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La STEP de Sallek Valley : nitrification et dénitrification par la biofiltration

28 novembre 2008 Paru dans le N°316 à la page 159 ( mots)
Rédigé par : Andreas RüDIGER et Perrine DESBOIS

La filtration biologique (ou biofiltration) est une technologie qui a déjà fait ses preuves pour le traitement de la pollution carbonée dans plus de 500 stations européennes d'épuration des eaux communales. Parmi celles-ci, celle de Sallek Valley, en Slovénie, se distingue par la mise en série innovante de deux biofiltres et d'une recirculation partielle des boues épaissies afin d'augmenter la concentration en DCO nécessaire à la dénitrification. Ce procédé permet une dénitrification-nitrification avancée par un procédé très compact avec de faibles coûts d'exploitation. Les résultats obtenus par cette station d'épuration seront exposés et commentés pour démontrer l'efficacité du procédé.

La station d’épuration des eaux usées de Sallek Valley reçoit les effluents des villes slovènes de Velenje et de Šoštanj, et de quelques industries, représentant une capacité de 50 000 équivalents habitants environ. L'eau traitée est ensuite rejetée dans la rivière Paka. Selon les réglementations européennes pour la protection

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du cours d’eau, une qualité exemplaire de traitement sur la totalité des paramètres de pollution est exigée (tableau 1).

Suivons le parcours de l’effluent pour comprendre le fonctionnement de la station. Dès son entrée dans la station, les particules de l'effluent les plus encombrantes sont retenues par le dégrilleur grossier (1) et les graisses contenues dans le filtrat sont éliminées dans le dessableur aéré (2). L’effluent subit ensuite le traitement primaire dans le décanteur, consistant à l’élimination des particules les plus lourdes (3). Après passage par un dégrilleur fin, l'eau à traiter, de par sa faible teneur en MES, peut subir le traitement biologique par biomasse fixée de deux étapes, un en milieu anoxie permettant la dénitrification, biofiltre DN (4), puis un en milieu aérobie pour la nitrification, biofiltre N (5). Un lavage régulier des filtres a lieu, nécessitant un bassin de stockage des eaux usées de lavage (6). Ces deux types de biofiltre nécessitent des pompes et des compresseurs (7) pour les biofiltres N.

Tableau 1 : Paramètres de dimensionnement de la station de Sallek Valley

Débit journalier18 000 m³/j
Débit maximum1 400 m³/h
DBO₅200 mg/L → < 20 mg/L (90 %)
DCO350 mg/L → < 90 mg/L (74 %)
MES200 mg/L → < 35 mg/L (83 %)
N total37 mg/L → < 15 mg/L (59 %)
NH₄⁺25 mg/L → < 10 mg/L (60 %)
P total4 mg/L → < 1 mg/L (75 %)

La ville de Velenje possédait déjà un terrain où se situait l'ancienne station d’épuration. Cependant, cette STEP nécessitait à la fois une augmentation de sa capacité et surtout une modernisation des procédés pour être conforme aux nouvelles réglementations. Ainsi une filière complète de traitement des eaux, exposée par la suite, a été réalisée. Celle-ci devait être réalisée sur le terrain actuel de la station, délimité à la fois par une route fréquentée et par la rivière Paka, ce qui correspond à une surface de 180 m sur 70 m. La biofiltration, traitement biologique performant dix fois plus compact que le système à boues activées, a donc été naturellement privilégiée pour réaliser la nitrification/dénitrification.

Schéma de traitement

Un premier schéma simplifié de la STEP (figure 1) montre l'importante compacité de la station et un autre (figure 2) détaille les différents procédés utilisés.

[Photo : Vue de dessus de la station de Sallek Valley.]
[Photo : Schéma de traitement détaillé de la station d’épuration de Sallek Valley.]

Un traitement complet des boues a également lieu pour la valorisation de leur potentiel énergétique. Celui-ci consiste en un épaississeur de boues (8), deux méthaniseurs (9) producteurs de biogaz et donc d’électricité et une centrifugation (10) réduisant le volume des boues. Celles-ci peuvent finalement être utilisées pour fertiliser les champs.

Pour superviser les résultats de la station, des bâtiments administratifs et un laboratoire sont également présents sur le site (11).

Le procédé original à la station de Velenje, c’est-à-dire la mise en série de deux biofiltres pour réaliser la dénitrification/nitrification, va être détaillé.

Après chaque traitement, mécanique et biologique, la qualité de l’eau est mesurée pour vérifier le bon fonctionnement des procédés. La figure 3 montre leur efficacité vis-à-vis de différents paramètres importants dans le traitement des eaux résiduaires : la DCO, les MES, le N-NH₄ et le N-tot. Nous constatons que le traitement mécanique représente plus de 60 % de l’abattement de la DCO et des MES. La nitrification se fait en grande partie dans le biofiltre N, et l’abattement en azote total dans les deux biofiltres.

Explication du procédé

Fonctionnement général de la biofiltration

De par sa faible emprise au sol et de par son épuration intense des eaux résiduaires, la biofiltration a rapidement été privilégiée pour cette station d’épuration. Celle-ci est en effet un procédé à haut rendement associant une action mécanique de rétention des MES par filtration et une transformation biologique des polluants contenus

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[Photo : Figure 3 – Abattement de la pollution aux diverses étapes de traitement.]

dans les eaux à traiter par intervention de micro-organismes.

Le biofiltre est composé d'un matériau support, des grains d’argile expansée possédant un réseau microporeux important afin d’obtenir :

  • * une surface spécifique élevée pour la croissance des microorganismes ;
  • * un grand volume interstitiel disponible pour que les MES soient retenues et s’accumulent.

Seule une perte infime de ce matériel a été constatée dans les stations en activité, ne nécessitant pas de renouvellement.

En comparaison avec les boues activées, le système de biofiltration est dix fois plus compact avec un temps de séjour de dix à vingt fois plus court, tout en présentant des résultats comparables voire meilleurs [1]. Cela s’explique tout d’abord par l’importante adaptabilité du système : les bactéries fixées se développent selon la pollution présente dans l’eau. De plus, une dégradation séquentielle a lieu dans le biofiltre, diminuant la charge polluante dans le haut du réacteur et facilitant ainsi la dégradation des composés persistants. Enfin, le biofilm formé conserve les spécialistes à croissance lente, dont notamment les nitrificateurs et les bactéries métabolisant les substances organiques plus difficilement biodégradables, car le rinçage quotidien évite une colonisation totale du biofilm par les bactéries se nourrissant seulement de substances facilement dégradables.

De plus, pendant les périodes de non-rejet, la biomasse fixée résiste très bien à un manque de pollution tout en étant mieux préparée à de forts rejets de pollution à venir. La biofiltration est donc un procédé très bien adapté à d’importantes variations de charges, comme celles présentes dans les stations en zone touristiques [2]. Faisant partie de celles-ci, la STEP de Sallek Valley a choisi la biofiltration plutôt que le procédé de boues activées classiques contenant un clarificateur et donc occasionnant des problèmes de décantabilité lors de forte variation de pollution.

Mise en série de deux étapes de biofiltration dans la STEP de Sallek Valley

De plus en plus de stations d’épuration intègrent un traitement tertiaire afin de respecter les réglementations sur les rejets d’azote. Différents procédés ont déjà été réalisés pour ces deux étapes mais une des solutions les plus performantes et innovantes est la mise en série de deux biofiltres. Ainsi, dans la station de Sallek Valley, huit biofiltres réalisant la dénitrification, biofiltre DN, suivis de huit réalisant la nitrification, biofiltre N, forment des tandems, évitant une redistribution des eaux entre les deux étapes comme le montre la figure 4.

L’effluent subit, lors de son passage dans les canalisations, une ammonification : transformation de l’azote organique en azote ammoniacal. Ensuite, en entrant à la base du biofiltre DN non aéré, les nitrates et une partie de la DCO facilement dégradable sont transformés biologiquement lors de la traversée du média filtrant. L’eau est transportée par gravité à la base du biofiltre N. Celui-ci est aéré en co-courant du flux des eaux usées pour maintenir les conditions aérobies dans l’ensemble du réacteur et réaliser la nitrification, transformation de l’azote ammoniacal en nitrite puis nitrate NO₃⁻. La recirculation d’une partie de l’effluent de sortie en tête du premier biofiltre est alors nécessaire pour dégrader les nitrates formés : le procédé choisi est donc une pré-dénitrification partielle (figure 4).

Tout d’abord, le volume des biofiltres N peut être relativement faible (tableau 2) car la DCO a déjà été partiellement éliminée dans le biofiltre DN et la nitrification n’est pas limitée par un manque d’oxygène grâce à l’aération en co-courant. Par ailleurs, le tandem DN/N offre une très grande souplesse de fonctionnement : en cas de surcharge, il suffit d’augmenter la recirculation pour maintenir l’efficacité de dénitrification.

Tableau 2 : Dimensionnement des biofiltres

Caractéristiques Unités Biofiltre DN Biofiltre N
nombre de filtres 8 8
surface par filtre 35 41
hauteur de média filtrant m 3 3,7
volume par filtre 105 151
charge hydraulique moyenne m³/(m²·h) 7,3 6,3
charge polluante moyenne kg N(NO₃⁻)/(m²·j) 0,40 0,44
argile expansée mm 4,8 2,55
temps entre les lavages h 24 36
[Photo : Figure 4 – Coupe de l’un des 8 tandems biofiltre DN/biofiltre N de la station.]
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[Figure : Évolution du flux de DCO, MES, N-NH4 au cours de l'année 2007.]

née dans celui DN.

De plus, l'un des paramètres les plus importants du système est le taux de recirculation à appliquer à l’effluent en sortie. Dans la STEP de Sallek Valley, le taux moyen de recirculation est d’environ 170 %, valeur comprise entre celle conseillée par les auteurs [2] et [3].

Tout d’abord, plus celui-ci est élevé, plus les valeurs de dimensionnement des biofiltres et ainsi le coût de l’installation le seront. Ensuite, il est évident que plus ce taux est élevé, plus la quantité de nitrates traversant le biofiltre DN est importante et donc plus la dénitrification est élevée.

[Figure : Variation de la DCO en entrée et sortie de la station au cours de l’année 2007.]

Par exemple, pour une pré-dénitrification sans autre facteur limitant, un ratio DCOsoluble/N-NO3 de l'ordre de 7 permet une dénitrification totale [2] [3]. Les performances de nitrification, grâce à ce système, sont d’environ 0,35 kg de nitrates formés par m³ de matériau et par jour. Cette valeur est comprise dans la gamme des valeurs obtenues lors des recherches, avec une valeur maximale de 0,6 kg de nitrates formés par m³ de matériau et par jour [4]. Ainsi, grâce à un faible apport de DCO, la nitrification se fait avec un bon rendement.

Résultats

Les mesures des différents paramètres de pollution sont prises automatiquement en continu. Pour réaliser les graphiques, nous utilisons les valeurs moyennes par semaine pendant un an. L'évolution du flux de MES et de DCO en entrée de l'installation tout au long de l’année permet de constater les tendances suivantes.

[Figure : Variation des MES en entrée et sortie de la station au cours de l'année 2007.]

Cependant, après le passage dans le biofiltre N, cet effluent recyclé contient une grande quantité d'oxygène (5-8 mg O2/L) consommant la DCO facilement dégradable. Cette consommation est, dans ce schéma de traitement, équilibrée par la recirculation des boues épaissies. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter de produit chimique, par exemple du méthanol, comme source carbonée, réduisant ainsi les coûts d'exploitation et la quantité de boue produite. Cette recirculation des boues épaissies a été en effet mise en place pour augmenter le rapport DCOsoluble/N et ainsi la nitrification.

[Figure : Variation de la concentration en N-tot en entrée et sortie de la station au cours de l'année 2007.]
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Liste des abréviations

DBO : Demande Biologique en Oxygène (en mgO₂/L)
DCO : Demande Chimique en Oxygène (en mgO₂/L)
MES : Matière en Suspension (en mg/L)
STEP : Station d’épuration

Une importante variation de charge passant pour la DCO de 4 t/j à 8 t/j pendant la période estivale et touristique (figure 5). Grâce à la biofiltration, les valeurs de DCO en sortie resteront très stables, autour de 30 à 50 mg/L, soit bien en dessous de la valeur exigée qui est de 90 mg/L (figure 6). De même, les MES restent faibles tout au long de l'année (figure 7) et s’améliorent à la fin de l'année 2007, car les résultats exploités sont ceux obtenus juste après la période d’essais à la fin de l'année 2006. Nous constatons ainsi une amélioration de l’efficacité du procédé au cours du temps. Cela confirme bien l’adaptabilité et ensuite la stabilité des performances épuratoires lors des variations de charge de la biofiltration [5] [6].

La variation de l'azote total est assez faible tout au long de l'année et la valeur seuil réglementaire, très faible, de 15 mg/L est toujours respectée (figure 8).

Conclusion

Après l'utilisation généralisée des biofiltres pour l’élimination de la DCO biodégradable, les résultats obtenus par la STEP de Sallek Valley démontrent la fiabilité de ce procédé pour la nitrification-dénitrification. Ce schéma de traitement, la mise en série de deux biofiltres accompagnée d'une recirculation partielle des boues épaissies, a donc un avenir certain dans le traitement des eaux résiduaires.

Les avantages de la mise en série de deux biofiltres sont les suivants :

  • - excellents rendements épuratoires ;
  • - compacité de l'installation, faible encombrement au sol ;
  • - technologie modulaire ;
  • - très bonne adaptation aux variations de charge ;
  • - bonne efficacité à basses températures de l’eau ;
  • - absence de boues flottantes et de pertes de boues ;
  • - système automatisé avec possibilité de télégestion ;
  • - exploitation facile pour un coût réduit ;
  • - faibles coûts d’investissement et d'exploitation.

Références bibliographiques

[1] Joss A. et Maurer M. « Les biofiltres au banc d'essai » Recherches actuelles, juillet 2006.

[2] Rother E. et Cornel P. (2007) : « Potentials and limits of a pre-denitrification/nitrification biofilter configuration for advanced municipal wastewater treatment » IWA Publication, Vol 55 N° 8.9, p. 115-123.

[3] Rother E., Cornel P., Ante A., Kleinert P. et Brambach R. (2002) : « Comparison of combined and separated biological aerated filter (BAF) performance for pre-denitrification/nitrification of municipal wastewater » IWA Publication, Vol 46 N° 4.5, p. 149-158.

[4] Canler J.P., Perret J-M. et Lengrand F., IWEMA (2002) : « La nitrification en biofiltration. Application à des charges variables et à des basses températures ». TSM n° 10, année 1997.

[5] Rüdiger A. (1999) : « Experiences with biofiltration in waste water treatment ». Fourth BNAWQ Scientific and Practical Conference, Water Quality Technologies and Management in Bulgaria, 17-19 février 1999, Sofia, Bulgaria, Conference Preprints.

[6] Rüdiger A. et Pujol R. (1998) : « Experiences with biological filtration for carbon and nitrogen removal », 2nd Intern. Black Sea Conference, Environmental Protection Technologies for Coastal Areas, 21-23 octobre 1998, Varna, p. 195-201.

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