L'installation que nous présentons dans cet article, réalisée en 1984, est intéressante sur plusieurs points :
— elle a permis la production d’eau ultrapure trois mois seulement après le début des études du procédé ;
— elle fonctionne en permanence, 24 h sur 24, sans interruption depuis cette date ;
— conçue pour un débit de recirculation de 55 m³/h et une consommation de 40 m³/h, elle supporte sans faiblesse une consommation de 50 m³/h.
Tableau 1 : Caractéristiques de l'eau brute
Température : | 13 °C |
Turbidité (gouttes de mastic) : | 7 |
Index de colmatage : | 2 |
Calcium : | 62,24 mg/l |
Magnésium : | 8,32 mg/l |
Sodium : | 2,75 mg/l |
Bicarbonate : | 163,53 mg/l |
Chlorure : | 6,40 mg/l |
Sulfate : | 36,24 mg/l |
Nitrates : | 4,15 mg/l |
Fer (total) : | 0,04 mg/l |
Silice (SiO₂) : | 5,81 mg/l |
Matières organiques (KMnO₄) : | 2,0 mg/l |
Chlore libre : | néant |
Conductivité à 25 °C : | 335 µS/cm |
Germes totaux : | 15/ml |
Les données de base prises en compte dans l'étude de l'installation sont consignées pour l'eau brute dans le tableau 1 et pour les critères de l'eau ultrapure dans le tableau 2.
Il faut noter que l'eau ultrapure produite est essentiellement utilisée pour le rinçage et le lavage final de circuits intégrés. Étant donné la complexité du réseau de distribution, ces opérations se font en eau perdue. Seule l’eau ultrapure non consommée est bouclée.
Ingénierie et choix des procédés
Dans une approche simplifiée, les contaminants de l'eau peuvent être classifiés en deux catégories :
— impuretés dissoutes (ioniques et non-ioniques),
— matières en suspension (vivantes et mortes).
Un certain nombre de procédés adéquats sont connus et peuvent être combinés pour produire de l'eau ultrapure de façon sûre (figure 1) ; le problème le plus épineux est de trouver des procédés offrant un rendement suffisant dans l'élimination des contaminants.
Ces dernières années, les méthodes d’élimination des particules vivantes ou mortes ainsi que les impuretés dissoutes ont été complétées par des procédés très efficients utilisant les propriétés des membranes. Celles que l’on emploie pour l’ultrafiltration ou l’osmose inverse agissent en qualité de tamis dans le domaine ionogène et de dispersion moléculaire à colloïdale. Les membranes d’osmose inverse retiennent déjà des particules à peine plus grosses que la molécule d’eau (par exemple les ions anorganiques hydratés, donc les sels dissous). Par contre, les membranes UF sont perméables aux sels ; elles re-
Tableau 2 : Critères de l'eau ultrapure
Conductivité à 25 °C : | 0,055 µS/cm |
Grandeur des particules : | inférieure à 0,5 µm |
Nombre de particules maximum : | 1000/l |
Nombres de germes maximum : | 1/ml |
TOC : | inférieur ou égal à 200 ppb |
Na : | inférieur à 10 |
K : | inférieur à 5 |
Ca : | inférieur à 10 |
Mg : | inférieur à 5 |
SiO₂ : | inférieur à 10 |
Cu, Fe, Ni, Al, etc. : | inférieur à 5 |
Dopants électroniques (B, P, As, etc.) : | inférieur à 1 |
[Photo : Fig. 1 : Traitement de l’eau pour divers calibres de particules.]
Retiennent partiellement des substances de poids moléculaire élevé, mais éliminent intégralement celles qui se trouvent en solution colloïdale ou émulsionnées.
Le passage de l’eau y est assuré grâce à la différence de pression existant entre les deux parois de la membrane.
Les installations d’osmose inverse peuvent extraire à partir de l’eau brute plus de 90 % des sels dissous (quelque 99 % de l’eau de mer), alors que les installations d’ultrafiltration éliminent une part similaire ou supérieure d’impuretés de poids moléculaire élevé ou en suspension. Les installations d’osmose inverse séparent les colloïdes, micro-organismes, substrats microbiens et pyrogènes, ce qui réalise non seulement une désinfection, mais répond aussi à une condition fondamentale majeure : celle d’éviter toute infection secondaire dans l’eau purifiée. L’osmose inverse nécessite toutefois le recours à des procédés spécifiques de prétraitement pour stabiliser efficacement les sels peu solubles.
L’eau pure produite par l’osmose inverse se trouve dans des conditions idéales pour être traitée ensuite par les procédés d’échange d’ions à lits mélangés, à la suite de quoi la conductivité de l’eau est presque réduite à son niveau théorique.
De leur côté, les rayons ultraviolets et la microfiltration ont prouvé leur efficacité pour l’élimination des micro-organismes et pour empêcher toute recontamination de l’eau pure.
Le schéma de fonctionnement d’une installation de traitement d’eau, comme celle décrite dans ces lignes, comprend deux sections bien distinctes :
- — le traitement de l’eau d’appoint,
- — le système de production d’eau ultrapure (boucle).
Le but spécifique du traitement d’eau d’appoint est d’éliminer les contaminants, lesquels ne peuvent l’être que très difficilement dans la section d’eau ultrapure. Ces contaminants sont les suivants :
- — matières organiques (éliminées à plus de 95 %) ;
- — colloïdes et particules (éliminés à plus de 99 %) ;
- — micro-organismes (éliminés à plus de 90 %) ;
- — salinité (éliminée à plus de 95 %).
Le traitement de l’eau d’appoint est basé sur la mise en œuvre des procédés ci-après :
- — filtration des matières en suspension,
- — élimination de la dureté par adoucissement (permutation des ions Ca et Mg en ions Na),
- — conditionnement de l’eau par adjonction d’hexamétaphosphate de sodium,
- — filtration de sécurité.
Le dernier stade comporte une déminéralisation partielle par osmose inverse.
Les impuretés contenues dans l’eau d’appoint ont leur origine dans l’eau brute ; celles de la section d’eau ultrapure proviennent des matériaux de construction, du procédé de production lui-même ou d’une contamination microbienne secondaire. Le système de production d’eau ultrapure doit donc assurer en permanence la balance des matières en éliminant constamment ces impuretés.
L’eau d’appoint est stockée dans un réservoir tampon ; après stérilisation aux U.V., l’eau passe par des échangeurs d’ions à lits mélangés.
Trois déminéraliseurs opérant en « Merry-go-round » sont prévus. Deux de ces unités sont toujours branchées en série. Des cycles courts préviennent l’accumulation ou la dégradation des particules ou matières organiques. La filtration finale est assurée par une unité de microfiltration amenant l’eau à la qualité requise.
Après avoir rejoint le point de puisage le plus éloigné, l’eau ultrapure non utilisée est immédiatement renvoyée dans la bâche-tampon pour retraitement. Les effluents de régénération sont dirigés vers la neutralisation.
Description de l’installation
L’unité de traitement (figure 2) comprend les phases ci-dessous.
Adoucissement
Deux adoucisseurs sont prévus, fonctionnant par alternance. Leurs cycles sont contrôlés par un compteur à émetteur et totaliseur d’impulsions. La dureté résiduelle est surveillée par un analyseur automatique. La régénération est effectuée à cocourant, avec de la saumure filtrée préparée dans une bâche à recirculation. La seule opération manuelle consiste à déverser le sel dans le bac de stockage.
Conditionnement
Le départ d’eau adoucie reçoit une canne d’injection pour l’introduction d’hexamétaphosphate de sodium (NaHMP) et de sulfite de sodium (Na₂SO₃). NaHMP et Na₂SO₃ sont dissous dans un bac équipé d’un agitateur ; après parfaite dissolution, la solution est transférée par pompage dans un bac de dosage. Trois pompes doseuses (3 × 50 %) sont prévues pour chaque réactif.
L’adjonction de NaHMP est nécessaire pour éviter le colmatage des membranes d’osmose inverse, lequel peut être causé par des précipitations de calcium en cas de fuites accidentelles de dureté. Na₂SO₃ élimine les traces de chlore occasionnelles dont la présence est signalée par un analyseur automatique asservissant les pompes doseuses.
[Photo : Fig. 2 : Schéma de principe de l'installation.]
En cas de manque de produit, une alarme arrête l’installation de prétraitement.
Filtration de sécurité
L'eau passe ensuite sur trois filtres de sécurité (3 × 50 %) retenant les éventuelles particules dangereuses pour l’osmose inverse.
La pression différentielle est indiquée par des manomètres amont et aval.
Supervision intermédiaire
À ce stade, les mesures suivantes sont effectuées :
- chlore résiduel : avec alarme
- index de colmatage : avec alarme haute
- pression résiduelle : avec alarme basse
- conductivité : avec alarme haute
Déminéralisation partielle par osmose inverse
Deux pompes haute pression amènent l'eau à la pression de travail de l’osmose inverse. Une troisième pompe est tenue en réserve.
Dans l’osmose inverse, le courant d'eau se sépare en deux parties : le produit (perméat) à salinité très basse, et le concentrat contenant les substances dissoutes dans l’eau brute et retenues par la membrane, qui est envoyé à l’égout.
Le perméat, déminéralisé et virtuellement exempt de matières organiques, colloïdes et micro-organismes, est collecté dans une bâche-tampon d’eau traitée.
À chaque arrêt, l’appareil d’osmose inverse est rincé automatiquement.
Système dynamique d’eau ultrapure
L’eau d’appoint traitée et l’eau ultrapure recirculée sont collectées dans les bâches-tampon. Après avoir été remise sous pression, l’eau est soumise à un rayonnement U.V. pour éviter l’introduction d’organismes vivants dans les lits de résine.
Le noyau du système est formé par trois lits mélangés Maxistil © raccordés en « Merry-go-round », processus dans lequel deux filtres sont branchés en série, l'un comme filtre de travail, l’autre comme polisseur, pendant que le troisième se trouve en régénération ou en attente.
Lorsque le filtre de travail est épuisé, ce qui est indiqué par le conductivimètre, il est automatiquement sorti du système sans fluctuations de pression. Le filtre en attente tient alors le rôle de filtre polisseur.
La régénération du filtre épuisé est entièrement automatique, après quoi le filtre se met en attente. Le sens de rotation du « Merry-go-round » peut être inversé à tout moment, ce qui augmente considérablement la disponibilité de l’installation.
Les filtres à lits mélangés retiennent virtuellement tous les ions et la majeure partie des matières en suspension restantes. Si de plus on fait intervenir des cycles courts, les contaminants sont éliminés avant vieillissement ou décomposition. Des régénérations fréquentes et un travail dynamique préviennent d’ailleurs dans une large mesure le développement de micro-organismes.
L’eau est ensuite envoyée sur une unité de microfiltration équipée de cartouches 0,2 µm.
L’eau distribuée et non utilisée retourne dans la bâche-tampon d'eau traitée.
Les résultats obtenus en départ de boucle figurent sur le tableau 3.
Tableau 3 : Résultats obtenus en départ de boucle
Paramètre |
Résultat |
Conductivité à 25 °C |
0,055 µS/cm |
Nombre de particules (de 0,7 à 0,5 µm) |
4/100 ml |
Nombre de particules (de 0,5 à 0,36 µm) |
48/100 ml |
TOC |
au-dessous de 50 ppb |
Nombres de germes |
au-dessous de 1/100 ml |
Silice |
inférieur à 1 ppb |
En trente mois, l’unité a ainsi produit 1,1 million de m³ d’eau ultra-pure, et cela sans la moindre défaillance.
Conclusion
Il faut souligner que le choix des procédés à utiliser doit être effectué selon des règles très strictes. Le traitement d’eau d’appoint doit notamment empêcher toute introduction d’impuretés dans le circuit dynamique d’eau ultra-pure. Ce dernier doit maintenir une qualité constante quelles que soient les fluctuations de la consommation. Enfin, le dimensionnement des composants doit assurer une marge de sécurité convenable.
Les remarques faites dans notre introduction prennent ici tout leur valeur.