La première réalisation du genre en Europe...
avec le four NORIT
à L'USINE D’EAU POTABLE DE LENGG (Suisse)
d’après une documentation technique en provenancede NORIT N.V. (Pays-Bas)
LA VILLE DE ZURICH POSSÈDE SA RÉSERVE D’EAU :
LE LAC DE ZURICH
Première ville de la Suisse, Zurich a su régler son problème d'eau potable et prévoir ses installations pour faire face aux besoins jusqu’en l'an 2000 et plus (le plan national suisse « Stade II » prévoit jusqu'aux années 2020-2040), pour elle-même et les 55 communes avoisinantes desservies par le WASSERVERSORGUNG (ou Service des Eaux) de la Ville de Zurich, formant un ensemble de quelque 750 000 consommateurs à l’heure, auxquels s'ajoutent les besoins de l'industrie locale.
Au point de vue de la ressource en « eau brute », il sera fait appel de plus en plus à l'inépuisable réservoir que constitue le lac de Zurich : le rapport entre les quantités « eau de source + eau souterraine » d'une part et « eau du lac » d'autre part, qui est déjà de 3 à 10 de nos jours, tendra vers 2 à 10 en l’an 2000. Ceci ne va pas sans créer d'ailleurs certaines préoccupations car on peut toujours redouter « qu'il arrive malheur » à l'eau du lac…
Toujours est-il que l'ensemble de production du Service des Eaux de la Ville de Zurich est prévu pour distribuer par jour 1,025 million de m³ d'eau potable en phase finale du « Stade II », à partir de plusieurs usines :
— sources de la vallée de la Sihl et de la Lorze ............ 25 000 m³ — usine d'eau souterraine agrandie Hardhof ............... 150 000 m³ — usine d’eau de lac agrandie Lengg I ....................... 250 000 m³ — nouvelle usine d’eau de lac Moos I ........................ 250 000 m³ — nouvelle usine d'eau de lac Moos II ....................... 250 000 m³ — nouvelle usine d’eau de lac Lengg I (à l'étape finale du plan) .................................. 250 000 m³
LE TRAITEMENT D'EAU DE LAC
À L'USINE DE LENGG
L'usine de Lengg a été construite spécialement pour traiter l'eau du lac de Zurich. En première étape, elle démarra en 1959 avec une capacité de 80 000 m³/jour et une conception de traitement en double filtration partielle et une chloration complémentaire.
Une extension, décidée en 1969, fut réalisée entre 1971 et 1975 pour porter sa capacité à 250 000 m³/jour, avec cette fois une filière complète de huit étapes de traitement d'eau du lac :
1 — préchloration au chlore liquide à l'endroit du captage dans le lac ; 2 — traitement de l'eau brute au sulfate d’alumine avec 10 % d'appoint d'un adjuvant de floculation ; 3 — épuration primaire par filtration sur gravier quartzeux, pierre ponce et anthracite ; 4 — redressement du pH à 8,0 par addition d’hydrate de calcium ; 5 — traitement d’ozonation ; 6 — filtration sur charbon actif en grains ; 7 — filtration lente sur sable ; 8 — apport final de bioxyde de chlore pour éviter une recontamination bactérienne dans le réseau de distribution.
L'usine de Lengg n'est pas encore sollicitée à sa pleine capacité. Sa production effective actuelle est en effet de l’ordre de 40 à 50 millions de m³ d'eau potable dans l'année ; elle pourrait en produire 80 millions.
LA PLACE DU CHARBON ACTIF DANS LE TRAITEMENT
L'usine de Lengg a fixé son choix sur l'utilisation du charbon actif en grains.
Il existe diverses manières d'utiliser ce charbon actif.
Après traitement chimique de l'eau, la séparation complète des matières floculées doit être suivie de l’élimination des impuretés en suspension par une filtration rapide sur sable ou, en alternative, préalablement au passage dans les filtres à charbon actif granulé.
Ce passage de l'eau dans les filtres à charbon intervient pour assurer la déchloration et la désozonation ainsi que pour l’élimination des goûts et odeurs et l’adsorption des micropolluants.
La hauteur de colonne de ces filtres et les vitesses de filtration linéaire correspondantes dépendent du temps de contact requis.
À son tour, celui-ci dépend fortement de la qualité de l'eau à traiter et de celle qui est requise pour l’effluent. Le temps de contact va de 6 minutes lorsqu’il s'agit de déchloration à 30-40 minutes lorsqu’il s'agit de cas déterminés de traitement d'eaux très polluées.
(1) Voir dans ce numéro de L'EAU ET L'INDUSTRIE la description de ces traitements dans l'article « L'Usine de traitement de Lengg (Suisse) ».
ENCRASSEMENT ET RÉACTIVATION DU CHARBON ACTIF EN GRAINS
La masse globale de charbon actif en grains en service à l'usine de LENGG est de l'ordre de 1 000 tonnes. Ce charbon actif est régulièrement lavé par rinçage à contre-courant, de manière à le détasser et à prolonger l’action adsorbante de la couche filtrante qu’il constitue.
[Schéma : Le principe du four de réactivation à lit fluidisé NORIT pour charbon actif en grains.]1. Le charbon actif usagé est transporté par voie hydraulique dans le filtre. 2. … vers le silo de stockage… 3. … et de là, en quantités mesurées avec précision par le bac mesureur… 4. … vers le sécheur à vide. 5. Le charbon séché disparaît maintenant dans la trémie. 6. … qui alimente le four en continu à l'aide d'un convoyeur réglable avec précision. 7. Pour empêcher la pénétration de l'air, un sas rotatif est prévu entre le convoyeur et le four. 8. Dans le four se forme… 9. … un lit fluidisé de charbon actif dont l'épaisseur est réglable… 10. … grâce au registre de trop-plein. 11. Le brûleur inférieur produit des gaz d'activation pauvres en oxygène, qui mettent le charbon en fluidisation et le réactivent. 12. Les grains de charbon réactivé tombent, par un système fermé, dans le réservoir d'immersion… 13. … après quoi ils attendent dans le silo de stockage afin de satisfaire aux besoins du filtre à charbon actif. 14. Les gaz d'activation sortant du four sont d'abord consumés, de sorte que disparaissent toutes les substances combustibles. 15. La chaleur des gaz d'échappement est utilisée dans la chaudière à vapeur pour la production de vapeur permettant l'obtention des gaz d'activation destinés au brûleur mentionné en 11 ainsi qu'au préséchage dans le secteur à vide. 16. Les gaz qui peuvent éventuellement rester sont évacués dans l'atmosphère après être passés par un épurateur-refroidisseur.
Mais à la longue, et en une période qui peut s’étaler entre un an et deux ans de service, le charbon actif en grains s’encrasse définitivement : ses pores sont bouchés par les hydrocarbures, les micropolluants et les substances diverses qu’ils ont retenus.
Fort heureusement, le charbon actif en grains, qui est un produit onéreux à l’achat, ne se détruit pas au service. Et lorsqu’il est encrassé, on peut le régénérer en lui faisant subir une véritable opération de réactivation dans un four approprié.
Ce traitement ne pose pas de problème particulier sinon qu’il doit être effectué dans une unité spéciale de régénération qui existe chez le producteur de charbon actif lui-même.
Tous les jours, en provenance de plusieurs importantes usines de production d’eau potable d’Europe utilisant la filtration sur charbon actif en grains, des masses de charbons actifs encrassés sont ainsi véhiculées vers l’usine de NORIT (Pays-Bas) pour y être régénérées et reprendre ensuite la route pour revenir vers l’usine d’eau, prêtes à être mises de nouveau en service. Mais le trajet à accomplir est plus ou moins long : pour ZURICH-LENGG par exemple, il s’agit d’environ 850 kilomètres à l’aller, et autant au retour…
L’IDÉE D’UNE UNITÉ DE RÉGÉNÉRATION « SUR PLACE » : LES PROBLÈMES À RÉSOUDRE
Les coûts de plus en plus élevés du fret routier, et les quantités de charbon actif en grains de plus en plus importantes à régénérer après encrassement (à LENGG une troisième unité doit être ultérieurement ajoutée aux deux mettant déjà en œuvre le charbon actif) ont conduit les responsables du WASSERVERSORGUNG de ZURICH à l’idée d’installer sur place, dans leur usine de LENGG, une unité de régénération.
Une telle disposition leur permettrait d’être indépendants des services extérieurs de régénération (et en cas de calamité les Suisses pourraient là encore conserver un maximum d’autonomie !…).
Le four à choisir devait de plus : 1° permettre de réaliser la régénération de toutes les variétés de charbons actifs en grains pour traitement d'eau que les techniciens de LENGG peuvent être conduits à utiliser ou à expérimenter pour des raisons diverses ; 2° permettre de réaliser des opérations discontinues et intermittentes, mais ceci avec une marche entièrement automatique requérant un minimum de surveillance.
3° répondre aux exigences de l'environnement, c'est-à-dire notamment ne pas provoquer de nuisances par les fumées ni dans la station elle-même ni dans les eaux voisines du lac de Zurich,
4° et enfin assurer une régénération à un prix de revient raisonnable.
La solution répondant le mieux à toutes ces exigences et qui fut retenue par le Service des eaux de Zurich est le four NORIT à lit fluidisé. C'est ainsi que fonctionne actuellement à Lengg le premier four de régénération « in situ » dans une usine de traitement d'eau potable, qui constitue un prototype européen dans le genre. Ce four NORIT fut présenté en fonctionnement à la presse technique internationale à l'occasion d'une invitation de NORIT à Lengg le 15 juin dernier, lors d'une réunion d'information qui rassemblait également de grands spécialistes européens de l'eau potable.
PRINCIPE DU FOUR NORIT À LIT FLUIDISÉ
Ce principe de fonctionnement est explicité par le schéma qui précède.
DESCRIPTION DU FOUR NORIT
Dans son ensemble, l'unité complète de régénération peut se décomposer en trois parties (consulter le schéma) : 1) un système de réception et de stockage du charbon actif usé ; 2) le four de régénération à lit fluidisé proprement dit ; 3) le système de stockage et de transport du charbon régénéré.
1) Le système de transport et de stockage du charbon actif à régénérer : à l'aide d'éjecteurs installés dans chaque filtre de charbon, celui-ci peut être transporté hydrauliquement à l'un des silos de 80 m³ chacun (silos 2A et 2B).
2) Le four de régénération. Cette unité comprend les éléments suivants :
1 – un système de transport de quantités de charbon mesurées volumétriquement jusqu'au silo de 1 200 litres (3). Sur son chemin vers le silo, le charbon passe par une unité de dessablage qui enlève les matériaux à densité apparente sensiblement différente.
2 – un sécheur à vide rotatif chauffé à la vapeur (4) d’un volume de travail de 1 200 litres. Dans ce sécheur, chaque fournée de charbon est pré-séchée à basse température (45 °C) jusqu'à la teneur en humidité requise de l'ordre de 15 % pendant environ 160 minutes. Remplissage, séchage et vidange de cette unité sont complètement automatiques. Le charbon déchargé du sécheur est ensuite stocké temporairement dans le silo (5) où il est alimenté de façon continue par un train de dosage.
4 – le charbon entre dans le four (9) par une tourniquette. Dans le four, le lit fluidisé, d'une épaisseur de 8 à 10 cm, se développe et le temps de séjour du charbon dans le four (environ 10 minutes) peut être réglé en ajustant la capacité du train d'alimentation de dosage et l'épaisseur de la couche du lit fluidisé.
5 – le charbon régénéré est déchargé à l'extrémité du four dans le réservoir de détrempe (12). De là, le charbon est alimenté hydrauliquement à l'un des silos de stockage (13).
3) Le système de stockage et de transport du charbon régénéré.
Au fond du silo (13), un éjecteur assure l'alimentation hydraulique du charbon jusqu’au filtre à charbon voulu.
RESECHAGE SOUS VIDE, PAR SECHEUR TOURNANT
Le charbon actif usé est très humide, et il est indispensable de le pré-sécher avant de l’introduire en lit fluidisé dans le four de régénération proprement dit, ceci pour limiter à cette étape la perte de charbon à la régénération.
Une des conceptions les plus remarquables de toute l’installation est le séchage par un sécheur à vide dans lequel le charbon très mouillé est introduit et tourne en séchant progressivement pendant trois heures environ, pour amener son taux d’humidité à 15 %.
Ce séchage s'effectue sous vide à basse température (45 °C) pour l’élimination de la seule vapeur d’eau du charbon. Les incondensables et les gaz pouvant dégager de mauvaises odeurs sont immédiatement éliminés par brûlage dans le four, car ils ne sont présents qu'en petite quantité.
La vapeur de chauffage propre devient disponible directement depuis le procédé de régénération lui-même.
Le système tournant diminue très sensiblement l’effet d'attrition des grains du charbon actif, réduisant la perte sous forme de poussière.
Enfin, l'unité est de construction compacte. Son volume est de 1 200 litres et toutes les opérations — remplissage, séchage, vidange — sont effectuées de façon complètement automatique.
RÉACTIVATION DU CHARBON USÉ
Le charbon usé, ainsi préséché à 15 % d'humidité, pénètre dans le four sous forme d'un lit fluidisé de 8 à 10 centimètres d'épaisseur et est soumis à l'action des gaz (850 ° à 950 °C) provoqués par la combustion de fuel léger, lequel est brûlé presque stoïchiométriquement (teneur en O₂ = 0 à 1 %), le gaz de fumée ayant été mélangé avec une certaine quantité de vapeur.
La température des gaz d'activation ainsi produits est gardée constante au moyen d'un régulateur de température. Les gaz du foyer à feu sont distribués de façon égale au travers d'une surface horizontale, qui assure la vitesse de passage désirée du lit fluidisé.
Un des critères les plus importants concernant la réactivation du charbon actif est d'assurer un traitement égal pour chacune des particules du charbon : cela implique que le temps de séjour et les conditions complémentaires de « process » soient maintenus aussi constants que possible.
Dans le procédé de régénération à lit fluidisé NORIT, le résultat est atteint par les conditions ci-dessus mentionnées en matière de température et de vitesse de passage des gaz ainsi que par le dimensionnement du lit. Ce lit de charbon doit être long et étroit et l'épaisseur de la couche limitée à 10 cm maximum.
En raison de la réaction endothermique, cette mince couche de charbon provoque une réaction plus réduite dans la température du lit comparativement à des fours similaires opérant avec des couches plus épaisses de charbon. La durée du passage dans le four — environ 10 minutes — peut être ajustée.
Une soupape de trop-plein, ajustable, spécialement construite placée du côté de l'orifice d’émission du charbon facilite cet ajustement de la couche de charbon entre 0 et 10 cm maximum.
Cela implique qu’à la fin du cycle de régénération le contenu du four peut être complètement déchargé. Les gaz perdus provenant du four ont leur température portée à 900 °C environ dans une deuxième chambre à combustion (14), au moyen d'un deuxième brûleur à fuel et d'une injection d’air de combustion supplémentaire.
Dans cette chambre, les gaz perdus en provenance du sécheur à vide sont également brûlés. Les gaz perdus très chauds provenant de l'après-brûleur sont refroidis jusqu'à 250-300 °C dans le générateur de vapeur des gaz perdus.
Cette vapeur à basse pression ainsi développée est utilisée comme source de chaleur pour le sécheur à vide et également comme un média de réactivation pour la production de gaz activés dans le foyer (9). Un régulateur prend soin d’ajuster la production de vapeur, autant que possible, à la consommation. Les gaz perdus provenant du générateur de vapeur contiennent de petites quantités de cendres volantes. En refroidissant ces gaz dans un refroidisseur de gaz de type spécial, des gaz perdus non saturés et propres sont obtenus.
Ils peuvent être évacués dans l'atmosphère sans problème.
QUELQUES DONNÉES DE FONCTIONNEMENT
- — Capacité : 100 kg de produit réactivé par heure ;
- — température dans le four : 850-950 °C, au cours de l'après-brûlage : 850-1 000 °C ;
- — consommation de fuel : environ 35 litres/heure (y compris l'après-brûlage) ;
- — consommation d’électricité : environ 20 kW/heure ;
- — consommation d'eau : 15-20 m³/heure (eau de transport non comprise) ;
- — eau déminéralisée : environ 200 litres/heure ;
- — production de vapeur : par le procédé de réactivation environ 600 kg/heure.
PRINCIPAUX AVANTAGES DU FOUR NORIT À LIT FLUIDISÉ
Ils peuvent se résumer ainsi :
- a – pertes réduites de régénération.
- b – le four n'a pas de parties mobiles dans la zone de réactivation.
- c – le chauffage rapide et le refroidissement du four sont facilités par la bonne capacité d'isolation du matériau sélectionné pour les parties internes du four et également par l'absence de parties mobiles.
- d – les conditions de « process » peuvent être déterminées à l'avance avec précision et peuvent être gardées constantes grâce à des instruments de régulation automatique, à précision maximum.
- e – un temps de séjour constant garanti pour le charbon dans le four par :
- 1) l'alimentation du four par du charbon pré-séché ;
- 2) l'alimentation au moyen d'un train doseur qui peut être réglée avec précision ;
- 3) les dimensions favorables du lit fluidisé ;
- 4) une distribution uniforme des gaz.
- f – à la fin du cycle de régénération le four peut être vidé complètement et par la présence d'une soupape ajustable de trop-plein.
- g – le four peut être mis en opération de façon intermittente.
- h – les gaz perdus provenant du four ne créent pas de problèmes d’environnement.
- i – une réutilisation complète d’énergie pour la production de vapeur par l'utilisation de la chaleur des gaz perdus.
CONCLUSION
Le FOUR NORIT à lit fluidisé a été mis en service à l'usine de LENGG en 1976, et son fonctionnement donne toute satisfaction depuis cette date. Il a permis d’assurer à cette usine une autonomie complète en matière de régénération du charbon actif usé, par application d'un procédé mis au point par les bureaux d'études de NORIT et constituant une réussite technique incontestable.
D'après une documentation technique de NORIT N.V.