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La société Talbot et l'environnement

30 novembre 1981 Paru dans le N°59 à la page 53 ( mots)
Rédigé par : Michel PERIAULT

Avec ses ateliers de mécanique, d'emboutissage, de peinture, de traitement de surface, etc., la construction automobile est une source potentielle de rejets polluants.

Face à un développement et un essor industriel inconnu précédemment, l’industriel n'a pas toujours songé aux conséquences incalculables entraînées par les rejets et pollutions émanant de son usine.

La protection de l'environnement est rendue obligatoire en vertu de l'application de la législation relative notamment à la prévention et à la lutte contre la pollution des eaux (loi du 16 décembre 1964).

Au sein de l'usine de Poissy, la Direction de la Production assure la responsabilité des problèmes liés aux nuisances et pollutions de l'environnement. Ses Services Techniques Centraux conduisent cette politique de « lutte contre la pollution » en étroite collaboration et grande franchise avec les administrations de l'État, à savoir :

  • — la Direction Interdépartementale de l’Industrie de l'Île-de-France ;
  • — l'Agence Financière de Bassin Seine-Normandie.

Cette volonté de tous d’aboutir a permis la réalisation rapide d'un plan d'action échelonné selon un calendrier rendant compatible une réduction sensible de la pollution des eaux usées avec un effort financier important réparti sur la durée de cet échéancier.

[Photo : Vue aérienne de l'usine sur les bords de la Seine.]

LE CENTRE DE PRODUCTION DE POISSY

Depuis 1937-1939, l'usine actuelle a subi des extensions constantes. La surface couverte initialement de 86 000 m² (usine Ford) représente à ce jour 410 000 m² construits sur un terrain de 96 ha nouvellement porté à 146 ha.

Le site de Poissy correspond particulièrement bien à l'implantation d'une usine de construction d'automobiles :

  • — près d'une voie d'eau navigable : rive gauche de la Seine ;
  • — près d'une voie ferrée (Paris-Le Havre) ;
  • — près d'une autoroute (Paris-Rouen A 13) ;
  • — à proximité de grandes villes ou communes pour la main-d'œuvre (Poissy : 40 000 habitants) ;
  • — terrain plat.

Au regard de l'environnement, l'usine Talbot ne semble pas apporter de nuisances sérieuses (architecture des bâtiments respectant l'intégration au paysage...).

L'usine emploie sur son site d’exploitation environ 20 000 personnes et, compte tenu des moyens actuels en équipements de production, la capacité maximale de production est de 2 000 véhicules par jour.

Cette population est à l'origine d'une pollution organique de type domestique (sanitaires, douches, restauration, etc.). Ces eaux « vannes » sont collectées séparément et traitées par une station d'épuration biologique exploitée par la ville de Poissy. Notre Société est liée par convention à cette station de traitement du « Syndicat de l'Hautil ».

UTILISATION DE L’EAU INDUSTRIELLE

Si l'homme moderne consomme en moyenne 50 litres d'eau par jour, en revanche la construction d'un véhicule automobile en utilise 30 m³.

[Photo : Un réservoir de 1 500 m³ s'élevant à 75 mètres.]

Cette eau a pour origine essentielle un prélèvement en surface dans la Seine.

Afin de leur donner une qualité industrielle, les 12 millions de m³ annuellement prélevés en Seine subissent un traitement de filtration et de décarbonatation à la chaux. Après décantation, l'eau est distribuée au sein de l'usine de Poissy de façon à assurer les processus de transformation de la matière.

L’eau industrielle « usée » est restituée à la Seine après traitements spécifiques.

[Photo : Vue partielle de la Centrale des Eaux.]

Répartition de la Consommation et Origine de la Pollution

Les graphiques, ci-dessus, mettent en évidence :

— une forte proportion d’eau de refroidissement (60 %) sur la consommation générale (soudure des ateliers de ferrage, compresseurs d’air, etc.),

— une pollution d’origine, concentrée sur les 30 % d’utilisation en eau de process, lavage-rinçage (base du rapport IRCHA – janvier 1979).

Objectif à atteindre et stratégie retenue

La prise de conscience du phénomène de pollution par les eaux usées, bien qu’antérieurement acquise, s’est surtout développée de façon pragmatique au cours de l’année 1978.

Un objectif à atteindre fut défini : résorber la pollution détectée ajoutée dans les délais les plus courts (1982-1983).

Étude du schéma directeur

L’importance du centre de Poissy, la multiplicité des sources probables de pollution aqueuse, la conception originelle d’un réseau unique de collecte des eaux usées et pluviales, rendaient complexes les prises de décision et nécessitaient l’établissement d’un schéma directeur chronologique.

Phase n° 1 : l’enquête diagnostique.

Elle fut confiée à un centre d’étude et de recherche extérieur (IRCHA) dès le premier trimestre 1978. Son rapport établi en janvier 1979 permit de :

— localiser nos origines de pollution par nature,

— quantifier notre pollution rejetée selon des critères physico-chimiques retenus par les textes des lois et décrets en vigueur : pH, M.O., D.C.O., MES, etc.

Une base « pollution rejetée 100 % – 1978 » put alors être établie et prise comme référence pour les phases ultérieures.

Phase n° 2 : choix d’une stratégie.

Certes, la conception d’un réseau unique de collecte de toutes les eaux usées, y compris les eaux pluviales, apporte un phénomène de dilution de la pollution rejetée (diminution de la concentration exprimée en mg/l mais pas du flux de pollution exprimé en kg/jour). D’où la nécessité d’un traitement final avant rejet en Seine de la globalité du rejet pouvant atteindre, selon les périodes de production et de saison, 200 à 2 500 m³/jour.

Cette station unique aurait occupé un emplacement non compatible avec la surface disponible à Poissy et aurait représenté un investissement considérable immédiat. De plus, la conduite d’une telle

unité (composée de sous-unités spécifiques) n’apparaissait pas fiable techniquement et économiquement.

La solution de traitements ponctuels au niveau de chaque production de rejet concentré s'est avérée plus judicieuse et fut retenue.

Phase n° 3 : Étude de solution et programme des actions.

L'analyse de l'étude « IRCHA-1978 » permit d’établir les valeurs individuelles des sources de pollution (voir plus haut le tableau : Origine de la Pollution). Compte tenu des délais inhérents aux études, obtentions de crédit, consultations et passations de commandes avant réalisation, le plan d'intervention fut découpé en trois étapes, prévisionnelles jusqu'en 1982-1983.

ACTIONS ENGAGÉES

Prenons en considération la période comprise entre août 1978 et mars 1981 ; trois étapes principales se dégagent du programme établi à savoir :

1ʳᵉ étape : de septembre 1978 à juillet 1980

Deux actions immédiates ont porté sur les activités de traitement de surface et d'usinage :

  • — envoi en centre de traitement agréé de bains usés de l'atelier de galvanoplastie (1 500 m³/an) ainsi que les huiles solubles usées d'usinage de l'atelier de mécanique : coût total 7 MF/an ;
  • — mise en service d’une unité de détoxication des effluents de cataphorèse représentant un investissement de 2,9 MF.

Cette unité traite les effluents de rinçage des deux chaînes d'application au trempé électrolytique de peinture cataphorèse après phosphatation au fer de la tôle des caisses de voiture. Le débit de chaque chaîne à traiter est de 30 m³/h unitaire avec une concentration en matières sèches de 5 g/l.

[Photo : Cataphorèse : vue partielle des équipements de détoxication.]

Le principe de traitement est physico-chimique.

Les principaux équipements de traitement comportent pour les deux lignes :

  • — 3 fosses de stockage de 200 m³ chacune ;
  • — 1 bac à niveau constant d’alimentation des deux lignes : volume 8 m³ ;
  • — 2 cuves de coagulation : volume de 6 m³ chacune avec injection de carbonate de soude et de « Clairtan » ;
  • — 2 cuves de floculation : volume de 3 m³ chacune avec injection de polyélectrolyte ;
  • — 2 aéro-flottateurs de type « Flotazur » de diamètre 4 m avec dispositif de raclage des boues ;
  • — 2 bacs de reprise des boues.

L'effluent traité, passant par une fosse de reprise avec contrôle de turbidité avant rejet, a pour caractéristiques :

  • — matières en suspension < 30 mg/l,
  • — pH compris dans une fourchette de 5 à 9.

Des contrôles sur les rejets des ateliers concernés ainsi que sur le rejet général usine ont permis de constater un abaissement de notre taux de pollution de 39,5 %.

2ᵉ étape : depuis août 1980

Deux points forts dans le programme de la lutte contre la pollution :

  • — tout d'abord la mise en service, en septembre 1980, d'une station de traitement spécifique des rejets de l'atelier de galvanoplastie d'un investissement de 4,5 MF.

Cette station prit ainsi le relais des enlèvements dirigés vers des centres de traitement extérieurs.

Elle traite tous les effluents de rinçage courants ainsi que les bains concentrés usés des installations de traitement de surface comprenant :

  • — un automate de brillantage traitant 485 t/an de pièces aluminium ;
  • — un automate de cuivre-nickel-chrome traitant 2 725 t/an de pièces acier ;
  • — un automate de zingage traitant 1 490 t/an de pièces acier ;
  • — une chaîne de phosphatation automatique à tonneaux traitant 9 000 t/an de pièces acier de visserie ;
  • — une chaîne manuelle de cadmiage à tonneaux traitant 3 820 t/an de petites pièces acier de visserie.

À cela doivent s'ajouter les éluats de régénération des chaînes de production d’eau déminéralisée nécessaires à cet atelier.

[Photo : Vue partielle de l’automate cu. ni. cr.]

Le débit total des effluents à traiter, initialement de 180 m³/h, fut dans une première phase de modifications ramené à une valeur entre 65 et 75 m³/h ; ceci grâce à une mise en série à contre-courant (ou « en cascade ») des bacs de rinçages courants.

Ensuite les effluents sont collectés et stockés séparément avant traitement physico-chimique spécifique, à savoir :

— décyanuration des bains usés cyanurés en cuve, agitée avec injection d’hypochlorite de sodium. Ensuite passage en décantation spécifique du cadmium par précipitation à pH 5,5-9 et surverse dirigée vers neutralisation finale.

— déchromatation des bains usés chromiques en réacteur fermé du type « turbactor » (avec acide sulfurique et bi-sulfite de sodium).

[Photo : Vue partielle de la station : décyanuration et turbactor déchromatation.]

— les bains usés acides et alcalins sont neutralisés en réacteur fermé du type « turbactor » (commun aux effluents pré-traités spécifiquement stockés dans le même bac de reprise).

— les bains usés de dégraissants pollués d’hydrocarbures subissent d’abord un déshuilage statique puis sont neutralisés de la même façon que les bains usés acides et alcalins.

— en sortie de neutralisation finale, l’effluent traverse un décanteur lamellaire de type « Sedipac » chargé de retenir les matières en suspension floculées. La surverse en eau claire est dirigée vers un canal de comptage avant rejet à l’égout. Un contrôle de turbidité et de pH est réalisé à ce stade final.

La conduite automatique de cette unité implantée sur une surface de 750 m² est assurée par un programmateur intégré dans un pupitre de commande et de visualisation situé au cœur de l’installation.

[Photo : Synoptique de visualisation… au cours d’une visite de M. Jourdan (à droite), directeur de la D.I., accompagné de M. Moinard, directeur de l’usine de Poissy.]

Le second point fort de cette 2ᵉ étape, en cours de mise au point final à ce jour, est le remplacement du procédé manuel de décapage au trempé de soude chaude des accessoires de peinture par un procédé automatique d’aspersion en tunnel étanche de solvant à chaud.

Cette stratégie de modification de processus dans sa conception tend à résorber au maximum les sources de pollution (eau, air, déchets) et de nuisances (conditions de travail du personnel d’exploitation).

La technique d’action le plus en amont possible sur le procédé de fabrication relève des « technologies propres », solution dont l’irréversibilité ainsi créée est la garantie absolue de la limitation définitive de la pollution.

Principe de l'installation :

Un solvant organique de synthèse, chauffé à environ 110 °C, est pulvérisé sur les pièces à décaper à l'intérieur d'un tunnel équipé de sas étanches, puis récupéré et recyclé.

Une partie de ce solvant est distillée en continu, afin d’en extraire les constituants de la peinture avant leur rejet et mise en décharge contrôlée.

Caractéristiques de l'installation :

Volume utile du tunnel : 15 m³
longueur ............. 3 m
largeur ............... 2,5 m
hauteur ............... 2 m
[Photo : Vue partielle du laboratoire d'analyses.]

Débit de boues sortant : 75 kg/h soit, pour un fonctionnement de 16 heures pendant 5 jours, 6 tonnes.

L'installation de décapage représente un investissement initial de 2 MF.

L'inventaire des actions réalisées dans la seconde phase serait incomplet si nous omettions de citer le réseau d’auto-surveillance nous permettant de contrôler et d'analyser 24 heures sur 24 notre rejet en 14 points de l’usine, y compris notre rejet final en Seine.

Ce réseau, réalisé à l'instigation de la Direction Interdépartementale de l'Industrie d’Île-de-France, remplit plusieurs fonctions, à savoir :

  • — prise de responsabilité par l'industriel lui-même de la surveillance de la qualité de son rejet.
[Photo : Vue du tunnel de décapage : une charge de caillebotis est en attente...]

Équipement de distillation :

divisé en 3 étages successifs

  • — 1 évaporateur à couche mince permettant de séparer la peinture (60 %) et le solvant de décapage (40 %).
  • — 1 malaxeur d’extraction liquide/solide permettant d'obtenir une boue de peinture solide (95 % peinture + 5 % solvant).
  • — 1 colonne de rectification du solvant de décapage destiné à un recyclage dans l'installation (épuration à 97 %).

Capacité de traitement :

Cadence horaire : on peut traiter soit 100 caillebotis de cabine peinture représentant 160 kg de peinture à décaper, soit 2,7 tonnes d'accessoires (balancelles, praticables*) représentant 67,5 kg de peinture à décaper.

* praticables = supports d'accessoires.

[Photo : Un des quatorze points de contrôle.]
  • — possibilité d'une action curative immédiatement après l’alerte déclenchée par une des sondes de détection dont le signal est reporté à une salle de contrôle permanent. Un enregistrement automatique sur bande papier indique la date, l'heure, le lieu et la cause (pH bas, pH haut, etc.).
  • — possibilité d'une action préventive en permettant notamment avec les préleveurs-échantillonneurs de connaître après analyse la qualité de toutes les sources de rejets et de localiser ainsi le meilleur endroit d'une action curative ultérieure.

L'investissement, représenté par la création d'un laboratoire d'analyses physico-chimiques spécifique à la lutte contre la pollution et de 14 points de surveillance permanente, s'élève à 1,05 MF.

En outre, un investissement de 0,75 MF permet le pompage automatique des hydrocarbures de surface en différents points de notre réseau de collecte des eaux usées et notamment à la station de rejet final en Seine.

3° ETAPE : À L’HORIZON 1983

Les graphiques ci-dessous représentent d'une part les résultats acquis à ce jour par la 2e phase du plan et, d’autre part, l'objectif à terme voisin de 93,5 % de dépollution (par rapport à 1978).

[Graphique : résultats de la 2e phase et objectif à terme de dépollution]

Les équipements anti-pollution, à l'image des deux premières phases, nécessiteront pour cette 3e phase un investissement de 10 MF dont l'échéancier de réalisation tiendra compte des difficultés que connaît la branche automobile.

RAPPEL DU BILAN FINANCIER

  • — Total investissement TALBOT (sept. 78-mars 81) : 11,2 MF
  • — Total frais enlèvement déchets TALBOT (sept. 78-jan. 81) : 11,7 MF
  • — Coût annuel en frais d’exploitation des équipements : 4,0 MF/an
  • — Aide financière Agence de Bassin : subventions : 3,9 MF
  • — Aide financière Agence de Bassin : prêts : 2,82 MF
  • — Direction Interdépartementale I.d.F. : subventions : 0,2 MF

CONCLUSION

Grâce à l'effort consenti par la Direction de Talbot et Cie et aux aides techniques et financières accordées par l’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie et la Direction Interdépartementale de l'Industrie d'Île-de-France, l'usine TALBOT figure parmi les grandes industries les plus propres de la grande couronne de la région parisienne (Yvelines, Val-d'Oise, Seine-et-Marne, Essonne).

Aux participants que nous venons de nommer, il faut également associer tout le personnel de la Société, fortement sensibilisé à ce problème et qui, faisant preuve d’un esprit « non polluant » et créatif, a contribué aux bons résultats acquis.

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