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L'ATP-métrie de nouvelle génération : une nouvelle solution pour aider la maîtrise des effluents toxiques dans l'industrie

31 decembre 2008 Paru dans le N°317 à la page 57 ( mots)
Rédigé par : Marc RAYMOND et Véliana TODOROVA

Les stations d'épuration biologiques sont soumises à des normes strictes et leur état de fonctionnement est suivi quotidiennement par les exploitants des sites. Depuis peu, une nouvelle technique est arrivée en Europe, permettant la quantification de la concentration en flore épuratrice vivante et l'évaluation de son état de santé en quelques minutes. Il s'agit des kits Total Control Biologique (TCB) basés sur une nouvelle génération d'analyse d'ATP-métrie développée par la société LuminUltraTM au Canada et dédiés au suivi du fonctionnement des stations d'épuration des eaux usées. Cette technique trouve de multiples applications, notamment pour la gestion des stations d'épuration recevant les eaux des usines chimiques ou pétrochimiques, où la toxicité des effluents est un souci régulier pour les exploitants.

Le suivi de la qualité des effluents à traiter issus d’unités de production de produits chimiques et (ou) pétrochimiques est un souci permanent pour les exploitants des stations d’épuration. Avec, par définition, la gestion et la prévention quotidiennes de rejets de produits toxiques pour la flore microbienne épuratrice risquant de provoquer un effet néfaste sur le fonctionnement et l’efficacité du traitement des eaux usées. Tout exploitant de station d’épuration a été ou sera confronté à la gestion d’un problème de toxicité aiguë ou chronique impactant la santé de la biomasse épuratrice. Il est très important pour ce dernier de connaître la nature des effluents de l’usine et la toxicité des différents produits pour sa station.

Lors des traitements biologiques des eaux usées, la dépollution s’effectue grâce à des microorganismes qui métabolisent un substrat de quantité et de qualité aléatoires. Or, ces microorganismes sont adaptés pour

[Encart : Aquatools est une jeune société française spécialisée dans la commercialisation de kits de quantification des microorganismes, le développement de programmes de formation dans le cadre des analyses et maîtrise des risques sanitaires. Elle complète son offre de services avec des audits & expertises de contrôle de la qualité biologique d’installations.]

épurer les effluents habituels qu’ils reçoivent. Le changement du type d'effluent induira un stress et un dysfonctionnement de la flore épuratrice et, dans des cas extrêmes, conduira à la destruction de la biomasse épuratrice. Il peut s’agir d'une fuite accidentelle d’un produit au niveau d'une unité de production, d’un changement de production de matières premières, ou du déversement dans la station de produits de nettoyage et de désinfection des installations ou réseaux d’eaux (type biocide).

La gestion de la toxicité liée aux effluents entrants dans toute installation de traitement des eaux usées nécessite des paramètres de suivi qui aideront l'exploitant à détecter le plus tôt possible les changements et la dégradation de la qualité de l'effluent entrant, et d’anticiper l'impact sur le fonctionnement de la station d’épuration. Depuis peu, l’ATP-métrie de nouvelle génération fait ses preuves pour le suivi du fonctionnement et l’anticipation des dérives des stations d’épuration biologiques. Cette technique est très utile pour évaluer en quelques minutes l'impact de différents effluents sur la flore microbienne des bassins biologiques, de déterminer les stratégies de gestion les mieux adaptées à des effluents particuliers et, enfin, de suivre la qualité de ces effluents bruts de façon régulière. Les kits Total Control™ Biologique (TCB™) développés par LuminUltra™ au Canada et distribués exclusivement par Aqua-tools en Europe et MEA, sont destinés spécifiquement au suivi du fonctionnement des bassins d’épuration biologiques.

La technique d’ATP-métrie et les kits TCB

La technique d’ATP-métrie est une mesure rapide de la concentration de la flore microbienne de l'eau. Elle permet de connaître, en quelques minutes, la quantité et l'état de santé de la flore épuratrice. C’est une mesure directe basée sur la quantification de la molécule d’Adénosine Triphosphate (ATP) qui est le transporteur d’énergie situé à l'intérieur des cellules biologiques vivantes et qui gère toutes les fonctions biologiques, telles que la nutrition, l’entretien et la reproduction. Il n'y a pas de vie possible sans la molécule d’ATP et sa mesure est représentative de la quantification de toute la flore totale vivante contenue dans l’échantillon d’eau ou de boue.

[Photo : Tableau de seuils indicatifs des différents paramètres mesurés avec les kits TCB]

L’ATP est quantifiée par une réaction de bioluminescence. L'enzyme luciférase, issue de la luciole, catalyse la réaction entre la luciférine (substrat), l’ATP (cofacteur) et l’oxygène, ce qui entraîne une émission de lumière. Chaque molécule d’ATP produit un photon de lumière. La production de lumière à partir de cette réaction est mesurée en utilisant un luminomètre. La quantité de lumière mesurée est directement proportionnelle à la quantité d’ATP présente dans l’échantillon.

Mg++
ATP + luciférine + O₂ → (Luciférase) → AMP + PPi + oxyluciférine + lumière

L’ATP-métrie est la mesure de la concentration et de l’activité de la biomasse vivante d'un bioréacteur. L’analyse jusqu’au résultat final nécessite 15 minutes.

Les kits TCB permettent de gérer une station d’épuration et d’optimiser son fonctionnement en surveillant les paramètres cATP, BSI ou ABR décrits ci-dessous :

  • • Le paramètre cATP (ATP intracellulaire) fournit une indication directe de la concentration en flore épuratrice, qu’on appelle biomasse active. La concentration de biomasse active est stable dans un bassin biologique fonctionnant normalement. La surveillance du cATP permet de mettre en évidence une inhibition éventuelle de l’activité de la flore épuratrice ou de détecter rapidement sa diminution lors de la dégradation des conditions environnementales ou d'exploitation.
  • • Le paramètre BSI™ (Biomass Stress Index) est la mesure du stress de la biomasse. Le BSI est calculé comme le rapport de l’ATP extracellulaire issu des microorganismes morts et de l’ATP total, somme d’ATP intracellulaire et ATP extracellulaire. Ce paramètre indique l’augmentation de la mortalité des microorganismes. Plus l’environnement est stressant — diminution brusque de la température, problèmes d’oxygénation, effluents toxiques — plus le BSI mesuré sera important. Le suivi du BSI au niveau de l'effluent entrant et au niveau des bassins de traitement biologique permet de distinguer entre un stress induit par l'arrivée d’effluents toxiques et un stress dû à la dégradation des conditions d’exploitation. Le BSI au niveau des bassins biologiques doit être inférieur à 30 %.
  • • Le paramètre ABR représente le rapport entre la concentration en biomasse active et les matières en suspension totales dans le bioréacteur. Ce paramètre indique la part de flore vivante épuratrice dans le total de solides et son niveau doit être optimisé afin de diminuer la part de solides inertes et de réduire la production de boue.

Sur la base des paramètres cATP, BSI et ABR, on peut piloter une station d’épuration et éviter toute dégradation de la qualité de l'eau de rejet en anticipant et détectant précocement les dérives du fonctionnement de l'installation.

Les principales utilisations du kit TCB sont :

  • - Réalisation d’une cartographie biologique de l'installation afin d'identifier les principaux dysfonctionnements ;
  • - Qualification des effluents à traiter et implémentation de stratégies optimales de gestion des effluents les plus toxiques ;
  • - Détermination de la quantité maximale d’effluent dit « toxique » à traiter sans provoquer de stress aigu ou chronique de la biomasse ;
  • - Évaluation de l’impact d’une nouvelle molécule à produire sur le site industriel lié à la station ;
  • - Suivi du fonctionnement de la station d’épuration pour détecter précocement les dérives ;
  • - Suivi de la charge massique via la concentration en biomasse active cATP ;
  • - Optimisation des performances et suivi de

l’efficacité des traitements : oxygène, P, N, bio-additifs de type bactéries, fungi, etc. ;

– Optimisation de la consommation en énergie.

Cartographie biologique d’une station d’épuration

Lors d’une première investigation sur site, il est possible d’effectuer une cartographie biologique de la station d’épuration en utilisant le kit TCB. Cette cartographie prendra environ 1 heure pour l’analyse d’une dizaine d’échantillons issus des différents points de prélèvement au niveau de la station : effluent entrant mixte, traitement primaire, bassins de traitement biologique, boucles de recirculation, clarificateur, eau traitée.

Voici les résultats de cartographies successives réalisées sur une station de traitement des eaux d’une usine chimique avec les conclusions que l’on peut en déduire : Au jour J, le fonctionnement de la station d’épuration est normal ; les niveaux de biomasse active (cATP) sont corrects dans les deux bassins anoxique et aérobie ; la décantation fonctionne normalement, car on observe un quasi doublement de concentration de biomasse dans la boucle de recirculation du clarificateur vers le bassin aérobie. Là-bas, le ratio de biomasse active au niveau du bassin aérobie est correct. Au jour J+14, on observe un problème de diminution de la biomasse active cATP du bassin anoxique, dû à une diminution du niveau de recirculation du bassin aérobie vers le bassin d’anoxie. La recirculation du clarificateur vers le bassin aérobie est également diminuée de moitié, montrant un problème de décantation biologique. Dans les deux cartographies, le stress de la biomasse (BSI) au niveau de l’effluent entrant et les bassins biologiques ne semble pas particulièrement élevé.

Exemple d’étude de toxicité

cATP – Concentration en biomasse active (ng/ml) / BSI – Indice de stress de la biomasse (%)

Échantillons T0 T30 T24 T0 T30 T24
1 2554,91 644,58 261,07 15,47 34,23 43,51
2 2549,12 1231,13 1531,30 14,62 46,04 35,23
6 2666,15 777,30 709,10 15,64 59,09 56,78
Témoin* 2564,63 1953,93 910,50 15,61 34,89 46,62

*Le témoin indique le stress de la biomasse active dans les conditions expérimentales. Il est constitué d’une quantité de boue activée mélangée à la place du produit ou de l’effluent à évaluer.

Étude de la toxicité d’effluents industriels

Une étude approfondie de l’impact de différents effluents industriels a été effectuée sur la station d’épuration d’une usine chimique en France. Cette étude consiste à mesurer dans des conditions expérimentales l’effet provoqué à court (directement après contact) et à long terme (temps de séjour) par un effluent provenant d’unité de production particulière et la biomasse active du bioréacteur.

L’intérêt de cette technique est de mesurer l’impact directement sur la flore microbienne de la station d’épuration en elle-même et non pas l’impact sur des organismes de laboratoire (daphnies, l’algue Pseudokirchneriella subcapitata, cériodaphnies). À la suite du test, on peut classer par ordre de toxicité les produits ou les eaux issues d’un process industriel et approfondir les essais jusqu’à la détermination de la concentration maximale qui peut être déversée dans la station sans perturber son fonctionnement.

Commentaires :

Le produit 6 présente la plus forte toxicité envers la biomasse du bioréacteur. On observe une forte diminution de l’activité de la biomasse active. La mortalité est très forte (valeurs du paramètre BSI) à court terme (30 min) et à long terme (24 h). Ce produit a une toxicité aiguë avec un impact durable.

Le produit 1 présente une toxicité modérée. Le produit inhibe l’activité de la biomasse, par contre la mortalité n’est pas plus élevée que celle dans le flacon témoin.

Le produit 2 n’est pas toxique pour la biomasse active du bioréacteur, celle-ci étant probablement habituée à dégrader ce produit.

Suite à ces essais, lors du suivi de la station d’épuration, l’exploitant connaît l’impact de chaque dérive et peut mettre en place une procédure spécifique d’action en fonction du type de produit qui a été déversé accidentellement.

Suivi de la charge massique pour piloter la station d’épuration

La mesure de l’ATP comme indicateur de la quantité de microorganismes est un paramètre très pertinent de suivi du bon fonctionnement des stations d’épuration. Une très bonne corrélation est en général observée entre le cATP mesuré dans les bassins de boues activées et la DCO ou la DBO sur l’eau à traiter. Il est donc possible de calculer la charge massique via le cATP, comme le rapport DCO/cATP ou DBO/cATP. Dans une station d’épuration optimisée, on peut fixer des seuils de charge massique via le cATP reliés à un traitement des eaux efficaces. Lors du dépassement de ces seuils, la biomasse active n’est pas

Charge massique (kg/kg/j) – Exemple de seuils effectifs

DCO / cATP : 1
DBO5 / cATP : 0,5

Suffisante pour traiter un excès de pollution, l'eau en sortie de station n’est plus conforme. Par expérience, il est plus facile de piloter la station sur la charge massique DCO/cATP.

Les kits TCB : un outil disponible

La nouvelle technique d’ATP-métrie proposée par Aqua-tools avec le kit TCB dédié au suivi du fonctionnement d’une STEP municipale ou industrielle commence à faire ses preuves sur le terrain. Il est vrai que la possibilité de quantifier sur le terrain et en quelques minutes la flore microbienne des bioréacteurs et évaluer son stress, soit sur l'eau brute, soit sur bassins biologiques, offre de multiples avantages. Les applications ne manquent pas : les cartographies biologiques – une véritable aide lors d’audits de fonctionnement ; le suivi et la détection précoce des phénomènes de dégradation de traitement des eaux ; les optimisations des différents paramètres – pH, température, aération, ajouts de fongiques ; le suivi d’ensemencements lors de démarrages ; et, bien sûr, toute une panoplie d’applications liées à la toxicité des effluents entrants.

L'objectif est de maintenir dans toutes les situations l’activité de la biomasse à son maximum et d’assurer en permanence une qualité d'eau traitée satisfaisante. La technique corrèle bien avec les paramètres de suivi habituels – DCO, DBO5, pH, température – maîtrisés depuis des décennies par les exploitants. Pour la première fois, on dispose d'un outil de quantification directe et rapide de la concentration en flore vivante – la force épuratrice – de la station. Cette technique permet d’affiner la gestion de la station, car elle offre un niveau d’analyse extrêmement précis.

D’autres applications sont à développer dans le futur, comme l'utilisation de la technique pour le suivi de l'efficacité de traitements membranaires ou la validation de la qualité de l'eau traitée pour sa réutilisation.

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