Plus récemment, les municipalités ont saisi l’intérêt de l’alimentation de flottes captives avec le biogaz issu de la digestion des boues de station d’épuration, et souvent ceci n’a pas été couronné de succès. L’amélioration des connaissances et des techniques a permis de passer à un développement des procédés plus matures industriellement et cette filière est devenue une voie fiable de valorisation du biogaz. De grandes sociétés françaises ont pris son développement en main. Le biogaz carburant en est à son début et les applications se révèlent étonnantes : en Suède on fait bien rouler un train au biogaz ! (René Moletta, Moletta Méthanisation).
Avec l’adoption du Paquet Climat, les pouvoirs publics ont pris l’engagement que 10 % de la consommation de carburants en France seront issus de sources renouvelables en 2020.
Aujourd’hui, ils sont confrontés à la double problématique suivante :
- - Les biocarburants de 1ʳᵉ génération ne suffiront pas, à eux seuls, à atteindre ces objectifs et leur bilan environnemental est mis en doute.
- - Les biocarburants de 2ᵉ génération sont prometteurs mais ne seront pas industriellement disponibles en 2020.
Le biométhane carburant apporterait la solution à cette double problématique. En effet :
- - Il dispose d’un panel de ressources important : captage en ISDND (Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux), méthanisation de déchets organiques et, demain, gazéification de biomasse ligneuse.
- - Il présente la même composition que le gaz naturel et bénéficie ainsi des mêmes qualités que le Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) (très peu de polluants locaux tels que particules, oxydes d’azote, bruit, etc.), avec en plus un bilan sur les gaz à effet de serre dopé par son origine renouvelable.
- - En termes de sécurité, il bénéficie également de l’expérience de la filière GNV sur les véhicules et les stations, avec une réglementation qui rend cette filière sûre et compétitive.
Considéré comme le biocarburant de seconde génération disponible dès aujourd’hui, il permettrait à la France d’atteindre l’objectif de 10 % d’ENR dans le secteur des transports, en complémentarité avec les biocarburants de 1ʳᵉ génération. Le biométhane, avec le GNV, présente donc d’importants atouts pour figurer en bonne place dans le panel des carburants alternatifs en France.
Le biométhane est un gaz produit à partir de ressources renouvelables, qui a été épuré de façon à avoir une composition similaire à celle du gaz naturel. Il peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel et/ou être utilisé comme carburant dans les véhicules GNV : on le nomme alors biométhane carburant.
Le biométhane peut avoir deux origines : le biogaz produit par réaction biologique (la méthanisation ou fermentation anaérobie) et le gaz de synthèse produit par un procédé thermique (la gazéification). La méthanisation et la gazéification sont
La production du biométhane, carburant vert issu de ressources variées
Le biométhane carburant peut avoir deux origines :
- Le biogaz est produit par réaction biologique, la fermentation anaérobie de la matière organique présente dans différents types de substrats plutôt humides et issus de secteurs variés (déchets agricoles, effluents industriels, boues de station d’épuration, fractions fermentescibles des ordures ménagères, voire cultures énergétiques…). Ce processus de dégradation peut se dérouler soit spontanément dans les ISDND, soit de manière contrôlée dans des digesteurs.
- Le gaz de synthèse est produit par un procédé thermique, la gazéification, suivi d'une étape de méthanation (conversion catalytique) destinée à enrichir le gaz de synthèse en méthane. Ce procédé permet l'utilisation de biomasse sèche et ligneuse telle que le bois ou la paille.
Biogaz et gaz de synthèse doivent subir une phase d’épuration poussée pour devenir du biométhane et présenter la même composition que le gaz naturel.
[Figure : Les différentes voies de production du biométhane carburant. Actuellement en France, les % de la production de biogaz sont issus de la filière des ISDND.]
La méthanisation et la gazéification sont deux voies de production de gaz renouvelables complémentaires, aux maturités et ressources différentes :
- La méthanisation est disponible dès aujourd'hui. Il s'agit d'une filière de proximité car elle repose essentiellement sur des substrats humides, donc transportables sur des distances limitées. Avec des unités de taille réduite (quelques dizaines de GWh/an), la méthanisation est une filière de développement local. Outre les déchets et effluents, certains types de cultures énergétiques (ex. : sorgho) peuvent être méthanisés. À moyen terme, le potentiel pourrait être encore accru par la digestion d'algues.
- La gazéification-méthanation correspond à des unités un peu plus centralisées (environ 130 GWh/an), dont le développement industriel est envisagé à l'horizon 2020. Les ressources (bois, paille), plus sèches que les déchets méthanisables, peuvent être collectées dans des rayons plus importants. La gazéification devrait donc pouvoir compléter les procédés de méthanisation pour produire du biométhane, en faisant appel à une matière première complémentaire à celle de la filière biogaz.
Le développement à grande échelle du biométhane carburant passera par l’injection en réseaux de gaz naturel
Le biométhane peut être valorisé comme carburant sur le site même où il est produit, ou à proximité ; cela est notamment envisageable pour une flotte GNV captive, telles que des bennes à ordures ménagères, des bus…
Toutefois, pour des raisons techniques et économiques, l’injection sera probablement incontournable pour développer le biométhane carburant à grande échelle. En effet, les stations de distribution de GNV ou les flottes captives ne se trouvent pas forcément à proximité des unités de méthanisation ou des ISDND. D’autre part, la production de biométhane est généralement constante tandis que les besoins en carburant connaissent des pics et des périodes creuses à l’échelle de la journée et de la semaine (nuit, week-end). Il est donc nécessaire de mettre en place des capacités de stockage, ce qui entraîne d’importants coûts et contraintes réglementaires.
[Figure : Les différentes voies de valorisation du biogaz. Les valorisations du biogaz sur le site de production (sous forme d’électricité, de chaleur seule ou les deux avec la cogénération) sont les plus répandues aujourd'hui. Le biogaz peut aussi être épuré pour en faire du biométhane en vue de l’injecter en réseau de gaz naturel, ou d’en faire du carburant.]
Une solution consiste à injecter le biométhane produit en réseaux de gaz naturel, si cela est possible (il faut en particulier que le débit injecté soit inférieur au débit transitant dans la canalisation durant les périodes de consommation de gaz les plus faibles, notamment les nuits d’été).
Le biométhane carburant : un atout indispensable pour atteindre l’objectif de 10 % d’ENR dans les transports en 2020
Biométhane carburant : les mêmes atouts que le GNV
Le biométhane présente la même qualité que le gaz naturel. Il est donc miscible à 100 % avec le gaz naturel et ne nécessite aucune adaptation ni des véhicules ni des infrastructures de distribution. En outre, il bénéficie de tous les atouts environnementaux et sanitaires du GNV :
- Très peu émetteur de particules, il constitue un moyen efficace de réduction des coûts externes liés au transport (ces coûts externes sont la traduction économique des effets des polluants sur la santé) et de mise en œuvre du Plan particules de l'ADEME ;
- Moins bruyant que les autres carburants (par exemple, division du bruit par deux pour les bennes à ordures ménagères) et n’émettant pas d’odeur, il s’intègre parfaitement dans la ville de demain.
[Photo : Coûts externes comparés en €/100 km – Bus 12 m à mi-charge – Cycle Braunschweig. Selon ce graphe (source : IVECO – cas d’un bus), les potentiels de réduction des coûts externes du GNV d'une part et du biométhane d’autre part par rapport au Diesel seraient respectivement de 70 % et 90 %. Les hypothèses de calcul reposent sur la référence européenne 2009. Les méthodes d’évaluation des coûts externes ne faisant pas encore consensus dans la communauté scientifique internationale, plus que les chiffres eux-mêmes, ce sont les ordres de grandeur qu'il convient de retenir.]
Les optimisations à venir vont encore améliorer ces atouts
- Les améliorations attendues sur les moteurs et les avantages propres au GNV devraient rendre celui-ci encore plus intéressant, du point de vue de la consommation, du rendement et des émissions de gaz à effet de serre (c'est pour le GNV que le potentiel d’amélioration des moteurs thermiques est le plus important).
- De plus, le bénéfice de l'hybridation est supérieur dans le cas des carburants gaz naturel et biométhane que dans celui de l'essence ou le Diesel.
Et en plus, une origine renouvelable qui mène à un excellent bilan GES
Une étude réalisée en 2007 par l’ADEME et GDF SUEZ a montré qu’en France, la valorisation du biogaz en biométhane carburant présente le meilleur potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Différentes études confirment ces résultats et évaluent les émissions de gaz à effet de serre 2 à 5 fois moindres pour le biométhane que pour le Diesel, en considérant l'ensemble de la chaîne, du puits à la roue. Ces excellentes performances sont notamment liées au fait que le biométhane carburant est majoritairement produit à partir de déchets.
Disponible dès maintenant, le biométhane carburant en France permettrait d’atteindre l’objectif de 10 % d’ENR dans les transports, jugé inatteignable avec les seuls biocarburants liquides, et ce, pour plusieurs raisons :
- Les performances des biocarburants liquides de première génération sont remises en cause (bilans très dépendants du changement d’affectation des sols, rendements à l’hectare limités…).
- Les procédés de production des biocarburants liquides de 2ᵉ génération ne seront pas commercialement disponibles en 2020.
Les réglementations des véhicules et stations biométhane carburant sont identiques à celles utilisées pour la filière GNV
> Pour les véhicules
Deux réglementations coexistent :
- La réglementation européenne ECE R110 qui concerne l’homologation des organes spéciaux GNV montés sur un véhicule GNV 1ʳᵉ monte. Elle s'applique aux véhicules qui, pour être homologués ECE R110, doivent être équipés uniquement d’organes spéciaux GNV homologués ECE R110. Elle comporte des préconisations sur la conception de l’ensemble du circuit gaz et décrit les tests à réaliser sur les différents matériels.
- La réglementation européenne ECE R115 qui concerne la mise en œuvre de systèmes dédiés gaz pour la conversion de véhicules essence au GNV. Outre des tests sur les émissions de polluants et la bonne fixation des réservoirs à l'intérieur du véhicule, la réglementation ECE R115 fait référence à la réglementation ECE R110 en ce qui concerne les matériels liés au circuit gaz.
Ces réglementations issues d’un accord signé le 20 mars 1958 à Genève sont reconnues par :
[Photo : Gain GES en g éq.CO₂/Nm³, obtenus par la valorisation du biogaz en substitution d’énergie non renouvelable – Effet de serre 100 ans. En 2007, l’ADEME et GDF SUEZ (Gaz de France à l’époque) ont réalisé une Analyse du Cycle de Vie des modes de valorisation énergétique du biogaz. Cette étude, qui portait sur le biogaz issu de méthanisation de la fraction fermentescible des ordures ménagères en France, a montré que la valorisation du biogaz en biométhane carburant présente le meilleur potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.]
Les réservoirs de stockage de GNV, organes principaux du circuit haute-pression
[Photo : Les réservoirs de stockage de GNV, organes principaux (incl. électrovannes d’arrêt)
1 : vanne d’arrêt du gaz (incl. électrovanne d’arrêt)
2 : vanne mécanique d’arrêt du gaz
3 : sécurité & fusible
4 : raccordement de conduite
5 : limiteur de débit
6 : sécurité à plaque de rupture
7 : bobine]
Les réservoirs sont les éléments principaux du circuit haute pression sur les véhicules GNV/biométhane. Il en existe 4 types : CNG1 (tout acier), CNG2 (tout acier bobiné sur la virole), CNG3 (composite avec liner interne en aluminium) et CNG4 (composite avec liner interne en polyéthylène). Parmi leurs spécificités, il faut citer :
• une homologation pour 20 ans ;
• une résistance à la pression > 470 bar ;
• une pression de service à 200 bar, 15 °C ;
• une gamme de températures d’utilisation de –40 °C à 65 °C.
- le Japon, la Russie, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Malaisie, la Thaïlande et la Tunisie.
Pour les stations
En France, la réglementation concerne la rubrique 1413 de la réglementation ICPE. Cette rubrique fait référence à un arrêté du 18 septembre 2006 qui détaille les mesures à prendre, notamment les distances de sécurité avec les personnes et entre les différents équipements.
En Europe, le projet de norme PR EN 13638 (Stations de remplissage GNV) est la référence utilisée même si cette norme n’est encore qu’en mode projet. Un projet de norme ISO va voir le jour par l’intermédiaire d’un groupe de travail de l’ISO/TC252/WG1 : Natural gas fuelling stations for vehicles.
C'est l’ISO/TC252 qui sera leader sur les deux futurs projets de norme stations carburant gaz (GNV et GNL). Ce sera donc une réglementation internationale.
La réglementation ATEX est à prendre en compte
La réglementation ATEX (atmosphère explosive), à appliquer uniquement sur les installations fixes (les véhicules ne sont pas concernés), est définie dans un guide rédigé par l’AFGNV (Association Française du Gaz Naturel pour Véhicules). Les sources des principaux emplacements à prendre en compte sont :
□ Les mises à l’évent ;
□ Les fuites au niveau des raccords ;
□ Les opérations de maintenance.
Le respect de cette réglementation ATEX consiste à appliquer les consignes des guides de bonnes pratiques et à utiliser les matériels adéquats. Dans les zones à atmosphères explosives, le matériel électrique devra être conforme.
Les stations GNV/biométhane peuvent, comme les stations-service « classiques », être publiques (c’est-à-dire ouvertes au public en permanence) mais elles peuvent également être privées avec un badge d’accès fourni par le gestionnaire de la station.
Le biométhane carburant : un nouveau souffle pour le développement du GNV
La filière biométhane carburant utilise les mêmes technologies que la filière GNV que ce soit pour les véhicules ou les stations. De plus, d’un point de vue environnemental, le biométhane carburant possède un avantage considérable si sont pris en compte les émissions de gaz à effet.
[Photo : Station ouverte – Station multi-clients (réservée aux détenteurs d’un badge/compte client).]
[Photo : Station publique – Station-service « classique » avec accès 24 h/24 – Paiement par carte bleue.]
Descriptif de la problématique ATEX lors d’un rejet de gaz par l’évent d’une station GNV
[Photo : Dégazage d’une station par son évent suite à une opération manuelle (purge d’un circuit ou d’un composant, etc.) ou à une mise en sécurité ultime (purge automatique suite à un incident : coupure électricité, chute de pression pneumatique dans les organes de coupures… ou le déclenchement d’un bouton d’arrêt d’urgence).]
[Graphique : Contours d’isoconcentrations (15,00 %, 5,00 %, Z = 0 m). Zone dans laquelle la concentration du gaz peut engendrer une atmosphère explosive (entre la courbe bleue et la courbe mauve). Cette simulation est effectuée en prenant en compte la vitesse moyenne du vent (ici 5 m/s).]
[Schéma : Représentation des distances à considérer autour de l’évent.]
Le schéma et le tableau ci-dessus représentent les distances à prendre en compte autour de l’évent d’une station pour se conformer à la réglementation ATEX. Ces distances dépendent du diamètre nominal de la canalisation d’évent et de la vitesse moyenne du vent à cet endroit.
Le GNV est aujourd’hui un carburant essentiellement utilisé pour des usages professionnels. Cinquante pour cent des villes de plus de 200 000 habitants ont retenu le GNV comme carburant pour les transports en commun et près de 1 000 bennes à ordures ménagères (soit 15 % du marché) circulent au GNV. Enfin, les plus grandes entreprises françaises (GDF Suez, SNCF, La Poste…) ont introduit ou réfléchissent à introduire ce carburant dans leurs flottes captives.
Même si les ventes de GNV restent faibles en France par rapport aux autres usages du gaz, le GNV est aujourd’hui un usage en croissance. En outre, non seulement ses marchés historiques (bus, bennes à ordures) se développent mais de nouveaux marchés apparaissent (transport de marchandises, logistique urbaine).
En effet, le GNV/biométhane carburant constitue une option très pertinente face au panel restreint des solutions disponibles (notamment sur les poids lourds) permettant la mise en œuvre de plans de déplacement urbains en accord avec les objectifs du Grenelle.
Toutefois, le principal point de blocage au développement de la filière en France reste pour le moment le manque d’infrastructures de distribution ainsi que la méconnaissance de ces carburants GNV/biométhane et de leurs performances par les pouvoirs publics. Le fait d’injecter une partie de biométhane dans les réseaux permettrait de « verdir » le GNV et donc de le rendre plus attrayant en lui promettant un bel avenir.
[Photo : Il existe également un matériel qui permet de récupérer le gaz lors des opérations de maintenance, notamment les purges de circuits haute pression. Ce matériel, appelé TRANSVEGAZ, permet de purger en toute sécurité le circuit gaz d’un véhicule, sans rejet de gaz à effet de serre.]