L'abattement microbiologique peut être abordé par deux techniques sur les stations extensives de petite et moyenne capacité : le lagunage et le rayonnement UV. L'article définit le problème, rappelle les règles élémentaires de dimensionnement et décrit successivement chacune des deux approches. Le lagunage pré-existant, avec ou sans filtre planté, offre une solution économique, rustique, entièrement extensive. En l'absence ou insuffisance de lagunage, une filière composée : filtres plantés + UV, donnera de bons résultats avec cependant des coûts de réalisation et d'exploitation plus élevés et la complexité d'exploitation inhérente aux techniques intensives. Un mot enfin sur l'infiltration-percolation, peu utilisée en raison de son coût et de ses inconvénients techniques.
Le lagunage pré-existant, avec ou sans filtre planté, offre une solution économique, rustique, entièrement extensive. En l’absence ou insuffisance de lagunage, une filière composée : filtres plantés + UV, donnera de bons résultats avec cependant des coûts de réalisation et d’exploitation plus élevés et la complexité d’exploitation inhérente aux techniques intensives.
Un mot enfin sur l’infiltration-percolation, peu utilisée en raison de son coût et de ses inconvénients techniques.
L’épuration des eaux usées s’est développée au départ, dans les dernières années du dix-neuvième siècle, par application des schémas traditionnels d’épuration par le sol et en bassins, ancêtres respectifs du filtre à sable et du lagunage, sur des superficies croissantes : 80 km² d’épandage à Berlin, 55 km² à Paris. À l’exception notable des
États-Unis (plus de cinq cents nouvelles stations dans la première moitié du vingtième siècle), l'épuration par le sol est supplantée par les boues activées (« activated sludge ») dès leur découverte par les chercheurs anglais en 1914. En France, la profession s'engage résolument dans cette voie, d'abord dans les grandes villes puis sur des capacités de plus en plus faibles, jusqu'à quelques centaines d'équivalents-habitants, avant la mise au point du lagunage dans les années 1970, du filtre planté vingt ans plus tard, sous l'impulsion déterminante de l'équipe d'Alain Liénard, au Cemagref de Lyon. Résultat : les techniques extensives* atteindront bientôt le cap des 5000 installations en France (environ 3000 lagunages et 1000 filtres plantés aujourd'hui), soit près du quart du parc national.
Parallèlement, l’exigence sur la qualité microbiologique* des rejets s'accroît avec les préoccupations sur la qualité des milieux récepteurs, en particulier la multiplication des points de baignade et des périmètres de protection de captages d'eau potable.
Au carrefour de ces deux évolutions, les concepteurs de petites stations d'épuration (jusqu'à 10 000 EH) sont confrontés de plus en plus souvent à une norme de rejet comprenant une imposition microbiologique. À La-Tour-sur-Orb, Saint-Geniès-de-Varansol dans l'Hérault, à Chorges dans les Alpes de Haute Provence, pour citer quelques exemples, cette contrainte résulte de la présence de points de baignade autorisés à l'aval du rejet. À Brignac et Viols-le-Fort dans l'Hérault, à Plan-d'Aups dans le Var, elle découle de la situation du rejet dans un périmètre de protection de captage d'eau potable. Dans les communes riveraines de l'étang de Thau, elle tient aux élevages conchylicoles.
Si on exclut les procédés membranaires, trop sophistiqués et trop coûteux, et l'infiltration-percolation, délaissée peu à peu en raison de son coût et du risque de colmatage, les communes rurales disposent de deux techniques pour assurer l'abattement microbiologique de leurs eaux usées dans des conditions économiques acceptables : le lagunage et le rayonnement ultraviolet (en abrégé : les UV). Nous décrirons brièvement ces deux approches et nous les comparerons dans le contexte particulier d'une station extensive... après un rappel des données fondamentales de la pollution microbiologique.
Les coliformes fécaux
Rappelons que les exigences habituelles sur les paramètres physicochimiques (DBO, DCO, MES, parfois N et P sous leurs différentes formes) sont doublées d’impositions sur les virus, les germes pathogènes, les œufs d’helminthes et autres hôtes plus ou moins virulents des eaux fécales dont les teneurs sont exprimées non en mg/l mais en unité par 100 ml. Ces organismes sont émis généralement par des personnes malades, plutôt rares en dehors des périodes d'épidémie, et donc difficiles à quantifier. D'où l'idée communément admise de caractériser le niveau de contamination fécale par le dénombrement non des agents pathogènes, mais d’organismes plus inoffensifs (notamment pour les techniciens qui prélèvent et analysent) qui les accompagnent. Le choix se porte souvent sur les coliformes fécaux - CF car ils sont représentatifs de contaminations récentes, très abondants (chacun de nous en expulse plusieurs milliards dans la journée), d’origine fécale presque certaine, stables en milieu naturel, plus résistants que la majorité des germes pathogènes et plus faciles à dénombrer. Toutes qualités qui en font un bon indicateur.
Le principe d'un indicateur unique n’est pas systématique. Le futur éventuel arrêté sur la réutilisation des eaux usées impose pour la qualité A (la meilleure, applicable aux espaces accessibles au public), dans sa version officieuse de 08.2009, une batterie de résultats :
Si on admet que l'abattement sur deux étages de filtration FPM est de l'ordre de 1 Ulog et la teneur des eaux brutes de 8 Ulog, l’abattement total sur une filière filtration + lagunage correctement dimensionnée sera de 4 à 5 Ulog et la teneur en sortie de 3 à 4 Ulog.
- - Entérocoques fécaux : abattement de 4 Ulog
- - Phages ARN F-spécifiques : abattement de 4 Ulog
- - Spores de bactéries anaérobies sulfitoréductrices : abattement de 4 Ulog
- - Escherichia coli < 250 UFC/100 ml.
Par souci de simplification, nous raisonnerons sur CF dans la suite de l’exposé et nous exprimerons les teneurs en unités par 100 ml d’eau – U/100 ml ou en Ulog. Rappelons qu’une valeur « Ulog » désigne, dans le jargon bactériologique, l’exposant en haut du chiffre 10 dans les expressions en U/100 ml ; une teneur « 3 Ulog » est une teneur de 10³ U/100 ml.
Leurs concentrations
Les concentrations de coliformes fécaux dans les eaux usées brutes varient dans une fourchette de 10⁶ à 10⁸ unités par 100 ml d'eau, soit 10⁶ à 10⁸ U/100 ml ou 6 à 8 Ulog. Un dispositif classique de traitement des eaux usées, intensif ou extensif, élimine typiquement 99 % des germes et donne une concentration au rejet de 10⁴ à 10⁶ U/100 ml, nettement supérieure aux plafonds exigés pour certains rejets. On considère en effet qu'un milieu naturel devient impropre à la baignade ou à l'utilisation en eau potable (après traitement dans ce second cas) lorsque le nombre de germes dépasse 10³ U/100 ml. D’où l’obligation de poursuivre la décontamination.
Notons au passage que la référence 10³ U/100 ml ou 3 Ulog s’applique au point de baignade ou de captage et non au point de rejet. Elle peut s'imposer au rejet si celui-ci est très proche du point d’usage. Elle pourra être atténuée dans les autres cas, notamment si on peut compter sur une dilution ou une dégradation de la pollution microbiologique à l’aval du rejet. Exemple 1 : une dilution à 10³ (1 m³ de rejet dans 1 000 m³ de cours d’eau récepteur exempt de germes) d’un rejet à 10⁶ U/100 ml donne dans ce cours d'eau une teneur de 10³ U/100 ml. Exemple 2 : selon le volume de l’aquifère, la nature du sous-sol, son état de fracturation, la longueur des cheminements entre point de rejet et point de captage... une teneur de 10⁶ U/100 ml au rejet garantira une teneur de 10³ U/100 ml au captage. S'ils sont argumentés, ces points de vue sont admis par les MISE.
À propos des MISE, leur objectif, à savoir la qualité du milieu au point d’usage, les conduit à imposer non un abattement mais une concentration. L’abattement est difficile à vérifier (il exige des mesures en entrée et sortie de station) et ne garantit pas la qualité de l’eau pour son utilisateur, variable avec la teneur des eaux brutes, à abattement constant. La teneur en sortie est, elle, directement mesurable (par analyse bactériologique sur un seul prélèvement), plus conforme aux pratiques des DDASS, plus représentative des demandes de l’usager. Logique !
Les procédés extensifs
Les filières extensives sont conçues pour l’abattement de la pollution carbonée, principalement. Elles réduisent également la pollution microbiologique mais un peu malgré elles et avec des résultats variables. Variables selon le climat, la saison, la filière et son dimensionnement... L’abattement de 3 à 4 Ulog et la teneur 3 Ulog au rejet imposée le plus souvent par les MISE seront assurés sans trop de difficulté par un lagunage en trois bassins successifs avec un temps de parcours de 60 jours, un filtre à sable non planté (non planté car il faut éviter les circuits préférentiels créés par les rhizomes) épais et à faible charge hydraulique ou encore une succession de lagunes et de filtres, plantés ou non, dans un ordre à définir. Règle essentielle sur ces filières : assurer un temps de séjour suffisant et notamment éviter le court-circuit hydraulique, grand inhibiteur de la désinfection.
Les filières mixtes, combinant des techniques extensives (filtres plantés, lagunage...) et intensives (chloration, réacteur UV...)
Les filières mixtes, combinant des techniques extensives (filtres plantés, lagunage...) et intensives (chloration, réacteur UV...) sont également pratiquées et nous décrirons notamment la filière FPM + UV, mais elles posent un problème de cohérence dans l’approche du problème épuratoire. Car la combinaison de l’intensif et de l’extensif dans une filière, c’est le mariage du simple et du compliqué, du pas cher et du coûteux, de l’épuration par la plante et de l’appareil industriel, de la sobriété et du gaspillage d’énergie, de l’autonomie communale et de la dépendance d’une société d’entretien. En un mot : du rustique et du sophistiqué. Et ça ne marche pas
trop bien.
Pourquoi ? D’abord parce que c’est boiteux techniquement. La filière FPM + UV, pour raisonner sur un exemple concret, impose, au titre du volet UV, un raccordement et des factures EDF, la fourniture et le renouvellement régulier de produits industriels importés (les lampes au mercure), un risque de contamination au mercure, une qualification pointue du personnel d’entretien... Autant d'ingrédients dont le volet FPM se passe très bien. Ensuite, parce que le choix entre extensif et intensif est un choix fondamental, dont les répercussions dépassent le technique et l’économique. Opter pour l’extensif, c’est choisir, outre la simplicité technique et l'économie de fonctionnement, d'utiliser le pouvoir épuratoire de la nature dans une mise en œuvre naturelle, d'intégrer la station dans le paysage, de rapprocher l’abonné de son réseau, d’économiser les énergies fossiles et d’épargner la couche d’ozone... Et c’est le genre de choix qu’il faut assumer jusqu’au bout, sans compromis, autant que faire se peut.
L’infiltration-percolation
Un filtre assez épais et étendu de sable suffisamment fin retiendra assez de germes pour vous donner la concentration en sortie imposée par l’arrêté préfectoral de la station. Les abaques vous donneront cette épaisseur, cette surface, cette granulométrie... et vous verrez tout de suite que vous n’êtes pas au bout de vos peines. Pourquoi ? Dans le fond, parce qu’un sable assez fin, assez épais, assez étendu pour garantir l’abattement microbiologique va se colmater rapidement (pas question de planter, les rhizomes créeraient des cheminements préférentiels que les germes s’empresseraient d’emprunter pour arriver sains et saufs dans le rejet de la station) et coûter vraiment très cher, surtout au prix toujours plus élevé des sables de filtration. Les carriers ne sont donc pas en cause : leurs prix montent parce que le sable de filtration est une denrée rare, pas facile à produire et très demandée depuis la vogue du filtre planté. Les abaques non plus, ne les accusez pas ; elles traduisent seulement l’inadéquation entre l’objectif (la dépollution microbiologique) et l'instrument (le filtre à sable).
Un exemple ? À Plan d’Aups, dans le Var, au pied de la Sainte-Baume, un filtre à sable de 1,0 m d’épaisseur avec deux dispositifs d’aération en fond et milieu de filtre, un risque de colmatage non négligeable et un coût de réalisation élevé assure un abattement de... 2 Ulog seulement.
Conclusion : sauf conditions particulières, l'infiltration-percolation n’est plus, dans les conditions techniques et économiques actuelles, le phénix de l’abattement microbiologique.
Le lagunage naturel
Une station d’épuration par lagunage « naturel » se présente, comme chacun sait, comme une succession de bassins peu profonds où les eaux usées entrent par un bout pour sortir propres à l'autre bout, un ou deux et jusqu’à trois mois plus tard. Ça prend de la place (10 à 15 m³/EH rien que pour les bassins, 15 à 18 m³/EH en comptant les digues et les circulations), mais ça tourne tout seul ou à peu près. Au passage, ça détruit méchamment les germes, principalement par l’action du rayonnement solaire, dans une proportion qui dépend un peu des conditions climatiques et surtout de la durée d’exposition. Un lagunage naturel en trois bassins successifs, sans court-circuit hydraulique, avec 60 jours de parcours, assurera classiquement un abattement de 3 à 4 Ulog et donnera en sortie la teneur 3 Ulog imposée assez souvent par la MISE.
La littérature technique propose toute une panoplie d’abaques et de formules pour le calcul de l’abattement bactériologique. En première approche, celui-ci peut être défini par la loi de Marais :
N = N₀ × (1 + K₁T₁) × (1 + K₂T₂) × ... × (1 + KₙTₙ)
Avec : N = concentration de germes en sortie N₀ = concentration de germes en entrée K = vitesse de réduction des germes (K = 2 pour les Coliformes fécaux en moyenne annuelle) T₁, T₂, … Tₙ = temps de séjour dans les lagunes 1 à n (en jours)
Le tableau ci-dessus donne les concentrations de germes pour une capacité nominale de 2 000 EH et une configuration assez courante comprenant une lagune primaire (1,20 m de profondeur, 6 m³/EH) et une lagune secondaire (1,0 m de profondeur, 5 m³/EH).
Volumes journaliers = 0,15 m³/j.EH + 20 % d'eaux parasites = 0,18 m³/j.EH.
Teneurs CF pour différentes valeurs de la population raccordée.
On voit (deuxième colonne du tableau) qu'un lagunage normalement constitué recevant la charge pour laquelle il est conçu (ici 2 000 EH) et 20 % d’eaux parasites supplémentaires, assure un abattement de 10⁴ U/100 ml (plus exactement 1,8 × 10⁴ U/100 ml, mais le 1,8 est négligeable devant le 10⁴). 10⁴ U/100 ml en sortie ce n’est pas tout à fait le 10³ U/100 ml exigé généralement, mais le calcul est mené ici avec des hypothèses volontairement défavorables : 10⁶ U/100 ml dans les eaux brutes (10⁴ U/100 ml à 10⁶ U/100 ml en réalité), débit nominal (rappelons que la grande majorité des lagunes françaises fonctionnent en dessous de leur capacité nominale), eaux parasites. On peut invoquer aussi la dilution dans le milieu récepteur entre le point de rejet et la baignade ou le captage... ou rajouter quelques mètres carrés à une des lagunes pour jouer sur les T de la formule de Marais. Le mètre carré supplémentaire, en lagunage, ne coûte jamais très cher.
On voit encore, en parcourant le tableau vers la droite, que les teneurs en sortie restent du même ordre pour des charges 1,5 et même 2,0 fois supérieures à la charge nominale (colonnes 3 000 EH et 4 000 EH).
Conclusion : le lagunage vous donne l’abattement bactériologique sans qu'il vous en coûte rien, ou presque. Vous le dimensionnez pour l'abattement physico-chimique et
Le filtre planté
Le filtre planté vertical, le plus commun en France, n’est pas l'enfant prodige de l’abattement microbiologique. Pourquoi ? Parce que les quelques heures de présence de l’effluent sur la station FPM ne tiennent pas la comparaison avec les 60 jours du lagunage, par exemple. Le filtre horizontal est un peu plus performant de ce point de vue parce que l’écoulement y est plus lent donc le temps de séjour un peu plus important, mais les quelques heures supplémentaires ne sont pas significatives. Un filtre 85 m²/EH en climat chaud donnera également des abattements intéressants. Mais en vérité, on voit bien que les fondements de la conception FPM classique, en particulier les anneaux d’écoulement autour des rhizomes, leur réalésage par l’action mécanique du vent sur la partie aérienne des roseaux, la limitation des épaisseurs de matériaux, l’augmentation au contraire des charges hydrauliques par unité de surface... réduisent les temps de séjour indispensables à la dégradation des micropolluants.
Les mesures à la station d’Aurignac entre 2003 et 2005 (voir encadré) montrent que l'abattement sur un filtre planté dimensionné à 1 m²/EH est de l’ordre de 0,5 Ulog pour une épaisseur de sable de 25 cm, de 1,5 Ulog pour une épaisseur de sable de 65 cm. Elles confirment la règle courante et simplifiée des FPM verticaux : abattement 0,5 Ulog sur un étage, 1,0 Ulog sur deux étages dimensionnés à 1,2 + 0,8 m²/EH.
L'abattement sur les filtres horizontaux est un peu plus important, on l’a vu, mais il reste faible aux superficies habituelles.
Les UV
Le réacteur UV est une enceinte, ouverte ou fermée, où l'eau prétraitée passe en lame mince devant un rayonnement ultraviolet d’une fréquence bien déterminée, lequel inhibe définitivement les germes. Il y a des livres entiers consacrés à la décontamination des eaux par exposition aux UV, nous n’allons pas les reproduire ici. Retenons, pour les petits débits qui nous occupent, que l'efficacité de la décontamination peut être accrue en multipliant les lampes ou en réduisant les vitesses de passage, pour un même débit bien sûr, et dépend largement de la limpidité de l’eau à l’entrée dans le réacteur, en l’occurrence de sa teneur en MES. Pourquoi ? Parce que les germes, bactéries et autres virus sont les rois du cache-cache ; ils sont passés maîtres dans l'art de se dissimuler derrière et dans les MES, justement, et d’échapper ainsi aux rayons qui les menacent. De façon plus imagée, le réacteur est le siège d’une sorte de guerre des étoiles où les tirs UV, prévus pour descendre des germes fantassins, s'épuisent sur les blindages des MES.
Schématiquement, les fabricants d'appareils UV ne garantissent plus rien au-dessus de 20 mg/l, valeur très inférieure aux 35 mg/l (la moitié environ) demandés par l'arrêté de 2007 pour les stations > 2000 EH et exigés généralement en sortie de deux étages de filtres plantés. En clair, les filtres plantés classiques n’assurent pas une…
qualité en sortie compatible avec un fonctionnement correct du réacteur UV qui leur fait suite.
Signalons enfin, sans entrer dans le détail, que la technologie UV est émergente, donc perfectible. Beaucoup d’améliorations dans les dix dernières années en termes de fiabilité, de coût, d’efficacité donc de consommation énergétique. Les UV restent néanmoins une approche typiquement intensive, utilisant des fabrications industrielles, énergivores, sophistiquées, réclamant une qualification particulière du personnel d’entretien. Pas vraiment recommandée donc pour une station sans raccordement électrique, entretenue par un agent communal sans qualification particulière.
La filière FPM + UV
Si vous optez pour une filière comprenant des filtres plantés verticaux suivis d'un réacteur UV, vous trouverez toujours un constructeur qui garantira avec des filtres classiques les 20 mg/l demandés par le fabricant de l'appareil UV. Car il y a des constructeurs qui ne lisent pas les notices de leurs fournisseurs, en particulier les paragraphes sur les garanties souscrites, et il y a des constructeurs pervers, qui lisent les notices mais qui tablent sur l’espacement des contrôles, la sous-charge de la station dans les premières années de fonctionnement, le laxisme des maîtres d’ouvrage ou des agents de la Police de l'eau. Qui tentent la chance. Qui supputent la probabilité d’avoir, le jour de la mesure microbiologique, des conditions de charge en entrée, de pluie, d’ensoleillement… qui conviennent aux filtres et les incitent à sortir une MES < 20 mg/l. Cette approche n’est pas recevable. La norme de rejet sur les polluants microbiologiques doit être assurée 24 heures sur 24, 365 jours sur 365 (tous les jours de la saison, si elle est liée à un point de baignade). Or un filtre classique, dimensionné et composé selon la recommandation Cemagref-Agence de l'eau, ne peut pas garantir MES < 20 mg/l.
Deux solutions pour vérifier cette condition en entrée de l'appareil UV : interposer un filtre à sable industriel ou renforcer la filière FPM. Le filtre à sable industriel est la solution la plus fiable et la plus économique en investissement dans l’état actuel de la technologie ; elle est plus coûteuse (coûts énergétiques, d’entretien, de remplacement) et plus complexe en exploitation, mais c’est également le cas du réacteur UV. La solution du renforcement FPM n’est pas définie précisément à ce jour. Pas de recommandation « officielle » sur ce point. On sait néanmoins que le passage de MES 35 mg/l de l'arrêté de 2007 au MES 20 mg/l exigé par les réacteurs UV peut être obtenu par une augmentation de l’épaisseur de sable sur le deuxième étage de filtration et des adaptations correspondantes sur les caractéristiques du filtre, son alimentation, son drainage… Nous nous intéressons ci-dessous à cette seconde voie, plus proche de l’esprit « filtre planté » car plus rustique, plus économe en énergie, plus facile d’entretien et d’exploitation.
Dimensionnement d’une filière FPM + UV
Nous nous placerons dans le cas courant d'une teneur CF des eaux brutes de 108 U/100 ml et d'une norme microbiologique exprimée sous forme d’une teneur en sortie < 103 U/100 ml. Cette norme exige un abattement de 105 U/100 ml ou 5 Ulog qui peut être obtenu de deux manières :
- Solution 1 : −2 Ulog sur FPM et −3 Ulog sur UV
- Solution 2 : −1 Ulog sur FPM et −4 Ulog sur UV.
Dans la solution 1, l'abattement de 2 Ulog sur la filière FPM passe par une augmentation de l’épaisseur de sable sur le second étage ou, selon les conditions particulières du projet, la mise en place d’un troisième étage de filtration verticale, avec une incidence forte sur le coût de réalisation et faible sur le coût d’exploitation. Dans la solution 2, l'abattement de 4 Ulog sur le réacteur UV est obtenu par la mise en place d'un réacteur plus puissant fournissant une dose UV environ deux fois plus élevée que pour l'abattement de 3 Ulog, avec une incidence faible sur le coût de réalisation et plus forte sur le coût d’exploitation (augmentation de la consommation énergétique et des remplacements de lampes).
Le tableau ci-dessous donne l'incidence du renforcement sur le coût de réalisation en fonction de la capacité de la station, en % sur le coût de la station de base (hors UV, avec MES < 20 mg/l) dans les hypothèses suivantes :
- FPM en deux ou trois étages, dimensionnement sur le volume journalier, granulats 55 €/HT/m³
- UV : transmittance 50 % sur 10 mm, dimensionnement sur le débit horaire maxi (débit moyen × 3).
Coût de réalisation – Incidence du renforcement sur le coût de la station de base (ordre de grandeur, réalisation 2009) :
Capacité de la station | Coût de la station de base | Solution 1 | Solution 2 | Économie |
---|---|---|---|---|
500 EH | 250 000 € HT | +24 % | +20 % | +4 % |
1000 EH | 450 000 € HT | +24 % | +21 % | +3 % |
2000 EH | 800 000 € HT | +27 % | +21 % | +6 % |
L’économie sur la solution 2 (renforcement du réacteur UV) n’est pas significative. Elle pourra être annulée par le surcoût en exploitation dans le cas d'un fonctionnement UV toute l'année, moins souvent en cas de fonctionnement pendant les deux ou trois mois de la saison de baignade, par exemple. À étudier au cas par cas.
La filière FPM + lagunage
L’association du filtre planté et du lagunage, c’est le mariage, dans le cadre extensif, du destructeur de carbone et du pourfendeur de germes. Le filtre sera placé en tête de filière pour tirer tout le parti de sa botte secrète, la rétention des MES en surface du filtre et le compostage des boues qui en résultent. Rappelons que filtre et lagune sont curés à intervalles similaires (10 à 20 ans pour le filtre, 10 à 13 pour la lagune en premier curage) mais avec des volumes extraits divisés par dix pour le premier.
Cet arrangement (filtre en tête, lagunes en sortie de station) ne va pas sans quelques inconvénients. En particulier les teneurs N et P élevées en sortie de filtre activent la prolifération saisonnière des algues dans la lagune, donc la présence d’algues dans le rejet de la station, donc l'augmentation des MES dans les échantillons en sortie. Il y a certes MES et MES. Une valeur MES élevée en sortie de boue activée exprime une présence de polluants nuisibles à la vie aquatique et au cours d’eau ; la même valeur en sortie de lagune traduit, au moins en partie, la présence de micro-algues favora-
…bles au contraire ou du moins inoffensives à la faune et à la flore de la même rivière. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le législateur, dans l’arrêté de 2007 (et dans les textes précédents), autorise en sortie de lagune une mesure sur effluent filtré qu’il refuse aux autres procédés.
Là non plus, pas de règle de dimensionnement faute d’expérimentation fiable. On comprend qu'une même lagune ou succession de lagunes donnera un abattement différent selon qu’elle reçoit des eaux brutes ou des eaux en sortie de filtre. D'une part parce que le filtre aura abattu la bactério de 0,5 ou 1,0 Ulog (voir ci-dessus) mais aussi parce que les mécanismes de la désinfection fonctionneront mieux sur un effluent moins chargé physico-chimiquement. Mais le phénomène n’est pas quantifié aujourd’hui.
Conclusions
L'infiltration-percolation est grevée par son coût (lié à l’augmentation de la demande donc du coût des sables), le risque de colmatage et la faiblesse des performances (2 Ulog dans des conditions économiques à peine acceptables).
Un lagunage dimensionné pour l’abattement physico-chimique réalise en outre, sans adaptation, un abattement microbiologique de 10³ U/100 ml ou 4 Ulog en conditions moyennes, de 5 Ulog en conditions estivales.
Un abattement de 5 Ulog peut être obtenu en conditions moyennes en augmentant le temps de séjour, donc les volumes de bassin, sur une filière ne comportant que des lagunes. Cette solution est la plus économique, la plus simple, la plus rustique. Elle a les inconvénients habituels du lagunage : risque d’odeurs surtout l’hiver, curage tous les 10 à 15 ans, besoin d’espace (compter 15 m²/EH pour l’emprise totale), et ses avantages environnementaux : intégration dans le paysage, pas de bruit, accueil d'une faune et d’une flore aquatique...
Une filière comprenant un étage de filtres plantés et un lagunage à 30 ou 40 jours donnera un abattement de 1 Ulog + 4 Ulog = 5 Ulog sur une eau usée brute. Le même abattement sera probablement obtenu avec un temps de séjour inférieur dans le lagunage car le passage par le filtre planté réduit les MES et ainsi améliore l’exposition des germes au rayonnement solaire, mais le gain de temps, donc de volume, ne peut pas être quantifié, faute d’expérimentation.
Cette solution offre également l’avantage de la rusticité, donc de la simplicité d’exploitation, de l’intégration visuelle, de l’autonomie communale puisqu’elle combine deux procédés extensifs. Elle s’imposera souvent dans un cas de réalisation d'un filtre planté en complément d’un lagunage préexistant.
Les filières alignant deux étages de filtres plantés et un réacteur UV sont fréquemment adoptées en cas d’absence ou d’insuffisance du lagunage initial. L’efficacité de l'appareil UV exige une teneur MES < 20 mg/l en entrée, donc des filtres plantés renforcés ou un filtre industriel intermédiaire.
Cette filière présente l'inconvénient d'introduire un équipement de type intensif, donc une complexité d’exploitation, dans une station extensive. Surcoût de 20 à 30 % sur une filière classique à deux étages de filtres plantés pour un abattement de 5 Ulog, 20 à 25 % pour un abattement de 4 Ulog. Coûts d’exploitation (consommation énergétique de l’appareil UV, remplacement régulier des lampes, entretien...) élevés en cas de fonctionnement toute l’année (cas de rejet à l’amont d’un captage, par exemple). Pas d’inconvénient environnemental vu la compacité de l’équipement UV mais le bilan carbone est pénalisé par les UV, consommateurs d’énergie et de ressources non renouvelables (le mercure des lampes notamment) en fabrication et en exploitation.
En définitive, la comparaison entre les filières possibles doit être menée au cas par cas, en considérant tous les aspects du projet global.
Le lagunage fera l'affaire s'il est en place et correctement dimensionné, avec ou sans filtre planté. Le réacteur UV pourra s’imposer, en dépit de ses inconvénients, s'il n'y a pas de lagunage au départ.