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Le carbone organique contenu dans les effluents, source de protéines et d'énergie

30 mai 1983 Paru dans le N°74 à la page 23 ( mots)
Rédigé par : C CAMILLERI et S-g N

Depuis des décennies, on a cherché à se débarrasser de la pollution contenue dans les rejets industriels et urbains en la détruisant. Plus rarement, certaines matières valorisables en ont été extraites (lactose, matières tartriques, sucres, engrais) ; or l’essentiel de la pollution rejetée dans les effluents liquides est constitué de matière carbonée qui est seule prise en compte dans la mesure de la DBO. La destruction de cette matière est effectuée le plus souvent par voie biochimique aérobie, essentiellement par oxydation du carbone en CO?, ce qui procure l’énergie nécessaire au métabolisme des micro-organismes. C’est pourquoi l’appréciation de cette pollution est faite par la mesure des demandes chimiques ou biochimiques en oxygène, estimation pratique mais qui souligne bien l’intention a priori de détruire le carbone. Or cette destruction, outre qu’elle consomme de l’oxygène, nécessite un apport énergétique non négligeable. Ceci est d’autant plus difficile à accepter de nos jours que le carbone présente une valorisation intéressante.

DESTRUCTION DU CARBONE

De multiples procédés sont utilisés pour la destruction du carbone, en particulier les boues activées, les filtres bactériens ou les lagunes aérées.

Les rendements recherchés sont compris entre 90 et 99 % ; les rendements réels sont souvent inférieurs.

Les consommations, sans compter le traitement des boues, s’étalent entre 0,3 kWh par kilogramme de matière oxydable éliminée pour les procédés les plus performants comme les lits bactériens et 2 kWh pour les lagunes aérées.

Les techniques les plus utilisées sont les procédés dits « à boues activées », à faible ou moyenne charge dont la consommation s’établit, en moyenne, à 1,15 kWh par kilogramme de MO éliminée et la production de boue de 0,20 kg à 0,30 kg par kilogramme de MO.

Cette boue, dont la concentration ne dépasse pas 2 %, constitue une lourde sujétion.

Pour la pollution industrielle française traitée à 90 %, les boues représenteraient un volume journalier d’environ 70 000 m³.

Dans une épuration biologique, en moyenne, 72 % du carbone est oxydé en CO₂ et 18 % est transformé en matière organique vivante constituant les boues.

Ces installations représentent un investissement lourd.

VALORISATION DU CARBONE

L’idée de récupérer le carbone n’a fait un réel chemin que très récemment.

En fait, les faibles coûts de l’énergie pratiqués avant le choc pétrolier, la difficulté apparente de cette récupération et peut-être également l’habitude sont à l’origine de ce retard.

La récupération du carbone imposera vraisemblablement, à terme, le remplacement du concept de DBO par celui de carbone organique.

Trois solutions permettent aujourd’hui une récupération du carbone en vue de sa valorisation :

  • - concentration pour l’utilisation sous forme d’engrais, si le carbone est associé à une quantité suffisante d’azote, de phosphore ou de potassium ou pour récupérer de l’énergie par incinération du concentrat,
  • - transformation du carbone en protéines alimentaires par fermentation aérobie,
  • - transformation en méthane pour la production d’énergie.

Examinons ces différentes possibilités.

RÉCUPÉRATION SOUS FORME CONCENTRÉE

Evaporation multi-effets

La concentration par évaporation multi-effets a constitué l’une des premières tentatives d’échapper à l’habitude que constituaient les traitements biologiques.

Elle permet d’obtenir des taux d’épuration de 90 à 95 % suivant les effluents et le type d’évaporateur mais, compte tenu du coût de l’énergie, elle ne présente aujourd’hui d’intérêt que pour les effluents très concentrés, bien que les investissements soient inférieurs aux procédés biologiques.

Pour un évaporateur de quatre effets, on consomme, en moyenne, 24 kg de fuel par tonne d’eau évaporée ; soit 90 kWh par mètre cube traité.

On peut obtenir en général un concentrat à 50 % de matières sèches.

En définitive, sur le plan énergétique, l’évaporation multi-effets n’est compétitive avec l’épuration biologique que pour des effluents comportant au moins 50 g/l de matières sèches ce qui limite considérablement son champ d’application et il est bien difficile, aujourd’hui, compte tenu du prix de l’énergie de justifier un évaporateur cinq effets pour une DCO inférieure à 40 g/l.

L’augmentation du nombre des effets diminue la consommation mais augmente l’investissement ; cependant il semble que l’on ait intérêt aujourd’hui à concevoir des évaporateurs ayant au moins six effets.

Evaporation à compression de vapeur

notamment la compression mécanique qui a fait des progrès considérables au cours des dernières années. Une telle évaporation à un seul effet peut descendre à des consommations de l’ordre de 25 kWh par tonne d’eau évaporée sans utilisation de vapeur. Bien que l'investissement soit supérieur à l'évaporation cinq effets, le bilan est nettement moins négatif.

Incinération

Certains ont envisagé d’incinérer ou de pyrolyser le concentrat et ainsi de récupérer de l’énergie. Les concentrats à 500 g/l ont des PCI sur sec de l’ordre de 3 000 et l’incinération permet une récupération d’environ 70 %. Malheureusement, à moins qu’il ne soit possible d’utiliser le concentrat directement dans les brûleurs d'une chaudière existante, ce qui est rarement possible, le coût élevé des incinérateurs compromet en général cette solution sur le plan financier, mais elle présente l'intérêt de ne produire qu’un faible volume de cendres.

PRODUCTION DE PROTEINES ALIMENTAIRES

Levures

La production de levures, comme source de protéines intracellulaires, est possible avec la plupart des substrats organiques à base de carbone, à condition que ceux-ci ne contiennent pas de toxiques (métaux lourds notamment). Il est le plus souvent nécessaire de procéder à une première concentration pour obtenir un rendement suffisant. Cette concentration peut être obtenue par osmose inverse, ou évaporation. Pour obtenir un bon rendement, il convient de réaliser les transferts de masse (oxygène et substrat) à vitesse suffisante, ce qui nécessite un apport d’oxygène ou d’air important et une grande agitation.

Nous avons obtenu, à partir de vinasses de vin blanc, après concentration trois fois, par fermentation d’une levure monocellulaire Torula, une production de 7,48 kg par mètre cube de vinasses, soit 0,250 kg de levures par kilogramme de DCO. La levure obtenue contenait 50 % de protéines et présentait une valeur alimentaire identique au soja, avec une bonne digestibilité et une absence de toxicité. 50 % du carbone est utilisé dans la fermentation pour la production de la matière cellulaire et du CO₂. Par contre, la consommation énergétique est élevée, en raison d’une part de l’agitation mécanique nécessaire et d’autre part du séchage des levures produites. L’investissement est également élevé et il est nécessaire de préchauffer et de stériliser ou de pasteuriser le substrat pour éliminer toute contamination. Cependant, cette opération peut être combinée avec l'évaporation préalable. Pour obtenir l’épuration on peut évaporer le substrat épuisé ou le méthaniser, comme nous le verrons plus loin. Dans tous les cas il ne semble pas intéressant d’incinérer le concentrat, qui a perdu 50 % de sa valeur énergétique.

Protéines extracellulaires

Les levures ne sont pas les seules sources de protéines possibles à partir des substrats carbonés. On produit directement certains acides aminés de valeur alimentaire très intéressante comme la lysine à partir de la fermentation de micro-organismes (corynebactéries). De plus, certaines protéines valent plus cher que la levure qui présente souvent des lacunes en acides aminés. Le bilan serait donc plus favorable.

Il faut séparer ces protéines qui sont sous forme soluble, d’une part, des matières en suspension (en particulier des micro-organismes en excès) et, d’autre part, des sels qui peuvent être en abondance. Cela est possible par une clarification suivie d’une ultrafiltration. Ces opérations augmentent bien sûr le coût d’investissement. L’utilisation de fermenteurs à film fixé, du type de celui développé par nos soins, devrait permettre une réduction du temps de séjour et des investissements.

PRODUCTION D’ENERGIE

Fermentation méthanique

La fermentation méthanique est connue depuis longtemps, mais elle n'a pas trouvé de débouchés, en dehors de la stabilisation des boues biologiques, jusqu'à une période récente par suite du faible coût de l’énergie, de la nécessité de chauffer des effluents à des valeurs voisines de 35 °C et surtout des longs temps de séjours nécessités par cette fermentation. En effet, l'une des caractéristiques de la méthanisation est un faible taux de synthèse cellulaire, ce qui présente l’avantage de ne produire que peu de boues par rapport aux processus aérobie mais a l'inconvénient de limiter la biomasse, ce qui conduit à une fermentation lente. Cette fermentation peut s’effectuer soit à basse température (35 °C fermentation mésophile), soit à haute température (55 °C fermentation thermophile). Cette dernière ne semble pas encore au point actuellement.

La fermentation s’effectue en deux étapes, la première transformant la matière organique en acides volatiles gras et la deuxième transformant ces acides en méthane et gaz carbonique.

La première étape est complexe mais assez rapide et aboutit, en simplifiant, à la formation d’un ensemble d’acides gras (acétique, propionique, butyrique, valérique, lactique, caproïque, etc.) de gaz carbonique et d’hydrogène.

La deuxième étape, effectuée par des bactéries méthanogènes strictement anaérobies dont les souches sont peu nombreuses, est une étape lente et également complexe, certains micro-organismes transformant directement les acides en méthane et en bicarbonate, d’autres réduisant le gaz carbonique en méthane et eau. Enfin, dès que le substrat contient les éléments leur permettant de se développer, il apparaît aisément dans ces milieux réducteurs des bactéries sulfito-réductrices ou dénitrifiantes, produisant respectivement de l’hydrogène sulfuré ou de l’azote.

Pour réaliser les deux étapes de la fermentation méthanique, on peut utiliser deux capacités en série, mais on peut également effectuer les deux opérations dans

un fermenteur unique appelé « entièrement mélangé ». La charge volumique ne dépasse pas 3,4 kg de DCO par mètre cube de fermenteur et par jour avec une production de biogaz de l’ordre de 1,8 m³ par mètre cube de fermenteur et par jour. Il faut ajouter au bilan positif de la méthanisation une production de boues 4 à 5 fois plus faible que celle des procédés aérobies, boues parfaitement stabilisées et n’ayant rien perdu de leurs qualités agronomiques, si elles en possédaient.

Les procédés de méthanisation à recyclage de boues

Ces procédés ont permis d’améliorer la rapidité de la fermentation en limitant la perte de biomasse avec le liquide traité. On peut soit retenir la biomasse au maximum dans le fermenteur par une alimentation « up flow » régulière et lente qui laisse décanter la biomasse dans le fermenteur, soit, comme dans le contact méthanisation, la décanteur à l’extérieur et la recycler dans l’appareil, comme on le fait avec des boues activées, et l’on a pu obtenir des valeurs maximum de 7 kg de DCO par mètre cube de fermenteur et par jour. La limitation provient dans le premier système de l’impossibilité d’assurer l’agitation nécessaire au transfert de masse dans un système en décantation et dans le deuxième système de la difficulté de décantation des boues qui sont chargées de gaz. Une amélioration peut être apportée par la flottation, mais celle-ci doit s’effectuer avec du méthane, le CO₂ étant un gaz qui ne permet pas d’obtenir un bullage suffisamment fin pour permettre la flottation.

Procédé de fermentation SGN à film fixé sur un support libre

L’idée de fixer la biomasse à l’intérieur du réacteur, comme dans les systèmes aérobies dits « lits bactériens », ne s’est développée que récemment. Pour éviter tout risque de bouchage, nous nous sommes orientés vers un support en PVC à remplissage en vrac et la technologie utilisée permet une liberté du support dans le réacteur. Les essais ont été menés sur une période de trois ans en collaboration avec l’Institut des Recherches Agronomiques de Narbonne et ont permis sur des fermenteurs pilotes de 25 litres d’obtenir une production de biogaz de 6 l par litre de fermenteur et par jour avec une charge de plus de 12 kg de DCO par fermenteur et par jour à partir de différentes vinasses de distilleries, notamment vinicoles. Ces chiffres remarquables nous ont amenés à construire et à exploiter pendant une campagne un pilote industriel d’un volume utile de 16 m³ sur effluents de distilleries à la Société Interprofessionnelle de l’Armagnac.

[Photo : Pilote de méthanisation de Condom. Vue générale.]

Les résultats de ce pilote ont dépassé ceux du laboratoire et l’on a pu obtenir une réduction de la DCO de 90 % et une production de 7,8 m³ de biogaz à 66 % de méthane pour une alimentation à 14,5 kg DCO par jour et par mètre cube de fermenteur utile (fig. 1). À ce point, la courbe ne présente pas encore d’inflexion et l’on peut supposer que ces valeurs auraient été dépassées si la pompe d’alimentation installée avait permis d’augmenter le débit au-delà des 30 % de marge que nous avions prévues et que nous n’espérions pas dépasser. Durant la campagne 82-83, de nouveaux essais devraient permettre de déterminer les limites du procédé. Malgré le temps de séjour faible (1,6 jour pour une concentration en DCO de 22 g/l), on a pu obtenir une production de méthane de 350 litres par kilo de DCO, avec une réduction de la DCO soluble de plus de 90 %. La production de boues en excès a été très faible et n’a pas, en général, dépassé 30 à 50 g par kilo de DCO, soit en moyenne 0,05 kg/kg MO.

Un traitement aérobie de finition, également sur film fixé, a permis de porter le rendement de l’épuration à 98 % pour une faible consommation supplémentaire ; ce procédé s’applique à de nombreux effluents liquides biodégradables. Quant aux matières solides qui peuvent être tolérées si elles ne dépassent pas une quantité de quelques pourcentages ni une taille de quelques millimètres, elles ne sont que peu dégradées comme dans tout système à haute charge.

Pour le traitement des effluents liquides à charge organique, la fermentation méthanique à film fixé apparaît comme une solution dont la seule limite est la nécessité de porter les effluents à une température voisine de 35 °C. Pour les effluents chauds comme ceux des distilleries et certains autres effluents des industries agroalimentaires, il n’y a pas de limite à l’utilisation, d’autant plus que la fermentation méthanique, comme d’ailleurs l’épuration biologique, est pratiquement indépendante de la concentration ; les fermenteurs étant dimensionnés sur la charge volumique, c’est-à-dire sur la quantité de carbone apporté par unité de temps et par unité de volume de fermenteur. Pour les effluents froids, il est nécessaire de prélever

[Photo : Fig. 1. — Résultats donnés par le pilote de Condom.]

une partie du méthane produit pour réchauffer ceux-ci, ce qui évidem- ment nécessite une part de métha- ne d’autant plus importante que les effluents sont moins concentrés. Pour des effluents à 15 °C par exemple, le bilan énergétique ne devient positif que lorsque la DCO dépasse 8 g/l. On peut également envisager une fermentation métha- nique à une température inférieure. Des essais sont actuellement faits dans ce sens dans différents pays, mais l’activité anaérobie diminue très sensiblement avec la tempéra- ture. L’utilisation d’échangeurs de température entrée-sortie ayant un rendement suffisant (80 %) et une perte de charge faible semble apporter une meilleure solution. Il est intéressant de noter que dans ce cas le bilan (énergie + investisse- ment) de la méthanisation d’un effluent ayant une DCO de 1500 mg/l apparaît équilibré et qu’il faut descendre à moins de 700 mg/l de DCO pour que le pro- cédé devienne moins intéressant que l’épuration à boues activées. Or, la plupart des effluents indus- triels biodégradables ont une DCO supérieure à 700 mg/l et la majo- rité des effluents des industries agroalimentaires ont une DCO su- périeure à 1500 mg/l.

Dans le cas des effluents froids, la fermentation méthanique sur film fixé présente un avantage supplé- mentaire, celui d’une plus faible surface des appareils en contact avec l’atmosphère, donc d’une plus faible perte calorifique. Il y aura souvent intérêt, lorsque le cas se présentera, à séparer les effluents concentrés des effluents faiblement pollués qui pourront soit être reje- tés dans le milieu récepteur, soit être traités sommairement.

Création de la biomasse

Quel que soit le procédé de mé- thanisation choisi, il faut produire la biomasse nécessaire à cette fer- mentation. Les effluents provenant de distilleries sont plus ou moins stériles et il est donc nécessaire d’ensemencer le fermenteur au début avec des souches adaptées au substrat. La création de la bio- masse peut nécessiter plusieurs mois la première année, aussi faut- il la stocker entre deux campagnes, ce qui est particulièrement aisé dans le fermenteur SGN à film fixé, cette biomasse restant sur le gar- nissage. Sans alimentation, la bio- masse peut être ainsi conservée pendant plusieurs mois à l’abri de l’air. Il faut entre 15 et 20 jours pour atteindre le débit maximum après un arrêt de plusieurs mois.

Il est à noter que le procédé à film fixé peut s’appliquer avec suc- cès à la fermentation aérobie et no- tamment à la production à haut rendement des matières extracellu- laires.

UTILISATION DU BIOGAZ

Dans les effluents de distilleries vinicoles, dont la matière organique est en grande partie constituée de glycérol et d’acide lactique, le bio- gaz offre une teneur assez constan- te en méthane de 65 à 66 %, le reste étant composé essentielle- ment de gaz carbonique et de plus ou moins d’hydrogène sulfuré. La teneur de ce dernier composé dé- pend de la quantité de sulfates contenus dans les effluents. Cette quantité est plus importante pour les vinasses de vin rouge ou de lies que pour celles de vin blanc. L’éli- mination de l’hydrogène sulfuré ne s’impose que pour certaines utilisa- tions de gaz comme l’alimentation d’un moteur thermique ou de chau- dières en cuivre.

Nous avons testé différentes filié- res de purification du gaz sur le pilote de Condom, comme le char- bon activé, la dissolution sous pres- sion d’eau et l’épuration biochimi- que par des bactéries photo-syn- thétiques. L’élimination du gaz car- bonique est facile mais ne présente pas beaucoup d’intérêt, compte tenu du haut pouvoir calorifique du méthane. L’utilisation du biogaz, comme combustible dans les chau- dières, s’avère la plus intéressante chaque fois que l’industrie consom- me du fuel ou du gaz. C’est le cas des distilleries vinicoles ou de bet- teraves où la méthanisation peut fournir près de la moitié du carbu- rant utilisé pour la distillation. Dans certains cas, la combinaison de la méthanisation et de la compression mécanique de vapeur d’alcool, per- met de produire à partir des effluents près des deux tiers de l’énergie nécessaire à la distillation.

Le stockage du gaz peut être effectué en gazomètre à volume variable sous très faible pression ou en capacité rigide sous une pres- sion variable, ce qui nécessite la compression du biogaz et des dé- tendeurs avant utilisation.

La transformation du biogaz en électricité présente un avantage, notamment lorsqu’il est nécessaire de chauffer les effluents avant mé- thanisation. En effet, la chaleur né- cessaire à ce chauffage peut être récupérée sur les pertes du moteur thermique du groupe électrogène. Le rendement de transformation peut dans ce cas devenir excellent : suivant la taille du groupe électro- gène, on peut obtenir de 1 à 1,35 kWh net par kilo de DCO, ce qui représente, pour des substrats comme les vinasses, de 30 à 40 kWh par mètre cube.

UTILISATION DES PROTÉINES PRODUITES

Si l’utilisation du biogaz in situ est en général aisée et permet des unités de toutes dimensions, il faut bien remarquer qu’il n’en est pas de même des levures et des protéines ; il est en effet nécessaire de trouver un marché pour les écouler et je n’hésiterai pas à dire que c’est l’obstacle le plus difficile à franchir, ceci d’autant plus qu’un contrôle de la fabrication doit être mis en place.

La production de protéines paraît facilement applicable à de grosses installations pouvant traiter une im- portante quantité de substrats.

BILAN ET COMPARAISON DES DIFFÉRENTES FILIÈRES

Le tableau I montre les transfor- mations du carbone des différentes filières appliquées à des effluents de distilleries. Toutes les filières présentent, vis-à-vis de la dépollu- tion, des performances voisines qui peuvent, suivant les équipements, être comprises entre 90 et 95 %.

Tableau I

Bilan d’utilisation du carbone organique – Vinasses de distilleries

FILIÈRE Épuration biologique + énergie Évaporation Évaporation + levures Méthanisation
Vinasses 100 100 200 100
Rejet éliminé 10 5 5 10
Concentrat 95 45
Boues 18
CO₂ 72 10 25
CH₄ 50
Levures 40
Carbonates et divers 10

Tableau II

Distilleries vinicoles (taille : 200 hl/j D.A.P.)

10 hl de jus à 10 ° → 1 hl d’alcool pur9 hl de vinasse, 27 kg DCO

FILIÈRE Épuration biologique + énergie Évaporation 5 effets Évaporation + levures (3 étapes + pyrolyse) Compression mécanique de vapeur Compression mécanique + levures
Consommation – fioul (kg) 30 18 18 21 21
Production – méthane
Production – électricité/fioul 60 000 60 000
Production – levures 5 6
Bilan énergie (F/kg DCO) – 0,27 – 0,47 – 0,59 – 0,19 – 0,09
Investissement (F/kg DCO/j) 400 500 1 150 600 1 300
Bilan énergie + investissement* (F/kg DCO) – 1,09 – 1,38 – 1,78 – 0,87 – 1,25

*Amortissement : 7 ans – Intérêt : 13 %(kWh à 0,25 F – fioul à 1,25 F – MS levure à 3 F)

Dans l’épuration biologique et dans la méthanisation on peut pousser la performance jusqu’à 99 % mais l’investissement augmente en conséquence. Quant à l’évaporation, ses performances vis-à-vis de la dépollution dépendent essentiellement de la teneur initiale en matières volatiles. On voit sur le tableau I que la fermentation permet une conversion en méthane d’environ 50 % du carbone, alors que le pourcentage de carbone transformé en levure ne dépasse pas 40 %, mais dans ce dernier cas le concentrat contient encore 45 % du carbone. Les tableaux II et III montrent le bilan financier (hors personnel d’exploitation) des différentes filières, appliqué à une distillerie vinicole produisant environ 200 hl/j d’alcool pur et rejetant de 5 à 6 t/j de DCO.

Ces tableaux montrent sans ambiguïté que, compte tenu du prix élevé de l’énergie, la seule filière qui présente un bilan positif est celle de la fermentation méthanique sur film fixé. La solution la plus onéreuse est aujourd’hui celle de l’évaporation multi-effets, du moins lorsque le nombre d’effets ne dépasse pas cinq. L’incinération du concentrat ne semble pas intéressante, malgré un PCI important, ceci étant dû au prix des incinérateurs.

Quant à la production de levures, elle est pénalisée par le coût d’investissement dû en partie aux spécifications qualités alimentaires, mais surtout à la dépense énergétique pour la production et le séchage des levures. L’utilisation pour la concentration de la compression mécanique de vapeur améliore ce bilan, et si l’on pouvait vendre les levures à 85 % d’humidité, celui-ci serait nettement moins négatif et deviendrait positif si les levures pouvaient être vendues 3,20 F/kg de matières sèches (prix 1982), ce qui semble possible.

Le tableau IV montre le bilan financier d’une distillerie de betterave et de mélasse distillant 100 j/an. La DCO des vinasses de distillerie de mélasse est plus élevée que celle des vinasses de distillations de jus de betterave, mais les distilleries étant souvent mixtes, la moyenne correspond à celle des vinasses de distillation vinicole. Les bilans sont affectés par la faible durée de la campagne. Dans tous ces tableaux, n’ont été pris en compte ni le coût du personnel ni le coût de l’élimination des boues résiduelles. La diminution des redevances de pollution et l’aide à l’investissement n’ont également pas été comptées et celles-ci améliorent évidemment les bilans. Celui de la méthanisation à film fixé peut devenir, dans ce cas, nettement positif, même pour une distillerie de betteraves et mélasse.

Certains me reprocheront de n’avoir pas pris en compte dans cet exposé des techniques simples comme le lagunage naturel et l’épandage. En fait, l’utilisation de ces techniques dépend des conditions locales, comme la topographie, le climat, la géologie, qui en limitent sérieusement l’application.

TABLEAU III

DISTILLERIES VINICOLES (suite)

10 hl de jus à 10 °Brix → 15 kg de fuel → 1 hl d’alcool pur9 hl de vinasses — 27 kg DCO

FILIÈREÉvaporation 5 effetsCompression mécaniqueMéthanisation « contact »Méthanisation « film fixe »
Consommation fuel (kg)7,57,50,80,8
Bilan énergie (kWh / kg DCO)–0,33–0,34–0,34–0,35
Fang DCO (kg)7901 060530400
Investissement (kF)–1,26–0,75–0,21–0,07

kWh : 0,25 FF — kg fuel : 1,25 FF — kg levure : 3 FF

TABLEAU IV

DISTILLERIES (10 hl de jus → 1 hl d’alcool pur — 9 hl de vinasses : 27 kg DCO)

FILIÈREÉpuration biologique aérobieÉvaporation 5 effetsCompression mécaniqueMéthanisation « contact »Méthanisation « film fixe »
Bilan énergie (kWh / kg DCO)–0,27–0,87–0,19–0,34–0,34
Investissement (kF)800500650550400
Fang DCO (kg)–1,93–1,90–1,56–0,75–0,49

kWh : 0,25 FF — kg fuel : 1,25 FF — kg levure : 3 FF

et ne permettent pas de les comparer aux autres procédés qui sont d’application générale. Mais il est évident qu’il faut, dans chaque application, prendre en compte toutes les possibilités de traitement.

CONCLUSION

L’évolution des procédés d’épuration connaît aujourd’hui, avec la fermentation méthanique, notamment celle utilisant le film fixé, un tournant décisif. En effet, l’obstacle majeur de la lutte contre la pollution était son coût sans que, dans la plupart des cas, celui-ci puisse être compensé par une production quelconque. Assisté par des aides publiques et contraint par les réglementations, ce domaine était devenu particulièrement fragile en temps de crise économique.

Des différentes solutions applicables au traitement des effluents, on notera que, dans pratiquement tous les cas, l’épuration biologique et la concentration thermique sont des solutions coûteuses. La valorisation du concentrat ne permet pas une amélioration suffisante. Par contre, la fabrication de protéines, si celles-ci pouvaient être utilisées sous forme humide et surtout la fermentation méthanique, apportent des solutions nouvelles nettement plus économiques.

Comparée à l’épuration biologique à boues activées, la fermentation méthanique à film fixé apparaît, dans beaucoup de cas, plus intéressante, même sur des effluents froids et assez peu concentrés, sans compter l’avantage incontestable qu’elle apporte sur le plan de la quantité de boues à éliminer. Cependant, il faudra vérifier que les temps de séjour très courts qui en découleront n’affecteront pas, d’une manière rédhibitoire, le rendement de réduction de DCO et celui de la production de méthane. Pour un effluent à 1 g/l de DCO, il faudra, en effet, descendre à des temps inférieurs à deux heures. Si la réponse est positive, alors même les effluents urbains seront à la portée de cette technologie.

Notons que cette technologie est également applicable à la production de protéines par fermentation.

Avec la production de méthane et, dans une certaine mesure, celle de protéines à partir des effluents, on peut dire que les procédés de destruction du carbone utilisés exclusivement jusqu’à aujourd’hui deviennent, dans de nombreux domaines, des technologies du passé qui ont caractérisé une époque où l’on considérait pratiquement que l’énergie et les matières premières étaient inépuisables et sans valeur. Cette époque est heureusement révolue. C’est une chance pour le domaine de l’environnement, sur le plan duquel j’ai délibérément placé ces propos, à condition toutefois que les pouvoirs publics apportent, à dépollution égale, aux installations construites avec ces technologies, les mêmes aides tant à l’investissement qu’à l’exploitation que celles accordées aux stations d’épuration, sinon ce serait, évidemment, contraire à l’intérêt général.

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