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La rénovation ou le remplacement des stations : comment dépenser mieux en épuration des eaux ?

30 juillet 1990 Paru dans le N°138 à la page 65 ( mots)
Rédigé par : Jean-paul RAOUL et Lionel ROBAUX

La question de la rénovation ou du remplacement des stations d'épuration des eaux se pose à un nombre de plus en plus grand de décideurs.

Le contexte

Selon le rapport sur l'état de l’environnement publié en 1989 par le secrétariat d'État auprès du Premier Ministre chargé de l’Environnement, « La pollution due aux collectivités locales et aux industries raccordées à leurs réseaux représente environ 45 % de la pollution brute organique totale ».

Dans les vingt dernières années, la pollution éliminée, exprimée en équivalents-habitants raccordés à un réseau collectif, a été multipliée par quatre.

La capacité de traitement qui couvrait en 1970 moins d'un tiers des besoins, couvre maintenant quatre-cinquièmes des besoins raccordés.

Toutefois :

  • — 20 % des rejets raccordés ne bénéficient d'aucun traitement,
  • — les stations d'épuration n’éliminent que 70 % de la pollution qu’elles reçoivent, et ne fonctionnent en moyenne qu’à 40 % de leur capacité,
  • — le parc des stations (7 800 environ recensées en fin des années 80) a vieilli en 20 ans. Il est d’ailleurs en diminution du fait du regroupement des petites stations en « unités plus importantes et performantes ». Il comprend encore un nombre appréciable d’installations âgées de 20 ans et plus.

Il faut donc encore investir, mais faut-il construire uniquement du neuf, ou rénover ?

[Photo : Vue partielle de la station d’épuration de Dunkerque.]

Les enjeux

La construction neuve oblige à trouver un nouveau site, compatible avec le réseau existant, et même si l'ancien site permet une plus-value foncière, sa réhabilitation est coûteuse.

Les stations anciennes ont très souvent des capacités inemployées et leurs performances peuvent être considérablement améliorées au prix d’un investissement réduit. Pourquoi dès lors les abandonner ?

Le perfectionnement des normes de traitement conduit lorsque l’on décide de construire neuf à des investissements beaucoup plus élevés qu’à l'origine.

Les moyens étant réduits, n’est-il donc pas préférable d’investir dans l’extension et l'amélioration des réseaux ? Rappelons-le, l’évacuation hygiénique des matières est en effet l’objectif essentiel !

Les études que nous avons réalisées concernant les performances de stations d’épuration anciennes démontrent le plus souvent qu'il existe un gisement important de capacité de traitement facilement exploitable.

1ᵉʳ exemple :

Avant notre intervention en 1982, cette station de Douai, dont les éléments les plus récents n’avaient que quatre ans d’âge, et qui avait coûté 25 MF (valeur 1982), ne fonctionnait que 46 % du temps au rendement prévu. Pour un coût total de 620 KF (soit 2,5 % de l’investissement initial), nous avons pu assurer une amélioration de 20 % des performances sans augmentation des frais de fonctionnement. En d'autres termes, le kg/jour de DBO5 supplémentaire éliminée ne demande qu'un investissement de 3 200 F (à comparer aux 5 100 F/kg jour de DBO5 éliminée consentis lors de l'investissement initial).

2ᵉ exemple :

Cette station de la Communauté urbaine de Dunkerque, dont les éléments les plus récents avaient dix ans d’âge, et qui avait coûté 35 MF, avait perdu 20 % de sa capacité brute, et ne fonctionnait plus en 1988 qu’à 50 % du rendement prévu.

Pour un coût total de 1,5 MF (soit 4 % de la valeur immobilisée), nous avons pu assurer une amélioration de plus de 50 % des performances.

Cela représente une dépense de 1 250 F/kg jour de DBO5 supplémentaire éliminée, à comparer à un investissement d’environ 5 000 F/kg jour de DBO5 en cas de construction d’une nouvelle unité.

3ᵉ exemple :

Cette unité industrielle de produits cosmétiques est contrainte de diviser par dix ses rejets au réseau public ! Construire une nouvelle unité de traitement demande un investissement

de 2,5 MF. Pour une dépense de 200 kF (soit 8 % de l'investissement), on atteint cet objectif.

Ces trois exemples montrent que, n’en déplaise aux ingénieurs, toujours valorisés par des installations techniques neuves, le décideur peut être intéressé par une affectation optimum des sommes destinées à protéger nos ressources.

Comment choisir entre rénovation et construction neuve ?

Bien qu'il ne s’agisse pas d’installations de production industrielle condamnées à disparaître si elles ne peuvent soutenir la concurrence, la question du remplacement des stations d’épuration mérite d’être abordée par le calcul économique car il y a toujours plusieurs solutions possibles dont l'efficacité doit être comparée compte tenu des objectifs et des ressources disponibles.

Nous ne prétendons pas énoncer ici les bonnes pratiques dans ce domaine, mais inciter aux études économiques des projets de protection de l'environnement en s’inspirant des méthodes en vigueur dans l’industrie.

Pour aboutir à des conclusions solides, l'analyse économique doit être évidemment menée après analyse des performances prévisibles des solutions envisageables.

Rappel des méthodes de calcul économique utilisées comme aides à la décision dans l'industrie

Les raisons qui amènent un industriel à envisager le remplacement d’équipements de production sont diverses : leur capacité peut être insuffisante ; il peut y avoir obsolescence fonctionnelle ou économique des installations ou avantage financier à envisager un autre mode de propriété ; mais, souvent, la question se pose lorsque le matériel se dégrade et que les coûts d’entretien s’élèvent sensiblement.

On compare alors les solutions dont l'une peut être le statu quo, en estimant le coût annuel d'utilisation de chacune (somme des dépenses estimées d'exploitation et de l’amortissement économique — et non comptable — des équipements).

L'économie que permet de réaliser la solution la plus avantageuse peut être assimilée à un profit. Connaissant l’investissement nécessaire, on détermine le taux de rentabilité avant impôt correspondant à cette solution. Ce taux est jugé suffisant ou non par l’entreprise compte tenu des alternatives de placements qui s’offrent à elle.

Application de ces méthodes aux décisions concernant l'épuration des eaux

Pour aider à la décision de rénover ou de remplacer une station, on peut procéder de façon analogue, bien que le contexte économique soit différent : l’objectif est ici d’assurer au moindre coût pour les administrés un traitement de l'eau conforme aux normes de rejet.

Envisageons, en toute généralité, trois solutions : le « statu quo », la « rénovation » et le « remplacement ».

Chacune s'inscrit dans une durée qu'il convient d’estimer en tenant compte en particulier des éléments suivants :

  • - les normes de qualité de rejet peuvent changer à terme,
  • - la capacité de traitement peut devoir être augmentée,
  • - le « statu quo » (ou la « rénovation ») doivent être abandonnés dès que les seules dépenses d’exploitation correspondant à ces solutions deviennent supérieures à la totalité des coûts de la solution « remplacement » (y compris amortissements et frais financiers).

Les dépenses d’exploitation sont ensuite estimées sur la période retenue pour le calcul. Le « statu quo », et même la « rénovation » entraînent normalement une croissance plus rapide de ces dépenses, selon une tendance estimée à partir des coûts réels récents.

L'amortissement économique et les frais financiers sont estimés de façon homogène pour les trois solutions :

  • - au « statu quo », ne s’impute normalement qu'un reliquat d’amortissement, fonction de la valeur estimée des équipements en début et en fin de période ;
  • - dans le cas de la « rénovation », s’ajoute à cet amortissement la part correspondant à l'investissement supplémentaire, généralement faible ;
  • - pour le « remplacement », l’amortissement est calculé, comme pour le « statu quo », à partir des valeurs en début et en fin de période.

Pour évaluer chaque solution, on dispose finalement :

  • — du coût total annuel d'utilisation sur la période,
  • — du montant de l'investissement,
  • — et de la performance prévisible (kg/j DBO éliminée), si l'on a procédé à l'étude de fiabilité.

La comparaison des coûts annuels moyens normalisés par les performances (francs par an et par kg/jour de DBO éliminée) fait apparaître la solution la moins coûteuse pour les administrés. Il est également intéressant de comparer ces coûts normalisés de dépollution entre villes et de se donner des objectifs en ces termes.

Le taux de rentabilité interne de chaque solution a également un intérêt : le fait qu'un taux soit positif ne suffit évidemment pas à emporter la décision car il y a compétition de fait entre plusieurs types de projets pour l'attribution des crédits municipaux de protection de l'environnement. Quand il s’agit d’améliorer des fonctions existantes en rénovant des installations ou en les remplaçant, la comparaison des taux de rentabilité interne donne une indication des priorités. Il est également intéressant de comparer les taux de nouveaux projets aux taux historiques admis de fait pour des projets de même type.

La détermination des coûts est déjà une préoccupation courante des décideurs. Mais, pour parvenir au meilleur choix il est indispensable que ces coûts ainsi que les performances prévisibles soient intégrés méthodiquement dans le calcul économique.

CONCLUSION

Arrivant à maturité, le souci de protection de l'environnement au moindre coût des administrés ne peut qu’amener les municipalités à justifier l’économie des investissements envisagés et à contrôler périodiquement la validité des choix compte tenu des coûts et des performances réelles obtenues.

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