En 1986, la ville d’Antibes arrêtait une mesure prioritaire concernant le projet de construction d’une station d’épuration des eaux usées destinée à desservir l’agglomération d’Antibes, laquelle comprend une population d’environ 85 000 habitants, qui atteint en période estivale 130 000 résidents.
Afin que les effluents rejetés en mer après traitement soient entraînés au large par les courants, il était indispensable que l’implantation de la station d’épuration réponde à trois critères principaux :
- se situer à l’aval immédiat des collecteurs,
- être implantée à proximité de l’émissaire de Bacon,
- ne générer aucune nuisance de proximité.
L’étude d’impact définissait le cahier des charges de la station, lequel imposait les conditions suivantes :
- intégration totale de la station dans un site de qualité,
- construction d’un ensemble compact semi-enterré,
- réalisation d’ouvrages de traitement mettant en œuvre des technologies et procédés performants,
- apporter un soin tout particulier à l’architecture de la station et à son environnement paysager.
Après examen des diverses solutions envisageables, la ville d’Antibes retenait la filière de traitement biologique proposée par OTV et la réalisation des travaux correspondants.
Nous donnons ci-après quelques précisions sur les dispositions adoptées concernant la filière de traitement.
Le traitement des eaux comprend :
- — un prétraitement (dégrillage grossier et fin, dessablage, déshuilage),
- — une coagulation-floculation chimique,
- — une décantation lamellaire,
- — un traitement par filtration biologique (procédé Biocarbone).
Le traitement des boues est composé :
- — de trois épaississeurs,
- — d’une déshydratation par centrifugation,
- — d’un chaulage des boues,
- — d’un stockage en silos.
Le traitement de l’ensemble de l’air de la station est assuré par deux files de trois tours de lavage chimique.
Prétraitement
Les eaux usées de l’agglomération d’Antibes, représentant un débit maximum de 3 600 m³/h, convergent vers la station par l’intermédiaire de trois collecteurs, deux d’entre eux étant en charge (Ø 600 mm et Ø 900 mm), le troisième étant gravitaire (Ø 300 mm).
Elles pénètrent dans la station au niveau d’une chambre de raccordement, puis traversent un dégrilleur grossier dont l’écartement entre barreaux est de 25 mm, destiné à retenir les déchets les plus volumineux contenus dans l’effluent (cartons, plastiques, chiffons, …). Elles sont alors relevées par quatre pompes d’un débit de 900 m³/h chacune et ce, afin de pouvoir alimenter gravitairement l’ensemble des ouvrages. Elles subissent ensuite un dégrillage fin (écartement 6 mm), lequel protège, par élimination des petits déchets, les équipements de l’usine.
L’effluent passe alors dans les deux dessableurs-déshuileurs. Dans ces bassins, les sables et graviers se déposent au fond et sont raclés vers des fosses d’où ils sont évacués par pompage vers un laveur de sable ; les graisses sont émulsionnées par injection d’air pressé dans les bassins et collectées en surface afin d’être envoyées vers un séparateur d’écumes.
Les déchets de dégrillage et les sables sont enfin compactés avant d’être mélangés aux écumes dans des bennes étanches, lesquelles sont évacuées en décharge.
Traitement primaire
Après prétraitement, les effluents pénètrent dans deux files de décantation comprenant chacune une coagulation-floculation et deux décanteurs lamellaires (53 m² de surface au miroir).
La coagulation-floculation est destinée à améliorer, par adjonction de réactifs chimiques et brassage de ceux-ci par des hélico-mélangeurs, la décantabilité des matières en suspension contenues dans l’effluent.
La décantation lamellaire est du type contre-courant. Elle permet, dans un volume particulièrement compact, la séparation entre l’eau et les matières en suspension floculées.
Le décanteur est équipé de modules composés de plaques parallèles incli
nées à 55 % et écartées entre elles de 100 mm. L'eau est introduite dans le bassin en dessous du niveau des plaques et traverse les modules afin d'être recueillie dans des goulottes situées en partie haute de l’ouvrage. Les matières en suspension se déposent sur les plaques et glissent le long de celles-ci avant d’être collectées au fond du décanteur par raclage. Les eaux décantées sont alors dirigées vers la filtration biologique, les boues étant, quant à elles, récupérées dans des fosses et envoyées par pompage dans les épaississeurs.
Traitement biologique
Les eaux décantées sont réparties dans une batterie de dix filtres biologiques, d'une surface unitaire de 80 m², mettant en œuvre le procédé Biocarbone®.
Le traitement biologique des eaux consiste à dégrader les matières organiques par l’action d’une biomasse épuratrice constituée de microorganismes divers (bactéries, protozoaires, métazoaires) qui vivent en aérobie (c’est-à-dire en présence d’air).
Le procédé Biocarbone assure l’épuration biologique des eaux par leur percolation descendante à travers un lit fixe immergé, composé d’un matériau support granulaire fin au sein duquel de l'air, qui apporte l’oxygène à la biomasse épuratrice, est insufflé à un niveau intermédiaire. Le point fondamental de ce procédé est la superposition d’une zone biologique aérée favorable à l’accrochage des bactéries et d'une zone de filtration. La fixation des bactéries sur le support granulaire permet une très haute concentration de la biomasse active.
Les eaux traversent de haut en bas le lit filtrant, tandis que l’air circule à contre-courant du flux, ce qui améliore le transfert d’oxygène. Le lit filtrant noyé repose sur un plancher équipé de crépines permettant ainsi de recueillir l'eau épurée, laquelle est ensuite stockée dans une bâche.
Le filtre se colmate progressivement du fait du développement de la biomasse et de la pénétration en profondeur des matières en suspension, ce qui nécessite des lavages périodiques. Ces opérations de décolmatage, déclenchées automatiquement, se déroulent de la façon suivante :
- flux d’air pour détasser le matériau support et briser les agrégats accumulés autour des grains,
- flux d’air et d'eau pour ramener en surface du filtre les matières colmatantes,
- flux d’eau destiné à évacuer ces matières sans entraîner le matériau support.
Les eaux sales issues du lavage sont dirigées par pompage en tête de la station afin d’être mélangées à l’effluent et retraitées.
Ce procédé, très compact, puisqu’il supprime la présaturation en air et la clarification tout en diminuant le volume du réacteur biologique, permet d’obtenir un effluent d’excellente qualité avec une faible production de boues et une consommation d’énergie réduite.
Les eaux ainsi traitées sont enfin relevées par quatre pompes de 900 m³/h qui permettent l’évacuation de celles-ci par mise en charge de l’émissaire de rejet en mer.
Traitement des boues
Les boues fraîches, collectées dans les décanteurs lamellaires, se présentent sous forme liquide, peu concentrées et non stabilisées. Le traitement qui leur est appliqué consiste à les transformer en un produit stabilisé et facilement transportable ; il comporte trois opérations :
- l’épaississement. Cette opération a pour but de concentrer et de stocker les boues produites par le traitement des eaux. Elle est effectuée dans trois épaississeurs de 92 m², ouvrages circulaires équipés de herses d’homogénéisation. Les boues soutirées des décanteurs lamellaires à une siccité de l’ordre de 0,5 % ressortent des épaississeurs à une siccité de 5 %;
- le conditionnement chimique. Afin de favoriser la déshydratation des boues épaissies, on conditionne celles-ci par adjonction d'un floculant chimique, en l'occurrence du polymère ;
- la déshydratation mécanique. La déshydratation des boues est effectuée par deux centrifugeuses d'une capacité unitaire de 800 kg de MS/h. Les boues ainsi produites, d’une siccité de 25 %, sont alors mélangées avec de la chaux éteinte, dans un double but : stabilisation des boues par élévation du pH et augmentation, jusqu’à 30 %, de la siccité des boues.
Ainsi celles-ci sont facilement stockables (dans deux silos de 60 m³ chacun) et évacuables en décharge par l’intermédiaire de bennes étanches.
Traitement de l'air
La présence d’une station d’épuration d’eaux usées dans un site aussi prestigieux que celui dans lequel est implantée celle de la ville d’Antibes (quartier résidentiel) impose un contrôle rigoureux de la qualité de l’air rejeté hors de l'usine.
À cet effet, l’air de ventilation, dont le débit est de l’ordre de 100 000 Nm³/h, est introduit dans les différentes salles de traitement et s’y charge en composés malodorants. Il est alors collecté par un réseau d’extraction et envoyé vers l’unité de traitement composée de deux files, comportant chacune trois tours de lavage chimique de l’air d'une section de 6 m² et d’une hauteur de 6,70 m.
Dans ces tours, l'air vicié subit successivement un lavage acide (tour n° 1) destiné à éliminer les produits azotés (NH3, amines) et deux lavages en milieu oxydo-basique, lesquels permettent, d'une part, l'élimination des produits soufrés tels que l'H2S (tour n° 2) et, d'autre part, des mercaptans (tour n° 3). Le chlore, nécessaire à l'oxydation, est produit in situ par électrolyse de saumure.
L'air, ainsi débarrassé de tous polluants olfactifs, peut ensuite être rejeté à l'atmosphère sans risque de créer des nuisances pour les riverains.
Gestion centralisée
L'usine est entièrement pilotée depuis une salle de commande et de contrôle installée au centre de celle-ci, ce qui a été rendu possible grâce à l'installation d'un système numérique de contrôle-commande qui permet :
• une vision permanente de l'état de la station,
• l'accès aisé aux valeurs prises par les différents capteurs régulant le procédé,
• la possibilité de commander l'ensemble des équipements de l'usine depuis un lieu unique,
• la gestion des différents paramètres de fonctionnement (débits traités, consommations de réactifs, d'électricité, temps de fonctionnement des moteurs...),
• l'édition en temps réel du journal de bord et d'exploitation de la station.
L'exploitation est ainsi rendue plus aisée, ce qui garantit un fonctionnement optimisé des différentes filières de traitement.
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La station d'épuration, implantée sur le site prestigieux du massif de la Garoupe, se devait d'être discrète et intégrée à son environnement, c'est pourquoi l'ouvrage, d'une longueur de 95 m, d'une largeur de 60 m et d'une hauteur de 12 m, est entièrement enterré.
Pour ce faire, il a été nécessaire d'extraire, après minage de la roche, 60 000 m³ de déblais dont la moitié a été réutilisée pour le modelage de la couverture et des environs immédiats de la station.
La structure en béton de l'ouvrage assure seule l'étanchéité, notamment grâce à l'utilisation d'un ciment spécial entrant dans la composition des bétons du radier et des voiles périphériques. La construction de l'ensemble de ce bâtiment a été rendue possible par la mise en œuvre de 12 500 m³ de béton et de 1 250 tonnes d'acier, l'ensemble des travaux de structure, de finitions et d’aménagement extérieur de l'usine ayant nécessité 160 000 heures de travail.