Cet article présente les moyens de sécurisation des tours aéroréfrigérantes humides vis-à-vis de la problématique Legionella notamment sur les aspects d'exploitation des postes de conditionnement d'eaux (notamment biocides) et des équipements associés de la tour (packing, purge de déconcentration, régimes hydrauliques) points clefs de la mise sous contrôle du risque de légionellose.
En France, plusieurs épidémies récentes de légionellose (Paris en 1998 et 1999, Ille-et-Vilaine en 2000, Meaux et Sarlat en 2002, Montpellier, Lyon et Pas-de-Calais en 2003) mettent en cause des systèmes de refroidissement par pulvérisation d’eau dans un flux d’air, dénommés Tours Aéroréfrigérantes (TAR) humides dans le domaine du tertiaire, de la santé ou de l’industrie, du fait de la présence dans le panache de la tour de la bactérie Legionella pneumophila.
Les tours incriminées peuvent être de deux types, selon le mode de refroidissement des condenseurs équipant les groupes froids :
– installation à circuit primaire non fermé, également appelée « ouverte » (figure 1) dans laquelle l’eau qui sert à refroidir le process (groupe frigorifique ou process industriel) est directement en contact avec l’air. L’eau
de refroidissement provoque l’entraînement de gouttelettes d'eau dans le panache,
– installation à circuit primaire fermé, regroupant des systèmes de tours de type “condenseur évaporatif”, “tour hybride” ou “tour humide fermée” (figure 2) où l’eau de refroidissement circule dans un circuit fermé et n'est pas en contact avec l’air. Elle traverse des échangeurs refroidis par l'eau de ruissellement, circulant en boucle uniquement dans la tour.
Dans ces deux configurations, l’air soufflé provoque l’entraînement de gouttelettes d'eau dans le panache constitué principalement de vapeur d'eau visible au sommet des tours. Les gouttelettes entraînées ont une composition similaire à l'eau du circuit et sont donc susceptibles d'être contaminées par cette bactérie pathogène dès lors que la conception, les conditions d’exploitation et de surveillance des installations précitées sont inadaptées ou défaillantes.
L’entraînement vésiculaire peut alors, comme nous l’a appris la récente épidémie d'Harnes dans le Pas-de-Calais attribuée à une usine pétrochimique de la région, devenir “contaminant” jusqu’à 10 kilomètres autour de la source d’émission. [INVS]
La sécurisation des tours aéro-réfrigérantes humides vis-à-vis de la problématique Legionella apparaît donc un impératif de santé publique, récemment formalisé par le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable, par les arrêtés ministériels du 13 décembre 2004 “relatifs aux prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration et autorisation” sous la rubrique n° 2921 “installations de refroidissement par dispersion d’eau dans un flux d’air”.
Cet arrêté, qui renforce le précédent guide de bonnes pratiques “Legionella et tours aéroréfrigérantes” édité en 2001 par le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, impose des mesures à mettre en œuvre pour la prévention du risque légionellose. Il s'agit principalement de règles de conception et d’exploitation, de maintenance qui doivent permettre de limiter la prolifération des légionelles dans l'eau du circuit et sur toutes les surfaces de l’installation en contact avec l'eau (packing, bassin, etc.) en dessous d'une valeur cible de 1 000 UFC/L de Legionella specie. La valeur d'action étant fixée à 100 000 UFC/L (arrêt complet de l'installation).
La détection analytique de Legionella est par ailleurs renforcée en termes de périodicité et à ce titre, il paraît important de rappeler dans l'article qui suit les méthodes analytiques actuelles permettant de la détecter et de surveiller “in fine” ces installations critiques.
Cet article présente également les moyens de sécurisation des tours aéroréfrigérantes humides vis-à-vis de la problématique Legionella notamment sur les aspects d’exploitation des postes de conditionnement d’eaux (notamment biocides) et des équipements associés de la tour (packing, purge de déconcentration, régimes hydrauliques) points clefs de la mise sous contrôle du risque de légionellose. Une approche statique des points critiques les plus fréquemment rencontrés sur les installations diagnostiquées sera proposée ainsi que des critères de choix pour les biocides à utiliser au sein de ces installations vis-à-vis de la lutte contre les Legionella.
Enfin, un accent particulier sera porté sur les aspects de surveillance des installations par la définition de paramètres indicateurs permettant d’anticiper les dérives (paramètres physico-chimiques et bactériologiques, utilisation de kits de germes-tests, relevés de consommation d’eaux, calcul du Re de fonctionnement, etc.) dans une conduite de type “analyse de risques” telle qu'imposée par la réglementation sanitaire depuis peu.
Caractérisation des légionelles et facteurs de développement
Caractérisation
Les légionelles sont des bacilles Gram négatifs que l'on retrouve dans des habitats très variés, naturels ou artificiels.
Elles sont à l’origine de pathologies dénommées légionelloses qui peuvent prendre des formes plus ou moins graves. On distingue la fièvre de Pontiac qui peut être assimilée à un syndrome pseudo-grippal aboutissant à une guérison spontanée, et la maladie du légionnaire qui correspond à une pneumopathie aiguë pouvant aboutir au décès du patient. Si toutes les légionelles peuvent être considérées comme potentiellement pathogènes, certaines espèces, à l'image de Legionella pneumophila, ont été plus fréquemment retrouvées en pathologie. Le mode de transmission de la légionellose est la voie aérienne par inhalation d'eau contaminée diffusée en aérosols. Ces aérosols peuvent notamment être produits lors de l’ouverture d'un robinet ou d’une douche ou encore dans des systèmes de climatisation. C’est
pourquoi, il est primordial de prévenir et contrôler la présence des légionelles dans ces environnements.
Différentes raisons peuvent motiver la mise en œuvre d’un contrôle de la présence de légionelles.
Tout d’abord, il est impératif de réaliser des analyses de légionelles afin de vérifier la conformité du système vis-à-vis de la réglementation qui fixe, comme cela a été mentionné précédemment, des seuils (valeur cible et valeur d'action). Dans ce cadre, l’analyse doit être menée selon la norme NF T 90-431 de septembre 2003 qui précise les conditions analytiques qui peuvent être différentes selon le type d’eau analysée. Schématiquement, la méthode est fondée sur la détection et la quantification des légionelles viables capables de croître sur un milieu de culture. Dans le cas des eaux de tours aéroréfrigérantes, après des étapes de préparation de l’échantillon, l’ensemencement est réalisé sur un milieu de culture (GVPC) qui contient les apports nutritifs nécessaires au développement des légionelles, notamment la L-cystéine, du fer et des antibiotiques susceptibles d'inhiber la croissance de bactéries indésirables.
Les boîtes sont incubées à 36 °C de 8 à 10 jours et des lectures sont réalisées régulièrement à partir du 3ᵉ jour afin de contrôler l'apparition de colonies typiques de légionelles. Ces colonies typiques présentent en général une coloration gris-bleu claire (Figure 3), mais peuvent également être parfois jaunes, vertes, blanches, marrons, violettes ou roses. Des tests sont alors pratiqués afin de confirmer les légionelles spp et déterminer la présence éventuelle de Legionella pneumophila et, le cas échéant, le sérogroupe de ces dernières.
La limite de quantification de la méthode est de 250 UFC/volume filtré (Unités Formant Colonies, généralement par litre) et elle permet donc de dénombrer la quantité de Legionella spp, parmi lesquelles le nombre de Legionella pneumophila et le sérogroupe de ces dernières. Dans le cas des tours aéroréfrigérantes, seul le dénombrement de Legionella spp (tous types confondus) est requis.
Cette méthode présente certains inconvénients et notamment le délai d’analyse qui est extrêmement long. Il était donc très intéressant d’envisager le développement de méthodes plus rapides afin de disposer d’un outil analytique permettant, non pas de remplacer la méthode par culture, référence réglementaire, mais plutôt de réaliser un suivi avec une excellente réactivité. À cet effet, les outils de la biologie moléculaire constituent une approche intéressante pour combiner une très bonne sensibilité et spécificité de détection dans un délai qui permet d'obtenir un résultat dans la journée.
En partenariat avec la société Genesystems, nous avons participé au développement d’un test de détection quantitative de Legionella pneumophila par PCR (Figure 4). Le principe de la détection repose sur la mise en évidence d’une portion spécifique de l’ADN de Legionella pneumophila, garantissant d'un point de vue théorique une excellente spécificité de détection. La population bactérienne détectée correspond aux bactéries cultivables, viables et non cultivables et dans une certaine mesure à des bactéries mortes.
La limite de quantification du test est 667 unités génome de Legionella pneumophila/volume filtré. Avec ce système, le nombre de pipetages est très largement réduit par rapport aux systèmes habituels, assurant des meilleures répétabilité et précision. Dans ces conditions, la PCR constitue un outil analytique facilement utilisable en laboratoire de routine. Ce test est d’ailleurs actuellement réalisé dans notre laboratoire de contrôle de production. La mise en
exemple des techniques RAPD (Random Amplified Polymorphic DNA) et PFGE (Pulsed Field Gel Electrophoresis). Elles permettent d'obtenir une véritable "empreinte génétique" de chaque bactérie étudiée et d'aboutir à des niveaux de discrimination extrêmement élevés. Les souches peuvent être comparées entre elles et des niveaux d'identité établis, ce qui revêt un intérêt dans le cadre d'études épidémiologiques notamment où il est par exemple possible d'élucider si un cas de légionellose peut être relié à la contamination en légionelles d'un système en comparant les "empreintes génétiques" des souches isolées des patients et celles des souches environnementales.
Facteurs de développement
Les mécanismes de colonisation des circuits d'eaux des tours aéro-réfrigérantes par Legionella sont encore mal connus [Steinert], même s'il est probable que la contamination a lieu via l'eau d'appoint et que les amibes présentes au sein de l'eau d'appoint peuvent héberger des légionelles, et développer une « relative » résistance aux biocides employés [Kim]. Il ne faut pas négliger non plus les facteurs environnementaux par aspiration d'air contaminé au niveau de la tour. Par exemple, des sources potentielles de contamination ont été décrites lors de travaux d'excavation, de fortes pluies [Merchat], par le biais d'autres tours aéroréfrigérantes contaminées ou, plus récemment, lors de l'épidémie du Pas-de-Calais via la lagune traitant les effluents aqueux des procédés de l'usine Noroxo [INVS].
Toutefois, un consensus se dégage sur les conditions favorables à leur développement au sein des tours humides telles que :
- * la température de l'eau de recirculation (entre 10-35 °C) ; la recrudescence des cas en été étant associée à des températures plus élevées de l'eau en circulation [Bentham RH] ;
- * la présence de dépôts d’entartrage et de corrosion, l'apport de nutriments organiques et minéraux via l'eau d'appoint ;
- * le domaine de pH (7-10) de l'eau, l'aération continue [Guide Legionella] et la re-concentration de l'eau contribuent à la création d'un milieu favorable aux développements bactériens ;
- * la présence de zones de stagnation au sein des circuits d'eaux des tours (bras morts, canalisations d’équilibrages entre tours en parallèle, basculement en mode sec dans le cas de tour hybride, etc.) ;
- * l'absence de biocides permettant de lutter efficacement contre le développement des légionelles.
Ces facteurs montrent qu'une gestion optimale de la tour et notamment des postes de traitement d'eau sont des paramètres clefs.
[Encart : Le calcul de l'indice de Ryznar L'indice de Ryznar (IR), ou indice de stabilité, permet de définir le caractère entartrant et corrosif d'une eau d'un circuit de refroidissement semi-ouvert. Il se calcule à partir du pH de saturation (pHs) et du pH réel de l'eau du circuit selon : IR = 2 pHs − pH où pHs est le pH de saturation de l'eau et pH la valeur du pH de l'eau du circuit. Le pH de saturation, étant défini comme étant le pH au-dessus duquel une eau est entartrante, c'est-à-dire capable de déposer du carbonate de calcium (tartre). Ce pH de saturation se calcule à partir des éléments liés aux équilibres calco-carboniques : – TAC (*) Titre Alcalimétrique Complet – TCa (*) Titre Hydrotimétrique Calcique – TDS (mg /L) Salinité totale dissoute – T (°C) Température de l'eau au point le plus chaud (peau du condenseur) pHs = 10,053 − 0,06 (3 × T − 20) + 2 E − log [(TCa) × (TAC)] avec E = √i / (1 + 4 √i) et i = 16,5 / R où E représente la force ionique du milieu et R la résistivité de l'eau (en ohm·cm). Le pHs peut être également approximé à l'aide d'abaques ou de logiciels. L'indice de Ryznar obtenu au sein du circuit caractérise l'eau selon les critères suivants : IR < 6 Eau à tendance entartrante 6 < IR < 6,5 Eau à l'équilibre tartre-corrosion IR > 6,5 Eau à tendance corrosive]de la sécurisation de ces installations vis-à-vis de la problématique légionelles, ce qui constitue par ailleurs l’essentiel des guides français et internationaux de recommandations.
Rôle des traitements d’eaux et d'une exploitation maîtrisée dans la sécurisation des installations
Traitements d’eau
Les traitements d'eau mis en œuvre doivent permettre de lutter contre les désordres rencontrés au sein de ces tours qui créent des conditions favorables au développement d'un écosystème à l'interface eau/métal de la tour. Il s’agit de l’entartrage, de la corrosion et de la présence de salissures, d’origines biologiques regroupées sous le terme de biofouling. Il convient donc de caractériser d'un point de vue technique et économique l’ensemble du circuit et des désordres rencontrés afin d’apporter une solution globale adaptée via :
- Le prétraitement de l'eau d’appoint (préfiltration, adoucissement ou injection d’acide, etc.) ;
- La mise en place d’inhibiteurs d’entartrage et de corrosion ;
- L'injection de biocides permettant de lutter contre les proliférations biologiques notamment Légionelles (cf figure 6), en continu et en injection coup de poing.
Le prétraitement peut être nécessaire si les critères suivants de qualité de l'eau d’appoint ne sont pas respectés selon l’arrêté du 13 décembre 2004 :
- Numération de germes aérobies revivifiables à 37 °C < 1000 germes/ml ;
- Matières en suspension : < 10 mg/L
On envisagera par exemple dans ce cas, une injection de chlore sur l’eau brute et la mise en place d'un filtre à sable. Toutefois, d'autres prétraitements sont possibles en fonction de la qualité de l'eau d’appoint et des caractéristiques technico-économiques de l'installation (coût de l'eau d’appoint, consommation d’eaux estimées, etc.).
Le traitement de l’entartrage peut être réalisé par des méthodes variées comme l'injection d’acide (traitement à pH imposé), l’injection de séquestrant ou inhibiteurs d’entartrage qui vont retarder ou empêcher la précipitation du carbonate de calcium (fonctionnement à pH libre) à base de phosphonates, phosphates, polymères organiques type acrylique ou bien encore par adoucissement ou décarbonatation.
Le choix du procédé ou du produit sera fonction du caractère entartrant de l'eau (apprécié par l’indice de Langelier ou de Ryznar) et de critères économiques (coût au m³ d'eau traité, rapport de concentration Rc que l'on s’autorise, généralement compris entre 1,2 à 6) et des critères d’exploitation (présence d'un personnel qualifié, périodicité de passage de l’exploitant, etc.).
Au final, le procédé retenu sera le plus sécurisant, c’est-à-dire celui pour lequel on aura déterminé le rapport coût/contraintes techniques et d’exploitation optimale. Par exemple, le traitement par adoucissement de l'eau d’appoint d’une TAR humide du tertiaire sera retenu car jugé plus sécurisant par rapport à l'injection de produits inhibiteurs d’entartrage ou l’injection d’acides, technologies comparativement moins coûteuses et plus usitées dans l'industrie, mais qui demandent une régulation et une surveillance particulière de l’exploitant. En effet, il n'est pas rare de constater, dans le secteur du tertiaire, un bouchage des cannes d'injection, le non-respect des doses d'injection, ou le manque de produit dans le bac, du fait d'une surveillance insuffisante des installations ou d’une périodicité de passage inadaptée de l'exploitant.
Les traitements de lutte contre la corrosion sont mis en œuvre de façon concomitante à ceux destinés à lutter contre l’entartrage car les traitements d’adoucissement ou de mise à pH imposé (acide) ont pour conséquence de rendre l’eau corrosive vis-à-vis des métaux.
Les inhibiteurs de corrosion employés peuvent être de types anodiques, cathodiques,
mixtes, ou organiques.
- Les inhibiteurs anodiques comme les molybdates, les silicates, les nitrites, les orthophosphates, agissent en bloquant le passage du fer en solution par formation d’un film d’oxyde de fer protecteur (FeO, Fe₂O₃).
- Le mode d'action des inhibiteurs cathodiques, comme le zinc, est basé sur la précipitation à la surface cathodique d'un sel ou d'un hydroxyde formé par précipitation avec les ions hydroxydes produits par réduction de l'oxygène dissous de l'eau.
- Les inhibiteurs organiques agissent par formation d'un film adsorbé à la surface du métal isolant l'eau du métal. Ce sont généralement des molécules complexes à base d’azote, de soufre (dérivés azolés).
Les inhibiteurs de corrosion les plus couramment utilisés pour le traitement de l'eau des circuits de refroidissement ouverts sont à base de molybdates, orthophosphates, phosphonates, zinc, dérivés azolés (benzotriazole, tolyltriazole), de phosphonocarboxylates... La plupart des produits commercialisés sont un mélange de divers inhibiteurs de corrosion et d’entartrage dont les doses d'emploi varient entre 100 à 150 ppm dans l'eau du circuit et possèdent des actions spécifiques pour la protection des matériaux vis-à-vis de la corrosion. Par exemple les dérivés azolés sont spécifiques de la protection contre la corrosion des matériaux à base de cuivre.
Le tableau I liste les produits commercialisés par Veolia Water vis-à-vis de la lutte contre l’entartrage et leur domaine d’application dans le domaine du tertiaire.
Biocides
Les biocides, dont le rôle sera de limiter la prolifération des microorganismes, peuvent être de types oxydants ou non oxydants.
Les biocides oxydants, comme le chlore, le brome, le dioxyde de chlore ou l’ozone, sont généralement utilisés en injection continue à des teneurs faibles (quelques ppm), du fait notamment de leur corrosivité vis-à-vis des métaux constitutifs de la tour et des circuits d'eau. Leur action n’est pas sélective et dépend pour certains du pH, comme le chlore ou le brome. Le brome (sous forme d'hypobromite de sodium) ou le dioxyde de chlore seront privilégiés compte tenu de leur meilleure efficacité en pH alcalin, domaine de pH de l'eau des circuits des TAR humides. L’utilisation de chlore, recommandé pour la désinfection des installations après arrêt prolongé en France et à l’étranger, est également possible, mais on veillera alors à injecter des doses plus massives lorsque le pH de l'eau du circuit est très supérieur à 8 [guidance for the control of legionella, south australia] ou à travailler à pH imposé (cas des tours industrielles notamment).
L'ozone, le dioxyde de chlore, la monochloramine, bien qu’efficaces, sont moins utilisés pour des raisons liées à leur coût et aux technologies associées, plus délicates de mise en œuvre, notamment dans le domaine du tertiaire.
Les biocides non oxydants sont des molécules organiques dont l’activité bactéricide est généralement plus sélective et indépendante du pH. De nombreuses molécules sont présentes sur le marché, dont l'efficacité est variable. Ces biocides peuvent être utilisés :
- en choc lors d’une contamination avérée ou après redémarrage (pour les tours à fonctionnement saisonnier) ;
- en continu avec injection d'un biocide oxydant (type brome, chlore ou dioxyde de chlore) avec biodispersant séquencée avec une injection d’un biocide non oxydant (injections coups de poing) ;
- en continu avec injection d'un biocide non oxydant avec biodispersant séquencée avant l'injection d'un biocide non oxydant complémentaire. Cette dernière configuration peut être notamment retenue lorsque les phénomènes de corrosion au sein des TAR sont avancés et que l'injection de biocides oxydants peut être a priori jugée “à risque”.
Les plus usités, comme le glutaraldéhyde, les isothiazolones, le tétrahydroxyphosphonium (THPS) ou les ammoniums quaternaires ont fait l'objet d’essais en laboratoire et sur le terrain au sein des structures de R&D de Veolia Water (Anjou Recherche). Les essais ont été réalisés sur une eau provenant d'un pilote d'eau chaude sanitaire, initialement dopée à une concentration de l'ordre de 1000 UFC/L de Legionella pneumophila, souche environnementale [Saby et Vidal].
Ces résultats, présentés sur les figures suivantes (8 et 9), ont été obtenus à partir de formulations commerciales dans des conditions de pH, de température et de teneurs en Legionella pneumophila représentatives de celles existantes au sein des TAR humides (pH = 8,5, T° = 35 °C, [Legionelles] = 10³ UFC/L).
Ils montrent que dans les conditions des essais, c'est-à-dire entre 5 et 40 ppm de matière active (50-200 ppm de produit commercial), soit des teneurs sensiblement équivalentes aux injections massives de biocides, dites “coup de poing” réalisées sur le terrain, les isothiazolones et le THPS, aux mêmes concentrations en matière active, semblent avoir une meilleure efficacité bac-
Tableau I : Produits Veolia Water pour le traitement des TAR humides tertiaires vis-à-vis de la lutte contre l’entartrage
Nom du produit commercial | Produit actif | Dose usuelle recommandée | Domaine d’application |
---|---|---|---|
HYDREX 2900 | Orthophosphates + Phosphonate + Polymères + Zinc + triazole | 30 à 60 ppm sur l’appoint | Inhibiteur de corrosion / antitartre pour TAR alimentées en eau partiellement adoucie ou décarbonatée |
HYDREX 2990 | Polymère anionique, Phosphonate spécifique | 100 ppm sur l’appoint | Antitartre / dispersant pour TAR alimentées en eau dure. Antitartre pour circuits en eau perdue |
HYDREX 2994 | Polymères, Benzotriazoles, Molybdate, Soude | 30 ppm sur l’appoint | Inhibiteur de corrosion / dispersant pour TAR alimentées en eau adoucie à TH voisin de 0 |
bactéricide vis-à-vis de Legionella pneumophila comparativement au mélange glutaraldéhyde + ammonium quaternaire.
En effet, l’abattement en phase eau des teneurs en Legionella pneumophila, mesurées par la méthode normalisée Afnor, pour des concentrations en produit commercial de 50 ppm (figure 7) est supérieur à 3 unités log pour le THPS et l'isothiazolone, contre 1,5 unité log pour le glutaraldéhyde au bout de 3 heures de temps de contact.
Toutefois, à des concentrations plus élevées, de l'ordre de 200 ppm (cf. figure 8), soit pour des concentrations en matière active de 27 ppm, un abattement de 3 unités log en Legionella pneumophila est obtenu au bout de 8 heures. Ceci milite en faveur de l’utilisation de ce biocide à des doses plus importantes (> 200 ppm en produit commercial) et des temps de contact plus longs (> 3 heures).
Par ailleurs, des essais réalisés par différents auteurs, tels Thomas, et des observations faites sur site ont mis en évidence des phénomènes de recolonisation rapide des circuits traités au glutaraldéhyde.
Dalkia
On constate notamment sur
le terrain que l'abattement en Legionella varie selon les installations. L’efficacité réelle des biocides au sein des TAR humides est à rapprocher de la présence d'un biofilm au sein des circuits et des surfaces en contact avec l'eau. Des précédents travaux réalisés par Anjou Recherche [Saby et Vidal] ont démontré la prépondérance de Legionella pneumophila au sein du biofilm (99,5 %) versus la phase eau (0,5 %). Des travaux en cours devraient permettre de mieux comprendre l’impact de
ces traitements biocides et des traitements biodispersants sur le biofilm et la sécurisation des TAR humides vis-à-vis de Legionella.
Compte tenu des éléments précités, il est préférable de s’orienter, pour une sécurisation optimale des installations vis-à-vis de Legionella pneumophila, vers d'autres biocides non oxydants comme le THPS ou l'isothiazolone, ou au moins de privilégier leur alternance [Guidance for the control of Legionella].
L'injection choc de THPS est mise en œuvre sur le terrain par l'utilisation de l'HYDREX 7610 Veolia Water, à des doses d’emploi comprises entre 200 et 300 g/m³. La fréquence des chocs sera fonction du niveau de contamination et de la saison et sera ajustée de 2 à 3 fois par semaine à 4 fois par mois, selon les résultats des analyses de surveillance réalisées (cf. paragraphes suivants). On pourra, si nécessaire, en cas de difficultés, alterner le biocide non oxydant de type THPS avec un autre biocide non oxydant à base d’isothiazolones (produit HYDREX 7310).
Les injections chocs seront couplées avec la mise en place d’un traitement en continu oxydant. Typiquement, cette injection en continu sera formalisée par la mise en place de pompes doseuses injectant du brome (produit HYDREX 7908) asservies à un chloromètre permettant d’assurer un résiduel d’oxydant et d’ajuster les teneurs en brome en fonction de la demande du circuit. La pompe doseuse sera asservie à une horloge pour tenir une concentration dans le circuit en produit commercial de 100 à 200 ppm pendant 1 à 2 h.
Exploitation maîtrisée
Des traitements d’eaux adaptés ne sont efficaces que si les conditions d’exploitation sont optimales.
À ce titre, le rôle joué par la maîtrise des
purges au sein du système est primordial. En effet, le rapport de concentration défini par :
\[ Rc = \frac{S_r}{S_a} \]
avec \( S_a \) = salinité de l'eau d’appoint (g/m³) et \( S_r \) = salinité du réseau (g/m³) doit être ajusté en fonction des traitements appliqués et du calcul de l'indice de Ryznar du circuit. Ce rapport de concentration est directement relié aux consommations d'eau via les équations suivantes (tenant compte du bilan matière entre l'eau d’appoint et les pertes en eau du circuit par évaporation et par purges) :
\[ P = \frac{A}{Rc} - \frac{E}{Rc - 1} = \frac{W \, (kW)}{H \, (kWh/m³)} \times \frac{1}{(Rc - 1)} = \frac{W \, (kW)}{670 \, (kWh/m³)} \times \frac{1}{(Rc - 1)} \]
A étant l’Appoint (m³/h), E les pertes par évaporation (m³/h), P les pertes par purges (m³/h), W la puissance de la tour en kW, H (kWh/m³) la chaleur latente de vaporisation de l’eau.
Il appartient donc à l'exploitant de vérifier les consommations d’eau du circuit (relevés de compteur) et le rapport de concentration de fonctionnement, qui idéalement se situera entre 1,2 et 5 pour des tours du domaine tertiaire alimentées en eau adoucie. Dans le cadre de tours où les prétraitements appliqués peuvent conduire à des eaux peu minéralisées, ce facteur peut être dépassé. Toutefois, un compromis doit être trouvé entre des consommations d’eau faibles (fonctionnement à un Rc de l’ordre de 5) et un encrassement important du circuit, car on atteint le produit de solubilité de certains sels comme CaCO₃ ou CaSO₄ et à une moindre efficacité des produits biocides (Rc limite de 5).
La réalisation effective des purges doit être vérifiée régulièrement par le démontage et le nettoyage de la vanne de déconcentration et le réglage de la temporisation du coffret de régulation en fonction du Rc de fonctionnement (idéalement une fois tous les 2 mois). Les opérations de maintenance préventive vis-à-vis de la sécurisation légionelles concerneront, outre la purge de déconcentration et le compteur, les équipements où un biofilm peut se développer comme le pare-gouttelettes, le packing, les rampes de pulvérisation, le bassin.
La figure 10 illustre les équipements clefs à maintenir et entretenir pour la sécurisation effective des TAR vis-à-vis des légionelles. En termes de maintenance préventive des installations, le tableau II liste les principales actions à mener pour la sécurisation de ces tours, telles que réalisées par les équipes de Dalkia.
La réalisation de ces opérations de maintenance permet une sécurisation effective des installations. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle et une surveillance des installations doit être réalisée et intégrée dans le
…cadre de l’exploitation de ces installations par des entreprises spécialisées et compétentes.
Surveillance des installationspour une meilleure sécurisation
En termes de surveillance, il est à noter que l’utilisation de kits pour la réalisation du suivi de la flore totale donne une information utile sur la contamination de la tour (ex. : Millipore Sampler, Bacti-count, Easy-cult, etc.).
Une valeur limite en germes totaux de 10³ UFC/ml (déterminée par la norme Afnor NF EN ISO 6222) est généralement considérée comme un signal d’alerte [Guidance for the control of Legionella] et [Prince EL]. Le principe de ces méthodes rapides est basé sur la comparaison de la densité de la culture obtenue par rapport à une échelle pré-établie par le fabricant. D’une utilisation aisée, elles permettent d’obtenir rapidement une information semi-quantitative sur la présence de flore au sein du circuit. Or, même s’il n’existe pas de corrélation entre la présence de flore totale et de Legionella, on sait qu’une brusque augmentation de la flore totale est un paramètre indicateur d’un dysfonctionnement dans le circuit. Le suivi mensuel doit être systématisé sur les installations.
Par ailleurs, une surveillance microbiologique de ces installations peut être réalisée par la mise en place de méthodes analytiques non destructives de suivi « in situ » du biofilm appelées « coupons biofilms » (cf. illustration). L’originalité de ces systèmes de suivi de biofilm réside dans le fait que les prélèvements « biofilm » sont réalisés sans vidange des réseaux et sans aucune détérioration du biofilm.
En termes de surveillance physico-chimique des installations, la mesure mensuelle des paramètres suivants tels que la conductivité, le pH, le TAC, le TH, le fer, le zinc, les chlorures, sur l’eau d’appoint et l’eau du circuit est essentielle [Guide Legionella]. Ces analyses permettent :
- * de surveiller l’évolution des phénomènes de corrosion et d’entartrage au sein du circuit, en complément de coupons de corrosion ;
- * d’anticiper des dysfonctionnements (purge de déconcentration HS, variabilité de la ressource, etc.) ;
- * de vérifier l’efficacité des postes de traitement d’eau en complément de la réalisation des bilans matière (consommation de produits par rapport à la consommation d’eau) et des réglages de ces postes (cadence d’injection de la pompe en coups/impulsion et/ou pourcentage de course, asservissement au compteur, etc.).
Le paramètre analytique majeur à surveiller demeure les teneurs en Legionella spp. La périodicité des contrôles analytiques est portée à une analyse tous les deux mois mais cette périodicité est ensuite ajustée en fonction des résultats obtenus, comme le montre le logigramme décisionnel de Dalkia établi à partir de l’arrêté du 13/12/2004, qui synthétise les actions à mener en fonction de la concentration en Legionella spp déterminée par la méthode normalisée. L’apport de cet arrêté réside dans la définition :
- * de valeurs cibles et d’alerte fixées respectivement à 1 000 UFC/L et 100 000 UFC/L ;
- * d’actions correctives en fonction des dépassements, via notamment la mise en place d’opérations de nettoyage et de désinfection, de conduite d’analyses de risque (diagnostics) ;
- * du contrôle de l’efficacité de ces opérations de nettoyage et désinfection via la réalisation d’analyses :
- = 48 heures après l’opération de nettoyage et désinfection, pour en contrôler l’efficacité ;
- * tous les 15 jours pendant 3 mois, pour vérifier la « non recolonisation » du milieu…
Dans ce contexte, l’utilisation de la PCR légionelles de façon mensuelle pourrait être un atout intéressant dans une démarche de surveillance et d’anticipation des dérives. En effet, cette méthode très sensible permet la détection de faibles variations et représente un bon indicateur des conditions d’exploitation et de maintenance des installations. Utilisée en complément des analyses Afnor réglementaires, elle permet de réaliser une surveillance plus rapprochée des installations à un moindre coût avec une réactivité associée beaucoup plus importante du fait du délai analytique court de cette méthode (quelques heures), comme précédemment décrit dans cet article.
Les récents travaux du laboratoire du Groupe Veolia démontrent que dans le cas d’une situation de crise, la PCR permet de donner un « feu vert » rapide, en cohérence avec la méthode Afnor, pour le redémarrage de l’installation après une désinfection au chlore.
Points critiques en termes de sécurisation
La gestion du risque légionelles nécessite de connaître et de définir l’ensemble des dangers, ou points critiques, qui peuvent conduire au développement de Legionella au sein des circuits d’eau de la tour et, in fine, à l’émission et la diffusion d’aérosols contaminés et de mettre en regard un plan de maintenance et de surveillance aptes à…
[Figure 10 : Répartition statistique des PC sur une TAR humide.]réduire le risque étudié, comme expliqué précédemment.
Cette démarche d’analyse des risques réalisée lors d’expertises par l’exploitant ou des organismes tiers est maintenant une obligation réglementaire qui rentrera en application à partir du 1er janvier 2007, via la mise en place d’organismes habilités à cet effet. L’analyse de ces dangers est classiquement réalisée selon les items suivants : conception de l’installation, exploitation, maintenance et surveillance.
Une approche statistique des principaux points critiques relevés lors des diagnostics préventifs et curatifs réalisés par la société Office Français d’Ingénierie Sanitaire (OFIS) est présentée ci-après. On constate, dans 32 % des installations expertisées, des défauts de conception. Il s’agit principalement de l’absence de compteurs d’eau d’appoint – nécessaires pour le contrôle des purges et des pertes par évaporation du circuit – de l’absence de prétraitement alors que les caractéristiques de l’eau d’appoint le justifient (voir calcul de l’indice de Langelier), des difficultés d’accès au packing, du non asservissement de la purge de déconcentration à l’eau d’appoint ou à une mesure de la salinité, de la présence de bras morts au sein des circuits d’eaux, ou à une implantation de la tour à moins de 10 mètres d’ouvrants… On note également que la majorité des anomalies détectées sont liées à des défauts d’exploitation, de maintenance (58 %), de contribution sensiblement équivalente, et de surveillance (10 %).
Notamment, en termes d’exploitation et de maintenance on note le plus souvent des défauts d’exploitation des postes de traitements d’eaux (injection de produits biocides non automatisés et/ou mal réglée, absence de produits dans les bacs de conditionnement, dysfonctionnement de l’adoucisseur) et de maintenance (absence de désinfection systématique après arrêt prolongé ou lors de basculement entre plusieurs tours en parallèle, absence de désinfection annuelle, mauvais réglage de la purge de déconcentration, absence d’entretien du garnissage, etc.). En termes de surveillance, il s’agit notamment :
- * de suivi analytique insuffisant ne permettant de calculer le rapport de concentration, d’analyses légionelles réalisées à des périodicités insuffisantes (une seule analyse par an après l’opération de désinfection…) ne permettant pas de déceler une dérive,
- * d’absence de contrôle d’efficacité de désinfection,
- * d’absence de reporting des actions menées sur des documents de bord (type carnet sanitaire) qui pourrait permettre de rechercher plus facilement les causes d’une éventuelle contamination.
Conclusion
La sécurisation des tours aéroréfrigérantes humides repose principalement sur une bonne exploitation des installations et une surveillance adaptée de ces installations. Une approche globale des traitements d’eaux à mettre en place associée à une gestion optimale en termes de maintenance et d’entretien de ces postes et des équipements constitutifs de la tour (purge de déconcentration, nettoyage et désinfection du packing, etc.) constituent les points clefs de la mise sous contrôle du risque légionelles.