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La station d'épuration de Montpellier : améliorations apportées au traitement des boues

30 juillet 1986 Paru dans le N°102 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Patrice DESSAPT et Christian VIGNE

L'objectif de cet article est de présenter les mesures pratiques qui ont été adoptées au niveau du traitement des boues de la station d’épuration des eaux résiduaires de l'agglomération de Montpellier et de montrer qu’elles se traduisent par une optimisation du traitement de l’eau et par des gains économiques non négligeables vis-à-vis du coût global d’exploitation.

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La décision d’implanter la station à Cereirède date du 20 avril 1964.

En 1967, une première tranche d'une capacité de traitement de 40 000 m³/j est mise en service. Elle comprend un poste de relevage de 1 500 l/s (pouvant être équipé pour 3 m³/s), un prétraitement, deux décanteurs primaires, un digesteur anaérobie ainsi que des lits de séchage. En 1970, une vis supplémentaire est installée et les dégrilleurs sont aménagés. En 1974, une extension de la station porte sa capacité à 80 000 m³/j, toujours en décantation primaire, mais avec deux décanteurs supplémentaires, deux épaississeurs de boues et une déshydratation mécanique (deux filtres à bandes) pour remplacer les lits de séchage devenus insuffisants ; le rendement de l’épuration est alors de 30 à 40 % sur pollution carbonée.

Enfin, le 19 juillet 1976, le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique donne un avis favorable à une

[Photo : Station d’épuration des eaux résiduaires de Montpellier — Vue des installations.]

Christian VIGNE

Compagnie Générale des Eaux

seconde extension et à un traitement biologique capable d'assurer l’épuration de la totalité des effluents (80 000 m³/j au niveau IV (actuellement niveau c) pour une capacité nominale de 260 000 équivalents habitants). En 1978 commence alors la mise en service de cette deuxième tranche avec l'extension du relèvement primaire, un relèvement intermédiaire, deux bassins d’aération et leurs clarificateurs, un digesteur et un épaississeur supplémentaires ainsi que deux filtres à bandes à la déshydratation des boues. Après quelques mois de fonctionnement, les bilans confirment les rendements prévus et l’élimination de 80 à 90 % de la pollution carbonée et des matières en suspension.

En 1981, avec l’acquisition d'un groupe électrogène de secours (750 cv) et l’extension de la capacité du relèvement primaire, la fiabilité des installations est encore accrue.

Des compléments d'installations se poursuivent ensuite : en 1982 mise en service d’un réseau d’eau industrielle ; en 1983 approvisionnement et mise en fonctionnement d'une centrifugeuse pour améliorer la déshydratation des boues et automatisation du chaulage des boues afin d’augmenter le rendement des épaississeurs ; en 1985 construction d’une fosse de dépotage de matières de vidange (75 m³) et sa désodorisation ; enfin début 1986 installation d'un moteur thermique (alimenté par le gaz de digestion) assurant l’entraînement de deux pompes de recirculation des boues digérées.

CARACTÉRISTIQUES DES OUVRAGES

Traitement des eaux

Il comporte un prétraitement complet, une décantation primaire classique et un traitement biologique secondaire aérobie à moyenne charge.

Les caractéristiques des ouvrages se définissent comme suit :

Relèvement — Prétraitement

Réseau unitaire Ø 1 500. Un prédégrilleur (maille 6 cm).

[Photo : Évacuation d'eau épurée à la sortie d'un décanteur secondaire.]
  • Relevage avec trois vis : 1 000 l/s ; 1 000 l/s ; 500 l/s.
  • Réseau séparatif Ø 1 000.
  • Relevage avec deux vis : 500 l/s et 600 l/s.
  • Dessableur-déshuileur (Ø 8 m, volume 200 m³).
  • Dégrillage (maille 3 cm).
  • Aération et récupération des graisses par flottation.
  • Dessablage par air-lift puis vis sans fin.

Décantation primaire

Quatre décanteurs identiques en parallèle Ø 28, volume 1 760 m³, pont racleur.

Traitement biologique (aération moyenne charge)

Relèvement intermédiaire : deux vis 1 100 l/s chacune.

Centrale d’air :

  • — trois surpresseurs bi-vitesse 1 980 et 4 620 m³/h ;
  • — deux surpresseurs à vitesse variable de 900 à 3 720 m³/h.

Deux bassins d'aération de 3 900 m³ en parallèle, équipés chacun :

  • — de 2 800 dômes poreux ;
  • — d'une alimentation en eau décantée étagée ;
  • — d'une recirculation de boues par vis 1 670 m³/h ;
  • — de sondes assurant la régulation de l'aération.

Deux clarificateurs identiques Ø 50 m et 6 550 m³ chacun.

Traitement des boues

Après soutirage, les boues sont épaissies, chaulées puis introduites dans deux digesteurs anaérobies en partie chauffés par les gaz de récupération. La déshydratation est réalisée par des filtres à bande et une centrifugeuse.

Les caractéristiques des équipements sont reproduites ci-après :

Soutirage des boues primaires

  • — fosse à boues primaire de 100 m³ ;
  • — alimentation par gravité en automatique ;
  • — extraction par groupes électropompe de 100 m³/h.

Épaississement

  • — deux ouvrages 16 m, 740 m³ et 12 m, 400 m³ (charge spécifique 35 kg MS/m²/jour) ;
  • — chaulage et régulation pH métrique ;
  • — dégrillage des boues (maille 0,5 à 1 cm) ;
  • — extraction par trois pompes volumétriques, 10 à 15 m³/h l'une.
[Photo : Les deux épaississeurs de la station de traitement des boues. Au premier plan, on aperçoit la cloche à gaz.]

Digestion

  • — deux digesteurs anaérobies :    2 500 m³ — brassage gaz et recirculation des boues, chaudière 250 000 kcal/h (biogaz) ;    3 000 m³ — recirculation des boues et brise-chapeau, chaudière 500 000 cal/h ;
  • — une cloche à gaz 300 m³ ;
  • — un stockeur de boues digérées, 14 m, 640 m³.

Déshydratation

  • deux filtres à bandes de 3 m ;
  • une centrifugeuse de 25 à 30 m³/h ;
  • une unité de préparation polyélectrolytes ;
  • des pompages ;
  • évacuation par bennes étanches de 15 m³.

Annexes

Les équipements annexes indispensables à une bonne exploitation de la station sont les suivants :

  • station de surpression d'eau épurée ;
  • groupe électrogène (750 cv) ;
  • fosse de dépotage de matières de vidange (75 m³) et sa désodorisation ;
  • laboratoire de physicochimie et bactériologie ;
  • centralisation des alarmes.

RÉSULTATS D’EXPLOITATION

Les résultats d’exploitation des trois dernières années sont présentés dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1 : Résultats du traitement de l’eau

(Les valeurs sont les moyennes pondérées des « bilans 24 h » établis par l’Agence Rhône-Méditerranée-Corse)

Années Volumes traités (m³/j) Charges entrantes MO (kg/j) Charges entrantes MES (kg/j) Charges enlevées MO (kg/j) Charges enlevées MES (kg/j) Rendements MO (%) Rendements MES (%)
1983 79 500 9 655 21 096 7 270 18 894 75,3 89,6
1984 84 540 10 891 20 334 9 084 17 714 83,4 87,1
1985 81 100 8 756 12 780 6 577 10 915 75,1 85,4

Tableau 2 : Résultats du traitement des boues

(Le tableau est réalisé à partir des analyses journalières du laboratoire de la station d’épuration)

Années Boues épaissies Concentration (%) Boues épaissies Chaux (%) Boues digérées MO (%) Boues évacuées MS (t/an) Boues évacuées Polymères (kg/tMS) Boues évacuées Siccité (%)
1983 4,0 5,5 65,0 3 650 66 19,4
1984 4,7 7,7 62,6 4 077 65 20,6
1985 3,8 8,0 62,8 3 400 62 21,7

OPTIMISATION DU TRAITEMENT DES BOUES

La qualité du traitement des eaux est largement liée au fonctionnement du traitement des boues. Cette règle fondamentale se vérifie à la station d’épuration de Montpellier. C’est pourquoi l’attention s’est portée sur divers points qui permettent d’optimiser la chaîne de traitement des boues :

Évacuation des boues biologiques en excès

La conception de la station impose que l’évacuation des boues biologiques en excès soit réalisée en tête de station afin qu’elle transite par les décanteurs primaires. L’expérience nous a montré que le meilleur épaississement était obtenu lorsque les boues en excès sont évacuées durant la nuit ; cette façon de faire présente également l’intérêt de tendre vers une épuration à charge massique constante.

Installation d’un dégrilleur-défilasseur

Placée en amont des épaississeurs avec une maille de 0,5 à 1 mm, ce dégrilleur rotatif à grille courbe présente deux avantages importants :

  • la réduction de formation de « chapeau » dans les digesteurs ;
  • la diminution de la maintenance au niveau des pompes à boues épaissies et des pompes à boues digérées alimentant la déshydratation (augmentation de la durée de vie des stators, rotors et cardans).

Utilisation de chaux, sous-produit de synthèse de l’acétylène

Pour la fabrication industrielle de l’acétylène, on utilise généralement du carbure de calcium qui réagit avec l’eau ou la vapeur d’eau suivant l’équation :

CaC₂ + 2 H₂O → C₂H₂ + Ca(OH)₂ + 31 kcal

Le sous-produit de cette synthèse est de la chaux qui se présente sous la forme de lait de concentration variable contenant un certain nombre d’impuretés découlant du mode de fabrication du carbure de calcium (dérivés du soufre, du phosphore, de l’arsenic, etc.).

Compte tenu de la conception de la chaîne de traitement des boues, nous avons vérifié que cette chaux n’était pas toxique pour les bactéries méthanifères en réalisant des essais sur un digesteur pilote durant trois mois et en suivant les éléments suivants : production, composition du gaz, évolution de la matière organique.

Les essais s’étant révélés positifs, nous avons installé l’équipement suivant :

  • une citerne de 30 m³ (wagon S.N.C.F. au rebut) munie de deux agitateurs et d’un système de filtration de la chaux liquide ;
  • deux pompes centrifuges alimentant le bac de préparation du lait de chaux existant.

Régulation pH métrique de l’injection de chaux

Initialement, le lait de chaux étant injecté par l’intermédiaire de pompes doseuses asservies au fonctionnement des pompes d’alimentation des épaississeurs, ce système lourd en maintenance entraînait une surconsommation en chaux.

Le nouveau dispositif nous permet d’opérer de façon différente :

  • — les pompes refoulent le lait de chaux en continu en circuit fermé (avec retour dans le bac de préparation) ;
  • — une électrovanne s’ouvre au niveau du canal d’alimentation des épaississeurs lorsque le pH se situe à l’extérieur d’une consigne préétablie.

Des essais au laboratoire nous ont permis de définir les consignes de pH minimum et maximum à afficher au niveau du pH-mètre enregistreur (7,5 < pH < 8,5). Du point de vue économique, les investissements réalisés par l’utilisation de chaux liquide et la régulation pH métrique ont été amortis en deux ans.

Utilisation de l’excédent de méthane

Chauffage des locaux

Le local administratif et les villas de fonction, jusqu’alors chauffés au moyen de radiateurs électriques (puissance installée 60 kW), ont été convertis au chauffage au méthane.

Par ailleurs, à l’occasion du renouvellement d’une chaudière vétuste, on a installé une chaudière d’une capacité de 12 000 thermies/jour, alors que le chauffage du digesteur de 3 000 m³ nécessitait 8 000 thermies/jour. L’équipement réalisé a donc consisté à utiliser ces nouvelles possibilités de la façon suivante :

  • — réalisation d’un piquage sur le collecteur départ chaudière ;
  • — installation d’une pompe à circulation double vers les locaux et d’une vanne à trois voies pour la répartition des débits nécessaires ;
  • — pose de 350 m de tube cuivre dans les fourreaux P.V.C. ;
  • — mise en place de 30 radiateurs fonte ;
  • — alimentation de l’échangeur eau-boues avec bypass ;
  • — régulation de température réalisée par l’intermédiaire d’une sonde-régulateur.

Installation d’un moteur fonctionnant au biogaz

La recirculation des boues des deux digesteurs est assurée par des pompes de puissance unitaire 7,5 kW ; chaque digesteur est équipé de deux pompes (l’une en fonctionnement, l’autre en secours). À titre d’essai, un moteur fonctionnant au biogaz a été installé en remplacement de deux moteurs électriques.

L’équipement sommaire effectué par les électromécaniciens de la section d’épuration a été réalisé comme suit :

  • — un piquage sur la conduite de biogaz avec raccordement au moteur ;
  • — mise en place d’un moteur (type XN IP modifié) ;
  • — raccordement de la sortie de l’axe moteur sur les axes des deux pompes de recirculation.

Le moteur est garanti un an, et sa durée d’amortissement est également d’un an. Cet équipement, actuellement à l’essai, semble donner satisfaction.

Équipement d’une unité de surpression d’eau traitée

Initialement, la station était desservie en eau brute à une pression comprise entre 3 et 4 bars (eau du Bas-Rhône). Outre son prix élevé, la qualité et la pression de distribution de cette eau entraînaient un certain nombre de problèmes dont le plus important se situait au niveau du lavage des toiles des filtres à bandes.

Nous avons donc été amenés à installer une unité de surpression d’eau traitée ; celle-ci est constituée de la façon suivante :

  • — un puits (Ø 2 m, profondeur 5 m) en dérivation sur le canal d’évacuation d’eau traitée ;
  • — deux pompes de débit unitaire 62,5 m³/h, pression de service 7 bars ;
  • — un ballon antibélier ;
  • — une unité de désinfection au chlore gazeux.

L’amortissement de cet investissement a été réalisé sur trois ans.

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CONCLUSION

Toutes ces modifications, échelonnées dans le temps, ont permis d’obtenir une amélioration sensible du traitement des boues au point de vue du rendement, et au niveau des coûts d’exploitation. De plus, elles ont permis une meilleure maîtrise de la qualité du traitement de l’eau.

Grâce à ses installations et ses aménagements successifs, la station de la Cereirède répond aux besoins d’épuration des eaux usées de l’agglomération montpelliéraine (Montpellier, Saint-Jean-de-Védas, Castelnau-le-Lez, et bientôt Clapiers, Montferrier et Grabels), c’est-à-dire de près de 300 000 habitants.

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