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La ville en hiver, le rôle du concessionnaire de réseaux d'eau et d'assainissement

30 octobre 1988 Paru dans le N°122 à la page 91 ( mots)
Rédigé par : J. HEMERY et O. HALPERN

L'hiver se caractérise par la création d'un environnement particulier qui présente une agressivité vis-à-vis des produits gélifs. Les installations traitant ou véhiculant de l'eau sont, bien évidemment, tout spécialement sensibles aux effets de froid (figure 1). Elles le sont directement par la nature même du fluide. Elles le sont également au niveau des auxiliaires hydrauliques ou utilisant de l'air comprimé, ainsi qu’au niveau de certains produits de traitement sensibles au froid. Enfin, elles sont soumises, de la part de leur environnement, à des sollicitations inhabituelles. C’est ainsi que le gel du sol impose aux canalisations des contraintes supplémentaires conduisant à des ruptures.

Mais des nuisances plus perverses sont apparues en milieu urbain, où les conduites sont essentiellement posées sous les voies de circulation. Elles sont liées à l'utilisation du sel pour faire fondre le verglas et la neige. La solution saline en résultant pénètre progressivement dans le sol et en accroît l'agressivité vis-à-vis des tuyaux métalliques, créant ainsi, à terme, des corrosions et donc des fuites.

Le rôle du gestionnaire de réseaux étant de maintenir la continuité du service public, il se doit, d'une part, de définir les dispositions préventives destinées à protéger les installations contre les effets du gel et, d'autre part, de mettre en œuvre les mesures d’intervention rapide ayant pour objectif de remédier aux incidents et de rétablir le service, ainsi que d’assurer la sécurité des biens et des personnes.

[Photo : Les installations traitant ou véhiculant de l’eau sont tout spécialement sensibles aux effets du froid.]

DISTRIBUTION D'EAU POTABLE

Dispositions préventives et conservatoires

Elles doivent, autant que faire se peut, être prises en compte dès la conception des ouvrages, qu'il s’agisse de la production et du stockage, du réseau de canalisations ou de la réalisation des branchements.

Production - stockage

Les installations de traitement comportent des auxiliaires utilisés pour la filtration, la décantation etc., sur lesquels sont mis en place des organes de manœuvre. Ceux-ci peuvent être mus hydrauliquement, le fluide empruntant, par exemple dans le cas de vannes automatiques, un circuit tubulaire constitué d’éléments de faible diamètre. La formation de bouchons de glace, empêchant toute manœuvre, est inéluctable si des dispositions ne sont pas prises. La mise en place de manchons chauffants s’impose.

Certaines installations utilisent de l’air comprimé. En hiver, l'humidité de l’air conduit à la formation de cristaux de glace, d’où la nécessité d’une dessiccation.

Par ailleurs, le traitement de l’eau met en œuvre des produits chimiques, dont certains peuvent subir une cristallisation. Il est donc obligatoire de réaliser un conditionnement ad hoc de leur stockage et de leur transport.

La réalisation d’usines comportant des installations couvertes permet de remédier à beaucoup de ces inconvénients (figure 2).

En ce qui concerne les réservoirs, il y a lieu également de mettre en place des manchons chauffants sur les vannes équipant les circuits arrivée et départ.

Réseaux

La première disposition, cela peut paraître une évidence, concerne la profondeur de pose des conduites, qui doit tenir compte de la rigueur locale des hivers. D’une façon générale cette caractéristique se trouve bien définie ; toutefois, une longue succession d’hivers cléments ne doit pas la faire perdre de vue. Il n’en demeure pas moins que, dans certains cas, des franchissements

[Photo : La réalisation d’usines comportant des installations couvertes permet de remédier à beaucoup d'inconvénients dus au gel.]

Aériens d’ouvrages (autoroutes, voies ferrées notamment) s’avèrent obligatoires. Des dispositions particulières sont alors à préconiser, telles que la mise en place de calorifugeage ou la création d’écoulements avec, bien entendu, des exutoires étudiés pour éviter des conséquences dommageables aux tiers (figure 3).

[Photo : Dans le cas de franchissements aériens d'ouvrages (autoroutes, voies ferrées notamment), des dispositions particulières sont à préconiser.]

Dans le domaine du réseau, le choix des matériaux constitutifs des conduites doit prendre en considération les risques d’agressivité existants mais également futurs, résultant notamment des effets nocifs du salage des chaussées. Les matériaux plastiques sont particulièrement appropriés, et les conduites en fonte ductile sont à protéger par une manche en polyéthylène.

Branchements

La rigueur extrême et prolongée des hivers au début des années 1985, 1986 et 1987 a brutalement réveillé l'attention sur le problème du gel des compteurs (figure 4). Il faut bien admettre que cette attention s’était quelque peu relâchée du fait d'une longue période d’hivers particulièrement cléments. Cette défaillance s'est trouvée aggravée par l'évolution des techniques de construction des pavillons et des logements, qui a conduit à l’installation de postes de comptage dans des emplacements qui se sont révélés inadéquats. C’est ainsi, par exemple, que l'isolation thermique réalisée pour le chauffage électrique a transformé le garage attenant au pavillon en local froid, et tout particulièrement le mur de séparation le long duquel a bien souvent été fixé le poste de comptage.

[Photo : Certains compteurs anciens, tels ceux placés sous fenêtres, sont particulièrement exposés au froid.]

À la lumière d'un tel constat, il est du rôle du concessionnaire de promouvoir la réalisation de produits nouveaux, afin de pallier de tels inconvénients (figures 5 et 6). Des recherches, fondées sur l'exploitation de la chaleur du sous-sol, ont conduit à la mise au point de regards dits antigel, dont les essais ont démontré la totale efficacité (figure 7).

Ceci ne résout malheureusement pas le problème des installations sensibles qui subsistent. Il est donc également de la mission du gestionnaire d'un réseau d'eau public de rappeler aux usagers les précautions à prendre pour éviter des désagréments. Il convient d’ailleurs de souligner que le compteur n’est pas le seul point sensible du branchement, mais que la distribution peut également geler. On a, en particulier, pu constater que des tuyauteries d'eau ont été mises en place dans l’épaisseur des murs extérieurs de certaines habitations.

Mesures d’intervention

Malgré les dispositions préventives qui ont pu être mises en œuvre et qui évoluent vers une amélioration de la fiabilité des installations, tous les gestionnaires de réseaux d’eau potable savent que les périodes de froid sont synonymes de périodes de ruptures et fuites nombreuses. Il est de leur rôle de s’organiser pour faire face à cette situation et ce, dans des conditions d'intervention défavorables. Ceci revient à dire qu’ils doivent disposer de moyens en personnel et matériel, lequel doit être adapté, non seulement pour intervenir efficacement, mais également pour assurer la sécurité tant de leur personnel que des tiers.

Personnel

Il doit être tout spécialement mobilisé pour répondre aux demandes d’intervention. À cet effet, les équipes, tant d’astreinte que d’intervention proprement dite, doivent être renforcées.

Matériel

Les moyens d'intervention disponibles doivent pouvoir être mobilisés rapidement. Ils doivent être équipés pour circuler dans des conditions hivernales (pneus spéciaux). Afin d’en obtenir la meilleure efficacité, l'utilisation de moyens de liaison par radio est très

[Photo : Vue d’un coffret-compteur.]
[Photo : Le regard ISOTER hors gel pour compteur d’eau est constitué d’un corps composé de deux enveloppes et d'un couvercle en polyéthylène. L’isolation est en mousse de polyuréthane injectée.]

appréciable. Des moyens de dépannage des usagers sont également à mettre en place : camions-citernes et équipements à installer sur des points de puisage.

Enfin, les équipes doivent disposer de moyens spécifiques pour :

  • — localiser rapidement les fuites : en effet le gel important de la couche superficielle peut provoquer un cheminement de l'eau assez long entre le lieu de la fuite et celui de l'apparition de l'eau en surface,
  • — accéder aux organes de manœuvre : dégel des tampons,
  • — neutraliser les effets nuisibles de l'eau répandue sur les chaussées : salage, sablage,
  • — dégeler des organes bloqués par des bouchons de glace : canons à air chaud, notamment dans les installations de production.

ASSAINISSEMENT

Réseaux

L'hiver a peu d’incidence sur les canalisations ; toutefois, il engendre quelques difficultés pour les interventions de débouchage ou nettoyage, lesquelles nécessitent de disposer de cuves calorifugées, le chauffage pouvant être assuré à l'aide des gaz d'échappement du véhicule. Comme pour les réseaux d'eau potable, se pose le problème du dégel des tampons pour accéder aux ouvrages.

SAPPEL :

Procédé pour rendre un compteur anti-gel

Bastieue SAPPEL a mis au point un compteur spécialement équipé pour résister au gel.

Partie munie d'une capsule de protection SAG transparente permettant la dilatation de la glace, il est aussi équipé d'un système lumineux qui avertit le service des eaux du bon fonctionnement du système en cas de gel.

  • Effet de la pression
  • Poussée de la glace
  • Dégel
[Photo : Schéma d'un compteur SAPPEL spécialement équipé pour résister au gel.]

Enfin, il faut signaler le cas des postes de relèvement, dont l'arrêt conduit à une stagnation du fluide en aval et donc à la formation de glace. Un chauffage au chalumeau permet de remédier à la situation.

Stations de traitement

Le froid a de multiples effets sur les différentes installations.

Station

  • Au niveau du dégrillage peut se produire le gel du peigne mécanique,
  • Au niveau du décanteur la formation de glace entraîne le blocage du pont-tournant, ce qui implique de procéder au salage de la bande de roulement.

Bassin d’activation

Les aérateurs de surface peuvent être bloqués par la glace, ce qui entraîne l'arrêt soit du traitement biologique, soit de la station ; les effluents sont alors rejetés directement par by-passage de la station.

Clarificateur

Les conséquences du gel sont les mêmes que pour le décanteur.

Traitement des boues

Le froid engendre des difficultés pour la déshydratation des boues ainsi que pour leur stockage en vue de la livraison aux agriculteurs ; afin de remédier à ces inconvénients il y a lieu de mettre en œuvre des dispositifs de chauffage.

CONCLUSION

Face aux problèmes générés par les conditions hivernales, le gestionnaire de réseaux se doit :

  • — d'être attentif aux phénomènes rencontrés, en vue de mettre en place et d'améliorer des dispositions préventives nécessaires à l'obtention d'une meilleure fiabilité des installations ;
  • — de rester vigilant afin d’éviter une dérive, consécutive à une succession d’hivernages cléments, qui s'avérera dommageable à terme ;
  • — d'arrêter des mesures organisationnelles adaptées pour intervenir avec le maximum de rapidité et d’efficacité.
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