Dominique BOUILLOT — SADE
Michel AMIEL — SAC
Le Service Urbain de Climatisation des Eaux de Seine (Suclim), chargé de la climatisation du quartier de la Défense, vient de moderniser ses infrastructures, en les remplaçant par une source froide alimentée en eau de Seine. Ces travaux très importants comportaient une prise d’eau et un rejet, une station de pompage enterrée faisant circuler des débits variant de 300 m³/h à 1 200 m³/h, des fonçages horizontaux, des canalisations en site très encombré, deux galeries traditionnelles de 12 m² de section en terrain boulant baigné par la nappe phréatique, la construction et l'équipement (avec quatre échangeurs) d’un local en béton armé. Le chantier a été mené à bien dans un délai d'un an. Nous en donnons le détail dans le présent article.
Les ouvrages en béton armé furent exécutés à l'abri d’enceintes en palplanches métalliques de 16 m de longueur ancrées dans le substratum de calcaire grossier.
Le génie civil de ces ouvrages a été préalablement testé sur modèle réduit au Laboratoire National d’Hydraulique de Chatou afin de trouver des structures évitant la formation de vortex au niveau de la prise, le recyclage dans la prise des eaux réchauffées rejetées en aval, et la mauvaise dilution thermique des effluents à la sortie du rejet.
Canalisations
Les canalisations de liaison entre l'usine Suclim et la Seine, au nombre de deux de diamètre nominal 1 000 mm, sont en béton armé avec âme tôle. Cette partie du chantier, somme toute assez clas-
sique, n’a posé de problème que par l’importance de la largeur de la tranchée, difficilement compatible avec les contraintes de la circulation et l’encombrement du sous-sol (figure 4).
Station de pompage
Équipements
Après un dégrillage grossier à 10 cm dans la prise, l’eau pénètre dans la station, où elle subit un dégrillage à 2 cm puis un tamisage à 2 mm pour arriver dans une bâche de pompage. Cinq pompes à vitesse variable (avec une file complète en secours) permettent de la relever à 45 m de hauteur jusqu’à l’usine Suclim à un débit de 300 à 12 000 m³/h. Cette grande plage de débits, la combinaison des séquences des pompes avec la mise en route ou l’arrêt successif de chacun des quatre échangeurs situés à l’usine, nécessitent la mise en place d’automates complexes et performants limitant au maximum les coûts d’exploitation de l’ensemble (figure 5).
Génie civil
La station, d’une surface de 300 m² est entièrement enterrée, de façon à ne pas hypothéquer le développement routier futur de la zone concernée. L’ossature est formée par une enceinte de 15 m de profondeur en parois moulées de 0,80 m d’épaisseur, ancrées dans le calcaire grossier. Le reste de la structure a été réalisé en béton armé, de manière tout à fait classique.
Local des échangeurs
Pour permettre d’effectuer les essais du nouveau système de refroidissement en parallèle avec l’actuel, il fallait installer les échangeurs dans un local contigu à l’usine en service. La construction de ce local a nécessité le démontage par sciage de la totalité de la façade en béton armé de l’usine ; au préalable, une façade en bardage métallique avait été mise en place à l’intérieur, sans interrompre son fonctionnement.
Jusqu’à octobre 1990, la Centrale de production frigorifique urbaine Suclim, qui assure la production d’eau glacée nécessaire à la climatisation des tours de la partie Est du Quartier de la Défense, utilisait, pour assurer le refroidissement des condenseurs, des aéoréfrigérants dont l’installation remontait à 1973. Les nuisances sonores, la pollution visuelle (panache de vapeur d’eau), l’esthétique vieillie de la Centrale ainsi que les pertes de performances liées à la proximité de nouveaux immeubles, ont conduit en 1987 à dresser un vaste projet reposant sur deux pôles :
- — abandon des aéroréfrigérants au profit d’un système de refroidissement avec prise et rejet d’eau en Seine, située à 600 m de la Centrale (figure 1) ;
- — construction d’un immeuble d’une surface développée de 25 000 m² au-dessus de la Centrale frigorifique.
Ce projet a nécessité deux années d’études et d’enquêtes, comportant en particulier les éléments suivants :
- — étude d’impact de prise et de rejet d’eau de Seine, sur modèles mathématiques et physiques (maquette des ouvrages à l’échelle 1/50), confiée au Laboratoire National d’Hydraulique ;
- — étude d’impact du futur immeuble ;
- — étude de dangers d’incendie et d’explosion liés à la superposition de deux établissements classés (centrale frigorifique d’une puissance frigorifique de 74 MW et immeuble IGH) ;
- — dossier de demande d’autorisation de prise et rejet d’eau en Seine ;
- — dossier de demande d’autorisation de voirie pour le passage des canalisations ;
- — demande de permis de construire de la station de pompage située en bord de Seine ;
- — demande de permis de construire de l’immeuble.
La faisabilité sur les plans technico-économique et administratif du projet étant démontrée, l’opération pouvait être lancée.
Les travaux concernant le réseau d’eau de Seine ont débuté à fin juillet 1989 et la mise en service de cette installation a eu lieu en octobre 1990 ; les tours
aéroréfrigérantes ne seront démontées qu’après plusieurs mois de marche industrielle probatoire.
La particularité de ce chantier réside dans la mise en œuvre d’un très large éventail de techniques, dans un périmètre et un délai extrêmement réduits. On notera plus particulièrement les réalisations qui font l'objet des commentaires ci-après.
Travaux souterrains
Les contraintes de circulation sur les berges de la Seine, ainsi que l'encombrement important du sous-sol nous ont amenés à réaliser plusieurs tronçons d’ouvrage en souterrain. Deux techniques ont été utilisées à cet effet : le fonçage horizontal et la galerie boisée traditionnelle. La principale difficulté d’exécution de ces travaux, outre les emprises extrêmement réduites dont nous disposions en surface, a été due à la présence de la nappe phréatique dans les alluvions anciennes, avec une charge pouvant atteindre 4 à 5 m par rapport aux fils d’eau.
Les fonçages horizontaux
Les canalisations de prise d'eau amenant l’eau de la Seine à la station de pompage (de diamètre 1 600 mm) et celles de rejet des eaux (de diamètre 1 800 mm) situées sous la voie sur berges ont été réalisées à l'aide de la technique du fonçage horizontal sous atmosphère d’air comprimé (les tuyaux en béton armé sont directement poussés dans le terrain en place, l’excavation étant réalisée soit manuellement, soit mécaniquement au fur et à mesure que la canalisation pénètre dans le sol). L’atmosphère d’air comprimé permet de s’affranchir de la présence de la nappe phréatique dès lors que la perméabilité des terrains est inférieure à 10⁻⁵ m/s. Le terrain rencontré (sables et graviers très propres des alluvions de Seine) présentant des caractéristiques d’environ 10⁻³ m/s, il a été indispensable d’effectuer un traitement de sol préalable à l'aide de bentonite-ciment et de gels de silicate. Une difficulté importante se situait au débouché de ces ouvrages dans les batardeaux en palplanches établis dans le lit de la Seine, sous le niveau de celle-ci, où il a fallu particulièrement soigner et renforcer les injections.
Les galeries boisées traditionnelles
Le passage simultané de deux conduites de 1 000 mm, d’amenée et de rejet des eaux de Seine, de deux de 400 mm, de deux de 250 mm et d’une de 150 mm, sur un tracé comportant des courbes, ont mené à réaliser deux galeries techniques en fer à cheval, de 12 m² de section. La partie inférieure de la galerie, baignant dans la nappe phréatique, a fait l'objet d’un traitement de sol préalable. Par contre, en voûte, la présence de sables boulants très propres, associée à la présence d’une conduite d’eau potable de 800 mm à 1,50 m plus haut, nous a conduits à un blindage traditionnel en bois par « double enfilage », porté par des cintres métalliques espacés d’un mètre environ ; de plus, l’instabilité du front de taille a nécessité son blindage quasi systématique. Les précautions à prendre lors de l’excavation ont entraîné des cadences d’avancement assez faibles (de l’ordre de 1,20 m par jour) (figure 2).
Travaux fluviaux
Les contraintes de circulation ont imposé la réalisation des ouvrages de prise d'eau et de rejet en Seine à partir de pontons et de barges ancrés en Seine, sans intervention à partir de la terre ferme. Tous les approvisionnements et les évacuations de déblais ont été réalisés par barges (figure 3).
Après déviation de nombreux réseaux, le terrassement a été réalisé sur 6 m de profondeur, dans l’enceinte d’une paroi berlinoise. Le bâtiment, réalisé en béton armé, sera intégré ultérieurement dans l'ensemble architectural de la tour.