L'installation comprend deux unités d’incinération de 4,2 t/h, la récupération de chaleur, la production d’électricité par turbo-alternateur, les équipements de livraison de chaleur et l’installation de granulation des boues. Le génie civil permettra l’adjonction ultérieure d’une 3e ligne.
Nous nous proposons de donner ci-après des précisions concernant les équipements de l'usine et les résultats obtenus après une année d’exploitation.
PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT
Incinération des ordures
Après pesage et déchargement dans une fosse de 2 000 m³, les déchets sont repris par un ensemble grappin (2 500 litres)-pont-roulant (3 t) et déversés dans la trémie d’alimentation de chaque four.
Les fours (SOGEA 4200), d’une capacité unitaire d’incinération de 4 200 kg/h à PCI 2 500 kcal/kg, se caractérisent par leur grille constituée de 7 gradins mobiles qui assurent le cheminement et le retournement des déchets jusqu’à combustion complète. Les températures se situent, dans la chambre de combustion, entre 900 et 1 100 °C ; la température de peau extérieure ne dépasse pas 65 °C. Les murs sont équipés sur une hauteur de 80 cm de briques en carbure de silicium, offrant une bonne résistance à l’abrasion. Le PCI des déchets étant très élevé (2 000 kcal/kg), la combustion s’effectue sans apport de combustible.
Récupération de chaleur
La chaleur est récupérée pour produire de la vapeur, employée pour fournir de l'électricité (utilisée sur place) et de l'eau à 110 °C qui alimente le réseau de chauffage urbain.
En partant du four les gaz traversent une chaudière de récupération de chaleur Stein-Fasel à tubes d'eau, produisant 11 t de vapeur à 18 bars, surchauffée à 260 °C, dans laquelle leur température est abaissée de 950 °C à 220 °C. La chaudière comporte, dans le sens de passage des gaz : la chambre de rayonnement et de décantation ; le faisceau surchauffeur ; le faisceau vaporisateur et le faisceau économiseur. La vapeur, au débit de 12 t/h, est ensuite dirigée vers le turbo-alternateur d’une puissance de 350 kW (à cos φ 0,8). Le débit en excès est détendu à 4 bars. Le turbo-alternateur est couplé au réseau E.D.F., qui fournit l’appoint de puissance (de l’ordre de 25 %) nécessaire à l'usine.
À la sortie de la turbine et de son bypass de contournement, la vapeur détendue à 4 bars est refroidie à 152 °C, puis dirigée sur l’échangeur où elle se condense en réchauffant de 80 à 110 °C l’eau du réseau urbain. La puissance de l’échangeur-condenseur est de 9 000 th/h. Si toute la chaleur produite par les fours n’est pas absorbée par le réseau urbain (ce qui est le cas en été), la vapeur en excès est dirigée vers l’aérocondenseur.
Le réseau de chaleur
La chaleur produite par l’usine d’incinération participe au chauffage et à la production de l’eau chaude sanitaire d’un ensemble de 2 000 logements de la ZAC de Seynod.
Ce réseau fonctionne à la température maximale de 110 °C, avec un triple objectif :
- — fournir la puissance électrique de 350 kW aux bornes du turbo-alternateur avec, à l’admission, une vapeur de caractéristiques modérées afin d’éviter tous problèmes de corrosion chlorhydrique des surchauffeurs. La chute enthalpique nécessaire à l’obtention de la puissance électrique nous conduisait à une contre-pression de 4 bars à l’échappement de la turbine, correcte pour chauffer l’eau du réseau à 110 °C, mais insuffisante pour permettre de réaliser économiquement un réseau d’eau surchauffée ;
- — échapper aux contraintes d’exploitation des réseaux en eau surchauffée ;
- — réduire les pertes calorifiques.
La longueur totale du réseau est de 4 500 m ; il comprend 7 400 m de tubes en fonte pré-isolée, de 250 mm, et 1 600 m de tubes en acier pré-isolé, de 125 mm. Son débit est de 300 t/h et sa puissance de 9 000 t/h (10 465 kW) ; il alimente deux chaufferies de la ZAC. Chaque poste de livraison est équipé d’un échangeur à plaques au régime de 110 °C/80 °C au primaire et 70 °C/100 °C au secondaire.
La quantité de chaleur livrée au cours de la première année de service a été de 31 000 MWh.
Contrôle et régulation
La salle de commande permet une vue directe sur le pesage et sur la fosse à ordures. On y trouve, outre les pupitres de commande des installations, des écrans de télévision de contrôle de l’alimentation des fours et la télétransmission des données du réseau de chaleur, avec enregis-
Traitement des températures, des puissances des échangeurs et des comptages.
La totalité de l’usine est contrôlée par un automate programmable.
Le traitement des boues
Après avoir été déshydratées à 72 % sur filtre à bande, les boues subissent un double traitement de séchage et de granulation pour être valorisées dans l’agriculture.
Le séchage des boues s’effectue dans un tambour tournant traversé par des gaz à 700 °C provenant des fours d’incinération. La séparation des boues sèches et des gaz s’effectue dans une chambre de détente puis dans un multicyclone. Les gaz chargés de vapeur d’eau sont ensuite portés à une température de 750 °C pendant une durée supérieure à 2 secondes, pour éliminer toutes odeurs éventuelles.
L’installation est réalisée pour traiter, en 16 heures, 22 tonnes de boues humides, soit 1 375 kg/h ramenées à 428 kg/h après séchage, la siccité passant de 28 % à 90 %, ce qui nécessite une puissance totale de 800 000 kcal par heure et un débit de gaz de 4,24 m³/s. Le diamètre intérieur de la gaine d’amenée des gaz est de 600 mm. Sa température extérieure est de l’ordre de 300 °C pour éviter tout phénomène de corrosion par condensation. Le débit de gaz aval est de 2,4 m³/s. Il circule dans une gaine de retour aux fours de 400 mm de diamètre.
[Photo : Fig. 5 : Schéma d’installation.]
[Photo : Fig. 2 : Le turbo-alternateur et son dispositif de régulation.]
[Photo : Fig. 1 : La chaudière de récupération de chaleur.]
Les boues séchées se présentent sous forme de billes de 3 mm de diamètre, granulation qui est obtenue, avant séchage, par mélange des boues humides avec des fines des boues sèches. Les granulats sont utilisés dans l’agriculture comme amendement organique. Leur présentation permet l’utilisation des matériels d’épandage d’engrais existant dans la plupart des fermes. L’usine d’Annecy comporte néanmoins un dispositif d’injection des granulés dans les fours pour incinération…
[Photo : Fig. 6 : Le séchage des boues.]
BILAN FINANCIER
En raison de la nécessité d’alimenter en permanence le réseau de chauffage urbain, l’usine fonctionne en continu. Le tonnage annuel de 45 000 t d’ordures se répartit mensuellement de 3 500 t pendant 9 mois à 4 500 t pendant les 3 mois d’été. Le personnel d’exploitation comporte 20 personnes.
Le coût de l’opération s’est élevé à 75 MF dont :
— génie civil : | 15,3 |
— équipements de l’usine : | 43,5 |
— réseau de chaleur : | 16,2 |
La dépense a été financée sur fonds propres pour 24 MF (dont 9,6 de subvention) et par des emprunts et avances s’élevant à 51 MF (allégés par une aide départementale de 21,3 MF étalée sur dix ans).
Sur ce montant, la récupération et la livraison de chaleur représentent 30 MF (soit 25,3 HT) qui doivent être amortis par la vente d’énergie au réseau urbain (soit 31 000 MWh) et par la production d’électricité autoconsommée (soit 1 700 000 kWh).
En décembre 1986, le prix de vente de l’énergie au réseau urbain était de 118 F/MWh HT, et le prix moyen d’achat de l’électricité à E.D.F. de 0,35 F/kWh HT. La recette annuelle peut donc être estimée comme suit :
— chauffage urbain : | 31 000 MWh × 118 F = 3,658 MF |
— électricité : | 1 700 000 kWh × 0,35 F = 0,600 MF |
À déduire : dépenses d’entretien et de renouvellement :
2,5 % × 25 300 000 F = 0,632 MF
Recette nette : 3,626 MF
Le temps de retour de cet investissement ressort donc à :
25,300 / 3,625 = 7 ans.
CONCLUSION
L’usine d’incinération des résidus urbains d’Annecy a été conçue à une période où le prix de la tonne de fioul lourd atteignait 2 000 F HT ; par conséquent, le prix de vente HT de la chaleur récupérée était voisin de 200 F/MWh. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la recette du Syndicat est pratiquement divisée par deux et la durée d’amortissement doublée. Néanmoins, l’opération, d’une rentabilité exceptionnelle à l’origine, est encore tout à fait convenable aujourd’hui pour la collectivité, d’autant plus que le receveur de chaleur (le chauffage urbain) est d’une pérennité sans égale*…
* N’oublions pas les entreprises qui ont permis cette réalisation, parmi lesquelles on peut citer, outre le groupement SOGEA-TNEE, Sogréah pour l’étude d’impact, Beteralpes pour l’étude de récupération de chaleur, Framatome et Alsthom Aceo pour la turbine et l’alternateur, Pont-à-Mousson et Wanner pour la fourniture des tubes du réseau, Ceccon pour le génie civil et Swiss Combi (séchage-granulation).