Your browser does not support JavaScript!

La surveillance des eaux de rejets industriels en milieu naturel: le cas de l'usine des parfums Dior

30 avril 1997 Paru dans le N°201 à la page 43 ( mots)

L'autosurveillance des rejets industriels se développe de plus en plus grâce au soutien des partenaires publics, agences de l'eau et DRIRE notamment. A la fois facteur de transparence et indicateur de qualité de gestion, l'autosurveillance est assez largement appliquée pour la maîtrise des pollutions chroniques mais plus difficilement pour la gestion anticipée des pollutions accidentelles. L'expérience de l'usine des parfums Christian Dior est un exemple de maîtrise en continu de la qualité des eaux pluviales rejetées en milieu naturel. L'usine contrôle en permanence ses rejets d'eaux pluviales par un dispositif d'alerte et d'analyse qualité. La situation, flottante et autonome, est installée en bassin de retenue et permet de surveiller les paramètres essentiels de la qualité de l'eau. En cas de pollution accidentelle, la station active des pompes de relevage et stoppe les rejets en rivière.

L’autosurveillance industrielle est devenue un aspect fondamental des efforts poursuivis par les agences de l’eau et notamment l’agence de l’eau Loire Bretagne pour préserver le milieu naturel des impacts des pollutions industrielles, chroniques ou accidentelles.

L’agence de l’eau Loire Bretagne a d’ailleurs accordé à ce dispositif une attention toute particulière dans son 6e programme en subventionnant à hauteur de 50 % les équipements de contrôle depuis 1992. Le choix de la mise en place d’un dispositif d’autosurveillance s’effectue, après réalisa-

[Photo : Usine des Parfums Christian Dior]
[Photo : Lylipad dans le bassin de retenue de l'usine Christian Dior]

tion d'une étude approfondie, en concertation avec l'agence de l'eau, l'administration de tutelle voire la collectivité.

La mise en place d'une installation d'autosurveillance est toujours effectuée dans le souci de mettre en place un outil ajusté aux besoins spécifiques du site, selon l'importance des flux de pollution rejetés en milieu naturel et la configuration de ce milieu. Selon les établissements et les configurations du site, l'accent sera mis sur un équipement de suivi plus ou moins lourd, avec au minimum, mise en place d'un canal de mesure, dispositif qui peut être complété par un enregistrement du débit en continu et une surveillance, ponctuelle ou permanente, de toutes les caractéristiques du flux.

Les industriels perçoivent également de moins en moins l'autosurveillance comme une contrainte.

L'autosurveillance apparaît comme un élément majeur de transparence pour l'industriel mais aussi un outil d'amélioration de son dispositif de gestion des eaux, de réduction des flux polluants ainsi que parfois, un indicateur pertinent de la qualité de son outil productif.

La mesure de débit en sortie est un élément qui peut être utilisé à bon escient par l'industriel. Le fait de suivre certains paramètres indicateurs de pollution peut donner des éléments d'informations sur la perte de matières premières et sur les dysfonctionnements de process. La transparence est un autre avantage dans la mise en place d'un dispositif d'autosurveillance : l'établissement industriel dispose de toutes les informations concernant la gestion de ses eaux et peut ainsi les faire connaître auprès des organismes concernés. Ces informations peuvent devenir des éléments tangibles à opposer à tiers en cas de litige. Finalement, le dispositif d'autosurveillance industrielle peut apparaître comme un élément positif pour la concertation et l'amélioration des relations entre les industriels et leurs partenaires publics. Toutefois si la vigilance des industriels est la plupart du temps exercée à l’encontre des pollutions chroniques, il est plus difficile pour les partenaires publics, d'attirer l'attention des industriels sur la gestion anticipée des risques de pollutions accidentelles.

La gestion des eaux pluviales rejetées en milieu naturel de l'usine Christian Dior est un exemple significatif d'un comportement industriel actif face au risque pollution.

Le cas de l’usine des Parfums Christian Dior

Depuis le 1er mars 1993, date de l'arrêté ministériel imposant la surveillance et le traitement éventuel des rejets industriels des installations classées, l'équipement de systèmes de mesure en continu de la qualité des rejets dans l'eau se multiplie.

L'arrêté et son complément du 21 décembre 1995 visent à réglementer les prélèvements, la consommation d'eau ainsi que les rejets de toute nature des installations classées, pour la protection de l'environnement. En matière de contrôle des eaux pluviales, le texte préconise le contrôle suivant : « lorsque le ruissellement des eaux pluviales sur des toitures, aires de stockage, voies de circulation, aires de stationnement et autres surfaces imperméables est susceptible de présenter un risque particulier d'entraînement de la pollution par lessivage (...) ou si le milieu naturel est particulièrement sensible, un réseau de collecte doit être aménagé et raccordé à un ou plusieurs bassins de confinement capable(s) de recueillir le premier flot des eaux pluviales. Les eaux ainsi collectées ne peuvent être rejetées en milieu récepteur qu'après contrôle de leur qualité et si besoin traitement approprié ».

La mise en place de systèmes d'auto-surveillance se multiplie et permet désormais à l'industriel de mieux maîtriser la gestion de ses eaux de rejets, d'optimiser la fiabilité de ses installations et d’améliorer ses relations avec les pouvoirs publics et les citoyens en général.

Deux grands types de contrôle peuvent être distingués : le contrôle par prélèvement et le contrôle en continu. Le premier permet de déceler précisément un paramètre polluant dans l'eau par analyse de l'échantillon prélevé (exemple : présence de métaux lourds). Le second permet de suivre en continu un paramètre indice de pollution (ex. la turbidité indice de la présence de Matières En Suspension [MES]).

Une installation de taille

L'usine des Parfums Christian Dior de Saint-Jean-de-Braye (45) emploie 1700 personnes sur un site d'une superficie totale de 55 hectares. À la suite d'un projet d'extension de sa surface imperméabilisée (les bâtiments, aires de circulation etc. représentent actuellement environ 36 % de la surface totale), l'usine, en concertation avec la DRIRE s'est équipée d'un bassin de retenue et de confinement ainsi que d'un système de surveillance en continu de la qualité de ses eaux rejetées (pluviales et de refroidissement) en milieu naturel (la rivière « la Bionne »).

Le contrôle des eaux pluviales fait l'objet d'une attention particulière pour les sites de grande superficie. Dans le chapitre sur la prévention des accidents et des pollutions accidentelles de l'annexe de l'arrêté du 1er mars 1993, le législateur précise : « en ce qui concerne la collecte des eaux pluviales, susceptibles de présenter un risque particulier, je vous recommande d'être particulièrement vigilant lorsque

le ruissellement s’effectue sur une superficie supérieure à 5 hectares».

Un environnement fragile

La rivière dans laquelle l'usine des parfums Christian Dior déverse ses eaux pluviales et ses eaux de refroidissement, la Bionne, est un cours d'eau fragile qui dispose d'une capacité d’absorption relativement faible en période de crue. Le projet d’extension des surfaces imperméables du site industriel a nécessité la construction d’un bassin de rétention avec pompes de relevages pour maîtriser le volume refoulé vers la rivière. Le dispositif permet ainsi et de manière complémentaire d’isoler en cas d’incendie les eaux d’extinction stockées dans le bassin d’orage. L’arrêté préfectoral de la région, antérieur à l’arrêté du 1er mars ne définissait aucune réglementation en ce qui concerne les eaux pluviales. Si la DRIRE a choisi de prescrire un contrôle tout d’abord quantitatif par la création du bassin de retenue, l'usine, quant à elle, tint très vite à contrôler la qualité de ses eaux de rejets en temps réel et en continu : «Nous voulions avoir la certitude absolue de répondre au problème posé et être capables de réagir rapidement en cas de pollution accidentelle. En accord avec la DRIRE, nous voulions protéger le milieu naturel le plus possible des pollutions accidentelles pouvant entraîner une pollution provisoire de nos rejets...» explique M. Moguen, responsable du service de maintenance technique de l'usine.

Une démarche volontaire

En 1990, l'usine avait déjà procédé à un diagnostic interne des usages de l’eau. Les conclusions de l’étude ont permis à l’industriel de mettre en place une séparation de ses eaux polluées et non polluées renforcée par un contrôle par prélèvement journalier de ses eaux usées. La société d'études et d'ingénierie, SFEE préconise cette fois-ci de se rapprocher de cas existants à l'échelon local. Il était important de rechercher des expériences ayant reçu l'agrément des services administratifs de la région. La SFEE, mandatée par l’industriel, s'est rapprochée de l'agence de l’eau Loire Bretagne et des services techniques de la Ville d'Orléans, qui ont déjà mis en place un contrôle qualité des eaux de rejets de la zone industrielle de Saint Cyr en Val (La Saussaye).

L'approche technique de définition des modalités du contrôle de la qualité de ses eaux n’était pas arrêtée au départ. Le choix d'une mesure en continu plutôt que d’un prélèvement régulier s'est révélé le plus apte à répondre au problème posé : «Le contrôle en continu facilite grandement la maintenance et permet, en cas d’anomalies de très courtes durées de réagir dans l’instant. Enfin, grâce à l'accumulation de données et au traitement statistique, la mesure en continu permet de réaliser des études à long terme». SFEE a donc réalisé un cahier des charges en préconisant la nature des paramètres à contrôler et la méthodologie de mesure : «Nous avons tenu à reprendre ceux de la grille de qualité de l’eau utilisée par l’agence de l’eau Loire Bretagne. Là où il n’existait aucun paramètre de référence, nous nous sommes attachés à choisir des paramètres adaptés à la détection de pollutions accidentelles, comme la détection d’hydrocarbures flottants».

Un outil pour la prévention et la gestion des incidents

La station mesure donc en continu : le pH, le potentiel Redox, la conductivité, la turbidité, la température, l’oxygène dissous et la présence d’hydrocarbures flottants. Ces paramètres permettent d’avoir un œil sur la qualité générale de ce qui est rejeté en rivière et d’obtenir une analyse instantanée des rejets. Certains paramètres, plus précis quant à la nature de la pollution occasionnée, comme la DCO ou la DBO, nécessitent une analyse différée (5 jours pour la DBO) et ne permettent pas d’établir une traçabilité immédiate. Le système retenu par l'usine des Parfums Christian Dior privilégie une approche active et réactive face au risque de pollution. «La détection d’une pollution se fait instantanément : après avoir stoppé les pompes de relevage du bassin de retenue, nous disposons alors de tout notre temps pour analyser plus précisément la cause de la pollution. L’essentiel étant d’éviter au maximum l’impact de la pollution sur le milieu naturel afin d’en préserver au mieux l’équilibre. En outre, il permet à long terme de mesurer précisément l’influence de nos rejets d’eaux pluviales sur le milieu et de nous affranchir, le cas échéant, des problèmes de qualité décelés dans le milieu naturel» indique M. Moguen.

Une station intégrée

La société Néréides, déjà à l’origine du système de surveillance de la zone industrielle d'Orléans, propose alors une station automatique compacte (1 × 1 × 0,4 m) et flottante faite pour la mesure en continu de la qualité de l'eau, LILYPAD. La structure est légère en acier inox et mécano soudée. Elle est conçue pour limiter les risques de vandalisme.

Montée sur bouées et semi immergée, la station ne nécessite pas de génie civil et bénéficie d’une bonne stabilité.

Sur les conseils de la DRIRE, la station est installée, dans le bassin de retenue, le plus près possible de la zone d’évacuation des eaux. Elle est entièrement automatique et fonctionne de manière autonome grâce à une alimentation par panneaux solaires. La maintenance est réduite et facile à effectuer (calibrage mensuel, changement des membranes de détection des hydrocarbures semestriel...).

La collecte des informations et le paramétrage des mesures s’effectuent par radio, ce qui permet d’éviter tout dispositif de câblage et déplacements. La chaîne de mesure s'autocontrôle en permanence et une aide au calibrage sur site est intégrée.

Un important stockage des données permet un traitement ultérieur pour assurer la continuité des valeurs notamment en cas de transmission défectueuse. La station se situe environ à 500 m du PC auquel elle est reliée. Un progiciel propriétaire, LILYSOFT sous Windows, gère la station et exploite les données sous Windows. La station est opérationnelle depuis le 1er mars 1996.

Une opération pilote

En anticipant sur la réglementation et en faisant montre d’une exigence nettement supérieure à celle imposée par l'arrêté préfectoral d’autorisation, l’usine réalise ici une opération pilote dans le domaine de la surveillance des eaux de rejets en milieu naturel. Elle a par ailleurs obtenu le soutien de l'agence de l’eau Loire Bretagne qui a participé au financement global de l’opération à raison de 28 % du montant total de la réalisation et 50 % du montant des études.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements