans l'eau.

Certains auteurs font la distinction entre :

— « demande immédiate » due à des réactions à cinétique rapide ou à une auto-destruction (dans le cas de l'ozone par exemple) relativement maîtrisables car elles se produisent dans l'enceinte de l'usine de traitement.

— « demande au bout du temps t » due à des réactions à cinétique lente, plus gênantes car elles se poursuivent souvent le long du réseau.

La connaissance des courbes de demande en désinfectant est fondamentale pour le traiteur d'eau puisqu'elle permet de déterminer :

a) les doses de désinfectant à mettre en œuvre pour respecter les conditions de temps de contact et de concentrations résiduelles précédemment définies,

b) le temps « ts » au bout duquel la demande en désinfectant est assurée en quasi-totalité et où l'eau est « stabilisée ».

Pour l'ozone, agent à cinétique d'action rapide, ce temps de stabilisation est relativement faible (10 à 20 mn en général) et sera assuré dans des bassins d'injection étagés de façon à combattre l'effet d’auto-destruction. Pour le chlore et le dioxyde, qui sont en général injectés de manière ponctuelle, ce temps est plus long (souvent 2 à 3 heures) et devra être assuré dans les réserves en sortie d’usine, qui devront être conçues en conséquence.

Cette approche pragmatique et apparemment simple du problème se complique du fait que les méthodes de dosages doivent distinguer entre les différentes formes chimiques du résiduel. Pour le chlore (présence de chlore « combiné ») et pour le dioxyde (présence de chlore libre et/ou combiné, de dioxyde

et éventuellement de chlorite), la détermination du résiduel actif demande des manipulations délicates et complexes.

Nous soulignerons enfin — et c'est un peu une évidence — que quel que soit l'agent employé, la destruction des micro-organismes pathogènes doit être complète à la sortie d'usine. Le maintien d'un résiduel sur le réseau n’a pas pour but d’y poursuivre la désinfection proprement dite, mais d’y maintenir un effet « bactériostatique », c'est-à-dire de limiter la formation éventuelle de biomasse non pathogène mais engendrant de multiples inconvénients (apparition de mauvais goûts, de turbidité, diminution de l'oxygène dissous, etc.). Lorsque la désinfection sera obtenue par ozonation, cet effet « bactériostatique », appelé encore effet « rémanent », devra être assuré par un ajout final à faible dose de chlore ou de dioxyde de chlore.

Cette notion de « demande en désinfectant » nous amène à parler des réactions chimiques interférant avec la désinfection.

V. — LES RÉACTIONS ANNEXES INTERFÉRANTAVEC LA DÉSINFECTION CHIMIQUE— SOUS-PRODUITS INDÉSIRABLES— EFFETS ORGANOLEPTIQUES

La figure 6 montre d'une manière synthétique l'action du chlore, de l’ozone et du dioxyde de chlore sur les principaux polluants de l’eau. Certaines de ces actions (Fer, manganèse et ammoniaque notamment) sont bien connues et nous n'y reviendrons pas.

Nous insisterons davantage sur les problèmes plus récemment mis à jour des matières organiques et des sous-produits qui s'y rapportent.

[Photo : Action de Cl₂, O₃, ClO₂ sur les principaux polluants de l'eau.]
[Photo : Organochlorés dans l'eau de Seine. Influence de la préchloration.]

5.1. - Le chlore et les composés organiques

La figure 7 regroupe un certain nombre de résultats obtenus sur l'eau de Seine à Paris. On voit que la chloration d'une eau brute fait augmenter considérablement la quantité de composés organochlorés présents dans l'eau, et notamment le pourcentage d'halométhanes (T.H.M.T.) (14).

Ces halométhanes ont été particulièrement étudiés au cours de ces dernières années et leur présence a été jugée inquiétante pour deux raisons principales :

La première, est qu’ils sont supposés être cancérogènes.

La seconde, est qu'ils ne sont, en fait, que la partie relativement connue de l’iceberg, c’est-à-dire des quelque 80 à 90 % de composés non encore identifiés parmi lesquels il pourrait bien exister des produits au moins aussi préoccupants que les halométhanes.

De nombreuses études montrent qu'il est très difficile d'éliminer les halométhanes une fois qu’ils sont formés. Il faut donc prévenir leur formation. D'une part, en ne chlorant que des eaux débarrassées de matières organiques, précurseurs de formation d’halométhanes, en particulier les acides humiques ; d'autre part, en limitant les doses de chlore mises en œuvre.

Ces conditions condamnent dans de nombreux cas la préchloration des eaux brutes telle qu'elle était pratiquée ces dernières années.

Par contre, il apparaît qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause pour l’instant, l'emploi du chlore à faible dose (de l'ordre de 1 mg/l), sur de l’eau bien traitée, tel que cela est — ou devrait être — fait en désinfection finale.

5.2. - L'ozone et les composés organiques

L'ozone est un oxydant extrêmement puissant qui agit remarquablement sur les matières organiques. Il est capable de « casser » les longues molécules organiques telles que les composés polycycliques aromatiques et améliore ainsi considérablement les qualités organoleptiques de l'eau (goût et couleur). Il ne donne pas de composés sapides avec les phénols.

Ces réactions mettent en jeu des mécanismes extrêmement complexes. Aussi, la dégradation des produits aromatiques s’effectuerait en deux grandes étapes, selon le schéma suivant :

[Photo : Schéma d’oxydation des phénols]

La première étape rapide et relativement facile s’effectuera sans doute même pour des taux d’ozonation très faibles comme ceux appliqués en désinfection.

Il n’en sera pas toujours de même pour la seconde étape, qui nécessite des doses d’ozone beaucoup plus importantes, les composés aliphatiques étant beaucoup plus réfractaires à l’ozone.

Dans le cas du phénol, les produits de la réaction sont les acides formique, muconique, glyoxylique, l’aldéhyde maléique et, transitoirement, le catéchol et l’hydroquinone.

L’ozone ne produit pas de composés halogènes. Par contre, une ozonation insuffisamment prolongée peut augmenter la quantité de « précurseurs » d’halométhanes présents dans l’eau : ainsi l’ozonation du phénol produit des composés intermédiaires tels le catéchol — reconnus comme « précurseurs » d’halométhanes.

Enfin, il est susceptible de modifier la structure de certaines matières organiques et de les rendre ainsi plus facilement biodégradables. D’où son intérêt avant une filtration sur charbon actif biologique.

5.3. – Le dioxyde de chlore et les composés organiques

Le dioxyde de chlore est également un bon oxydant. Initialement, il a surtout été utilisé dans le domaine de l’eau parce qu’il ne donne pas de composés sapides avec les phénols, ce que fait par contre le chlore. Il ne forme pas de composés halogénés. Ces sous-produits ont certainement été moins étudiés que ceux du chlore ou de l’ozone. On sait que le dioxyde oxyde les agents réducteurs en formant des chlorites (ClO₂⁻) qui sont susceptibles, sous certaines conditions, de se dismuter en chlorate. La toxicité de ces produits est encore très discutée. Des études récentes semblent toutefois conclure que la toxicité des chlorites et chlorates n’apparaît qu’à des taux très supérieurs à ceux provoqués par l’action du dioxyde aux doses habituelles.

5.4. – Effets organoleptiques

Le reproche principal des usagers vis-à-vis du chlore est un goût spécifique, mais surtout le développement de très mauvais goûts du fait de la formation éventuelle de produits chlorés. Si le goût spécifique est apprécié comme sécurisant dans certains pays (U.S.A.), les mauvais goûts induits font l’unanimité contre eux.

Le dioxyde de chlore possède aussi un goût propre. Ce goût propre constitue un obstacle vis-à-vis d’un accroissement des doses appliquées. Le chlore comme le dioxyde peuvent avoir un effet bénéfique plus ou moins marqué sur la couleur de l’eau.

L’ozone, par contre, a une supériorité marquée et indiscutée sur les deux autres réactifs vis-à-vis de l’amélioration du goût, des odeurs résiduelles, de la couleur et de l’aspect général de l’eau traitée. C’est là un critère important de choix tout au moins dans les pays où les usagers marquent une certaine exigence vis-à-vis des qualités organoleptiques des eaux distribuées.

5.5. – Interférences entre les désinfectants/oxydants

L’emploi de différents oxydants/désinfectants au sein d’une même filière de traitement conduit à une série d’interférences qu’il est nécessaire de bien connaître.

Nous renverrons à ce sujet à différents rapports déjà publiés, et aux études que la S.L.E.E. a elle-même effectuées sur les eaux de Seine et les eaux de la Moulle à Dunkerque (15, 16). Nous nous contenterons de rappeler ci-dessous, à titre d’exemple, quelques résultats remarquables :

[Photo : Fig. 8 — Évolution des oxydants le long de la chaîne de traitement (après prétraitement ClO₂)]
  • — la suppression de la préchloration entraîne une augmentation de la demande en ozone de l'ordre de 25 % (Eau de Seine) à 50 % (Eau de la Moulle) ;
  • — la préoxydation au dioxyde de chlore conduit à la formation de chlorite (ClO₂). L’ozone réagit avec les chlorites (ClO₂) pour fournir des chlorates, cette réaction demandant une surconsommation d'ozone (fig. 8). Ainsi, dans le cas d’eau de Seine, la préoxydation avec une dose de 4,2 mg/l de ClO₂ augmente la demande en ozone de 2,1 g/m³ à 3,2 g/m³, soit 50 % d'augmentation ;
  • — la préoxydation par l'ozone à faible taux contribue à réduire la demande en ozonation finale d'une eau. Ainsi, la préoxydation (0,2 mg/l d'ozone) a permis de réduire la demande en ozone (fin de chaîne) de 2,1 g/m³ à 1,3 g/m³. Ce gain important est dû au fait que la préozonation n'a pas simple- ment un effet d'oxydation mais rend également plus efficace la coagulation/floculation ;
  • — Ozone et demande en chlore dans le réseau. Cette interférence a été présentée à plusieurs reprises (17, 18). On peut simplement rappeler que l'ozonation peut augmenter cette demande en chlore jusqu'à des valeurs se situant entre 0 et 2 g/m³. Par contre, si l'ozonation est suivie d'une filtration C.A.G., l'eau sera plus « stabilis- ée », et la demande en chlore finale baissera.

VI. — COÛTS (INVESTISSEMENTS + EXPLOITATION)

La figure 9 regroupe un certain nombre de don- nées obtenues dans différentes usines françaises. La dispersion relative des résultats est due aux capacités de production différentes (de 3 000 à 300 000 m³/jour) et aux divers taux de traitement appliqués (de 0,5 à 2 ppm).

[Photo : Fig. 9. — Prix de revient moyens des traitements de désinfection sur diverses usines françaises.]

Cette figure montre malgré tout que statistique- ment le chlore est le produit le moins cher. Le dioxy- de de chlore est environ 5 à 10 fois plus cher que le chlore. L'ozone, qui demande des coûts d’investisse- ment assez lourds, reste le produit le plus cher.

VII. — CONCLUSION

De toutes façons, et nous insistons sur ce fait, ces comparaisons de coûts dans l'absolu ont peu de sens. Les trois produits sont de bons désinfectants mais n'ont pas par ailleurs les mêmes effets béné- fiques ou nuisibles au sein d'une filière de traite- ment.

Le traiteur d'eau devra donc établir à chaque cas d'espèce un bilan économique et technique tenant compte de la qualité globale de l'eau à traiter et de l'eau qu'il veut obtenir.

Pour illustrer cette affirmation et en conclusion, nous avons essayé de résumer sous forme graphi- que, ce qui a été dit au cours de cet exposé (fig. 10).

[Photo : Fig. 10. — Synthèse schématique des actions de O₃, Cl₂, ClO₂.]

On voit sur ce graphique où chaque bras de l'étoi- le représente un problème pouvant se poser au dis- tributeur d'eau, que l'agent idéal qui aurait 100 % d'efficacité sur l'ensemble des problèmes, n'existe pas.

Dans les cas de pollutions complexes, le chlore, l'ozone et le dioxyde de chlore ne peuvent plus être présentés comme des produits concurrents mais apparaissent de plus en plus comme complémentai- res. Pour les distributeurs d'eau, le problème est alors de les utiliser au mieux de façon combinée afin d’optimiser à la fois leurs actions et leur coût d'exploitation (19).

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

(1) GREEN & STUMPH « The mode of action of chlorine », J.A.W.W.A. 38 (1946).

(2) STEVENS et al. « Products of chlorine dioxide treatment of organic materials in water », I.O.I. Cincinnati (1976).

(3) A.D. VENOSSA « Ozone as a water and waste water disinfectant ». A literature review, chap. 5. F.L. EVANS – AN ARBOR Publishers (1975).

(4) BLOCK J.C. « Thèse de doctorat » Nancy (1977), « Revue bibliographique de l’action de l’ozone sur les micro-organismes ». GRUTTEE, Paris (mars 1978).

(5) CHRISTENSEN et al. « Changes in adsorption spectra of nucleic acids following exposure to O₃ and U.V. radiations », Arch. Biochem. Biophys. 51, 208-216 (1954).

(6) SCOTT D.B. « The effect of ozone survival and permeability of E. coli ». J. Bacteriologie, 85, 56, 576 (1963).

(7) CHANG S.L. « Modern concept of disinfection ». J. of Sani. Engin. Division, 10, 689 (1971).

(8) CRONHOLM « Enteric virus survival in package plants and the upgrading of the small treatment plants using ozone », Research report n° 58 – Water Resources Research Institute – University of Kentucky (U.S.A.).

(9) RIESSER « Possible mechanisms of poliovirus inactivation by ozone ». Forum of Ozone Disinfection, Chicago (1976).

(10) COIN, HAMMOUN, GOMELLA « Inactivation par O₃ du virus de la poliomyélite ». La Presse Médicale, 37 (1964).

(11) J.-P. BUFFLE « Comparaison de l’action bactéricide du chlore et de l’ozone ». T.S.M. L’Eau, 45, 74 (1950).

(12) DRAPEAU et al. « La destruction des bactéries et virus par l’ozone ». Eau du Québec, 10 (1977).

(13) MORRIS J.C. « The future of chlorination », J.A.W.W.A., 58 (1967).

(14) ROOK J.J. « Formation of haloforms during chlorination of natural waters ». Water Treatment Exam, 23 (1974).

(15) FIESSINGER, MUSQUERE et al. « Advantages and disadvantages of chemical oxidation and disinfection by ozone and chlorine dioxide ». The Science of Total Environment, 18, Amsterdam (1981).

(16) RICHARD Y. « Importance de l’ozone dans les procédés d’oxydation — interférence avec les autres oxydants ». I.O.I., Berlin (1981).

(17) RICHARD Y. « Chlorine ozone interference in water treatment ». Proceedings of 2nd International Symposium, I.O.I., Montréal (1975), p. 169.

(18) SHALEKAMP M. « Untersuchungen zur Abklärung des Phänomens der Wieder­keimung im Zusammenhang mit Ozonung ». Gaz, Wasser, Abwasser, n° 8 (1969).

(19) FIESSINGER, SCHULOFF « Combinaisons des procédés de traitement », A.I.D.E., Paris (1981).

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