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La valorisation des boues issues de stations d'épuration par des procédés thermochimiques : les procédés de gazéification, une alternative dans le traitement des boues

30 janvier 2002 Paru dans le N°248 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Nicolas ROCHE et Olivier BOUTIN

Des études sont actuellement effectuées pour diminuer la quantité de boues produites par les stations d'épuration. Il est cependant indéniable que cette quantité de boues restera importante et augmentera à cause de la croissance de la population et du nombre ou des capacités des stations. Par exemple, la France compte actuellement environ 12 000 stations d'épuration qui produisent par an environ 850 000 tonnes de boues (exprimées en matière sèche). On peut considérer qu'à l'horizon 2005, cette production atteindra 1,3 Mt, en raison notamment de l'application de la Directive européenne 91/271 de 1991 sur les eaux résiduaires (source : Ademe).

L’utilisation des boues issues de station d’épuration se fait actuellement selon différentes filières classiques : utilisation agricole, épandage, mise en décharge, incinération. Les premières filières citées sont soumises à des normes de plus en plus sévères. Récemment, les dépôts en mer ont été interdits et les lois européennes sur l’épandage sont devenues beaucoup plus sévères. D’autre part, à partir de juillet 2002, seuls les déchets

[Photo : Répartition des différentes destinations des boues en 1998 (entre parenthèses sont donnés les pourcentages correspondants en France)]

Ultimes seront acceptés en décharge (il devrait cependant y avoir, au moins au niveau des échéances, un assouplissement). La filière thermique est en pleine expansion (incinération), en particulier la co-incinération avec des déchets ménagers par exemple. Dans ce cas, les déchets sont incinérés à des températures voisines de 800-900 °C et une partie de la chaleur des fumées de sortie est récupérée. Le traitement thermique comprend également les différents procédés de valorisation thermochimique qui sont actuellement très peu développés pour les boues.

Les différentes options de réutilisation des boues utilisées actuellement en Europe sont présentées sur la figure 1.

Des critères ont été définis pour qualifier la qualité des différentes options possibles pour l’utilisation des boues (Bridle et al., 2000a) :

  • • environnement, protection de la santé : les boues contiennent des organismes pathogènes, des virus, des métaux lourds, des composés organochlorés et d’autres produits chimiques. Selon la filière choisie, certaines normes de rejet doivent être suivies. En principe, à partir de 2002, toutes les boues devront subir une étape de pasteurisation (65 °C pendant au moins 30 min, Furness et al., 2000) ce qui est déjà le cas pour les procédés de séchage, d’incinération et thermochimiques.
  • • valorisation des boues : les boues utilisées doivent apporter une valeur ajoutée, que ce soit d’un point de vue nutritionnel dans le cas de l’agriculture (N, P, K) ou par apport d’énergie dans les options thermiques.
  • • les valeurs ajoutées définies précédemment doivent être supérieures à l’investissement nécessaire à leur création.
  • • les bénéfices retirés doivent être supérieurs à l’impact total, sur les plans environnementaux, sociaux et économiques, en particulier en ce qui concerne la production de CO₂.
  • • le dernier point concerne le transport éventuel des boues avant ou après traitement, qui doit être réduit au minimum car il entraîne rapidement une augmentation des coûts du traitement.

Les différentes options d’utilisation des boues qui vont être décrites sont les suivantes :

  • • valorisation agricole
  • • séchage des boues
  • • incinération
  • • valorisation thermochimique

La partie suivante est une présentation succincte des filières classiques. Elles seront distinguées des filières de valorisation thermochimique présentées dans la partie suivante. D’autre part, pour ces dernières, l’accent sera mis plus particulièrement sur les procédés de gazéification.

Les filières classiques d’utilisation des boues de station d’épuration

Valorisation agricole

Les produits contenant N, P et K peuvent être valorisés en engrais ou par un simple épandage sur les terres agricoles ou les forêts. Cela permet un remplacement des engrais artificiels, souvent chers, et un retour des matières organiques dans un cycle naturel.

Il est important de noter que dans ce cas, une attention particulière doit être apportée à la qualité des boues (présence de virus, produits chimiques, métaux lourds…) pour que ces polluants ne remontent pas la chaîne alimentaire (Bridle et al., 2000a). Des contrôles rigoureux doivent donc être effectués. D’autre part, la digestion anaérobie des boues ne permet pas d’éliminer tous les organismes pathogènes et les virus. Cet objectif est atteint soit par séchage thermique des boues soit par stabilisation chimique. Des normes de plus en plus sévères sont promulguées pour les rejets de micropolluants et de métaux lourds.

Une technique consiste à réaliser un compost par mélange des boues (50 % en masse) avec des co-produits (paille, sciure, écorces, déchets verts). Le compostage consiste en une dégradation par voie aérobie des matières organiques fermentescibles. La température doit atteindre entre 55 et 65 °C pendant quatre heures. Elle conduit à la production d’un compost riche en matières humiques et à un dégagement de CO₂, NH₃, H₂O, N₂, de chaleur…

Même si cette option est importante du point de vue de la quantité de boues traitées, elle ne concerne actuellement qu’environ 1 % de la surface agricole française.

Mise en décharge sur sites appropriés

Le principal avantage de cette méthode est sa simplicité. Les inconvénients sont d’une part les mauvaises odeurs si les boues sont mal stabilisées, et d’autre part la présence de métaux lourds qui peuvent s’accumuler. Enfin, à terme, seuls les déchets ultimes seront acceptés dans les décharges. Il est également à noter que la mise en décharge à la mer est interdite en Europe depuis 1998. Enfin, cette solution ne donne en aucun cas une valeur ajoutée aux boues issues de stations d’épuration.

Séchage thermique des boues

Il peut s’agir d’un traitement à part entière ou d’un précurseur à la conversion thermique (incinération ou valorisation thermochimique par exemple) ou à l’épandage. Les boues subissent préalablement une opération de digestion anaérobie et une déshydratation mécanique avant le séchage pour diminuer la masse à sécher et fournir une source d’énergie pour le séchage (biogaz, Furness et al., 2000). Le taux en eau est réduit par vaporisation.

On trouve généralement deux types de procédés de séchage thermique :

  • • séchage direct (les boues sont mises en contact direct avec le gaz caloporteur)
  • • séchage indirect (les apports calorifiques se font par l’intermédiaire d’une surface d’échange).

Ces deux techniques permettent d’obtenir des boues granulées jusqu’à 99 % de siccité. Elles peuvent ensuite servir à l’épandage ou à une valorisation thermochimique.

Tableau 1 : Exemples d’incinération de boues en Europe

premier cas, le taux en métaux lourds doit être contrôlé. De manière générale, une siccité de 80-95 % est suffisante pour un usage agricole, et supérieure à 95 % pour une conversion thermochimique. Dans le cas d’une incinération, une siccité de 35-45 % est suffisante. Ce niveau de siccité est couramment obtenu dans les étapes de déshydratation mécanique.

Incinération

Deux types d’incinérations sont à distinguer : d’une part l’incinération spécifique, qui utilise uniquement les boues, d’autre part la co-incinération qui associe les boues à d’autres déchets.

L’incinération spécifique

Cette technologie ne connaît pas de développement spectaculaire à cause des coûts d’investissement dus aux normes strictes d’émission des rejets gazeux. D’autre part, seuls les procédés intégrant des schémas autothermiques, c’est-à-dire où il ne faut pas dépenser d’énergie supplémentaire, sont intéressants du point de vue énergétique. Les premières installations d’incinération remontent à 1966 (OTV Pyrofluid) et 1970 (Degremont). Il s’agissait de fours tubulaires rotatifs, aujourd’hui remplacés par des fours à lit fluidisé.

La conception d’une unité d’incinération s’effectue sur la base de critères qui prennent essentiellement en compte la valorisation thermique : la chaleur sensible des fumées est ainsi récupérée (pour réchauffer l’air comburant et de fluidisation dans les cas des lits fluidisés, produire de la vapeur…).

Les derniers incinérateurs utilisent la combustion dans des lits fluidisés pour oxyder les boues à une température comprise entre 800 et 900 °C. Pour obtenir une opération autothermique en lit fluidisé, il faut une siccité de 33 % (Fumess et al., 2000) avec préchauffage par les gaz de combustion. Sans préchauffage, une siccité de 45 % est nécessaire.

Les métaux lourds sont récupérés dans les cendres, qu’il est possible de qualifier de déchet ultime. Il faut cependant veiller à ce qu’ils ne soient pas facilement lixiviables afin de pouvoir stocker ces résidus en décharge en toute sécurité.

La co-incinération

Dans ce cas, les boues sont incinérées dans des installations existantes, avec des ordures ménagères le plus souvent. C’est une solution simple et en général facilement réalisable à partir d’installations existantes. Les systèmes d’épuration des rejets gazeux à l’atmosphère sont souvent suffisants. Les problèmes posés sont ceux du stockage, du transport des boues et des capacités de traitement.

Dans les deux cas, pour le traitement des fumées, l’usage est de s’aligner sur les normes relatives à l’incinération des ordures ménagères traduites en droit français par l’arrêté du 25/01/91. D’autre part, les recherches actuelles tendent à essayer de récupérer le maximum d’énergie produite lors d’une incinération.

Synthèse de quelques cas existants

Le tableau 1 donne des exemples de stations d’épuration utilisant l’incinération pour traiter tout ou partie de leur boue. La plupart utilisent la co-incinération, avec un rapport boues sur ordures ménagères de 15 à 20 %. Les avantages de cette filière sont donc la réduction importante du volume des boues, la destruction thermique d’éléments toxiques, la concentration des métaux lourds dans les cendres et la possibilité de récupérer de la chaleur. Il faut cependant noter que l’épuration nécessaire des gaz a un coût important et que l’incinération a une mauvaise image auprès du public. D’autre part, cette filière ne permet pas de stocker l’énergie, elle nécessite une utilisation directe de la chaleur produite et dans de nombreux cas un transport des boues.

Conclusion

La figure 2 présente l’évolution passée et future des différentes filières de traitement classique des boues de station d’épuration (Werther et al., 1999). Comme cela a été présenté, le rejet à la mer a disparu et la mise en décharge diminue de façon très importante. Dans ce dernier cas, la tendance est à la mise en décharge de déchets ultimes, c’est-à-dire après diminution importante du volume initial des boues. Il y a aussi la valorisation agricole, qui se maintient mais qui ne peut absorber le volume croissant de boues produites, principalement à cause des normes d’épandage de plus en plus sévères. Il reste enfin l’incinération, qui se développe de façon très importante (en particulier la co-incinération dans des usines déjà existantes) et qui a donc un avenir certain.

Le tableau 2 présente les coûts économiques de ces différentes filières. Il apparaît que

[Figure : Figure 2 – Evolution des différentes filières d’utilisation des boues au sein de la communauté européenne (T25 : Werther et al., 1999)]

L'incinération a un coût sensiblement plus élevé que les autres filières classiques (cette remarque est cependant moins justifiée pour la co-incinération). À noter l'utilisation des boues dans les fours à cimenterie, dont le coût est plus élevé que pour les autres filières mais qui permet une élimination et une valorisation aisée des boues.

Il est cependant nécessaire et intéressant de diversifier les méthodes de traitement des boues qui se sont amoindries au cours des dernières années alors que le volume global des boues à traiter augmente. Dans ce cadre, les filières de traitement par valorisation thermochimique sont intéressantes. Ce sont des filières thermiques qui présentent l’avantage de produire des composés stockables et valorisables, au contraire de l'incinération. Ce sont à ces filières que nous allons nous intéresser plus particulièrement.

Tableau 2 : Étude économique sur les différentes filières de traitement des boues

Agriculture / épandage1 000 F/t MS
Décharge500 F/t MS (avec déshydratation, siccité 30 %)
Incinération1 500-3 000 F/t MS (avec déshydratation, siccité 70 %)
Co-incinération700-800 F/t MS (avec déshydratation, siccité 70 %)
Cimenterie2 000-3 000 F/t MS (avec déshydratation, siccité 70 %)

La combustion : elle est réalisée en atmosphère oxydante, avec des vitesses de chauffage lentes et des températures de l'ordre de 400 °C. Elle produit du gaz combustible.

[Photo : Figure 3 : Filières de traitement thermochimique]

La figure 3 présente de façon très générale comment ces différentes options pour la conversion thermochimique des boues s'insèrent dans la chaîne de traitement. Elle fait apparaître que dans tous les cas, les produits obtenus sont de deux types : des produits valorisables et des résidus solides qui peuvent être mis soit en épandage soit en décharge.

Les produits obtenus (solides, liquides ou gazeux) peuvent servir à produire des gaz combustibles pour fournir de la vapeur qui permet la production d'électricité ; être une source de chaleur pour sécher les boues ; produire directement de l'électricité dans des moteurs après nettoyage. Les cendres résiduaires peuvent être utilisées comme additif dans la fabrication du béton (Bridle et al., 2000a).

D'autre part, le tableau 3 donne des exemples de procédés industriels de valorisation thermochimique. Il montre que de nombreux industriels s'intéressent à ces procédés, mais peu d’applications concernent directement les boues de station d'épuration ou, le cas échéant, les informations manquent sur les performances et les conditions opératoires optimales de ces procédés. Il y a cependant un intérêt croissant pour les procédés de valorisation thermochimique, pour la biomasse en général et les boues de station d'épuration en particulier. Dans cette partie, les différents procédés de valorisation thermochimique vont être développés, avec leurs applications possibles pour les boues de station d'épuration.

La valorisation thermochimique

Généralités

Six types de valorisation thermochimique peuvent être définis. Cette classification repose sur les conditions opératoires de température, de vitesse de chauffage, de pression et de type d'atmosphère. Dans tous les cas, chaque procédé produit de l'eau, des huiles, du gaz et du charbon. En général, ces procédés permettent une réduction du volume initial des boues de 10 à 20 % (Furness et al., 2000). On distingue donc :

  • la pyrolyse ;
  • la pyrolyse-incinération ;
  • la gazéification ;
  • l'oxydation en voie humide ;
  • la digestion aérobie thermophile.

La pyrolyse

Il s'agit d'une dégradation thermique des composés carbonés à une température comprise entre 400 et 800 °C en absence d'oxygène. Elle produit un gaz de qualité moyenne (11-22 MJ m³), des liquides (huiles de pyrolyse) et du charbon (« char »), leurs proportions dépendant des conditions opératoires (vitesse de chauffage, température atteinte, temps de séjour).

La pyrolyse rapide, qui nécessite une vitesse de chauffage élevée et des températures importantes, permet de produire principalement des liquides. Ceux-ci ont une viscosité importante et une valeur calorifique de l'ordre de 29-38 MJ kg⁻¹. Après traitement, ils peuvent servir de combustible et/ou dans l'industrie chimique.

Tableau 3 : Procédés de conversion thermique

Siemens (Allemagne)TWR — Pyrolyse + Combustion
Compact Power (GB)Compact Power — Pyrolyse + Gazéification
Krupo Uhdo (Allemagne)Fluid Gasifier — Gazéification
Kurgi (Allemagne)Ohtagas — Gazéification
Kurgi (Allemagne)UR — Pyrolyse
Nexus (France)Soltor — Pyrolyse sous vide
OSG/WGT (GB)WGT — Pyrolyse
Atlas Stord/Schielde (Norvège/Hollande)Schielde — Gazéification

Tableau 4 : Qualité des huiles dans différents procédés

(1 Enersludge – 2 Enersludge – 3 Enersludge – Autre procédé – Diesel)

1 Enersludge 2 Enersludge 3 Enersludge Autre procédé Diesel
Viscosité (cSt, 40 °C) : 41,8 23,7 3,2 86,6 8,1
Fraction eau (%) : 15,5 0,72
C (% massique) : 66,1 68,4 80,8 86,6 86,1
H (%) : 9,7 10,5 11,1 13,5 12,8
N (%) : 5,9 5,1 0,8 1,0 0,05
S (%) : 0,35 0,23 0,21 0,22
O (%) : 18,3 15,2 2,7 négligeable 0,86
Énergie récupérée (%) : 52
Valeur calorifique (MJ kg⁻¹) : 31,15 33,73 40,21 46,18 45,89

Les boues présentent l’avantage de concentrer les métaux lourds dans les résidus solides (sauf le mercure complètement évaporé à 350 °C et le cadmium à 60 °C, Furness et al. 2000). La lixiviation naturelle de ces métaux est moins importante dans le cas des cendres de pyrolyse que des cendres d’incinération, ce qui permet une mise en décharge plus sécurisée de ces résidus (Conesa et al., 1997 ; Kaminsky et al., 1989 ; Furness et al., 2000). L’explication la plus courante de cette différence est que les métaux lourds sont immobilisés dans les cendres par solidification/fixation après une étape de fusion des cendres (Wong et al., 2000). Des études de pyrolyse en thermogravimétrie ont montré que ce résidu solide représentait entre 26,5 et 31,5 % de la quantité initiale de boue (Conesa et al., 1997 ; Urban et al., 1982).

Un exemple de procédé de pyrolyse rapide existant actuellement est le procédé Enersludge (Bridle et al., 2000 b) : développé par “Wastewater Technology Centre of Canada” et “Environmental Solutions International of Australia” (Skrypsi-Mantele et al., 2000 ; Bridle et al., 2000 a). Le flux traité annoncé est de 25 t MS / jour. Le réacteur de pyrolyse est à 450 °C. Le procédé convertit les composés organiques des boues séchées (siccité 95 % obtenue après déshydratation et séchage thermique) en une huile et un « char » solide riche en carbone. Le procédé produit 200–300 litres d’huile par tonne de boue séchée. Les auteurs annoncent que le « char » et les gaz permanents peuvent être utilisés pour sécher les boues. Le tableau 4 présente la qualité des huiles récupérées selon la configuration du réacteur (Skrypsi-Mantele et al., 2000). Il présente également les résultats d’un autre procédé et les caractéristiques du diesel couramment utilisé (Furness et al., 2000).

Ce tableau montre que les deux inconvénients majeurs de ces huiles sont leur viscosité importante ainsi que leur teneur en eau qui font qu’il est difficile de les injecter sans traitement préalable dans un moteur. Les teneurs des différents composés se rapprochent cependant de celles du diesel et les valeurs calorifiques sont sensiblement les mêmes.

Il est cependant intéressant de noter qu’il manque de nombreuses informations sur ce procédé, en particulier sur les efficacités de dégradation et les différents rendements énergétiques. Il est donc possible que bien qu’il soit annoncé depuis plusieurs années il n’ait pas encore atteint un bon fonctionnement.

Il existe des résultats plus précis mais seulement pour des expériences de laboratoire. Ainsi, Kaminsky et al. (2000) ont utilisé un lit fluidisé avec des débits de l’ordre de 40 kg h⁻¹ et des températures de 620 à 750 °C. Le tableau 5 indique les proportions des différents produits ainsi que la composition des gaz. Il montre que même en pyrolyse rapide on obtient une part non négligeable de gaz, en particulier à hautes températures (les réactions de craquage secondaires sont alors favorisées). Il faut cependant noter que, du fait de leur origine, ces gaz contiennent une fraction importante de gouttelettes de goudron qui ne facilite pas leur utilisation ultérieure.

Afin de s’affranchir des problèmes dus à l’humidité des boues, une co-pyrolyse avec d’autres déchets est souvent choisie qui permet d’augmenter la part de solide sec dans les boues (Furness et al., 2000).

Dans le cas d’une pyrolyse plus lente, on obtient une quantité plus importante de charbon. Celui-ci peut être brûlé mais des études intéressantes ont été faites sur la possibilité de l’utiliser comme adsorbant (Lu et al., 1995) pour le traitement de l’air et des odeurs dans les procédés de traitement des boues. D’autres travaux ont montré (Lu et al., 1995) que ce charbon contenait 23–30 % de carbone, le reste étant des cendres. Dans certaines conditions de chauffage, les auteurs ont montré que le charbon obtenu avait une surface spécifique jusqu’à 100 m² g⁻¹ à comparer avec les 1000 m² g⁻¹ obtenus pour certains charbons actifs.

La pyrolyse présente cependant l’inconvénient de produire des composés qui dépendent beaucoup du type de biomasse entrante. Ainsi, en pyrolyse rapide, la composition des liquides obtenus varie selon le type de biomasse et des traitements assez importants sont souvent nécessaires avant utilisation dans un moteur par exemple.

La pyrolyse-incinération

La pyrolyse-incinération est une combinaison de deux techniques. Dans ce cas, la récupération d’énergie ne se fait pas par utilisation de la chaleur sensible des fumées d’incinération mais par combustion des gaz produits par la pyrolyse. Ce procédé est basé sur l’utilisation du four à étage (par exemple développé pour la société NESA). Il est particulièrement adapté à la combustion des boues car il permet :

  • • de développer une étape de gazéification pyrolytique des matières volatiles qui sont ensuite oxydées dans une chambre séparée avec un excès d’air mesuré ;
  • • de séparer la zone de combustion du carbone fixe, qui nécessite un excès d’air plus prononcé.

Dans ce procédé, les produits à incinérer et les gaz circulent à contre-courant.

Tableau 5 : Caractéristiques des produits obtenus en lit fluidisé

Température (°C) : 620 650 750
Huile (% massique) : 40,1 34,3 21,2
Produits dans l’eau : 12,6 10,8 8,0
Résidu solide : 20,0 19,2 22,3
Gaz (% massique) :
H₂ : 22,7 30,7 40,8
CH₄ : 2,4 7,2 8,6
CO : 15,3 15,4 22,2
CO₂ : 49,3 44,3 36,3
C₂H₄ : 2,9 3,4 4,1
C₂H₆ : 3,8 3,0 2,7
O₂ : 3,0 3,9 4,3
N₂ : 31,5 28,5 17,5
Valeur calorifique (MJ m⁻³ N) : 22,8 21,7 22,8

Les produits sont d’abord séchés puis chauffés dans une atmosphère pauvre en oxygène. Dans ces conditions, les matières organiques sont partiellement volatilisées pour produire un gaz combustible. La chaleur nécessaire au procédé est produite par la combustion des matières volatilisées, éventuellement complétée par un appoint de combustible.

Après pyrolyse des matières volatiles, les produits ne contiennent plus que des matières minérales et du carbone fixe. La combustion de ce carbone fixe se réalise dans les étages inférieurs du four et requiert un grand excès d’air.

Une partie des gaz provenant de la combustion remonte vers les zones supérieures du four, alors que l’autre partie est soutirée et envoyée directement vers la chambre de post-combustion avec les gaz récupérés au sommet du four.

La gazéification

Dans le cas de la gazéification, le carbone est converti en gaz grâce à une combustion partielle du carburant. La gazéification est une réaction endothermique et nécessite donc un apport de chaleur. Celui-ci est en général effectué par combustion partielle de la biomasse avec l’air ou l’oxygène de l’alimentation (Hamilton, 2000). Les gaz combustibles obtenus en sortie de réacteur sont ainsi dilués d’une part dans les produits de la combustion (CO₂) et d’autre part dans l’azote contenu dans l’alimentation en oxydant. La gazéification est développée dans un chapitre spécifique.

Oxydation par voie humide

Un autre procédé est une oxydation par voie humide (OVH), avec une phase en conditions subcritiques et une phase en conditions supercritiques avec des températures comprises entre 150 et 330 °C. Le milieu est également en excès d’oxygène. Au contraire de l’incinération, l’OVH réalise la minéralisation de la boue directement en phase aqueuse pressurisée, évitant ainsi l’évaporation de l’eau, l’émission de poussière et de gaz acides. Les différentes étapes de destruction sont une pyrolyse, une hydrolyse puis une oxydation des matières organiques (Furness et al., 2000).

Elle donne naissance à un résidu solide, une solution aqueuse avec une DCO soluble biodégradable et des fumées contenant les gaz de combustion sans poussières et sans polluants acides. Ce procédé est en cours d’industrialisation et devrait être techniquement et économiquement compétitif par rapport à une incinération classique. Il nécessite cependant des conditions expérimentales particulières et sa mise en œuvre n’est pas toujours facile.

Digestion aérobie thermophile

Cette opération se fait à une température supérieure à 50 °C. La température est en général maintenue par la chaleur produite durant la digestion (Furness et al., 2000). Ce procédé est cependant limité à de petites installations car les coûts d’aération sont élevés.

Conclusion

Dans cette partie nous avons présenté les différents aspects de la valorisation thermochimique des boues. Certains de ces procédés sont déjà bien connus et nécessitent des conditions expérimentales particulières (digestion thermophile, oxydation par voie humide). D’autres produisent des composés pour l’instant assez difficilement valorisables et dépendant des conditions d’alimentation (pyrolyse). Pour ces différentes raisons, l’accent va être mis sur la gazéification qui permet de produire un gaz combustible en grandes quantités et qui utilise des réacteurs classiques. Ces deux points seront développés dans la partie suivante.

La gazéification

Introduction

La gazéification produit des gaz non condensables (H₂, CO, CO₂, CH₄, C₂H₆...), en général par ajout d’une quantité d’oxygène, d’air et/ou de vapeur d’eau (en défaut stœchiométrique). Les travaux publiés montrent qu’une température comprise entre 1300 et 2000 °C à pression atmosphérique est nécessaire. Une partie des produits obtenus dans la phase de pyrolyse (gaz, goudrons, huiles et charbon) subit des réactions secondaires produisant par combustion la chaleur nécessaire à l’ensemble des réactions, ce qui diminue le rendement énergétique du procédé.

La plupart des gazogènes sont des lits fixes ou des lits fluidisés. Pour les lits fixes, les circulations de gaz et de solides peuvent se faire à co- ou à contre-courant. Dans tous les cas, les différences proviennent du gaz ajouté (principalement air et vapeur et parfois oxygène) et de la pression de travail qui peut être atmosphérique ou plus élevée (jusqu’à 10 bar). Certains permettent d’obtenir les cendres sous forme vitrifiée, ce qui est intéressant pour piéger les métaux lourds dans une quantité de solide réduite.

Le principal inconvénient de ce procédé est la nécessité d’avoir des boues avec une siccité de l’ordre de 95 % pour permettre les réactions de gazéification. Il semble cependant qu’avec une utilisation d’une partie de la chaleur dégagée lors de la réaction, une siccité de l’ordre de 50 % des boues à l’entrée du procédé soit suffisante.

Les utilisations des gaz obtenus dans un gazogène sont multiples : production de chaleur, d’électricité, d’hydrogène, préparation de gaz de synthèse, procédés de cogénération. Un problème majeur est celui de la pureté des gaz obtenus (présence d’aérosols en particulier) qui pose des problèmes pour le bon fonctionnement d’un moteur par exemple.

Nous avons également noté que la gazéification se faisait en défaut stœchiométrique. Un rapport équivalent (RE) est défini comme étant :

RE = (Rapport air/combustible effectif) / (Rapport air/combustible pour combustion stœchiométrique)

En gazéification de biomasse, il est compris entre 0,2 et 0,4.

Ainsi, la gazéification permet, au niveau des pollutions, de réduire le volume des déchets, de détruire les composés organiques toxiques et de fixer les métaux lourds dans le résidu solide final.

Description et avantages des différents types de réacteur de gazéification

Les informations données dans ce paragraphe ne concernent pas uniquement la gazéification des boues issues de station d’épuration mais de n’importe quelle biomasse (bois...). Elles permettront cependant de guider le choix d’un réacteur pour les boues de station d’épuration, celles-ci ayant des spécificités précises et différentes d’autres biomasses utilisées en gazéification.

Les lits fixes

à co-courant

La figure 4 présente un schéma de principe de ce procédé (Midilli et al., 2001).

Dans la zone de séchage (1) la biomasse entre dans le gazogène et l’humidité est enle-

[Photo : Schéma de principe d'un lit fixe co courant (1 : séchage ; 2 : pyrolyse ; 3 : oxydation ; 4 : réduction)]

L’humidité est enlevée par évaporation en utilisant la chaleur générée par les zones inférieures. La vitesse de chauffage dépend principalement de la surface spécifique de la biomasse et de la différence de température entre l’alimentation et les gaz chauds. La température de cette zone peut atteindre 70-200 °C.

Dans la zone de pyrolyse (2), la dégradation thermique de la biomasse provenant de la zone de séchage a lieu en utilisant l’énergie provenant de l’oxydation partielle des produits de la pyrolyse. La pyrolyse est en effet une réaction endothermique. La température de cette zone peut atteindre entre 350 et 500 °C. La quantité de solide sec peut alors passer de 50 à 90 %.

Dans la zone d’oxydation (3), les produits volatils de la pyrolyse sont partiellement oxydés par des réactions très exothermiques provoquant une augmentation rapide de la température jusqu’à 1 000-1 100 °C dans la zone de rétrécissement. La chaleur ainsi obtenue est utilisée pour le séchage, la pyrolyse et les réactions de gazéification. La gorge existant à ce niveau du réacteur est apparue comme étant d’une grande importance pour obtenir une température uniforme à ce niveau et permettre un bon craquage des goudrons (Beenackers, 1999).

Il y a enfin une zone de réduction (4) qui permet le craquage final. L’oxydation des produits volatils étant très rapide, l’oxygène est entièrement consommé avant d’arriver dans la zone de pyrolyse. Il est cependant possible d’obtenir une bonne oxydation des produits organiques condensables pour réduire la quantité de goudron produite par le gazogène. Celle-ci est en particulier inférieure au cas suivant (lit fixe contre-courant).

Ce type de réacteur est donc stable, permet une bonne conversion et produit peu de goudrons. Il possède cependant l’inconvénient, qui peut devenir important dans le cas des boues, de n’accepter qu’une biomasse d’un minimum de siccité de 80 %.

=> contre-courant

La figure 5 présente un gazogène à contre-courant.

[Photo : Schéma de principe d'un lit fixe contre courant (1 : séchage ; 2 : pyrolyse ; 3 : gazéification ; 4 : réduction)]

Les différentes zones de séchage, pyrolyse et gazéification sont les mêmes que précédemment, la différence résultant de l’endroit où l’agent oxydant est introduit et donc du parcours relatif des gaz et de la biomasse.

Dans ce cas, les gaz sont injectés en bas et quittent le réacteur à une température plus basse que dans le cas précédent ; il y a donc une meilleure efficacité thermique. Ainsi il est possible d’alimenter ce réacteur avec une biomasse ayant jusqu’à 50 % d’humidité. De plus, le paramètre de la taille des particules à l’entrée du réacteur n’est pas déterminant. Enfin, la valeur calorifique des gaz produits est plus importante que dans le cas précédent. Cependant, ce procédé entraîne la production d’une quantité relativement importante de goudrons, ce qui nécessite des lavages importants en aval et peut être gênant pour une utilisation future des gaz. Certains auteurs (Beenackers, 1989) proposent, pour limiter ce phénomène, une deuxième injection d’oxydant en début de réacteur pour craquer les goudrons. Ce craquage peut également se faire dans un deuxième réacteur.

Les lits fluidisés

Il existe deux types de lits fluidisés pour la gazéification de la biomasse : les lits fluidisés bouillonnants et les lits fluidisés circulants (figure 6).

[Photo : Lits fluidisés bouillonnant (a) et circulant (b)]

Le lit est constitué d’un solide inerte, en général l’alumine, dans lequel la biomasse réagit avec de la vapeur et de l’oxygène ou de l’air. Les résidus solides, principalement les cendres, quittent le réacteur en tête avec les produits gazeux. Un grand avantage de ce procédé est la bonne capacité de craquer une grande partie des goudrons produits. Il est possible d’atteindre des températures de 800 à 1 000 °C et des pressions de 25 à 35 bar (Knight, 2000). Dans ce cas, une humidité de la biomasse entrante de 20 % au maximum est acceptable (Lau, 1998).

Les lits fluidisés circulants sont en général

Les plus utilisés. Le fait d’avoir une vitesse de gaz importante permet d’obtenir de bons transferts de masse et de chaleur et des conditions uniformes. Un cyclone en tête de réacteur permet de réinjecter les particules n’ayant pas réagi.

Une étude précise a été faite sur un pilote de laboratoire lit fluidisé bouillonnant pour de la gazéification de biomasse sous air (Narvaez et al., 1996). Les influences de différents paramètres sont les suivantes :

• une augmentation de RE augmente la quantité de gaz produit mais diminue la proportion de gaz combustibles (donc également leur valeur calorifique) et diminue la proportion de goudrons dans les gaz de sortie. • une augmentation de la température du lit augmente les proportions de H₂, CO et diminue celle de CO₂ dans les gaz combustibles. Elle diminue la quantité de goudrons dans les gaz de sortie et augmente légèrement la valeur calorifique des gaz de sortie. • quand le rapport H/C augmente (ce qui revient principalement, pour une même biomasse, à augmenter la quantité d’humidité initiale), la proportion de H₂ augmente ainsi que la valeur calorifique des gaz de sortie. Dans ces conditions, la quantité de goudron dans les gaz de sortie diminue.

La plupart de ces résultats sont également valables pour les autres types de réacteur. Par exemple, l’influence de RE sur la valeur calorifique a été également déterminée pour un lit fluidisé circulant (Joseph et al., 1996).

Conclusion : avantages et inconvénients des différents réacteurs

Le tableau 6 présente des résultats de composition de gaz pour différents réacteurs avec une alimentation en biomasse et non en boues de station d’épuration (Furness et al., 2000).

Tableau 6 : Compositions caractéristiques de gaz selon le type de procédé

On peut voir sur le tableau 6 que :

• les valeurs calorifiques des gaz produits en gazéification sont peu dépendantes du réacteur utilisé. Le paramètre influent est l’agent oxydant. Ce point sera développé dans le paragraphe suivant. • il est difficile de dégager des différences dans la composition des gaz pour les différents types de réacteur de gazéification. Il semble cependant que le lit fluidisé donne un gaz plus riche en CO₂ et en CH₄. • la pyrolyse produit un gaz ayant une valeur calorifique plus importante et une quantité d’hydrogène plus importante que la gazéification mais la fraction de gaz est évidemment beaucoup plus faible.

Enfin, la qualité des gaz au niveau des proportions de goudrons et de poussières est très variable. Ce point est détaillé par la suite.

Le tableau 7 résume les avantages et les inconvénients des différents types de réacteur, principalement dans l’optique d’une utilisation pour les boues de station d’épuration.

Tableau 7 : Avantages (+) et inconvénients (–) des différents types de réacteurs

Critères
Distribution températures
Humidité biomasse entrante
Transfert chaleur
Temps séjour solides
Temps séjour gaz
Capacité de traitement, extrapolation
Mise en route, arrêt
Variété taille particule alimentation (mm)
Fines dans alimentation
Présence goudrons dans gaz de sortie
Présence cendres dans gaz de sortie
Possibilité cendres fondues

Pour de nombreux points, les lits fluidisés sont plus intéressants que les lits fixes : meilleur transfert de chaleur, facilités de fonctionnement. Par contre, pour l’application à la gazéification de boues de stations d’épuration, deux points donnent un avantage certain aux lits fixes : la possibilité d’introduire une biomasse plus humide et la possibilité d’incorporer les métaux lourds dans un résidu solide non lixiviable. En outre, le lit fixe co-courant permet de limiter la présence de goudrons dans les gaz, ce qui est important pour leur utilisation ultérieure. Outre le type de réacteur, l’agent oxydant utilisé est un autre paramètre important sur les performances du procédé de gazéification. Ce point est développé dans le paragraphe suivant.

Les différents agents oxydants

L’agent oxydant utilisé va influencer de façon importante les gaz produits (Lau, 1998) :

• dans le cas d’un gazogène sous air, un gaz de faible valeur calorifique est produit et, après nettoyage, il peut être utilisé comme gaz combustible industriel, production d’énergie par turbine à gaz, pile à combustible. La température de réaction est alors de l’ordre de 900-1100 °C. Typiquement, les gaz produits par ce système ont une valeur calorifique correspondant à 10-20 % de celle du gaz naturel, soit 4-6 MJ Nm³. Ils comprennent jusqu’à 60 % d’azote.

Globalement, un gazogène sous air a un meilleur rendement énergétique qu’un gazogène sous O₂ (voir point suivant). Cependant, son application pratique est plus difficile car l’utilisation de l’air va diminuer la température dans le gazogène, diminuer la vitesse de gazéification et augmenter la taille du gazogène pour une conversion totale (Chen et al., 2000).

• dans le cas d’un gazogène sous oxygène, un gaz de valeur calorifique moyenne est produit (10-18 MJ Nm³). La température de réaction est alors de l’ordre de 1000-1400 °C. De la vapeur d’eau peut être ajo-

tée comme source d’oxygène et pour augmenter la fraction d’hydrogène dans les gaz (Furness et al., 2000). Le gaz obtenu peut être utilisé comme précédemment mais aussi comme substitut du gaz naturel et pour la production chimique (gaz de synthèse). Il est évident que dans ce cas la production d’oxygène nécessaire rend l’ensemble du procédé énergétiquement déficitaire.

  • une troisième possibilité est la gazification thermique à haute température sans apport d’air ou d’oxygène. Les molécules hydrocarbonées sont alors craquées en molécules gazeuses. On obtient un gaz ayant une valeur calorifique de l’ordre de 23 MJ Nm³ (Furness et al., 2000). Dans ce cas, la chaleur pour atteindre des températures de l’ordre de 800-900 °C est apportée par un échangeur de chaleur ou par mélange direct de l’alimentation avec des solides chauds (Hamilton, 2000). L’intérêt majeur de cette solution est de produire un gaz ayant une valeur calorifique plus élevée que dans les deux cas précédents puisque la présence d’azote est pratiquement exclue. Il permet également un bon craquage des goudrons. Un exemple de procédé est celui développé par Lurgi-Ruhrgas (Hamilton, 2000 ; Lynch et al., 1999). Les boues sont portées très rapidement à la température désirée (vitesse de chauffage > 1000 °C/s). La gazéification thermique produit immédiatement des gaz qui fluidisent le mélange, ce qui améliore les transferts de masse et de chaleur. La fraction de solide recyclée est ajustée pour garder une température de 850 °C. Dans ce cas, les boues doivent être séchées avant pour éviter un apport d’énergie supplémentaire.

Les appareillages suivant le gazogène

Les gaz s’échappent du gazogène chargés avec des poussières, des goudrons et de la vapeur d’eau. Selon l’usage qu’il en est fait par la suite, il est nécessaire de les refroidir et de les nettoyer. Un lavage à l’eau à contre-courant permet de nettoyer jusqu’à 90 % des solides et d’arriver à une température de gaz de l’ordre de 30 °C. Il est également possible et parfois indispensable d’effectuer un craquage catalytique des goudrons. Des filtres, par exemple à charbon actif, permettent ensuite d’enlever les dernières poussières. D’autres traitements spécifiques peuvent être nécessaires pour les produits initialement à l’état de trace dans les boues et ne se retrouvant pas dans les cendres vitrifiées : mercure et cadmium ; sulfures, chlorures, fluorure.

Données expérimentales pour les boues de station d’épuration

Le tableau 8 présente quelques résultats de gazéification obtenus sur des boues de station d’épuration. On retrouve les points évoqués précédemment, à savoir que le procédé thermique permet d’obtenir un gaz avec la plus forte valeur calorifique. D’autre part, les lits fluidisés, comparés aux lits fixes, donnent également une valeur calorifique plus importante ainsi qu’une proportion d’hydrogène plus élevée dans le cas des boues.

Le procédé thermique semble donc le plus intéressant. Cependant, très peu de données existent car il est probablement très difficile à mettre en œuvre. Pour les raisons déjà évoquées, il semblerait donc que le lit fixe à contre-courant soit le plus intéressant pour effectuer la gazéification de boues de stations d’épuration.

Conclusion

Le choix entre filières de traitement des boues va dépendre en grande partie de la quantité de polluants présente dans les eaux à l’entrée de la station. De façon plus générale, ce choix sera conditionné par la qualité des boues issues de la station et par l’environnement de la station (proximité de terres agricoles, d’usine d’incinération...). Un traitement global par une seule filière ne semble pas actuellement envisageable et il est donc intéressant de développer de nouvelles filières pour pouvoir s’adapter à chaque cas de station d’épuration.

Si on se place du point de vue plus particulier de la valorisation thermochimique, il semble que ce soit la filière la moins développée actuellement. En effet, la valorisation agricole existe depuis longtemps et semble bien maîtrisée, le travail portant surtout au niveau de la qualité des boues pour les polluants (métaux lourds...). La filière de (co-)incinération bénéficie des acquis obtenus sur le traitement des ordures ménagères. Par rapport à cette dernière, l’avantage d’une valorisation thermochimique est la production d’énergie stockable (gaz, huile) et/ou transportable. Actuellement, en ce qui concerne la pyrolyse/gazéification d’autres matières premières comme le bois ou la biomasse au sens plus large, les développements se font plutôt dans le sens de petites unités locales. Celles-ci ont l’avantage d’utiliser une matière première de proximité (faibles coûts de transports) et d’alimenter en énergie un réseau local. On pourrait envisager le même cas de figure pour les boues de station d’épuration, à savoir une unité de

[Tableau 8 : Résultats obtenus sur des boues de station d’épuration]

pyrolyse/gazéification sur place, qui pourrait fournir de l’énergie à la station.

Une étude économique a été effectuée pour comparer la mise en décharge après séchage et les procédés de valorisation thermochimique (Bridle et al., 2000b).

Les résultats sont donnés dans le tableau 9. Ils montrent que d’un point de vue économique, les investissements et les coûts de fonctionnement sont comparables entre les deux filières. D’un point de vue énergétique, l’avantage est bien sûr donné aux procédés de valorisation thermochimique qui produisent de l’énergie.

Enfin, en ce qui concerne les émissions de CO₂, les procédés de valorisation thermochimique sont les seuls qui permettent une émission globale négative, la quantité de CO₂ produite provenant uniquement de la faible partie des boues qui subit une combustion.

Ce point est important dans le contexte actuel où chaque pays aura une limitation au niveau de ses rejets polluants gazeux (protocole de Kyoto). Il faut cependant noter que, au moins pour la partie économique, ces chiffres reposent sur des filières en état de fonctionner.

La valorisation thermochimique des boues de station d’épuration nécessite encore des recherches pour être totalement viable. Enfin, dans les procédés de valorisation thermochimique, un procédé semble se détacher actuellement : la gazéification.

Ses principaux avantages sont les suivants :

  • - réduction importante du volume des boues ;
  • - le fait d’utiliser de hautes températures et/ou un environnement réducteur limite les émissions de gaz soumis à des normes strictes ;
  • - destruction thermique des virus et organismes pathogènes ;
  • - métaux lourds piégés dans les cendres vitrifiées. Les métaux sont alors plus difficilement lixiviables que pour l’incinération par exemple et posent donc moins de problèmes pour l’épandage ;
  • - obtention de produits stockables et valorisables ;
  • - obtention d’un seul produit principal, du gaz, qui est plus facilement utilisable que les huiles par exemple dans l’état actuel ;
  • - coût économique acceptable par rapport aux autres filières classiques, coûts énergétiques et en rejet de CO₂ négatifs.
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