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La rénovation des canalisations : une alternative à la réouverture de tranchée

30 mai 1989 Paru dans le N°128 à la page 32 ( mots)
Rédigé par : Éric VANDAME

L'année 1971 vit l'apparition d'un nouveau concept dans le domaine des canalisations : plutôt que d’ouvrir une tranchée pour remplacer une canalisation vétuste, un ingénieur anglais imagina d’en construire une nouvelle à l’intérieur de la conduite existante...

Jusqu'à présent, les problèmes d’étanchéité des canalisations souterraines (joints fuyants, fissures radiales et longitudinales...), de corrosion-abrasion et de résistance mécanique étaient résolus en remplaçant la canalisation dégradée, ce qui nécessitait l'ouverture d'une tranchée, laquelle générait de nombreuses nuisances pour le voisinage (bruit, poussière, durée des travaux), des perturbations du trafic et de l'activité commerciale et industrielle. Le nouveau procédé que nous détaillons ci-après supprime pratiquement tous ces aléas.

Le principe du procédé

Les propriétés des nouveaux matériaux issus de l'industrie du plastique ainsi qu'une technique de mise en place allaient permettre de concrétiser l'invention de la façon suivante :

  • — une enveloppe souple, tubulaire, en feutre, se met en place sous pression sur une très grande longueur par retournement sur elle-même ;
  • — une résine liquide, dont est imprégnée l'enveloppe, durcit en polymérisant.

La canalisation existante sert alors de coffrage (figure 1).

La nouvelle canalisation est ainsi construite sur place, formée « in situ », d’où le nom d'Insituform donné au procédé.

Sur le chantier, l'enveloppe pré-imprégnée est mise en place par inversion sous pression d'eau.

[Photo : Phase 1 : mise en place par retournement sur elle-même d’une enveloppe souple pré-imprégnée de résine.]

La polymérisation (et donc le durcissement) est réalisée par élévation de la température de l'eau (figure 2).

L'opération, avant d’être décidée, doit être précédée d'une étude de faisabilité.

Étude de faisabilité

L’étude de faisabilité fait suite à un rapport d’inspection photographique, vidéo ou de visu, qui permet de déceler les défauts de la canalisation à rénover et l'emplacement des branchements, étant précisé que dans les cas d’effondrement ou de cavité trop importante (supérieure au diamètre du tuyau), il est nécessaire de remplacer la portion de conduite intéressée par l'ouverture d'une tranchée.

Le projet de nouvelle canalisation est établi en tenant compte des considérations suivantes :

  • — la résistance de l'ancien tuyau est considérée comme nulle ;
  • — l'enveloppe de feutre est plaquée (et non collée) sur la conduite existante, la surface inférieure de celle-ci ne pouvant être préparée suivant les règles de l'art. L'ancienne canalisation sert ainsi de coffrage.

La nouvelle canalisation est calculée pour être auto-structurante et résister aux charges statiques et roulantes supportées par l'ancien tuyau. Son épaisseur, et donc sa résistance mécanique, sont calculées pour chaque tronçon.

Les calculs sont basés sur la valeur du module de flexion à long terme (50 ans) en appliquant un coefficient de sécurité de 2.

Les valeurs du remblai et des charges roulantes prises en compte sont celles de l’annexe IV du Fascicule 70 du CCTG, avec les hypothèses les plus défavorables : ovalisation de 5 % (formule de Spangler) et flambage (formule de l'AWWA).

Préparation et imprégnation en atelier

L’enveloppe souple est préfabriquée à l'envers, à partir d'un complexe de non-tissé polyester dont l'épaisseur varie de 3 à 45 mm en fonction du diamètre (de 30 à 1 200 mm, voire plus*). L'une des faces est enduite d’un film imperméable en polyuréthane.

[Photo : Phase 2 : durcissement de l’enveloppe souple par polymérisation à 80 °C.]

sus de manière à réaliser une enveloppe tubulaire étanche et souple dont la longueur, le diamètre et l'épaisseur correspondent à ceux du tronçon à traiter.

Après mise sous vide, l'enveloppe est saturée de résine. Elle passe ensuite entre les rouleaux d'une calandreuse qui assure une imprégnation homogène et contrôlée.

La mise sous vide et le calandrage permettent d’éviter tout phénomène de bullage lors de la polymérisation, et facilitent l'inversion.

Les résines utilisées, étant thermodurcissables, sont stables à température ambiante et permettent de disposer d'un délai d'une dizaine de jours pour la mise en œuvre.

Conduite du chantier

Mise en place de la gaine

L'enveloppe souple est introduite dans le tronçon intéressé à partir d'un regard (ou autre accès).

Au préalable, une extrémité de l’enveloppe, retournée sur quelques mètres, a été fixée sur la plate-forme d'inversion. Un apport d’eau sous pression dans la gaine provoque par inversion le déroulement de l’enveloppe dans la canalisation. La pression la dilate et la plaque contre celle-ci.

Lorsque l’enveloppe se trouve à mi-parcours, sa seconde extrémité est équipée d’un tuyau de caoutchouc destiné à l'introduction de l’eau chaude nécessaire à la polymérisation.

[Photo : Dispositif d’introduction de la gaine.]

(*) Le record actuel est de 2 500 mm dans une brasserie de Saint-Louis aux USA.

L'inversion terminée, le film de polyuréthane se trouve situé à l'intérieur de la gaine, en contact avec l’effluent. Le feutre, quant à lui, est plaqué contre la paroi interne de l'ancienne conduite.

La technique d’inversion pendant la phase souple (avant polymérisation) évite les tractions excessives, les déchirures, le ressuage et le lessivage des résines. Elle permet en outre :

  • — d’assurer une progression contrôlée de la gaine sur plusieurs centaines de mètres* ;
  • — de prendre des coudes atteignant 90° ;
  • — de franchir d’éventuels obstacles ;
  • — d’obturer certains vides de l’ouvrage à rénover ;
  • — d'obtenir une qualité constante de l'exécution sur toute la longueur de l’ouvrage.

Durcissement de l’enveloppe

La phase d’inversion de l’enveloppe étant terminée, le processus de polymérisation peut alors être déclenché. La résine étant thermodurcissable, il suffit de la porter à la température de 50 °C. Le durcissement s’opère par réchauffement de l'eau ayant servi à la mise en place de l’enveloppe.

À cet effet, une chaudière et un dispositif de recirculation de l’eau permettent d'atteindre la température désirée. Le tuyau de caoutchouc, introduit préalablement, sert à acheminer l'eau chaude à l'extrémité de l’enveloppe, l’eau froide étant pompée dans la colonne d’inversion (figure 2).

Après durcissement et vidange de l'enveloppe, les extrémités sont découpées et raccordées aux parois des regards de visite à l'aide de résines à prise rapide. À ce stade, le réseau est remis en service en 24 heures.

La réalisation de la polymérisation par ce procédé permet d’opérer indépendamment des conditions atmosphériques, de maîtriser le déclenchement et le déroulement de la phase de polymérisation et de ne pas être pris de vitesse par le temps de prise des résines lorsqu’elles sont polymérisables à froid, ce qui au total présente une garantie de bonne exécution du chantier.

Réouverture des branchements

Après la polymérisation, il convient de remettre en service les branchements. Deux solutions sont possibles : en opérant soit par l’extérieur, soit de l'intérieur.

Dans le premier cas, l’ouverture d’une tranchée permet de garantir l'étanchéité absolue du raccordement et de reprendre les derniers décimètres du branchement, généralement les plus touchés par cassures, fissures ou déjointements. Son inconvénient est d’entraîner des travaux coûteux qui gênent le voisinage...

L’autre solution consiste à remettre en service le branchement depuis l’intérieur à l'aide d'un robot opérant sous le contrôle d'une caméra de télévision.

[Photo : Réouverture d’un branchement depuis l’intérieur de la canalisation par un robot sous contrôle caméra.]

L’ensemble caméra-robot est amené au droit du branchement (préalablement

(*) Exemples récents sur des tronçons de canalisations d’eaux usées (réalisés en 24 heures) : 325 m Ø 300 à Fresnes-sur-Escaut – 320 m Ø 800 à Carrières-sous-Poissy – 475 m Ø 500 à l’usine Citroën de Metz.

repéré lors de l'inspection initiale). L'opérateur dirige depuis la surface l'outil de coupe (un cône aléseur) et procède au découpage de l'enveloppe (*) (figure 3).

Cette deuxième méthode est rapide, peu coûteuse et n'apporte aucune gêne au voisinage.

Contrôle de la qualité

Au cours de l'exécution, chaque étape du chantier fait l'objet de contrôles suivis, après ceux effectués sur les matières premières et lors de l'imprégnation :

  • — le passage d'une caméra permet de s'assurer de la propreté de la canalisation à rénover ;
  • — en présence de nappe phréatique ou en milieu chimiquement défavorable, la pose préalable d'une enveloppe tubulaire en polyane évite tout contact nuisible à la résine ;
  • — la polymérisation (chauffe et refroidissement) s'effectue suivant le cycle préconisé par le fournisseur de résines ; son suivi est assuré par la mesure et l’enregistrement des paramètres suivants :
    • • température d'aspiration et de refoulement de l'eau ;
    • • pression et débit des pompes d’aspiration ;
    • • température en différents points de l'enveloppe ;
    • • hauteur de la colonne d'eau ;
  • — avant de découper les extrémités, le chemisage fait l'objet d'un test d'étanchéité ;
  • — après mise en service, un contrôle visuel est réalisé par examen télévisé ;
  • — une éprouvette, prélevée sur la gaine, est soumise aux mêmes conditions de polymérisation que celle-ci. Un test mécanique lui est appliqué suivant la norme NFT 57-105 pour vérifier que le module de flexion à court terme de l'éprouvette est supérieur ou égal à l'hypothèse retenue pour le calcul.

L'ensemble du processus a fait l'objet de l'avis technique n° 17/88-22 du Centre scientifique et technique du bâtiment après essais réalisés, non seulement au CSTB, mais aussi au Water Research Center en Angleterre, à l'Université de Berlin et à l'Université de l'UTAH (USA).

Coût de l’opération

Le prix de revient comprend deux éléments :

  • — les fournitures qui sont proportionnelles à la longueur, au diamètre et à l'épaisseur de la nouvelle canalisation ;
  • — les frais de mise en place : ils sont fixes, la durée d’intervention étant pratiquement la même pour un tronçon de 50 ou 500 mètres.

L'addition de ces facteurs amène à conclure (compte tenu des prix des matériaux mis en œuvre) que le coût du procédé, quelle que soit sa profondeur, est équivalent à celui d'une opération de pose par ouverture de tranchée à 1,20 m sous chaussée.

Caractéristiques mécaniques de la résine polyester

Résistance à la rupture 25 N/mm²
Allongement à la rupture 1,5 %
Module d’élasticité 1 700 N/mm²
Résistance à la flexion 20 N/mm²
Module de flexion 2 200 N/mm²
Résistance au cisaillement 50 N/mm²
Dureté Barcol 40 – 45
Température de distorsion à la chaleur 110 °C

Une canalisation sur mesure

C'est le qualificatif que l'on peut appliquer au procédé. La nouvelle canalisation est en effet adaptée à l’effluent, la qualité de la résine (polyester, époxy ou vinyl-ester) étant choisie en fonction de la nature, du pH et de la température de l’effluent véhiculé. De plus, elle s’adapte à la forme (circulaire, ovoïde, rectangulaire, …) et à la longueur de l’ouvrage à rénover. En outre, elle présente les avantages suivants :

  • — résistance à la corrosion et à l'abrasion ;
  • — résistance mécanique ;
  • — étanchéité (les joints sont supprimés sur toute la longueur du tronçon, soit jusqu’à 500 mètres) ;
  • — capacité d’écoulement sensiblement améliorée (même par rapport à une canalisation neuve). La forte diminution de la rugosité des parois internes, ainsi que l'absence de joint, font plus que compenser la faible diminution de section par rapport à l'ancienne canalisation.

Ajoutons que plus de 50 km de canalisations bénéficiant d'une garantie de 10 ans ont été posés en France depuis 1979 pour rénover des réseaux communaux et industriels. Dans le monde, l'expérience acquise dans 47 pays correspond à une longueur de 2 500 kilomètres.

* 90 branchements ont ainsi été réouverts dans une canalisation 200 mm à Hyères. 70 branchements à Berre l'Étang dans une canalisation de Ø 300 mm.

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