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Président-fondateur durant plus de quarante ans, tant de SAUR que de la Société Entreprise, Transport et Distribution d’Électricité (ETDE).
Éminente personnalité de la profession, Officier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 14-18, Officier du Mérite Agricole, Commandeur de l’Ordre National Ivoirien, il fut également Président puis Président d’honneur du Syndicat des Entrepreneurs de Réseaux, de Centrales et d’Équipement Industriel Électrique (SERCE) ainsi que Vice-Président du Syndicat Professionnel des Distributeurs d’Eau.
Pierre Crussard, l’homme « des longs espoirs et des vastes pensées » — ainsi le saluait dans un dernier adieu le Président Ivoirien de la filiale SODECI (Société de Distribution d’Eau de la Côte-d’Ivoire) — se montra un visionnaire lorsqu’il fonda, en 1933, la Société d’Aménagement Urbain et Rural (SAUR).
À l’époque en effet, les distributions d’eau potable étaient le privilège des grandes agglomérations dont les réseaux étaient gérés :
— soit en régie si elles avaient exécuté à leurs frais des travaux de premier établissement,
— soit en concession lorsqu’une entreprise privée avait pris en charge l’installation et l’exploitation d’ouvrages.
Les petites agglomérations et collectivités rurales considéraient avec défiance ces problèmes de distribution d’eau : l’eau qui était un « don du ciel » devait être distribuée gratuitement.
À la campagne, « on allait au puits ».
Si « l’eau sur l’évier » paraissait souhaitable, il ne pouvait être envisagé de faire supporter au futur abonné un prix qui permettrait d’amortir les frais d’installation. Il fallait un sens très profond du service public pour fonder une Société dont l’activité apparaissait alors comme bien peu rémunératrice.
Travailleur infatigable aux conceptions hardies et généreuses, Pierre Crussard a métamorphosé, au fil de ces quarante années, la petite affaire — presque artisanale à ses débuts lorsqu’en 1934 elle enregistra sa première concession (la commune de Villejoubert, en Charente : 27 abonnés) —.
de la Vendée par l'eau stockée dans deux barrages et à diriger l’excédent sur le département de Charente-Maritime.
Ainsi La Rochelle, qui subissait depuis toujours une pénurie d’eau, pouvait se trouver alimentée de façon satisfaisante, ce qui fut effectivement réalisé en 1955, soit dix ans après la constitution du Syndicat de La Plaine de Lugon : 62 communes.
Cette réussite fut à la base du rapide développement ultérieur de SAUR dans d’autres régions de France où se sont constitués progressivement ses 34 Centres dépendant actuellement de 13 directions régionales.
Pour rester dans le complexe Loire-Vendée-Charente, soulignons que SAUR y dessert en eau potable une population sédentaire de l’ordre de 450 000 habitants. Mais la vocation touristique de la région conduit pratiquement au doublement pendant les mois de vacances.
Les capacités de traitement des six usines ci-après permettront, après les extensions prévues, de satisfaire en 1980-1985 une population de plus de 1 000 000 d’habitants.
Parvenu désormais au stade de la grande notoriété, forte de ses 2 200 personnes, SAUR assure maintenant le service de l'eau potable en France dans plus de 3 600 communes dans la plupart des départements : 1 000 000 d’abonnés, 3 000 000 d’habitants, soit 120 000 000 de mètres cubes d’eau potable livrés par an. Il s'y ajoute depuis quelques années une activité grandissante complémentaire en matière d’assainissement, où elle assure déjà le service de 12 000 usagers répartis dans 165 communes au travers de 33 départements.
Enfin, le dynamisme et l’ouverture d’esprit de son Président devaient conduire SAUR à acquérir une expérience très appréciée à l’étranger : en Espagne, mais surtout en Afrique, notamment en Côte-d'Ivoire, grâce à sa filiale SODECI, et au Sénégal sous forme d’assistance au travers de sa filiale SAUR-AFRIQUE.
LE COMPLEXE LOIRE-VENDÉE-CHARENTE
Après la première concession obtenue en 1934 en Charente, d’autres traités d’exploitation suivirent en Loire-Atlantique, Vendée et Charente, et la physionomie de SAUR commença à se dessiner dans cette région, en coopération avec la Société amie ETDE, car ces premières exploitations représentaient plus de dépenses que de recettes.
Puis ce fut la guerre de 39-45, qui vint bouleverser l'évolution normale de l’activité. Pendant ces années noires, SAUR prépara l'avenir et se lança dans l'étude d'un vaste projet consistant à alimenter le département de la Vendée par l'eau stockée dans deux barrages et à diriger l’excédent sur le département de Charente-Maritime.
Loire-Vendée-Charente – 6 usines d’eau potable
1972-1975 (Existantes et en cours) | 1975-1980 (Extension) | 1980-1985 (Extension) | |
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Basse-Goulaine (L.-A.) | 30 000 m³/j | 60 000 m³/j | 30 000 m³/j |
L’Angle-Guignard (V.) | 18 000 m³/j | — | — |
Mervent (V.) | 60 000 m³/j | — | — |
Apremont (V.) | 40 000 m³/j | — | — |
Graon (V.) | 20 000 m³/j | 20 000 m³/j | — |
Coulonge (C.-M.) | 25 000 m³/j | — | 25 000 m³/j |
Total | 193 000 m³/j | + 80 000 m³/j | + 55 000 m³/j |
Cumul | 193 000 m³/j | 273 000 m³/j | 328 000 m³/j |
Au nord du complexe, les alluvions de la Loire sont sollicitées pour alimenter l’usine de Basse-Goulaine, tandis qu’au sud, l’eau brute est puisée dans la Charente, à Coulonge. Entre ces deux fleuves, le bocage vendéen est traversé par divers cours d’eau : la Vie, le Graon, la Vendée, le Lay qui ont été équipés de retenues — les quatre barrages : L’Angle-Guignard, Mervent, Apremont, Graon ont une capacité globale de 17 000 000 m³ de retenue.
L’exploitation d’un tel complexe présente de nombreuses difficultés dues à la diversité des usines, à l’étendue des réseaux et aux nombreuses stations de pompage et réservoirs. Dans le domaine du traitement, la principale difficulté réside dans la présence de fer et de manganèse, souvent complexés, et à des taux très variables dans le temps et selon les niveaux de prélèvement.
Ainsi, SAUR apporte son concours à de nombreuses petites communes et syndicats ruraux, dont les réseaux s’étendent sur des dizaines de kilomètres pour desservir des hameaux et des fermes isolées. La recherche des fuites, la surveillance des stations de pompage, l’entretien des canalisations, branchements et réservoirs nécessitent un personnel très mobile, qualifié et particulièrement dévoué.
LE CENTRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE « PIERRE-CRUSSARD » DE FONTENAY-LE-COMTE (VENDÉE)
La formation du personnel de SAUR et sa protection furent des préoccupations permanentes pour Pierre Crussard pendant toute sa carrière de chef d’entreprise. Défenseur acharné de la sécurité du travail, il s’attachait toujours par des consignes particulières ou dispositions spéciales à préserver des accidents, non seulement ses propres collaborateurs, mais ceux des entreprises de travaux publics sur lesquelles se portait son attention. Son action dans le même sens était appréciée dans les Syndicats professionnels où il siégeait.
C’est en hommage aux qualités de son Président-Fondateur que le Centre National de Formation Professionnelle Technique de l’Entreprise est devenu le Centre « Pierre-Crussard ».
Tout naturellement, il fut implanté en Vendée, berceau de la Société, et au centre de gravité de ce brillant complexe Loire-Vendée-Charente qui demeure la fierté de l’entreprise (1).
Inauguré le 28 octobre 1974, par M. Vincent ANSQUER, Ministre du Commerce et de l’Artisanat, Député et Conseiller général de Vendée et lui-même Président d’un Syndicat intercommunal de distribution d’eau, le Centre « Pierre-Crussard » présente ses installations en bordure de la Nationale 138 ter, aux abords de Fontenay-le-Comte, sur le territoire de la commune de Pissotte, au cœur de la Vendée, en lisière sud de l’admirable forêt domaniale de Mervent-Vouvant couvrant 3 500 hectares de futaies sombres et profondes de chênes, châtaigniers et hêtres, encore peuplées de gibier et qui offre des lieux de séjour incomparables pour le citadin fatigué.
À proximité du Centre est implanté un « barrage-maison » construit par le Génie Rural et géré par SAUR : le barrage de Mervent, sur la rivière Vendée, dont la capacité de retenue est de 8 500 000 m³ ; hauteur, 25 m ; longueur en crête 130 m pour un rayon de courbure de 65 m.
La retenue se développe en amont, sur plus de 9 kilomètres des rivières Vendée et Mère, en ramifications pittoresques qui se découpent entre les pentes boisées, formant un paradis naturel pour les pêcheurs à la ligne et comportant un plan d’eau avec plage et base de voile.
(1) Centre de Formation Professionnelle « Pierre-Crussard » de SAUR, barrage de Mervent, 85200 Fontenay-le-Comte. Directeur : M. Larnaud. Centre « Pierre-Crussard », tél. (30) 69.09.47. Pour l’usine de Mervent, directeur : M. Hermel : Usine-Barrage de Mervent, tél. (30) 69.03.92.
Le barrage peut évacuer ses crues à cadence de 300 m³/s chacun et d’une vanne de fond.
Le barrage de Mervent est placé sous l’égide de la fabuleuse Mélusine, dont le groupe sculptural domine le site en une magnifique envolée vers le lac, le château de Mervent et la tour Mélusine de Vouvant, ancien repaire des Lusignan.
L'usine d’eau, qui a une capacité de 60 000 m³/jour, est en contrebas, encastrée dans le barrage : c’est dire que pour les élèves stagiaires, la leçon de chose est à la porte même de l’école...
Le Centre « Pierre-Crussard » est placé sous la direction de M. Jacques Larnaud, assisté de M. Gérard Parisot, son adjoint, tous deux principaux professeurs des stages.
Sur un domaine de deux hectares qui permet d’envisager toutes extensions si nécessaire, les 800 m² de bâtiments du Centre s’étalent bien à l’aise, formant un ensemble neuf très accueillant. Une aile abrite l'ensemble des bureaux de direction et d’administration, et une grande salle de conférence pouvant recevoir jusqu’à cinquante congressistes, avec tous moyens audiovisuels modernes.
Une autre aile abrite les salles de travail des stagiaires, un laboratoire de chimie avec des paillasses permettant de manipuler par huit groupes de deux, un laboratoire d’hydraulique, avec notamment pour équipement :
- — une base d’essai de pompes, pour détermination des courbes caractéristiques d'une pompe, démontage, remontage, problèmes d’entretien des différentes catégories de pompes (immergées, à refoulement, pompes doseuses, etc.) ;
- — un banc d’étalonnage des compteurs, pour détermination de leur précision, des débits de démarrage, et de toutes leurs caractéristiques ;
- — une miniaturisation très complète d’un réseau de distribution, pour mise en évidence notamment de la perte de charge et du coup de bélier.
Un laboratoire d’électricité complète cet équipement de premier ordre, et à l’extérieur, un stand de canalisations s’étend sur une longueur de 50 m, avec présentation de tuyaux en diverses matières d’utilisation courante : Eternit, P.V.C., Fonte G.S., acier doux étiré à froid, avec les principaux systèmes de vannes.
Dans la cour du Centre, des « véhicules-maison » évoluent. Ils font partie du programme ; ce sont des spécimens d’une puissante flotte d’intervention de 800 véhicules SAUR de tous types qui sont en mouvement perpétuel sur les routes de Vendée ou d’ailleurs, en France.
L’année scolaire se déroule du 15 septembre au 20 juin, et pour la première, 1974-1975, qui vient de se terminer, il a été dispensé 33 stages, c’est-à-dire que 300 stagiaires ont reçu à « Pierre-Crussard » un enseignement technique professionnel adapté à leur métier.
À la rentrée d’octobre, pour l’an II, on va pouvoir progressivement doubler le nombre des stages en les couplant ; l’objectif étant d'atteindre un plein de 500 à 660 stages par année de scolarité.
LES STAGES TECHNIQUES AU CENTRE « PIERRE-CRUSSARD »
Il existe un « Plan SAUR » de formation professionnelle continue élaboré en 1972 dans le cadre de la loi du 16 juillet 1971 et arrêté au Comité d’Entreprise, le 6 mai 1972.
Ce plan prévoit pour le personnel de l’entreprise SAUR :
- — des stages de caractère administratif, pour le personnel de bureau qui sont effectués soit au sein même de la Société, avec le concours de spécialistes exté-
rieurs, soit dans les Centres de Formation créés par les Chambres de Commerce, les Universités ou les Centres d'Enseignement, dans certaines écoles.
— des stages de caractère technique, destinés essentiellement au personnel d'étude, d'exploitation et de travaux : ce sont ces stages qui sont suivis au Centre « Pierre-Crussard ».
L'enseignement y est donné par les ingénieurs des services « Études et Travaux » et « Traitement des eaux », de SAUR. Il s'appuie largement sur des travaux pratiques, des essais et mesures, utilisant le matériel et des appareils conformes à ceux existant dans les usines et réseaux, ou des matériels de démonstration.
Quatre séries de stages techniques :
1. Stage de base : pour rappel de notions élémentaires de base dans le but d'acquérir un niveau de connaissances suffisant pour suivre avec profit les stages spécialisés. • Durée : 5 jours. • Effectif par stage : 10 personnes. • S'adresse aux agents de secteur et aux employés d'exploitation. • Programme : arithmétique, physique, établissement et lecture d'un plan, compteurs d'eau, perte de charge, mesure du chlore résiduel, pompage, entretien d'un véhicule, hygiène et sécurité du travail (à partir de films).
2. Stage d'hydraulique : pour réviser et compléter certaines notions d'hydraulique et se familiariser avec la manipulation de certains appareils, pour permettre de mieux comprendre le fonctionnement des réseaux et faciliter la détection des anomalies. • Durée : 5 jours. • Effectif par stage : 8 personnes. • S'adresse aux chefs de centre et chefs de secteur, ainsi qu'aux agents de secteur et employés d'exploitation. • Programme : pression et écoulement dans les conduites, perte de charge, pompage, mesures des débits, niveaux et dépression, coups de bélier, appareils hydrauliques, compteurs d'eau, recherche de fuites ; exercices pratiques en laboratoire.
3. Stage d'électricité : pour réviser et compléter certaines connaissances théoriques et certaines utilisations d'appareils de mesure dans le cadre de la mise au point, de l'entretien et du dépannage des installations électromécaniques. • Durée : 5 jours. • Effectif par stage : 8 personnes. • S'adresse aux électriciens de montage et d'entretien et aux chefs de secteur désireux d'accroître leurs connaissances dans ce domaine. • Programme : notions fondamentales, appareils de mesure, moteurs électriques, machines, appareillage électrique, entretien du matériel, dépannage ; exercices pratiques en laboratoire : établissement des courbes d'une pompe, visite d'une plate-forme d'essais.
4. Stage de chimie : pour se familiariser avec les principales manipulations nécessaires aux opérations de contrôle dans les usines d'eau potable ou les stations d'épuration d'eaux usées. • Durée : 5 jours. • Effectif par stage : 8 personnes. • Programme Eau potable : pratique des principales analyses physico-chimiques, pratique des essais de floculation, mise à l'équilibre de l'eau ; visite d'une usine de traitement complet. Eaux usées : pratique des principales analyses ; visite détaillée d'une station d'épuration.
Tous ces stages se déroulent en une semaine du lundi matin au vendredi soir. Les repas de midi sont pris en commun et l'hébergement des stagiaires est assuré à l'hôtel.
Pour les trois stages spécialisés, l'admission est subordonnée au résultat d'un test pour les candidats n'ayant pas suivi le stage de base.
CONCLUSION : UNE RÉUSSITE ET UN EXEMPLE
Il est dit que Moïse est mort en vue de la Terre Promise et n'a pas connu la récompense d'y entrer avec son peuple. Pierre Crussard, lui, aura été enlevé au moment où le Centre National de Formation Professionnelle qui désormais porte son nom allait commencer à remplir sa vocation.
Le législateur de la Formation Professionnelle Continue de 1971 a organisé et dépassé des vues qui sont le droit fil de la pensée du président-fondateur de SAUR et grande est la chance de son personnel de bénéficier d'un tel instrument professionnel et humain, aussi efficace qu'agréablement implanté.
Tandis que l'on aborde, à la rentrée d'octobre, l'an II des stages techniques et que les premières dynasties de stagiaires vont continuer à se succéder, on peut penser que l'œuvre si heureusement entreprise est en excellente voie de développement et qu'au rythme actuel le cap des 5 000 stages sera dépassé quand SAUR célébrera son cinquantenaire en 1983.
A. WAUQUIER.