Parmi eux, la société roubaisienne du Peignage Amédée (groupe Prouvost), leader français, sinon européen dans ce domaine d'activité, fut une des premières à rechercher la technique la mieux adaptée à la résolution de leur problème. Elle fut aidée en cela par une étroite collaboration de l'Agence de l'Eau Artois-Picardie.
Les techniques les plus diverses furent ainsi étudiées pour concentrer les rejets, notamment :
- les traitements physico-chimiques (en bassin d’épuration) ;
- l'incinération directe, avec récupération d’énergie ;
- l'évaporation suivie d'un traitement aux solvants du concentrat avec distillation étagée.
Malheureusement, toutes ces solutions devaient aboutir soit à un manque de résultats probants, soit à une impossibilité technique, soit enfin à un coût prohibitif des investissements.
LA SOLUTION PILLARD
Au cours de ces longs mois d’étude et après divers essais en laboratoire ou en station pilote, le Peignage Amédée avait acquis la certitude que la concentration à 70 % de matières sèches par évaporation et thermo-compression de ses rejets était techniquement envisageable et, en conséquence, la société se tourna vers les spécialistes du traitement thermique des résidus industriels.
[Photo : Schéma de principe]
Forts de notre expérience dans ce domaine, et conscients de l'impossibilité technique d’incinérer directement ces résidus fortement chargés en sels minéraux à bas point de fusion, nous avons alors émis l'idée de traiter thermiquement ce produit en deux temps :
- assurer par pyrolyse, et à basse température, la séparation des matières minérales, des matières vaporisables (eau et matières organiques),
- traiter par post-combustion en chaudière la phase vapeur ainsi obtenue.
[Photo : Le pyrolyseur rotatif Pillard]
Une étude théorique de ce procédé fut réalisée et présentée aux parties consultantes. Il fallut ensuite vérifier expérimentalement cette théorie et confirmer les résultats de calculs portant notamment sur les températures d’équilibre, les débits, les échanges thermiques.
Subventionné par l'Agence de l'Eau, un prototype fut réalisé en mars 1980, et deux séries d’essais permirent de vérifier les résultats attendus. Il ne restait plus alors qu'à passer au stade industriel, ce qui fut fait, et en août 1981, la première mise à feu était opérée.
PRINCIPE GÉNÉRAL DE FONCTIONNEMENT
L'unité traite 3,5 tonnes/h de concentrat à 70 % de matières sèches provenant de la station d’évaporation Kestner (figure 1). Les boues réchauffées à 80 °C pénètrent dans un four pyrolyseur tournant et circulent à contre-courant des gaz chauds produits par un générateur (figure 2). Le produit subit alors dans le pyrolyseur une transformation progressive en trois phases principales suivant le processus ci-après :
1) évaporation de l’eau (premier tiers),
2) évaporation et cracking des matières organiques par pyrolyse (deuxième tiers),
3) fusion partielle et agglomération des résidus minéraux (dernier tiers).
Les gaz extraits sont ensuite filtrés dans un dépoussiéreur multicyclonique, puis envoyés en partie vers la chaudière de récupération Lardet-Babcock pour y être brûlés (figure 3), le restant étant recyclé vers le générateur de gaz chauds afin d’abaisser la température de combustion du gaz naturel brûlé en tête de foyer.
[Photo : Chaudière de récupération Lardet-Babcock et électrofiltre.]
La combustion des gaz de pyrolyse obtenus s’effectue par un brûleur à gaz pauvres et à faible pression d’alimentation, avec un léger soutien en gaz naturel (figure 4) ; ce brûleur est monté en façade d’une chaudière conçue pour incinérer les évents chargés partiellement de particules minérales, et qui possède donc un système d’auto-nettoyage (par frappage mécanique des faisceaux et ramoneurs).
[Photo : Brûleur à gaz pauvres en façade de la chaudière de récupération.]
Les fumées ainsi refroidies pénètrent enfin dans un filtre électrostatique à deux champs, qui assure le rejet par la cheminée de fumées parfaitement épurées ; quant aux cendres minérales extraites du pyrolyseur, elles sont refroidies dans un deuxième tube tournant avant d’être stockées pour être vendues pour servir d’engrais à des fins agricoles.
LES BILANS
On peut les évaluer comme suit : rendement de dépollution : 99,98 % (sur l’unité des opérations de traitement thermique du concentrat).
Bilan massique :
Éléments | Entrée (kg/h) | Sortie (kg/h) |
Concentrat à 70 % | 3570 | — |
Gaz naturel (total) | 80 | — |
Air de combustion | 11600 | — |
Fumées | — | 14000 |
Cendres | — | 1250 |
Total | 15250 | 15250 |
Bilan thermique :
Origine | Entrée (th/h) | Sortie (th/h) |
Concentrat à 70 % | 6590 | — |
Gaz naturel | 740 | — |
Pertes par parois | — | 190 |
Pertes par cendres | — | 210 |
Pertes par fumées | — | 1330 |
Production de vapeur 40 b (450 °C) | — | 5600 |
Total | 7330 | 7330 |
Après deux ans d’exploitation industrielle en continu (5 jours par semaine et 46 semaines par an), l’unité traite actuellement 20 000 t/an de concentrat à la satisfaction de l’utilisateur puisqu’elle produit 8 t/h de vapeur à 40 bars (surchauffée à 450 °C) sans dépenses d’énergie, ce qui représente une économie de 20 % des dépenses énergétiques.
Par ailleurs, les mesures, effectuées par des organismes agréés ont démontré, comme on l’a vu ci-dessus, que la dépollution pouvait être considérée comme totale.
Il est fort probable que ce procédé pourra être appliqué, après études particulières, aux résidus présentant un caractère similaire (mélanges d’eau, de matières organiques et de sels minéraux) et en particulier aux rejets de papeteries et tanneries, ainsi qu’aux terres servant à la filtration des huiles.