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La solution peroxydée aux problèmes d'effluents

30 mars 1994 Paru dans le N°171 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : Hans SCHWARZER et Nicolas-de ROFFIGNAC

Les produits peroxydés ont montré leur efficacité dans le traitement d'un grand nombre de problèmes d'effluents, aussi bien liquides que gazeux. Les quelques solutions exposées ici illustrent la variété des cas où leur mise en ?uvre est satisfaisante. Des contraintes pratiques sont cependant à respecter pour les utiliser de manière optimale. Il est donc nécessaire de s'adresser à des techniciens disposant d'une expérience internationale dans ce domaine, pour bénéficier d'une large palette de services associés.

Les produits peroxydés, tels que le peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) ou l’acide peracétique, offrent un champ d’application considérable dans le domaine du traitement des effluents, et constituent une solution simple et écologique. La maîtrise des techniques de mise en œuvre et la récente évolution des prix de vente de ces produits les rendent aujourd’hui largement plus compétitifs que dans le passé. L’engouement dont ils sont l’objet se constate ainsi pour une grande variété de problèmes, et malgré la grande dispersion des sites concernés, des plus grands aux plus petits.

Pour convaincre les responsables de l’environnement du bien-fondé de ces approches, nous exposons ici différents cas représentatifs où l’efficacité des produits peroxydés a pu se manifester. Pour cela, nous présenterons dans un premier temps les principaux problèmes auxquels les produits peroxydés sont particulièrement adaptés, puis l’ensemble des aspects pratiques à réunir pour les mettre en œuvre convenablement.

L’efficacité des produits peroxydés

Le peroxyde d’hydrogène est un agent oxydant puissant, dont le potentiel redox en milieu acide (1,76 V) est l’un des plus élevés. Ses produits de décomposition étant l’eau et l’oxygène, il ne constitue pas en lui-même une source de pollution, et il peut donc mettre en œuvre ses propriétés oxydantes dans un grand nombre de situations, sans dommages pour l’environnement. Les différents cas exposés ici ne sont nullement exhaustifs, mais ils ont été choisis pour en illustrer la variété.

Traitement des liquides

La plupart des grandes industries, comme la chimie, la pharmacie, le papier ou le textile par exemple, sont sources de pollutions diverses imposant un traitement de leurs effluents liquides. Le peroxyde d’hydrogène permet d’en réduire les effets nocifs de manière significative. Nous avons retenu quatre de ses applications principales.

Oxydation des sulfures

La prolifération des sulfures dans les effluents urbains et dans les effluents de l’industrie chimique ou pétrochimique entraîne rapidement une série de nuisances majeures : mauvaises odeurs, toxicité, corrosion des métaux et du béton, auxquelles beaucoup d’entre nous ont déjà été confrontés. Le peroxyde d’hydrogène libère l’oxygène nécessaire à l’aérobie du milieu, et peut alors oxyder les sulfures en solution soit en soufre colloïdal soit en sulfates, selon le pH de l’effluent à traiter. Des règles simples permettent d’estimer les quantités de peroxyde d’hydrogène à utiliser, l’oxydation qu’il réalise étant à la fois rapide (15 à 30 minutes en général), sélective, totale et simple à mettre en œuvre.

De nombreux exploitants de réseaux d’assainissement urbains, ainsi que des industriels ont déjà conçu et installé les équipements nécessaires à l’emploi du peroxyde d’hydrogène. C’est ainsi qu’un effluent de raffinerie contenant 30 à 35 mg/l de sulfures, d’un débit total de 350 m³/h, a été entièrement purifié par l’injection de 25 l/h de peroxyde d’hydrogène concentré à 35 %.

Réduction de la DCO

Réduire la demande chimique en oxygène (DCO) d’un effluent revient à oxyder autant que possible tout ce qui peut l’être, notamment les phénols et d’autres composés plus ou moins

toxiques (1). La réduction de la DCO sera plus ou moins facile selon la composition même de l’effluent, et il convient donc d’exclure toute solution généralisée. Cette remarque conduit à rechercher un oxydant puissant, n'ajoutant pas lui-même de pollution supplémentaire à celle qu'il doit traiter : c'est le cas du peroxyde d’hydrogène.

La décomposition du peroxyde d'hydrogène en eau et oxygène conduit à l’abaissement de la DCO dans des proportions souvent satisfaisantes, en convertissant généralement la DCO en DBO (Demande biologique en oxygène), laquelle peut alors à son tour être facilement réduite par un traitement biologique approprié.

Le traitement d’une lagune de 227 000 m³, située en Grande-Bretagne, avec du peroxyde d’hydrogène, pendant environ cinq mois, en injectant 30 mg/l de peroxyde d'hydrogène concentré à 50 % à l'arrivée de l'effluent a permis de réduire la DCO de 414 à 8 mg/l ; la DBO a également été réduite dans la même proportion.

Décoloration des effluents

Certaines industries, notamment l’industrie textile, ou les abattoirs, sont confrontées aux problèmes de coloration de leurs effluents, en raison de leur caractère particulièrement visible vis-à-vis de la population locale. Dans une majorité de cas, les nuisances résultant de la coloration des effluents peuvent être éliminées par oxydation.

Des essais ont montré que le peroxyde d’hydrogène apporte une réduction de la coloration des effluents de l’ordre de 90 %. Ces valeurs, variables selon la source des couleurs à traiter, doivent naturellement être mesurées sur tout le spectre, car il existe un risque de modifier certaines couleurs sans les atténuer.

Destruction des cyanures

Parmi les différentes espèces chimiques à détruire avant leur rejet, nous avons enfin retenu le cas des cyanures. Cet ion, qui peut résulter de plusieurs types de traitements, comme par exemple le plaquage électrolytique de métaux, présente une toxicité importante.

L’oxydation du cyanure en milieu alcalin par le peroxyde d’hydrogène conduit à la formation de cyanate, hydrolysé en milieu neutre ou acide en dioxyde de carbone. La stoéchiométrie de la réaction est simple à calculer, mais elle ne permet pas toujours d’atteindre un résultat satisfaisant pour des raisons de cinétique. On est donc conduit à utiliser des doses de peroxyde plus importantes pour accélérer la réaction.

Traitement des effluents gazeux

Le traitement des effluents gazeux repose généralement sur le principe du lavage des gaz. De telles installations sont parfaitement maîtrisées, et malgré des tailles parfois importantes, elles conduisent à de bons résultats.

Absorption des oxydes d’azote

Les principaux constituants des oxydes d’azote sont le monoxyde et le dioxyde d’azote. Ces composés proviennent souvent des usines produisant ou utilisant de l’acide nitrique, ou des unités de traitement de surfaces métalliques. La chimie des oxydes d’azote met en œuvre de nombreuses espèces, dont les concentrations dépendent d’un grand nombre de réactions chimiques, pour lesquelles les équilibres et les cinétiques varient largement.

Dans cet ensemble complexe, le rôle du peroxyde d’hydrogène consiste principalement à oxyder l’acide nitreux HNO₂ en acide nitrique HNO₃. Il a été établi que les contraintes liées aux transferts de phases ne sont pas limitatives, et que la vitesse d’absorption dépend de la cinétique des réactions dans la phase liquide. Le liquide de lavage, à la sortie de la colonne, est une solution d’acide nitrique réutilisable, qui peut titrer jusqu’à 30 % ou 40 % en poids.

Grâce à une colonne dont les paramètres ont pu être déterminés a priori, la concentration des effluents gazeux d’une société chimique allemande a pu être réduite de 1200 mg/m³ à 250 mg/m³, pour un débit de l’ordre de 6500 m³/h. La consommation de peroxyde n’était que légèrement supérieure à la stricte stoéchiométrie.

Absorption du dioxyde de soufre

L’utilisation de combustibles fossiles soufrés, ainsi que la fabrication ou l'utilisation d’acide sulfurique produisent du dioxyde de soufre SO₂. Pour en réduire les émissions, on lave souvent le gaz avec un alcali peu coûteux, tel que la chaux, ce qui conduit alors à la production de grandes quantités de boues résiduaires. Le lavage au peroxyde d'hydrogène régénère de l'acide sulfurique sans engendrer d’autres produits indésirables. La chaleur émise lors de cette réaction impose un refroidissement de l'installation.

Une société chimique italienne, produisant des amines, des esters et des chlorures organiques, maîtrise par le peroxyde d’hydrogène ses émissions de dioxyde de soufre. Une colonne de 6 mètres de hauteur et d’un mètre de diamètre permet d’y traiter environ 5000 m³/h de gaz, contenant plusieurs milliers de ppm de SO₂ (jusqu’à 11 000 ppm en volume). Un lavage avec 0,6 kg de peroxyde d’hydrogène 100 % par kg de SO₂, soit seulement 15 % de plus que la stoéchiométrie, permet de limiter l'émission de SO₂ à la sortie à 2 ppm en volume.

Désinfection des eaux de procédés en circuit fermé

Un certain nombre d’industries utilisent de l'eau en circuit fermé dans leurs procédés de fabrication. Cette eau, en contact avec d'autres substances peut se charger progressivement, et sa composition peut provoquer des incidents : c’est par exemple le cas dans l’industrie sucrière, où le jus extrait des betteraves est chauffé, la vapeur condensée, et cette eau recyclée. Les conditions sont alors réunies pour que cette eau se charge d’algues et d’organismes générateurs de boues, pouvant encrasser les installations jusqu’à les faire rompre sous le poids des dépôts qui s’y accumulent.

Le traitement de ces eaux de process requiert souvent un biocide non polluant : une sucrerie située dans le nord de l’Allemagne a ainsi mis en œuvre un produit peroxydé, dérivé du peroxyde d’hydrogène. Dans un débit d’eaux de procédés de l’ordre de 900 m³/h, l'injection de quelques ppm de ce produit (environ 3 à 4 l/h) a permis de ramener la concentration en micro-organismes à 100 ou 200 cfu/ml (cfu : colony forming unit, organisme susceptible d’engendrer une nouvelle colonie).

1) La “Demande Chimique en Oxygène”, ou DCO, correspond à la quantité d’oxygène consommable par les matières oxydables dans les conditions où se trouve l'effluent : elle s'exprime généralement en mg par litre. Plus généralement, ce terme regroupe pudiquement un ensemble d'espèces chimiques en solution, notamment les phénols, dont on cherche l'oxydation avant de les rejeter.

[Photo : Fig. 1 : Schéma du procédé de traitement des eaux usées par le réactif de Fenton.]

colonies) : cette valeur est largement inférieure à celle observée habituellement dans les circuits de refroidissement d’eau des sucreries.

Quelques aspects pratiques de la mise en œuvre

Pour que les solutions évoquées précédemment soient viables, il convient de les étudier au préalable : en effet, on ne peut pas reproduire à l’identique ces réalisations, tant il est vrai que les problèmes d’effluents sont tous différents. À cet égard, trois aspects nous paraissent essentiels.

Choix du bon procédé

Le peroxyde d’hydrogène peut être mis en œuvre de deux manières très différentes, selon l’espèce chimique à attaquer. Dans certains cas, on demandera une simple réaction entre espèces chimiques, alors qu’une réaction radicalaire sera nécessaire dans d’autres. Nous pouvons donc influer sur la réaction à provoquer en l’orientant.

Injection directe du peroxyde d’hydrogène

Le plus simple consiste naturellement à injecter directement le peroxyde d’hydrogène tel quel dans l’effluent à traiter. La forme liquide du peroxyde d’hydrogène le rend particulièrement facile à manipuler, par l’utilisation de pompes doseuses pouvant éventuellement être asservies à des mesures menées en aval. Cette solution est généralement utilisée pour lutter contre les sulfures en solution ou pour les lavages de gaz.

Le réactif de Fenton

Certains problèmes d’effluents, notamment ceux chargés de composés organiques, imposent une réaction radicalaire, et à cet effet, une bonne méthode consiste à engendrer la formation de radicaux hydroxyles OH° en combinant le peroxyde d’hydrogène avec des ions ferreux : cette combinaison porte le nom de “réactif de Fenton”. Il se produit alors un grand nombre de réactions qui conduisent finalement à la production d’ions ferriques et d’un “produit” organique de nature chimique différente du polluant présent à l’origine, en résolvant ainsi le problème du traitement de l’effluent.

Le schéma de traitement des effluents par le réactif de Fenton (figure 1) illustre les différents flux. Ce type d’installation conduit à des boues contenant de l’hydroxyde ferrique qui précipite lors de l’ajout d’un alcali pour neutraliser le milieu. Naturellement, ce problème de boue est à considérer dès le début de la réflexion.

Le couplage peroxyde d’hydrogène / ultraviolets

Le couplage peroxyde d’hydrogène / ultraviolets permet lui aussi de créer des radicaux hydroxyles. Cette solution impose un équipement particulier mais évite d’engendrer des boues. Tous les types de lampes UV peuvent convenir pour engendrer les radicaux OH° : basse pression, moyenne pression et haute pression. Les rendements des différentes lampes, les consommations énergétiques, les contraintes de vieillissement demandent notamment d’effectuer un calcul économique avant de choisir la lampe à utiliser.

Conception des installations

L’étude des mécanismes réactionnels ne suffit évidemment pas pour procéder à la conception des installations et à leur dimensionnement, qui peuvent conduire à des bilans rédhibitoires ou à des conditions pratiquement inopérables dans de bonnes conditions de sécurité.

Faisabilité et dimensionnement

Les différents procédés à mettre en œuvre doivent naturellement passer par une phase de pilote, où l’on teste leur efficacité. Des essais en laboratoire sont souvent nécessaires pour ajuster certains paramètres, comme les valeurs des pH, températures, débits, etc. Ces paramètres peuvent ensuite servir de base au dimensionnement des installations projetées. Des algorithmes de calcul bien connus permettent une bonne estimation des coûts de certains équipements.

Préparation des installations

La phase de réalisation des installations, qui devra être confiée à des professionnels qualifiés, réclame elle aussi une assistance technique. En effet, la très forte réactivité du peroxyde d’hydrogène conduit à choisir des matériaux compatibles, dont la mise en œuvre doit répondre à des normes strictes. La réalisation est suivie d’une phase de préparation des installations avant leur démarrage, de manière à assurer une bonne passivation de toutes les surfaces en contact avec le produit : ce n’est pas du luxe, c’est une question de sécurité.

Optimisation du procédé

Enfin, l’exploitation industrielle du procédé doit conduire à des aménagements ; ceux-ci sont généralement mineurs, ou mènent à des optimisations. Si les données du problème changent fortement, une remise en question plus lourde peut être nécessaire.

Quantités à mettre en œuvre

Un des reproches souvent adressés au peroxyde d’hydrogène est son coût élevé. D’une part, cet argument est de moins en moins vrai car son prix a fortement baissé, d’autre part l’optimisation des quantités à utiliser peut souvent réduire la consommation. Pour cela, il est indispensable de disposer d’instruments de mesures, celles-ci permettant d’établir une estimation des quantités requises par la stœchiométrie des réactions mises en œuvre.

les quantités théoriques et réelles dépendent alors de caractéristiques propres à chaque installation, telles que les contraintes de cinétique. Des ajustements de débits ou de concentrations permettent généralement d’améliorer les rendements. L’automatisation de certaines mesures permet même d’asservir le dosage. Des travaux dans ce sens, en collaboration avec des fournisseurs d’équipements, assurent une meilleure maîtrise des procédés.

Points d’injection ou de traitement

L’optimisation des procédés ne consiste pas seulement dans l’optimisation des quantités utilisées. Le choix d’un point d’injection, ou d’un traitement en continu ou par lots, peut donner également des résultats intéressants, sans changer la philosophie de la solution.

Conclusion

Comment limiter la description des possibilités des produits peroxydés ? Il est frustrant d’en dire si peu. Les principaux aspects de ces solutions sont :

  • • la grande polyvalence des produits peroxydés utilisés dans le traitement des effluents ;
  • • la nécessité de prendre en compte, dès le début, les contraintes de sécurité liées à l’emploi de produits chimiques puissants ;
  • • la grande technicité, tant de la chimie elle-même que de la conception des procédés et des installations.

Ces remarques doivent conduire à réaliser un service complet accompagnant les produits, sans rechercher les économies à tout prix, ce qui serait risqué. Cela revient à dire que ces travaux doivent être confiés à des spécialistes des produits peroxydés, dont le champ d’expériences est suffisamment vaste et fourni pour garantir une meilleure expertise.

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