Le Lac Hald
Ce lac d'eau douce occupe une superficie de 3,3 km² dans le centre de Jutland près de la ville de Viborg au Danemark. Centre de loisirs, lieu de recherche scientifique, et site historique, il était affecté au début des années 80 d’une croissance anormale d’algues pendant l’été. Cette eutrophisation découlait de l'accroissement continu des apports de substances nutritives, notamment du phosphore. Ces nutrients, amenés par l'affluent naturel du lac, provenaient de trois sources : les effluents domestiques, les rejets de l'industrie de pisciculture, et l'écoulement des engrais de la région agricole autour du lac.
Le Lac Hald, d'une profondeur maximale de 32 m, subit entre mai et novembre une stratification thermique stable. Le développement d’algues se produit dans l'épilimnion (couche supérieure) pendant l’été ; quand les algues meurent, elles tombent au fond et elles se putréfient. Leur décomposition consomme l’oxygène dissous dans l’hypolimnion (couche profonde de l'eau froide). Sans échange entre les couches stratifiées, le taux d’oxygène dans l’hypolimnion chute, jusqu'à épuisement dans certains endroits, ce qui entraîne deux conséquences :
- 1. bouleversement de la vie aquatique et disparition de la faune,
- 2. relargage de phosphore dû à la reminéralisation des algues mortes.
Cette situation conduit à l'accélération de l'eutrophisation et au changement irréversible de la vie et de l'apparence du lac, l'eutrophisation ne pouvant aboutir qu'à l'extinction totale de la vie dans sa partie profonde. C’est pourquoi, en 1984, l'Institut Danois de la Qualité de l'Eau (IDQE), responsable du lac, a décidé de réduire les apports externes du phosphore par les mesures suivantes :
- * amélioration du système d’assainissement établi autour du lac,
- * rachat et fermeture des installations de pisciculture,
- * réduction de l'usage des engrais,
- * prévention des effluents illégaux.
Cependant, ce programme ne prenant effet qu'à long terme, il y avait un grave danger d'extinction de certaines espèces ; c'est pourquoi, au printemps de 1985, l'IDQE a décidé d’injecter de l’oxygène pur dans le lac.
Les biologistes avaient prévu un déficit d’oxygène d’une tonne par jour ; afin de parer à toute éventualité, le système mis en place fut dimensionné pour une injection de deux tonnes par jour ; sa conception et sa construction n’ont duré que cinq semaines.
[Photo : Système d'oxygénation installé dans le Lac Hald.]
Le dispositif d’oxygénation, qui se compose d'un stockage d’oxygène liquide, d’un vaporisateur, et d’un tableau de commande placé en bordure du lac, a été installé dans l'un
des rares sites accessibles aux camions.
Quatre lignes de tuyaux (soit 9 km au total) alimentent six diffuseurs poreux, placés à 20 m et à 30 m de profondeur au fond du lac (figure 1). En 1987, après deux ans de fonctionnement, trois diffuseurs additionnels ont été ajoutés afin d’obtenir une meilleure distribution de l’oxygène.
La figure 2 montre la façon dont le système fonctionne : les bulles d’oxygène sortent des diffuseurs et s’élèvent dans la couche profonde, formant un faible courant ascendant qui ne modifie pas la stratification thermique. Il faut remarquer que les bulles ne se dissolvent pas en totalité et qu’elles doivent être considérées comme perdues ; toutefois il était prévu un rendement de diffusion minimum de 75 % au débit maximum, ce qui a été vérifié en 1986 où l’on a relevé un rendement de 90-95 % au débit horaire de 70 kg d’oxygène.
L’oxygénation continue depuis 1985, limitée à la période qui s’étend de mai à novembre, avec une consommation annuelle d’oxygène qui se situe entre 250 et 300 tonnes.
L’Institut Danois de la Qualité de l’Eau a publié une étude sur le Lac Hald en 1987, laquelle a fait ressortir un arrêt de la détérioration du lac, marquée par une diminution de la concentration en phosphore qui s’est abaissée de 0,5-1,5 mg/l (période 1977-84) à 0,25-0,5 mg/l (années 1985-86). Ce résultat est lié à la combinaison de deux facteurs du programme de « sauvetage » : la réduction des apports de phosphore et l’oxygénation de l’hypolimnion.
L’IDQE effectue une nouvelle étude cette année dont les conclusions seront disponibles en 1994.
La Retenue du Gouet
Depuis sa construction en 1975, la retenue du Gouet permet d’alimenter en eau potable la ville de Saint-Brieuc. Après quelques années de service, on constata que les apports importants des nutriments engendraient l’eutrophisation de la retenue en période estivale, ce qui entraînait de multiples nuisances dans le traitement de l’eau potable :
- – colmatage des filtres,
- – turbidité élevée,
- – variation de pH,
- – variation de l’oxygène dissous,
- – augmentation de l’ammonium, du fer, du manganèse,
- – présence et toxicité de métabolites d’algues.
À défaut d’agir sur les causes, notamment l’usage important d’engrais dans le bassin versant, la ville de Saint-Brieuc a décidé en 1984 d’intervenir afin de réduire l’effet de ces nuisances pendant « l’explosion » algale… Les mesures retenues comportaient l’oxygénation de l’hypolimnion ainsi que l’épandage d’un algicide.
[Photo : Fig. 2 : Fonctionnement d’un diffuseur poreux.]
[Photo : Fig. 3 : Diagramme de principe de l’Isoxal (brevet Air Liquide).]
[Photo : Fig. 4 : Positionnement des oxygénateurs dans la retenue du Gouet.]
L’oxygénation a été réalisée à cette époque au fond de la retenue par trois appareils immergés, de type Isoxal (figure 3), lesquels comportent essentiellement un cône où l’oxygène est dissous dans l’eau pompée ; l’eau suroxygénée sort des tuyaux à faible vitesse pour éviter de bouleverser la stratification thermique. Deux appareils auraient été capables de dissoudre la quantité d’oxygène requise, mais l’étendue de l’hypolimnion (1 500 m) nécessitait la mise en place de trois points d’injection (figure 4).
L’oxygénation de l’hypolimnion du Gouet, qui entraîne en moyenne l’utilisation de 70 tonnes d’oxygène par an, continue depuis 1984. Dans son rapport annuel sur la situation de la retenue, le Conseil Général des Côtes-d’Armor retient trois conclusions :
- – les teneurs en oxygène dissous sont nettement supérieures à celles qui existaient avant le début de l’opération ;
- – le relevé du profil vertical des températures confirme que la stratification thermique est bien conservée pendant l’oxygénation ;
- – l’oxygénation se révèle efficace par rapport au relargage d’éléments tels que les phosphates (maximum de 0,15 mg/l au fond de la retenue sur le Gouet et 2 mg/l au fond des autres retenues départementales non équipées).
La Carrière de Cabassi
La carrière de Cabassi se trouve en milieu urbain, dans un quartier périphérique de Milan, en Italie. Elle mesure 400 m par 200 m avec une profondeur moyenne de 10 m ; elle a servi de décharge pendant plusieurs années et la décomposition anaérobie des matières organiques entraînait de mauvaises odeurs ainsi que le noircissement de l’eau. Le débit des apports en eau douce ne dépassait pas 200 l/s, valeur trop faible pour permettre l’élimination des sulfures et des odeurs. Les habitants du quartier voulaient assainir la carrière pour éventuellement y créer un centre de loisirs ; le club local de pêche s’y intéressait aussi. Il devenait donc nécessaire de réoxygéner l’eau jusqu’à saturation afin d’oxyder les sulfures et de restaurer les conditions aérobies.
Air Liquide a mis en place à cet effet son système d’injection utilisant des tuyaux perforés.
Le traitement a consisté à injecter 20 tonnes d’oxygène pendant une durée de 20 jours.
À la suite de cette opération, on a observé des résultats bénéfiques :
- – disparition des sulfures,
- – élimination des mauvaises odeurs,
- – amélioration marquée de la couleur de l’eau,
- – maintien de l’oxygène dissous dans toute la carrière.
Pour entretenir l’élimination des odeurs, l’injection d’oxygène a été poursuivie, à raison de 5 tonnes par mois.
[Photo : Fig. 5 : Schéma du Ventoxal (avec pompe immergée).]
Le Canal de l'Ourcq
Par suite d'un déversement accidentel de 2500 m³ de liquide sucré survenu le 4 octobre 1992, le Canal de l'Ourcq (à Paris dans le 19ᵉ arrondissement) a subi une grave pollution qui s'est dirigée lentement vers la Seine. La décomposition de la matière organique provoquant une chute brutale de la teneur en oxygène dissous et par conséquence la mort de nombreux poissons, la Direction de la Protection de l’Environnement de Paris, dans le but d’éviter une pollution du fleuve, a demandé le 6 octobre à Air Liquide d'injecter de l’oxygène pur dans le Canal de façon à favoriser la prolifération des bactéries et la dégradation de la matière organique.
Dès le 7 octobre un système d'injection composé de deux tuyaux perforés et d'un appareil Ventoxal (figure 5) était mis en place permettant un transfert important avec un bon rendement. Le système était déjà en marche depuis 24 heures (injection totale de 9 tonnes) lorsque la nappe polluée a atteint le point d’injection.
Les mesures effectuées ont mis en évidence l'effet de l'injection d’oxygène sans toutefois pouvoir déterminer le volume de pollution traitée. Il faut noter que ce résultat est dû à la rapidité de la mise en place des moyens opérationnels, ce qui représente une réelle performance.
Conclusion
D’après les nombreuses références de réoxygénation des eaux citées dans la littérature, l'efficacité de la technique est acquise, et de plus l'environnement est respecté.
Pour sa part, Air Liquide a mis au point des systèmes de réoxygénation caractérisés par leur souplesse et leur sécurité de fonctionnement, un haut rendement de transfert en oxygène, et des dimensions peu encombrantes. Ainsi ces installations, qu’elles soient à poste fixe ou mobiles, s'intègrent-elles parfaitement dans le milieu naturel.
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