Dans quatre ans, plus précisément le 31 décembre 2005, les communes françaises auront dû mettre en place un Service Public d'Assainissement Non Collectif (SPANC), chargé d'assurer le contrôle, de la conception à l'entretien, des dispositifs d'assainissements individuels. Cette mission fait "frémir" les maires de France. En effet, le problème majeur qui se pose quant aux modes d'action du SPANC, réside en l'intervention d'un service public dans le domaine privé. Ou comment assurer un contrôle technique performant, alors que le cadre réglementaire ne stipule pas comment réagir face au refus des propriétaires de faire les travaux nécessaires de réhabilitation. S'il est clair que la loi sur l'Eau de 1992 a permis l'établissement d'un contexte technico-réglementaire de l'assainissement autonome, le renouveau de la filière doit s'accompagner d'une réflexion globale sur "la formule à trouver" pour son application concrète, estime ainsi l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne.
Tout commence en 1992, la nouvelle loi sur l’Eau stipule alors que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ». C'est le début d’un vaste chantier puisque, pour la première fois, l’assainissement autonome monte sur la sellette. Sous le nom de non collectif, individuel ou autonome, il correspond à tout système d’assainissement effectuant la collecte, le prétraitement, l’épuration, l’infiltration ou le rejet des eaux usées domestiques non raccordées au réseau public d’assainissement collectif. Et en effet, il était jusqu’à présent totalement "autonome" avec aucune réglementation appli-
Environ quatre millions d’installations d’assainissement autonomes concernent quinze millions de personnes d’après le recensement de 1999, soit 19,3 % de la population. Sur ce nombre, les installations mal conçues ou non conformes sont estimées entre 50 et 80 %. On comprend un peu mieux l’inquiétude des communes.
qui se trouvent face à de nouvelles obligations relativement pesantes !
Le zonage d’assainissement
La loi du 3 janvier 1992 les oblige notamment à délimiter, après enquête publique, les zones d’assainissement collectif et les zones relevant de l’assainissement non collectif. Le zonage d’assainissement n’est pas une mince affaire. L’étude de zonage nécessite de la part des collectivités, qui peuvent déléguer à des bureaux d’étude mais en gardent la responsabilité, l’analyse rigoureuse de l’aptitude des sols, de la répartition actuelle de l’habitat, son orientation, la taille des parcelles, leur relief mais également les projets d’extension de la commune. Il s’agira ensuite d’effectuer un diagnostic de fonctionnement des équipements d’assainissement existants, collectifs et non collectifs (encadré Zonage et réhabilitation : l’exemple de la commune de Saint-Paul). Les coûts des différents systèmes seront alors comparés et la conséquence sur le prix de l’eau déterminée. Toutes les dépenses afférentes à ces études préalables reviennent à la collectivité, les agences de l’eau et certains conseils généraux pouvant participer au financement. Une fois accepté par enquête publique, le dossier de zonage définitif se doit d’être appliqué. Ce qui correspond, pour l’assainissement autonome, à la mise en place du SPANC chargé d’assurer le contrôle des installations, l’entretien restant facultatif. Mais créer un Service public de l’assainissement non collectif nécessite encore plus de compétences techniques que de bonne volonté. Pour aider les communes, certains départements fourniront une assistance technique, mais la formation d’agents de contrôle, par la création d’emplois jeunes, se généralise largement. Enfin, dans les petites communes, beaucoup optent pour le regroupement intercommunal.
L’assainissement individuel, une solution adaptée au milieu rural
Une mise en place difficile donc, mais qui se place aussi dans un mouvement de sensibili…
Sensibilisation aux impacts écologiques des techniques.
En effet, d’un point de vue environnemental, ces systèmes, s’ils sont bien conçus et bien entretenus, effectuent un traitement performant des eaux préservant la qualité des eaux superficielles et souterraines. L’avantage majeur, ils assurent une évacuation dispersée des eaux traitées, contrairement aux systèmes collectifs où la pollution se concentre dans une station d’épuration qui ne l’élimine qu’à 80 %. D’un point de vue économique, l’assainissement autonome répond parfaitement à un habitat dispersé, notamment en milieu rural, où la création d’un réseau public est souvent trop onéreuse. En France, pays qui se distingue de la plupart de ses voisins européens par une densité de population faible et de vastes territoires agricoles, on dénombre jusqu’à 32 000 communes de moins de 2 000 habitants. Comme le souligne Pascal Maret de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, « Nous ne pouvons continuer à couvrir les campagnes de tuyaux d’égouts et de petites stations d’épuration. Ce n’est pas une solution économiquement et écologiquement viable. Il faut mettre fin au “dépotage individuel” et développer de vraies techniques d’épuration et d’entretien. Il faut donner à l’assainissement individuel ses lettres de noblesse ». Il est vrai qu’un des handicaps majeurs du système, une image de marque déplorable liée jusqu’à présent à une totale liberté du choix technique des particuliers, souvent influencés uniquement par l’investissement à réaliser. Pour preuve, le nombre inquiétant d’installations à réhabiliter. Devant cet épineux problème, Ghislaine Ferrere, Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, précise : « la priorité reste le contrôle des installations neuves. Le contrôle de l’existant s’effectuera par étapes ». Car dans le milieu, personne n’est dupe, et le distinguo entre le non conforme tolérable et intolérable prend tout son sens. Beaucoup s’accordent ainsi à penser qu’une hiérarchisation des réhabilitations est nécessaire, arguant que seules 5 à 10 % des installations génèrent véritablement des risques de pollution et d’insalubrité publique.
Des réglementations techniques qui se précisent
La mise en application de la loi de 1992 a nécessité la publication d’un document technique sur la mise en œuvre de l’assainissement autonome, le DTU 64-1. Réalisé par les industriels du secteur poussés par la normalisation européenne, il réunit toutes les informations concernant l’installation des fosses toutes eaux, principe réglementé depuis 1982. Ceci dit, il faut attendre l’arrêté interministériel du 6 mai 1996 pour donner un nouveau support d’application, contrôle et entretien, aux filières réglementaires. La circulaire de 1997 appuiera les détails techniques non précisés par l’arrêté et en août 1998, le DTU 64-1 est mis à jour en fonction de l’arrêté de 96. En septembre 2001, un nouveau DTU devrait voir le jour, pour permettre d’intégrer aux techniques déjà en règle des systèmes plus compacts, possédant moins de surface au sol, plus simples d’utilisation et plus performants. En parallèle, chez les industriels, des groupes de travail ont étudié la mise en place d’une norme européenne sur les fosses septiques. Votée en 1999, elle ne sera pas applicable avant janvier 2002, par décision de Bruxelles qui laisse le temps aux communes de s’organiser.
Pour les industriels, « la sortie du placard » de l’assainissement autonome arrive à temps. Comme le souligne Hubert Willig, président du syndicat de l’IFAA, le syndicat professionnel des Industriels Français de l’Assainissement Autonome, qui réunit 18 fabricants, soit 90 % du marché français, « il y a 10 ans, la question qui brûlait les lèvres de la profession : le métier va-t-il survivre ? » En 2001, la tendance s’inverse devant le nombre d’installations neuves ou à réhabiliter qui pointent leur nez.
Les filières réglementaires
L’arrêté de 1996 privilégie l’installation d’une filière rustique. Comme l’explique Jacques Lesavre, chef du service Technologie d’épuration à l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, « le but est de s’intégrer à la réalité économique des particuliers et de limiter les contraintes d’exploitation. La filière fosse toutes eaux suivie d’un épandage dans le sol reste la solution la plus simple et la mieux adaptée à un assainissement unifamilial, l’expérience prouvant que des filières d’épuration plus performantes mais nécessitant plus d’entretien sont souvent mal gérées ».
Les éléments essentiels d’une installation performante d’assainissement non collectif sont au nombre de cinq. Un système de ventilation est nécessaire à l’évacuation des gaz de fermentation de la fosse toutes eaux et évite des risques de corrosion très forts au niveau des ouvrages en béton. La collecte des eaux usées domestiques consiste à acheminer toutes les eaux d’une habitation, sauf les eaux pluviales, vers le pré-traitement. Celui-ci s’effectue en général dans une fosse toutes eaux qui retient les matières solides et les déchets flottants. En sortie, les effluents contiennent encore 70 % de la pollution initiale. Pour l’éliminer, les effluents sont épandus dans le sol ou de façon optimale sur la totalité de la surface d’un massif filtrant aux caractéristiques bien particulières (surface, épaisseur, granulométrie, porosité…). Soit l’eau est épurée directement par le sol existant, soit elle traverse le filtre où se développent des bactéries et divers autres microorganismes qui consomment les matières polluantes. Dans tous les cas, on parle de traitement par épuration biologique aérobie du sol. Enfin, l’évacuation des eaux épurées se fait directement par infiltration dans le sol ou, à titre exceptionnel, elles sont rejetées vers un site naturel ou aménagé.
Pré-traitement
Dans les systèmes de pré-traitement, la fosse toutes eaux reste encore l’équipement le plus utilisé par les particuliers. C’est d’ailleurs un dispositif obligatoire pour les
immeubles d'habitation neufs, et recommandé pour la réhabilitation d'une fosse septique. Le rôle de la fosse toutes eaux est double. Dans un premier temps, elle permet la liquéfaction et la fermentation des boues sous l'action de micro-organismes anaérobies (actifs en l'absence d'oxygène) à une température supérieure à 10 °C. Ensuite, elle permet la séparation liquide/solide par accumulation des particules légères en surface et dépôt des matières plus lourdes au fond. De plus en plus, un préfiltre intégré retient les grosses particules solides pouvant s’échapper de la fosse et évite également le colmatage du dispositif de traitement en cas de dysfonctionnement. Les préfiltres incorporés haute performance représentent l’évolution actuelle des fosses toutes eaux puisqu'ils assurent des rejets de meilleure qualité. Dans ce domaine, les futures normes européennes astreindront les fabricants à améliorer les performances des fosses, notamment le process hydraulique, la capacité de décantation et la réduction des rejets.
Des installations d’épuration biologique à boues activées ou à culture fixée peuvent également remplacer la fosse toutes eaux. Dans ce cas, contrairement au pré-traitement anaérobie de la fosse, qui ne fait que retenir un peu de pollution, les micro-stations à boues activées possèdent un véritable rôle d’épuration biologique par aération prolongée. Elles ont des contenances plus petites que les fosses grâce à un traitement plus rapide qui diminue le temps de séjour des effluents. Le système est constitué de deux bassins essentiels, l’aérateur et le clarificateur. Si les traitements par boue activée permettent d’obtenir en sortie une eau de meilleure qualité qu’avec une fosse toutes eaux, l'entretien des micro-stations reste encore contraignant. Générant un volume de boues beaucoup plus important, elles nécessitent une vidange tous les six mois pour éviter de colmater les filtres en sortie, à comparer à une fois tous les quatre ans pour les fosses toutes eaux. De plus, l'installation consomme de l’électricité et son coût initial reste un peu plus élevé.
Disques biologiques pour le traitement des eaux
Comme le résume Hubert Willig, « les particuliers privilégient l'achat d’une voiture à leur investissement dans une filière d’assainissement autonome. Contraints, ils se retournent forcément vers le moins cher et le plus simple d’entretien ». En tenant compte pour la fosse toutes eaux de la nécessité d'un système de ventilation et parfois d'un bac à graisses en amont si la fosse est posée trop loin de l’habitation, sans compter les mauvaises odeurs générées par le procédé de fermentation anaérobie, choisir entre ces deux unités de pré-traitement relève d’un compromis coût – confort – entretien. Ceci dit, à l'heure actuelle, la réglementation oblige un épandage en sortie des micro-stations. Les particuliers qui opteraient par manque de place pour l'installation d’une station, pour éviter la mise en place d'un épandage, ne le peuvent pas...
Les industriels français peuvent proposer les deux types d’installations, même si les fosses toutes eaux restent largement plus représentées. La séparation du marché se fait plutôt sur le type de matériaux utilisés : 50 % béton, 45 % plastique et 5 % polyester, voire des matériaux composites plastique/béton ou résines polyester chargées. Très résistants, les matériaux composites, outre leur maniabilité, possèdent un avantage considérable sur les bétons puisqu'ils sont insensibles à la corrosion (encadrés Fosse toutes eaux/microstations).
Stations de relevage
Les postes de relevage sont nécessaires quand la pente de la parcelle est insuffisante pour assurer le transfert des effluents, mais l'utilisation de pompes dans les nouvelles filières mises en place reste marginale. Comme l'explique Denis Taurel, responsable marketing chez ITT Flygt, « les chantiers
nouveaux sont étudiés pour que l’écoulement de l’eau soit gravitaire. L’utilisation d’une pompe est souvent une solution de rattrapage. Les stations de relevage restent une solution liée à l’assainissement semi collectif ou collectif, lorsqu’un raccordement au réseau est obligatoire. Cependant, dans certains cas particuliers, douches au sous-sol dont les eaux doivent être envoyées dans la fosse ou lorsque l’eau épurée doit rejoindre un exutoire, des stations de relevage sont encore nécessaires.
M. Piot, responsable marketing produits du groupe Salmson, commente l’évolution technologique des pompes, fabriquées avec des matériaux composites deux fois plus légers que la fonte traditionnelle, de dimensions réduites et munies d’un contrôle électrique. Autre possibilité, lorsque deux ou trois maisons possèdent un assainissement autonome regroupé, ce qui est souvent le cas si les terrains individuels sont trop petits pour le traitement et l’évacuation des eaux (espaces inférieurs à 150 mètres carrés en aval de la maison). Chaque parcelle est alors équipée de son propre pré-traitement mais les effluents sont réunis en sortie et l’épandage est réalisé en aval sur une parcelle plus grande. L’écoulement gravitaire et le pompage peuvent également aller de pair. La micro station proposée par Vor Environnement peut ainsi être équipée d’une pompe de relevage intégrée lorsque les rejets doivent être surélevés. KSB propose quant à lui ICS, un système intelligent intégré à la pompe de relevage qui gère de façon autonome le fonctionnement de la station. Le système, qui ne nécessite pas d’entretien, prévient tout risque de colmatage grâce à la mise en marche automatique des pompes toutes les 24 heures.
L’assainissement
L’épuration et l’évacuation des effluents dépendent entièrement de la nature du sol. Des tranchées d’infiltration à faible profondeur (tranchées parallèles traversées par un drain) seront mises en œuvre chaque fois que le terrain le permet. Le sol en place est utilisé comme système épurateur et l’évacuation de l’eau s’effectue directement par infiltration dans le sous-sol. Les drains d’épandage sont inclus dans une couche de gravier, permettant de la disperser dans le sol en évitant le contact direct du sol qui se colmaterait rapidement autour du conduit perforé de répartition de l’eau.
Le principe est identique pour les lits d’épandage, les filtres à sable ou les tertres d’infiltration imposés par la réglementation quand la nature du sol est plus complexe. Dans le cas de sols sableux, la solution est le lit d’épandage à faible profondeur. Si la roche est trop perméable à faible profondeur, le meilleur choix sera alors le lit filtrant non drainé à flux vertical (filtre à sable vertical non drainé). Lorsque la nappe d’eau souterraine est très proche du sol, il est nécessaire de surélever l’installation en réalisant un lit filtrant vertical non drainé au-dessus du sol existant, on parle de tertre d’infiltration. Enfin, dans le cas de sols imperméables, les effluents doivent être épurés dans le sol et drainés pour être rejetés vers le milieu hydraulique extérieur (fossé, rivières). Deux techniques sont disponibles : filtre à sable vertical drainé ou filtre à sable horizontal drainé. L’épuration de la pollution organique est réalisée grâce aux bactéries qui se fixent sur le sable. La percolation horizontale n’est pas la plus efficace, car elle favorise les risques de colmatage. La qualité du sable utilisé joue également dans la performance de la technique.
Si les phénomènes épuratoires sont les
mêmes quel que soit le filtre utilisé, les caractéristiques du matériau utilisé (sable ou filtre compact) conduisent à un fonctionnement particulier à chaque type de filtre. Les filtres compacts, qui nécessitent encore aujourd’hui une dérogation, puisqu’ils ne figurent pas dans les installations réglementées par l’arrêté de 1996, ont le vent en poupe chez les industriels (encadré “Les filtres compacts”).
Les solutions alternatives du petit collectif
Pour certains hameaux, il arrive que l’assainissement autonome ne soit pas le compromis optimal entre coût et efficacité. De même, le raccordement à une station d’épuration peut représenter un investissement trop onéreux. Dans ce cas, des procédés d’assainissement de type "petit collectif", proches de la nature, simples, efficaces et respectueux de l’environnement se développent de plus en plus.
Ces solutions écologiques et rustiques ne nécessitent que du terrain et un peu de génie civil. Quant à l’entretien, il s’apparente davantage à un travail de jardinier, donnant une grande autonomie d’entretien aux communes qui l’utilisent (encadré, l’épuration écologique).
Pour ce type d’assainissement, le cadre réglementaire est moins contraignant que pour les maisons individuelles. L’administration ne peut en principe pas interdire une technique ayant fait ses preuves, mais elle peut exiger des analyses de rejets.
À l’heure actuelle, dans les perspectives de réhabilitation qui se profilent pour les installations d’assainissement autonome non conformes, des solutions comme les filtres plantés de roseaux, qui permettent une épuration totale sans vidange de boues, pourraient représenter une alternative de choix, d’un point vue économique, puisqu’elle est écologique et aussi compétitive que les filières classiques.
Ceci dit, ces solutions sont encore soumises à des dérogations préfectorales, qui ne jouent pas en leur faveur.
En combattant sur différents fronts, installations de nouvelles filières d’assainissement autonome neuves réglementaires et développement de solutions alternatives, on assistera sûrement plus rapidement au développement performant de l’assainissement autonome en France.