Dans les pays industrialisés, le volume de déchets végétaux par habitant tend à augmenter pour plusieurs raisons, dont les suivantes :
- — l'amélioration de la qualité du milieu de vie, qui se traduit par le passage progressif d'une architecture minérale à une architecture paysagère, les services techniques municipaux contribuant largement à donner au végétal la place qu'il mérite dans une société qui s'urbanise ;
- — le développement rapide de la construction individuelle, avec son jardin d’agrément ceinturé par une protection végétale ;
- — l'intérêt croissant porté au jardinage amateur, dans une société où les loisirs occupent une place de plus en plus grande.
Ces déchets, résultant de l'entretien et du renouvellement des espaces verts, zones récréatives, parcs et jardins, terrains de sport... des collectivités territoriales, des organismes publics ou parapublics (sociétés H.L.M., universités, par exemple), des particuliers et des sociétés privées, proviennent notamment de tontes de pelouse, de feuilles mortes (dont celles des arbres d’alignement), de tailles de haies, d’arbustes, de résidus d'élagage et d’entretien de massifs, des apports en déchetterie, de déchets des jardins des particuliers (récupérables en collecte séparée), etc.
D'une façon générale, leur degré de pureté justifie leur aptitude à subir un traitement par compostage et l’on doit veiller à ne pas les mélanger avec d'autres déchets.
Les déchets végétaux des collectivités : une situation aujourd'hui peu satisfaisante
Au niveau des services techniques, la gestion de ces déchets végétaux est éclatée et les volumes sont difficiles à évaluer et généralement sous-estimés. Pour mieux situer ces flux et les enjeux économiques, une enquête nationale auprès des villes a été menée en 1988-1989 par le C.E.M.A.G.R.E.F. à la demande du ministère de l'Environnement et de l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets – Les Transformeurs.
À titre d’exemple, une ville de 100 000 habitants génère une montagne annuelle de 10 à 15 000 m³ de déchets végétaux en vrac collectés de façon saisonnière, notamment au printemps (tontes de gazon) et en octobre-novembre.
Les formes les plus courantes d'élimination génèrent des nuisances de plusieurs ordres :
- Pour le milieu naturel : odeurs, fumées, ruissellement de jus riches en azote, accumulation de tas à la périphérie des villes favorisant l'émergence d’amas de détritus, voire de véritables décharges sauvages.
- Pour la gestion des centres de traitement : remplissage rapide des décharges ; saturation saisonnière des unités de traitement des ordures ménagères et perturbation de la combustion dans les incinérateurs.
Ces difficultés d’exploitation, imputables à la présence des déchets végétaux, situent tout l'intérêt représenté par un traitement séparé, d’autant plus facile à envisager avec les déchets végétaux des services techniques municipaux et des entreprises qu'ils sont déjà collectés séparément. Face aux difficultés que rencontrent les collectivités figées avec leur modèle unique de traitement des déchets ménagers, un traitement séparé constitue un premier pas vers une gestion plus rationnelle des flux, solution d’avenir comme en témoignent certaines collectivités où se combinent unité d'incinération, centre d’enfouissement technique et plate-forme de compostage.
À ces nuisances, s'ajoute paradoxalement la perte de la matière organique : alors que la nature ne connaît pas de déchets et « boucle » son cycle, l'agriculture spécialisée d’aujourd’hui affiche un bilan négatif en humus, en particulier en maraîchage, arboriculture et viticulture, et les espaces verts des villes implantés sur des substrats pauvres seraient avantageusement revégétalisés.
Une solution d’avenir :
Mais d’abord qu’est-ce que le compostage ?
Le compostage est une bio-oxydation, c’est-à-dire un processus microbiologique de dégradation de matières organiques en présence d’oxygène.
Il conduit pour les fractions organiques simples (sucres, protéines, hémicellulose, …) à des produits minéraux : CO₂ – H₂O – NO₃ (nitrates), … ; pour les fractions organiques complexes (lignine, lignocellulose), à des substances humiques ou préhumiques, plus stables, qui vont avoir tendance à s’accumuler au cours du compostage.
Le produit final, le compost, est donc composé en majeure partie d’une matière organique dite stabilisée et de substances minérales. Au plan agronomique, il correspond en l’état à un amendement organique même s’il peut parfois être utilisé pour la confection de supports de culture.
Son application aux déchets végétaux
En matière de déchets végétaux, le terme broyage-compostage reflète la nécessité et l’importance de cette phase de broyage qui va modifier profondément les caractéristiques de la biomasse collectée.
Chaque type de déchets végétaux urbains se caractérise par sa période de production, sa présentation, sa nature et sa composition élémentaire, les deux derniers points définissant son aptitude au compostage où l’on distingue deux extrêmes :
- — Les déchets d’élagage : inaptes isolément en raison de leur caractère ligneux et surtout de leur foisonnement. Après broyage, les déchets d’élagage peuvent être compostés. Ils évoluent alors lentement, si le rapport C/N initial n’est pas rectifié.
- — Les tontes de pelouse : inaptes également isolément en raison de leur teneur en eau trop élevée et de leur sensibilité au tassement (anaérobiose).
Les autres catégories intermédiaires présentent également d’autres handicaps :
- trop fort foisonnement pour les déchets de taille,
- sensibilité au tassement pour les feuilles mortes.
Le traitement conjoint vise à utiliser les défauts et qualités respectifs de chaque catégorie et il convient d’ajuster ainsi l’aération, l’humidité et le rapport C/N du mélange.
Où en est-on et quels sont les avantages de ce système ?
Si les feuilles mortes indemnes d’impureté sont compostées dans deux villes sur trois, le broyage-compostage de l’ensemble des déchets végétaux est encore marginal à ce jour en France, alors que les plate-formes de broyage-compostage apparaissent dans la plupart des pays voisins et aux États-Unis. Plusieurs collectivités ont opté pour cette solution car elle apporte une réponse positive à leurs difficultés en matière de traitement de leurs déchets végétaux :
- suppression des nuisances causées par les formes classiques d’élimination ;
- accès offert pour les entreprises à la plate-forme de broyage-compostage à un prix incitatif par rapport à la mise en décharge ;
- production d’un amendement de qualité utilisable pour la revégétalisation des sols urbains, souvent pauvres, et la création de nouveaux espaces verts ;
- coût de traitement sensiblement inférieur à la mise en décharge contrôlée, compte tenu des recettes provenant éventuellement de la vente du produit, du droit d’accès des entreprises sur la plate-forme et des économies induites (temps consacré au brûlage…) ;
- préservation des sites de mise en décharge qui deviennent de plus en plus rares.
Mais, si le broyage-compostage des déchets végétaux des collectivités apparaît a priori simple et séduisant, sa mise en œuvre nécessite l’acquisition d’équipements adaptés sur un espace largement dimensionné et une gestion rigoureuse pour pouvoir élaborer une matière fertilisante de qualité commercialisable ou utilisable en auto-consommation.
Ce sont trois années de recherches et d’expérimentations poussées, de rencontres avec de nombreux partenaires étrangers, de recherche de matériel adapté, de suivi mois par mois de l’évolution de la dégradation de la matière organique dans les andains qui autorisent les Transformeurs à promouvoir le procédé décrit ci-dessous.
Le procédé « Végéterre »
Le procédé
C’est une chaîne d’interventions qui se déroulent sur une plate-forme close et gardiennée aux heures d’ouverture, le personnel d’exploitation devant être particulièrement vigilant pour n’accepter que des chargements indemnes d’impuretés. Les pointes de production de déchets verts conduiront à isoler des lots de natures différentes en respectant des dosages appropriés pour régulariser par la suite la qualité du produit final et à les traiter en temps utile pour planifier la répartition des travaux tout au long de l’année.
L'exploitation repose sur l'organisation de la mise en œuvre de quatre chantiers élémentaires :
- * réception-stockage des déchets d’espaces verts,
- * déstockage-broyage-arrosage-mise en andains,
- * retournements (et arrosage si nécessaire),
- * mise en maturation,
qu'il convient d’agencer suivant un planning précis et cohérent. Les déchets d'espaces verts doivent notamment être traités par lots identifiés (12 lots mensuels par exemple).
Cet enchaînement d’opérations associant un savoir-faire et une technologie adaptée sur une matière vivante, initialement composée de matériaux très hétérogènes, confère au procédé breveté par l'ANRED un véritable statut de biotechnologie qui, par le biais du contrôle du mélange, des températures, de l'humidité et des interventions programmées en fonction des objectifs de production, va aboutir à un produit final qui occupe une position enviable sur le marché des amendements organiques.
La plate-forme et ses équipements
Une adaptation au cas par cas est indispensable pour prendre en compte à la fois le contexte topographique, mais aussi les nombreux autres paramètres susceptibles d'influencer le choix de l'implantation. En fonction de la qualité du produit final visée, du niveau d’investissement acceptable pour la collectivité et de la taille du projet, les choix d’équipements doivent être étudiés avec soin pour donner une cohérence d’ensemble au projet. Il va de soi qu’il serait aberrant d'acquérir un broyeur de forte capacité pour une ville moyenne sans s'assurer des besoins en génie civil, criblage, manutention...
Le produit final
À l'issue de la maturation, l'amendement organique obtenu est grossier et sera par la suite plus ou moins affiné en vue d’élaborer un ou plusieurs produits adaptés à diverses utilisations. En tout état de cause, la constance de composition de l'amendement brut doit être recherchée et peut être assurée en respectant les principes de conception et de gestion de l’unité de traitement.
La teneur en matière organique est l’élément le plus important et on cherchera à conserver une teneur maximale en observant les recommandations suivantes :
- — limiter la présence de terre ou sable en travaillant sur des aires propres ;
- — contrôler la teneur en eau, en maintenant un seuil minimum pour assurer un déroulement normal du processus de dégradation de la matière organique ;
- — limiter le temps du cycle de compostage tout en obtenant un produit suffisamment évolué du point de vue agronomique ;
- — limiter l'influence des précipitations sur le produit final : abri, hangar...
On apprécie la maturité du produit non pas sur le rapport C/N, mais d’une part sur l'évolution du rapport C/N au cours du process et d’autre part sur l’évolution conjointe du taux de carbone et du taux d’azote. Cela nécessite d’opérer un suivi régulier des andains en cours de compostage.
Les teneurs en métaux lourds (Ni, Pb, Hg, Cd) restent largement en-deçà des valeurs de référence pour les boues et les composts en France et dans les pays voisins.
On peut retenir la composition moyenne de la masse brute figurant au tableau I (en kg/t).
Tableau I
Éléments | Compost végétal | Fumier de ferme |
---|---|---|
Matière sèche | 55 % | 20 à 25 % |
C orga/NTK | 12 | 7 |
Matière organique | 250 à 350 | 180 |
Azote total Kjeldhal | 8 | 45 |
P₂O₅ | 3 | 3 |
K₂O | 9 | 5 |
CaO | 20 | 37 |
MgO | 3 | 0,9 |
Quelques éléments économiques
Sur la base d’un projet dimensionné pour traiter annuellement 10 000 m³ de déchets végétaux, les investissements à prévoir sont évalués sur le tableau II en distinguant d’une part les matériels à mettre en œuvre, d’autre part les infrastructures à caractère obligatoire et les « options », facilitant le travail ou améliorant la qualité et les conditions de travail.
Tableau II
Désignation | Coût en F HT (1990) | Totaux |
---|---|---|
Matériels | ||
* tracteur agricole équipé ou chargeur | 250 000 | |
* broyeur autonome | 220 000 | |
* unité de criblage | 210 000 | |
* benne à gravats | 20 000 | |
700 000 | ||
Infrastructures minimales | ||
* aménagement des aires | 320 000 | |
* canalisations, prises d'eau | 60 000 | |
* box à gravats (quai d'accès) | 20 000 | |
400 000 | ||
Options | ||
* aménagements extérieurs | 100 000 | |
* aire de fermentation bitumée | 150 000 | |
* hangar agricole (stockage, criblage) | 200 000 | |
450 000 | ||
TOTAL | 1,1 à 1,55 MF |
Conclusion
Il apparaît donc que le traitement des déchets végétaux urbains et de jardins par broyage-compostage offre une alternative face à l'essoufflement des filières d’élimination des déchets, supprimant les nuisances pour l'environnement et pour la gestion des unités de traitement, à un coût sensiblement inférieur à la mise en décharge contrôlée, ce coût pouvant être couvert partiellement par la vente de l'amendement et les économies indirectes (temps consacré au brûlage...).
La plate-forme offre par ailleurs un service aux administrés et entreprises en leur laissant l’accès gratuitement ou à un prix attractif pour se débarrasser proprement et intelligemment de tous les déchets végétaux exempts d'impuretés.
Enfin, elle reflète l'image d'une collectivité innovante qui sait maîtriser ses ressources propres en produisant une matière fertilisante de bonne qualité, qu'elle peut utiliser pour ses propres besoins ou commercialiser, les cultures spécialisées (maraîchage, viticulture et arboriculture) affichant en effet un déficit en humus... juste retour des choses.